Allergie aux week-end
26 avril, 2009Depuis des mois et des mois, plus de deux ans, je déteste les week-end. Parce qu’il ne les passe pas encore avec moi. Ce samedi-ci était un jour particulièrement triste après une nuit au diapason. Comme à chaque fois que je vais mal, je me terre au fond de ma grotte. Et le soleil a beau essayer de me dérider, je vois la vie en noir. C’est ainsi…
Tout à coup, on a sonné. Scotty a fait un saut de carpe, elle qui dormait en ronflotant sur les pantoufles d’Alain. Je l’ai attrapée et nous avons ouvert la porte pour nous retrouver face à Frédéric, notre voisin. Il m’apportait des huîtres qu’il avait pêchées le matin même, pour que je puisse les partager avec Alain, lundi soir. Frédéric, c’est le Père Noël en avril. Autant de gentillesse et de générosité me désarment. Et quand je le lui ai dit, il m’a répondu, presque un peu gêné: « On est comme ça… Ah, tiens, demain, s’il fait beau, nous ferons des grillades. Tu veux te joindre à nous? ». Cela m’a émue… C’est bête, je sais. Moi aussi, je suis comme ça…
Plus tard, dans l’après-midi, j’emmène Scotty dans le jardin. Elle aussi semble déprimer en l’absence d’Alain. Dès qu’une voiture s’approche de la maison, elle se précipite, persuadée que c’est lui qui revient. Et dès qu’elle comprend que ce n’est pas le cas, elle me lance des regards tristes et se laisse tomber dans un coin en soupirant. Je l’ai donc emmenée regarder les oiseaux. Mais au lieu des mésanges, c’est la petite chienne des voisins d’à côté, Baboune, qui a fait son apparition sur le mur. Baboune n’aime pas trop Scotty, et le lui témoigne bruyamment. Là, elle s’est perchée sur le mur, et… a arrêté d’aboyer quand elle a vu que nous nous approchions. Scott, indifférente au fait que sa voisine ne lui voue pas un culte amical, meurt d’envie de jouer avec elle. Je l’ai donc laissée s’approcher à distance respectable, afin d’essayer d’organiser un powpow. Je n’ai pas eu le temps de leur allumer le calumet: Baboune a recommencé à aboyer, Scotty à gémir et Véronique, propriétaire de la petite chienne chanteuse, est arrivée, attirée par le vacarme. Nous avons passé un moment ensemble et elle m’a proposé de venir prendre un café chez elle. J’ai aimé sa maison, décorée avec goût. Les murs de la cage d’escaliers accueillent des photos de famille. Toute une vie en quelques clichés…
Nous avons parlé un peu puis je l’ai laissée, sachant qu’elle avait le repas à préparer pour le retour de sa petite famille. Une heure plus tard, la sonnette retentit chez moi. Véronique m’apportait des crêpes-maison, comme Aurore m’avait apporté celles de sa maman, il y a trois ou quatre semaines. Re-touchée…
Pourquoi pensez-vous que je prends autant de temps à raconter ces tranches de vie? Parce que cette chaleur humaine dont m’entourent ces deux familles me marque. Banales, la gentillesse, l’attention que l’on porte aux autres? Non. Il y a quelque chose de formidablement beau dans tout cela.
Ceci dit, je déteste toujours les week-end. Le seul antidote contre ce mal mesure 1,86 m et m’a promis que très bientôt, avant l’été, il ne passerait plus ni fins de semaines ni vacances loin de moi. Cela devient urgent oui…
Une voiture vient encore de s’arrêter tout près de la maison. Scotty a poussé un aboiement strident et s’est postée face à la porte, pleine d’espoir. Ce serait très moche de briser l’espoir de mon chien.
Martine Bernier