Le jardin et moi: rencontre du troisième type…
1 avril, 2009Pour la première fois de ma vie, depuis que j’ai emménagé dans ma nouvelle demeure, me voici co-responsable d’un jardin, avec Alain. Je dirais même un grand, un très grand jardin.
Pour une gamine née en pleine ville, qui, durant son enfance, n’a connu qu’une bande de terre d’un mètre sur quatre parsemée de tulipes rachitiques, et qui allait se cacher sous le lierre grimpant de son oncle, pour y attendre Tarzan, convaincue de se trouver en pleine jungle, le contraste est saisissant.
Dans notre jardin, donc, se trouvent huit arbres fruitiers, une haie plus grande que moi, une interminable ligne de rosiers, des arbustes en fleurs, des massifs de… heu… de je ne sais pas trop quoi, en fait, et des fleurs un peu partout, parmi lesquelles des jonquilles et de la lavande. Détail amusant: Alain est allergique à la lavande. Enfin quand je dis amusant…
Pour lier artistiquement le tableau, une pelouse. Enfin… de l’herbe. Une vaste, très vaste étendue verdoyante.
Quinze jours après mon arrivée, il a fallu faire face à la terrible réalité: l’herbe, ça pousse. Ca pousse même très vite. Si je ne veux pas que Scotty prenne des allures d’antilope bondissant dans la savane, il faut agir, et agir vite.
Alain et moi avons donc étudié les solutions qui s’offraient à nous.
1. Nous lancer dans des incantations pour que le ciel consente à raccourcir la pelouse de lui-même.
2. Mettre un âne dans le jardin et le nommer régisseur.
3. Trouver une bonne âme pour prendre en charge la destinée de notre domaine.
4. Acheter une tondeuse et me laisser crapahuter joyeusement parmi les touffes d’herbe.
Nous avons attaqué notre programme avec le plus grand sérieux.
Pour les incantations, n’essayez pas: cela ne fonctionne pas. Le ciel a même été jusqu’à nous narguer. Deux jours après notre intervention, la pelouse ressemblait à la tignasse d’Antoine, au temps de ses élucubrations.
La deuxième solution, soufflée par moi, n’a pas immensément enthousiasmé Alain. Sortir Scotty, d’accord. S’occuper d’un âne… je lui suffis.
Nous avons donc fait appel à un professionnel dont nous avions trouvé une publicité alléchante, et l’avons convié à nous rendre visite pour nous proposer un devis.
Aimable et sûr de lui, l’homme, béret planté sur le sommet du crâne, a fait le tour du jardin au pas de charge, faisant des commentaires sur le travail à effectuer . Rien que l’écouter nous a mis la puce à l’oreille. Inquiétant…
Il est ensuite passé à la partie délicate de l’opération: nous annoncer ses tarifs. L’œil innocent et la bouche en cœur, il nous a appris que, pour dix visites de 4 heures (mais la 11e est offerte!) il nous en coûterait 1200 euros… au lieu de 1400, va, il est bon prince. Et puis « si vous recevez du monde le samedi et que vous réalisez que votre pelouse n’est pas nickel, je peux vite passer. Mais bien sûr, en tarifs de week-end… »
Oui, bien sûr… Et il est parfaitement clair que nous sommes du genre à faire tondre la pelouse une heure avant de recevoir des amis, pour faire chic, tiens…
Je n’ai pas envie de mettre Alain mal à l’aise. J’ai donc retenu les deux réflexions que je mourrais d’envie d’exprimer: « Heu… je peux avoir le vague espoir que vous parlez en francs suisses? » et « Excusez-moi, nous avons besoin d’un jardinier, pas d’un avocat… Si vous me le permettez, je m’évanouis et je reviens. »
Je n’ai rien dit. Je suis extrêmement sage depuis que je suis ici.
Quand le monsieur est parti, non sans nous avoir averti qu’il fallait le rappeler rapidement car son planning se remplissait à vue d’œil, l’homme que j’aime et moi avons échangé un regard entendu. Visiblement, nous pensions la même chose… La longue visite que j’ai dû faire à un médecin depuis mon arrivée m’a coûtée très exactement 22 euros, avec consultation complète. Quel est donc ce pays où le tarif horaire d’un jardinier est plus cher que celui d’un médecin?!
Alain m’a dit:
- Bon, on demande un autre devis?
- Oui!
J’attends le deuxième homme pour la semaine prochaine. Mais cette fois, je sais à quoi m’attendre…
Nous reste éventuellement la dernière solution: acheter une tondeuse à gazon.
Si je n’ai jamais tondu une pelouse de ma vie, Alain, lui, connaît l’exercice.
Il m’a donc dit: « Je crois que tu ne te rends pas très bien compte que c’est assez physique. Je la tondrai moi-même, la pelouse. »
Hum. Connaissant l’importance de ses problèmes de dos, c’est exclu.
Seulement voilà, je sais que, bien souvent, lorsqu’il me met en garde, il a raison.
C’est parfaitement horripilant, mais c’est ainsi.
Nous attendons donc le devis du Messie avec anxiété.
Et si Messie a lui aussi des velléités de paie de ministre, nous complèterons son intervention par la mienne, nettement plus artisanale, mais moins onéreuse. Je mettrai peut-être deux jours complets là où il mettra une heure, mais bon, nous ne sommes pas pressés.
A moins que… ôtez-moi un doute…
Quelle est exactement la vitesse de croissance d’un brin d’herbe, déjà?
(à suivre…)
Martine Bernier