Les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 5. Le Taiseux

L’homme que j’aime dit souvent de lui « Je suis un taiseux… ».
Il m’a fallu deux ans pour comprendre son fonctionnement sur ce point.
Deux ans pour réaliser que son manque de mots n’intervenait qu’à certains moments bien précis, et non dans chaque domaine de sa vie.
Deux ans pour assimiler et accepter le fait que l’Homme et la Femme ne réagissent pas de la même manière sur ce point.

Lorsque je l’entends, au téléphone, ou le voit parler avec ses collègues, ses partenaires de travail ou ses amis, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il n’a rien d’un taciturne.
Au contraire, c’est un véritable orateur. Il a de la contrepartie, un vocabulaire riche, un humour qui vient saupoudrer ses phrases, le tout servi par une voix magnifique. (non, non, je le répète: je ne suis pas partiale!)
Avec le temps, j’ai réalisé le rôle qu’il tient auprès de ses collègues dont beaucoup l’appellent simplement pour prendre conseil ou partager leurs états d’âme.

En l’écoutant dans ces moments-là, je me dis qu’il est l’inverse d’un taiseux…
Et je dégouline de fierté face à son aisance.

Pourtant, il ne ment pas.
Tout au long de notre histoire, nous avons eu à affronter des moments très difficiles.
La situation semblait sans issue, il nous fallait une force colossale pour tenir bon et, surtout, pour apprendre à nous connaître et comprendre les réactions de l’Autre.
Grâce à cet amour profond qui nous pousse depuis le début l’un vers l’autre, je crois que jamais, ni lui ni moi n’avons autant évolué et avancé dans notre connaissance de l’autre sexe.

J’ai découvert très vite que 40 ans de vie d’homme l’avaient poussé à se réfugier dans sa grotte dès qu’il se sentait blessé, mal compris, mal écouté, mal aimé.
J’ai compris qu’il n’avait pas l’habitude d’échanger, de se confier, de « dire »…
Il a fallu longtemps…
Il a fallu d’abord qu’il se laisse apprivoiser, comme il a dû le faire pour moi sur d’autres plans.
Il a fallu qu’il me laisse pénétrer dans cette triste grotte de silence et de solitude.
J’y suis d’abord restée sans rien dire, juste en étant là, près de lui.
Je comprends qu’il en sortait toujours déprimé. Il voyait là se poser sur lui ce que j’appelle les grands papillons noirs.
Il a progressivement accepté ma présence dans les pires moments, n’est plus parti en claquant la porte pour fuir les mots…
Puis je lui ai demandé, doucement, d’exprimer ses douleurs plutôt que de les laisser sortir de lui à travers des gestes de souffrance ou de désespoir aussi intenses que ceux d’un enfant.
Ensemble, nous avons laissé entrer le soleil dans sa grotte, nous en avons refait la déco!
Il n’y retourne plus que très rarement…

Jamais je n’ai vu personne effectuer sur lui un travail tel que celui qu’il a accompli.
Il a lutté contre lui-même, a appris au jour le jour à réagir différemment, à utiliser d’autres moyens de communication que ceux qui étaient les siens jusque-là.
Il a aussi et surtout appris à avoir confiance, à me considérer comme une partenaire à part entière…

Pourquoi la société apprend elle à nos garçons qu’ils doivent devenir des hommes solides, endurcis, ne pas pleurer, assumer toutes les difficultés de leur vie sans se plaindre, seuls?
Et pourquoi trop de femmes pensent-elles encore qu’elles doivent leur attribuer le rôle unique de protecteur, de pilier responsable du quotidien?
Il a fallu défaire avec lui ce tissage de préjugés, lui faire comprendre que toute cette douceur, cette tendresse, ces qualités subtiles qu’il a en lui ne sont pas une fragilité mais une force.

