Les « ex » et les « nouveaux »

Dans la série « les mots que je déteste », il en est deux qui tiennent la palme: les « ex » et les « nouveaux ».

Quand vous arrivez au terme d’une histoire et que vous en entamez une autre, le vocabulaire de certaines personnes qui vous entourent évolue.
En quelques jours, celui qui a partagé votre vie pendant des années et auquel vous tenez toujours devient votre « ex ».
Et l’homme que vous aimez devient « le nouveau ».
Deux blessures.

Par bonheur, tout le monde ne manque pas de délicatesse, et n’utilise pas ce genre de termes au détour de chaque phrase.
Face à ceux qui ont le malheur de le faire, je réagis.

Je n’ai pas « d’ex » dans ma vie, et je n’en aurai jamais.
Il y a des êtres que j’ai aimés, dont certains que j’aime encore, avec lesquels j’ai partagé de belles histoires, et qui ont toujours une place plus ou moins importante dans mon coeur.
Ce petit mot de deux lettres qui les catalogue dans un passé poussiéreux ne franchit pas la barrière de mes lèvres.

« Mais alors comment les appelles-tu?! », me demande-t-on?
Question un peu bête… ils ont un prénom et ne l’ont pas perdu en cours de route.

Ce cas réglé, l’autre mot honni est lié à la place la plus difficile à tenir pour celui ou celle qui s’en voit affublé: « Le nouveau ». Ou « la nouvelle »…
Dans mon cas, c’est celui qui, dans l’esprit de certains, « prend la place de », « nous enlève notre amie », l’intrus dont on ne sait pas si l’on peut lui faire confiance.

C’est le souci actuel auquel je suis confrontée dans mon quotidien, à présent que la nouvelle de mon prochain départ a été annoncée.
Un souci qui me tourmente… parce que, si je peux le comprendre, je n’aime pas le regard que ceux qui me sont chers peuvent poser sur cet inconnu (pour eux!) que j’aime.
D’autant que, même s’il est très digne et ne veut pas me faire de peine, je sais qu’il en souffre.

Une petite mise au point s’impose donc.

Le « nouveau » ne s’appelle pas « nouveau ».
Il s’appelle Alain. Ce qui permet, du même coup, d’aller ranger le mot banni au placard avec les « ex », pour ne plus jamais l’en sortir.

J’ai toujours été plutôt réfléchie, du genre à passer des heures à méditer sur un sujet sérieux, sur une décision à prendre.
Je n’ai pas brutalement changé il y a bientôt trois ans, lorsque je l’ai rencontré, perdant en trois minutes jusqu’au dernier de mes neurones.
Je n’ai pas tout à coup troqué ma personnalité contre celle d’une adolescente, ni ma faculté de réflexion contre une tête de linotte soldée.
Non, l’amour ne rend pas forcément idiot.

Durant ces années, lui comme moi nous sommes posé des milliers de questions, avons été plus d’une fois sur le point de nous séparer, avons profondément souffert, parfois à nous en rendre malade, de vivre un amour interdit.
Ni lui ni moi ne l’attendions. Ni lui ni moi ne sommes doués pour cela.
Nous ne sommes ni roués, ni malhonnêtes, ni infidèles de nature.

Mais il a fallu se rendre à l’évidence. Il ne s’agissait ni d’une passade, ni d’un caprice.
Plutôt un cadeau somptueux que la vie ne fait qu’une fois, et encore, pas à tout le monde.

A ceux qui m’aiment et qui sont inquiets de ne pas savoir s’il est fiable, j’ai envie de répondre.
Pensez-vous que je quitterais tout ce qui fait ma vie depuis plus de 30 ans si je n’étais pas absolument sûre de lui comme de moi?
Pensez-vous que je ferais un tel saut dans l’inconnu à bientôt 50 ans, si ce que je vivais avec lui n’était pas exceptionnel, si le lien qui nous unit n’était très particulier?

Je comprends les peurs, les appréhensions. Même si je les combats avec véhémence, car je sais qu’elles n’apportent rien de bon.
La peur est souvent liée à l’inconnu… le concret rassure.

Alors, je vais mettre des mots sur celui qui m’attend.
Pour ceux qui ignorent encore que c’est un homme de bien et qui s’y intéressent.

« Le nouveau » mesure 1,86 mètres et a la carrure d’un rugbyman… qu’il a été d’ailleurs.
Il aime ce que j’aime: l’Histoire, la peinture, la musique sous toutes ses formes, les destins fascinants, les beautés de la nature et de l’architecture.
Il aime me faire découvrir son pays en me racontant l’histoire des lieux, les traditions, les légendes…
Epicurien, il aime la bonne cuisine, simple et chaleureuse, le bon vin, l’humour sous toutes ses formes, du moment qu’il n’est pas vulgaire.
Il a un penchant pour Napoléon et les hommes qui ont fait avancer le monde.
Il a en lui un univers de qualités qu’il ne livre pas en vrac au premier venu.
Discret et pudique sous des dehors accueillants et agréables, il séduit par sa gentillesse, sa serviabilité, sa tolérance.
Il n’aime pas les gens grossiers, a horreur que quelqu’un lui dicte sa conduite, a l’esprit vif et acéré.
C’est un organisateur né, il a le sens de la répartie…
Il n’est pas né, celui qui lui fera prendre des vessies pour des lanternes
Il me rend heureuse…

Il met du temps à prendre certaines décisions, oui.
Car il n’a rien de futile en lui.
Cela veut-il dire qu’il ne s’engage pas? Non.
Son nom figure à côté du mien sur les papiers nécessaires à mon installation.
Il est déjà à moitié avec moi. Il est monté au créneau pour que mon arrivée se passe au mieux.
C’est lui qui assume la grande majorité des démarches administratives à effectuer sur place.
Cette énorme étape faite, il faut maintenant qu’il se remplisse de force pour assumer la suite.

Je ne rentrerai pas dans les détails.
Il n’y a ni « ex » ni « nouveau » dans ma vie.
Il y a deux hommes bien.

Martine Bernier

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