3h45
La brume est sans doute le phénomène météo qui m’intrigue le plus… et qui influence le plus mon humeur. Pas le brouillard compact qui ne nous permet pas de voir à un mètre. Pas les ‘jours blancs » de montagne.
Non, la brume.
La brume bretonne est fascinante.
Après une nouvelle nuit sans sommeil, très tôt, j’ai ouvert le store de ma chambre. Le jour n’était pas encore levé, mais la brume, elle, avait pris possession des lieux.
Elle est souvent là, tôt matin, avant que le village ne se réveille. Elle arrive doucement, sans un bruit, comme un chat dans la nuit, envahit les alentours en les recouvrant d’un voile de mystère, et disparaît lorsque la lumière commence à s’allumer dans les maisons. Elle repart aussi discrètement qu’elle est venue, sans un souffle…
Je suis comme elle, je erre la nuit depuis qu’il n’est pas à mes côtés. Je la surprends donc quand elle se complaît à transformer chaque arbre, chaque clôture en silhouette fantômatique. J’ouvre la fenêtre. Tant pis pour le froid et ses conséquences. J’ai besoin de le regarder, ce nuage étrange… Comme j’ai besoin de regarder la lune, les étoiles, le ciel qui bouge, la pluie, l’orage, le vent…
Je suis restée là longtemps, sans bouger. A l’observer s’épaissir, puis presque s’évanouir pour revenir par vagues.
Je pense… toujours à la même chose, à la même personne. Je me souviens d’un jour de brouillard avec lui, en Bretagne. Ces instants magiques, il m’a toujours dit ne les avoir vécus qu’avec moi, dans une communion bien loin de la banalité quotidienne.
Le brouillard… il vit dedans depuis un mois.
Le téléphone a sonné alors qu’il devait être 5 heures. Béa, ma voisine, s’inquiétait: quelqu’un venait d’appeler chez elle et, le temps qu’elle se lève, elle avait manqué l’appel. Elle avait pensé à moi, voyant de la lumière chez moi et craignant qu’il ne me soit arrivé quelque chose. J’ai été profondément touchée. C’est bête, sans doute, mais voir que quelqu’un se préoccupe de savoir si je vais bien… j’en ai perdu « l’habitude », alors que le seul qui compte vraiment a perdu son chemin.
La brume se lève doucement, mais semble se raccrocher aux buissons, aux souches, comme un immense morceau de ouate léger qui n’arrive pas à se séparer des lieux. Elle s’étire, semble ne pas pouvoir se résoudre à partir, s’éloigne comme à regrets, parce qu’elle semble savoir que c’est ce que l’on attend d’elle, mais revient… Elle revient toujours… La terre bretonne est sa maison… Elle est belle, insaisissable, fascinante, lunatique, avec des mouvements lents, recouvrants… Le soleil se lève, elle pâlit. Elle semble ne pas savoir que faire, où aller…
C’est étrange comme le comportement de la brume me fait penser à Lui…
Martine Bernier