Un long chemin, parfois douloureux, au cours duquel il a parfois eu des soubresauts qui nous faisaient mal à tous les deux.
Soubresauts auxquels je ne réagissais sûrement pas toujours bien non plus… étant plutôt sauvage de nature, moi aussi.
Mais un chemin passionnant, que, peut-être, nous n’aurions jamais pu effectuer si nous avions eu 20 ou 30 ans…
Qu’on le veuille ou non, l’être humain homme ou femme n’arrive pas complet à l’âge adulte.
Ce ne sont que nos expériences et nos rencontres qui font de nous ce que nous sommes et nous permettent de recevoir les cadeaux de la vie.

Cet amour qui nous a été donné, nous l’avons reçu comme un service en cristal extrêmement fragile, à préserver à tout prix.
A vingt ans, jeunes, turbulents et plus axés sur nos propres personnes, nous l’aurions sans doute cassé…
Ou, pire, nous l’aurions laissé prendre la poussière…
Et la poussière du temps… c’est l’un de nos ennemis majeurs.

Il a fallu beaucoup d’amour et de patience, à lui comme à moi, pour accepter l’Autre dans toute sa sensibilité, dans ses faiblesses et ses craintes.
Pour comprendre que le dialogue et l’amour sont la clé de tout.
Mais quel bonheur fabuleux de nous retrouver à chaque fois, de savoir que nous avions encore avancé ensemble…
Chaque erreur que nous commettions, nous savions que nous ne la répéterions pas.
Une seule règle d’or: apprendre à se parler et faire en sorte qu’aucun de nos mots ou de nos gestes ne blesse l’autre.
Avec 900 km de distance et des vies compliquées, c’était loin d’être gagné…

Aujourd’hui, ni lui ni moi ne sommes semblables à ceux que nous étions il y a près de trois ans, au moment de notre rencontre.
Nous avons grandi….
Et cette multitude de petits riens que nous avons partagés ont tissé une nuée de liens de plus en plus solides entre nous.. la trame de notre histoire.

Par-dessus tout, lui, mon « taiseux », a appris à utiliser les mots qu’il n’avait jamais prononcés.
Ces mots d’amour qui lui semblaient vains ou désuets…
Aujourd’hui, c’est à peine s’il a gardé une certaine pudeur.
Il y a encore quelques mois, il les murmurait plus facilement qu’il ne les disait.
Aujourd’hui, il n’en est plus avare…
Il a compris qu’en m’exprimant ce qu’il ressent lui aussi au fin fond de son être, il me pose des étoiles dans les yeux.
Pas simple pour lui: en femme digne de son nom, j’ai un besoin infini de lui entendre dire des milliers de fois dans la journée les mots qui boostent, qui rendent heureux.
Alors que lui, en homme digne de son nom itou, ne comprend pas toujours ce besoin insolite. Mais l’accepte…

Sur la façon de nous exprimer, nous, Hommes et Femmes, sommes très, très différents.
Même avec énormément d’amour partagé, il ne faut pas croire que tout viendra tout seul, sans effort.
Il faut de l’attention, des compromis, de l’écoute, de la compréhension.
Mais c’est tellement passionnant, tellement enrichissant lorsque les deux partenaires ont la même envie de trouver l’harmonie, que cela renforce encore le lien….

Notez que… bien au-delà de ce que je peux écrire, il a du mérite, et ne se laisse pas faire.
Exemple, ce dialogue.

- Mon coeur, tu me trouves horriblement pénible?
- Houlààààà…. oui!
- Tu le penses?
- Non
- Je t’aime…
- Je t’aime aussi… Plus!
- Dis, que suis-je pour toi?
- heu…
- ?
- Mon emmerdouilleuse adorée!

Moralité?
Hum.
Lui Tarzan, moi Jane.

Martine Bernier

Une Réponse à “Les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 5. Le Taiseux”

  1. richard alias pyxosledisciple dit :

    Cela me rappelle étrangement quelque chose – sourires !

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