Rotary: mes amis…
Lorsque l’on m’a demandé de rentrer au Rotary, il y a sept ans je crois, j’ai accepté sans trop savoir pourquoi.
En fait, si je savais vaguement qu’il s’agissait d’un club service, je n’en connaissais pas les détails d’organisation.
Je craignais un mouvement huppé, j’avais entendu parler de son côté très sélectif, et je ne me faisais aucune illusion sur ce qui m’attendait.
Pourquoi ai-je dit oui? Toujours par crainte de passer à côté d’une expérience intéressante à vivre, je pense.
Je pensais que, trop lunaire, je ne cadrerais pas avec le groupe, mais j’ai voulu essayer.
Je ne l’ai pas regretté.
Je me souviens encore très bien de notre première rencontre.
Le club était naissant (le RC Chablais.ch), il était composé d’un petit noyau de personnes auxquelles j’ai été présentée un jeudi soir, sur une terrasse de St Maurice (CH), un peu intimidée.
Petit à petit, chacun a fait sa place, a pris ses marques.
Pour ma part, je l’ai fait en proposant d’écrire un bulletin un peu différent, plutôt informel, qui me ressemblait.
Par chance, l’initiative a plu et j’ai pu continuer à m’amuser à le rédiger régulièrement, encadrée par mes talentueux bras droits qui me remplaçaient dès que c’était nécessaire.
Je me suis autoproclamée « scribe-ouillarde », respectant à peu près les codes pour relater les parties officielles, et délirant joyeusement dans ce que j’avais baptisé le papotin.
Le bulletin a fait son nid. Et moi aussi.
Les années ont passé. Les amitiés sont nées. Les rendez-vous du jeudi étaient toujours des moments de franche camaraderie, de gaieté, parfois de profondeur et de gravité.
En dehors des réunions, certains d’entre nous se retrouvaient en fonction des affinités, nous nous rendions de menus services, le tout en développant, au sein du club, des activités altruistes.
C’est dire si j’appréhendais la soirée d’hier.
Je suis à un tournant majeur de ma vie.
Et cette fois, il fallait en parler, alors que je suis à dix jours de quitter la Suisse définitivement.
Dans un premier temps, j’avais imaginé demander à mon ami Philippe de lire pour moi une lettre écrite à l’intention des membres du club, en dehors de ma présence.
Je crains les fortes émotions, un peu trop sensible à mon goût.
Mais j’ai réfléchi. Le fait d’être mon ami n’impose pas à ce malheureux garçon de devoir endosser ce genre de corvée à ma place.
Et puis… je trouvais assez lâche de ne pas assumer, de ne pas aller jusqu’au bout.
Je les aime. Je leur devais bien de faire l’effort de parler moi-même.
Je devais ce soir-là présenter mon dernier livre sorti.
Il y a quelques jours, j’ai adressé un mail à chacun pour expliquer que, s’ils le voulaient bien, je préférerais leur parler du changement qui allait intervenir dans ma vie.
Hier soir, donc, ils étaient nombreux à s’être déplacés pour m’écouter.
Rien que cela m’a mis le coeur à l’envers lorsque je suis entrée dans la salle.
Après les bisouillages traditionnels et l’ouverture de la séance, est venu le moment de me donner la parole.
Je crois que c’est la première fois que je me levais pour parler. Preuve, s’il en est que j’avais vraiment quelque chose d’important à dire!
Avez-vous déjà ressenti cette sensation bizarre, cette envie de ne pas être là où vous vous trouvez?
Un peu comme si vous vous sentiez pousser l’âme d’un lapin prêt à entamer le sprint de sa vie, direction Groenland en une seule étape.
C’est très exactement ce que j’ai ressenti lorsque je me suis levée.
J’ai horreur des discours, des grandes phrases creuses, des effets de manche.
J’ai expliqué simplement ce qui se passait dans ma vie et j’ai annoncé mon départ imminent en peu de mots, le plus sobrement possible.
Il y a eu un silence. Je les ai regardés. Je crois n’avoir jamais vu autant de regards tristes et ahuris braqués sur moi.
J’ai essayé de détendre l’atmosphère en ajoutant: « Heu… et à part ça, ça va? »
Il y a eu des questions, auxquelles j’ai répondu, des réactions empreintes de tendresse, d’affection, d’amitié.
J’ai évidemment été au bord des larmes plusieurs fois, moi qui suis mortifiée de montrer mes émotions en public.
On ne se refait pas!
Je crois que le moment qui m’a le plus bouleversée a été celui où ils se sont tous levés pour m’applaudir.
Je ne me souviens pas qu’ils l’aient fait pour quelqu’un d’autre avant ce moment.
Je ne méritais pas cela, mais j’ai été profondément touchée. Et je le suis encore.
Aujourd’hui, à quelques jours de mon grand départ, je suis remplie de sentiments contradictoires.
Ils savent que je les attends, que nous les attendons dans le nid, à 15 minutes de Guérande.
Ils savent aussi que j’aurais le coeur lourd de ne pas les voir débarquer, avec leur fromage à raclette et leur chocolat Suisse, dans ce quartier au nom surréaliste de « Longue Haleine ».
Je leur dois sept années d’amitié. Et je n’ai pas du tout envie que cela finisse…
Martine Bernier
Cela me rappelle quelques dialogues du film les Ch’tis qui dit, en substance, que l’on pleure deux fois avec les Ch’tis, quand on arrive et quand on part !
Et bien il semble que cela ne soit pas spécifique aux gens du Nord – merci Enrico – ?
Ta grande modestie n’a d’égale que ta profonde gentillesse…et notre très grande tristesse…tu vas nous manquer…
Martine, j’ai découvert ce soir ton blog. Merci, merci !
Tu est ici, avec nous, et comme tu ne sera à l’autre bout de la terre, on se reverra !
@ plus,
vivi