les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 6. Le courage.
Depuis que le monde est monde semble-t-il, une phrase circule, qui ressort régulièrement:
« Les femmes sont fortes et les hommes manquent de courage ».
Pour moi, c’est la maxime qui fâche. Celle qui doit rejoindre les phrases et les mots interdits, dans le placard.
Elle est prononcée de plusieurs façons différentes, selon l’humeur de celle (plus souvent celle que celui, hé oui!) qui l’utilise.
- En soupirant ou en gémissant, comme sous le poids d’une fatalité écrasante.
- Sur un ton furieux, comme si tous ceux qui entraient dans ce schéma méritaient d’être occis.
- En souriant d’un air condescendant… « hé oui, que voulez-vous, ils sont comme cela, mais on les aime quand même… »
D’une façon comme d’une autre, la phrase m’énerve.
Quand je le dis, j’ai droit à: « Mais c’est vrai! Cela se vérifie! »
Evidemment que cela se vérifie forcément une fois ou l’autre! Tout homme et toute femme, tout sexe confondu, a l’occasion au moins une fois dans son existence de vivre une situation face à laquelle il ou elle réagira avec plus ou moins de force.
Cela ne veut pas dire que tous les hommes sont… et toutes les femmes sont… et gnagnagna, comme il dirait.
Ou alors, le monde entier a raison dans ce cas, et j’ai tort.
Mais je suis convaincue que chaque personnalité est différente, que certaines sont plus solides que d’autres auxquelles il faut plus de temps pour réagir, pour affronter les événements.
Quand une personne réagit vite et une autre plus lentement, la première risque en effet, par impatience, de trouver que l’autre manque de courage.
C’est une conclusion si facile à atteindre…
Je le regarde, et j’apprends.
Nous fonctionnons de façon différente, c’est certain, même si nous nous ressemblons énormément.
Je ne pense pas que ce soit lié à nos sexes respectifs, mais à nos caractères, à nos vécus, à mille détails qui font qu’il est lui et que je suis moi.
Il est l’eau, je suis le feu… et il ne m’éteint pas.
Il me faut moins de temps que lui pour assumer certaines choses.
Mais devant de nombreuses situations, c’est lui qui trouve les solutions, qui prend les problèmes à bras le corps.
Il dompte le côté concret de la vie, trouve des solutions pratiques à tout, est toujours là où je l’attends, fidèle, quel que soit son état.
Je maîtrise l’invisible, je brise les murs, je réinvente la vie, je crée des ponts, il les construit.
Il est comme un athlète: il a besoin de se reposer et de reprendre des forces entre deux épreuves.
Je suis comme un oiseau migrateur: je ne m’arrête de voler que lorsque je suis épuisée.
Mais… nous arrivons au même endroit. Simplement pas toujours au même moment…
Son courage se révèle à travers des dizaines de décisions, d’interventions et de gestes quotidiens.
Un courage tranquille, empreint d’amour.
Le courage se mesure à l’aulne de la difficulté et de la douleur qu’implique une décision.
Les gestes de courage ne se comparent pas.
J’apprends…
Je regarde son combat, ses combats. Sa façon de se battre contre lui-même, de tenir compte de moi dans ses décisions, de rassembler ses forces à chaque étape pour avancer encore et encore, pour s’engager…
Son courage, je l’admire.
Le mien est plus spectaculaire… mais pas plus important. J’ai trop besoin d’harmonie pour supporter les situations peu claires.
Donc je réagis en conséquences.
Pourtant, la fameuse phrase gnagnagnante ne me concerne pas non plus.
Je ne suis pas forte: je me tais simplement quand j’ai mal. Et je pleure souvent quand je suis seule.
Ma chienne, peut en témoigner, elle qui me regarde exprimer mon chagrin l’air compatissant, les oreilles en arrière, me prenant visiblement pour un animal attardé qui aurait bien besoin d’un vétérinaire.
Parfois, lorsque nous parlons des décisions que nous devrons encore prendre pour assurer notre avenir, il arrive que nous nous fassions mal sans le vouloir.
Chacun de notre côté, même si nous ne nous quittons jamais sans tendresse, nous en souffrons.
Des messages partent alors dans la nuit:
« je ne dors pas, notre conversation me tourmente… je t’aime… »
« je ne dors pas non plus, mal aussi. Je vais trop vite… pardonne-moi… je t’aime… »
Puis nous en reparlons, nous nous posons et nous repartons, mieux armés pour la suite.
C’est ainsi que nous fonctionnons.
En principe, ce genre de micro crise fait office de prise de conscience, des deux côtés, et nous permet d’avancer mieux, en tenant davantage encore compte de l’autre.
« La femme est forte, l’homme manque de courage… »
Envie de lui tordre le cou, à cette petite phrase-là.
On ne peut pas tordre le cou aux mots.
En revanche – sourire béat – on peut envisager de scalper celles ou ceux qui les prononcent!
Martine Bernier
Je relis ce texte souvent. Chaque homme ne peut être que très touché en le lisant. Vous aviez une telle confiance en Alain. Vous le défendiez avec une confiance si absolue, et je sais qu’il vous arrive encore de le faire. Quand on sait ce qu’il vous a fait, c’est épouvantable. On sent toujours une cassure terrible dans vos textes d’aujourd’hui, même si vous faites preuve d’une grande pudeur. J’espère qu’il n’a pas réussi à casser l’opinion que vous aviez des hommes. Nous ne sommes pas tous comme lui.