Archive pour juillet, 2009

Le Feu de la St Jean

12 juillet, 2009

Etrange journée que celle-ci, encore… Matin chagrin. Alain est toujours aussi perdu et me fait largement profiter du froid de sa grotte. Il se comporte mal, très mal, et le sait.

Le jour avance. Dans l’après-midi, Parrain et sa femme arrivent, comme promis, pour un petit séjour. Dès le début, l’accueil du Triangle d’Or est adorable. Accueil de Fred et Béa d’abord, renforcé par l’arrivée de Véro puis Stéphane, qui viennent eux aussi saluer ceux que je considère comme mes parents. Le courant passe très vite: ils sont adoptés.  Fred leur fait griller des sardines fraîchement pêchées, et nous décidons de concert de nous rendre tous ensemble, le soir, au feu de la St Jean. Le deuxième du monde, par sa grandeur. Non, j’exagère: deuxième de France, me disait Véro quelques jours plus tôt. Heu… non, du département, rectifie-t-elle. Enfin… de la région.

Bref, il est grand, avec ses 12 mètres de hauteur.

Lorsque nous arrivons, le feu est déjà lancé, admiré par une foule de gens ravis. Nous sommes tous fascinés… La tour de bois enflammée est impressionnante. Elle dégage des nuées d’étincelles, étoiles d’or rouge qui retombent en halo. Le feu est beau, troublant…

Au bout d’un long moment, nous nous dirigeons tous vers le lieu où quelques personnes dansent. Certaines le font très bien. D’autres sont nettement plus approximatives. La disco mobile égrene à tue-tête des tubes des années 80 que Véro et Béa connaissent par coeur. Elles chantent tandis que quelques personnes se trémoussent en rythme.

Je ne suis pas une fervente de ce genre de soirée. Le feu, j’aime… le bruit et la musique forte, beaucoup moins. Mais là, entourée de gens que j’aime, j’apprécie de les voir heureux. L’ambiance est toute simple. Je regarde les yeux de Véro, si chauds, si pétillants. Béa qui s’amuse. Fred qui ne peut s’empêcher de nous faire un numéro de haute-contre sur la musique du Petit Gonzalès, sous l’air faussement mortifié d’Aurore qui, sur le moment, nie farouchement tout lien de filiation avec ce chanteur particulier. Stéphane qui sourit à ses choristes…  Parrain et Monique ont l’air parfaitement à l’aise. De mon côté, je n’évolue pas dans mon univers, mais je ne me sens pas étrangère. Juste triste de ne pas avoir à mes côté celui qui me dit vivre très mal notre situation actuelle. Trois points de suspension…

La soirée se termine tard. Elle a été douce…

Au moment d’écrire ces lignes, je pense à quelqu’un qui m’a laissé des messages, ces derniers jours. J’aimerais qu’il sache que mon monde n’est ni fermé, ni figé. La vie et les rencontres autour du petit muret ne sont pas réservées à un groupe de personnes et fermées à d’autres. Nous nous nourrissons de rencontres, de partage. Dès l’instant où chacun respecte l’intimité de l’autre, il a sa place dans cet univers.

Martine Bernier

 

 

Koala né en France: une première

11 juillet, 2009

Il semblerait qu’il n’existe que 70 koalas vivant en dehors de l’Australie. C’est dire si la naissance d’Alkoomie (qui signifie « très jolie », en arborigène), au zoo de Beauval, dans le Loir-et-Cher, en novembre dernier, fait figure d’événement. Le directeur a expliqué que « chez les koalas, il n’y a qu’un mois de gestation, et c’était donc un embryon de 1,5cm. Le bébé koala se réfugie directement dans la poche, d’où il peut téter. À partir d’avril, on a vu un bout de patte, une oreille, puis sa tête en juin. Il est complètement sorti en milieu de semaine dernière. »

Ce n’est donc que depuis peu que le public peut enfin contempler le bébé marsupial, qui devient la coqueluche des lieux…

Il s’agit de la première naissance de koala en France et d’autres bébés sont espérés au zoo prochainement.

Nous sommes loin de l’époque où les zoos n’étaient absolument pas adaptés aux besoins des animaux.  Ce genre de naissance est la preuve vivante que ceux-ci se trouvent bien dans leur environnement. D’autant que, chez les koalas, la reproduction est une aventure difficile.

Martine Bernier 

 

 http://www.zoobeauval.com/

 

Journée mosaïque

10 juillet, 2009

Se lever sans avoir fermé l’oeil de la nuit ou presque, c’est un peu dur.
Il faut se booster, s’obliger à avancer… parce qu’un petit chien qui n’a rien demandé à personne attend que l’on s’occupe de lui.

D’emblée, la journée commence par la visite d’un oiseau, à deux mètres de moi. Je le regarde sans presque oser bouger. Visiteur matinal, en pleine forme dès l’aube. Veinard…
En sortant Scotty, je rencontre Véro et Stéphane. La journée commence pour eux aussi.
Il y a des jours plus difficiles que d’autres. Aujourd’hui, je dois serrer les dents.
Ma thérapie est aussi mon travail: l’écriture.
J’écris, j’écris, j’écris…

En écoutant les nouvelles, je suis toujours aussi frappée par ce fait divers évoquant l’abandon de deux enfants, presque encore des bébés, dans un jardin public.
Abandonner un enfant… sujet sensible, chez moi.
Je  comprends que l’on confie son enfant dans les cas où la mère est dans une détresse infinie.
Mais un adulte sain et solide qui renie ses responsabilités, qui préfère faire semblant d’ignorer qu’un être vivant a besoin de lui, m’inspire des sentiments qui vont au-delà du dégoût.

Fred m’emmène chez ses parents où je découvre sa petite nièce, Pauline, une poupée blonde et délicate, de 3 ans.
Par la même occasion, j’apprends que notre Fred national a une identité cachée: pour la petite fille, il est « Tonton Camion ».
Il aurait pu tomber plus mal si j’en crois le surnom qu’elle a donné à son autre oncle. Non, n’insistez pas, je ne le révélerai pas.
Pas envie que le pauvre homme soit reconnu dans la rue et traîne le poids de sa disgrâce sur la place publique!

L’après-midi, me rendre à St-Nazaire est une douleur que je gère tant bien que mal, en m’efforçant de faire bonne figure.
Décidément, je ne suis pas en forme, aujourd’hui.

Vilains Français?

10 juillet, 2009

Un sondage réalisé par téléphone par l’institut TNS Infratest auprès de 40000 hôteliers durant le mois de juin a livré ses secrets. Les Français seraient…les pires touristes du monde.

Ils seraient  pingres et mauvais en langues, malpolis, et auraient une attitude générale déplorable. Notez qu’ils ont quand même des qualités: ils se classent troisième (sur 27 pays) en ce qui concerne leur élégance, leur discrétion et leur propreté. Ouf.

Mais alors, qui sont les touristes les plus agréables? Les Japonais! Ils sont en tête pour les critères de politesse, propreté, discrétion, ainsi que pour leur attitude et leur faible tendance à se plaindre. Le grand japonais qui s’est un jour endormi devant moi à l’Opéra de Malte, ne daignant pas applaudir après la représentation, mais dérangeant tout le monde pour filer avant le gros de la foule, devait être l’exception qui confirme la règle…

Les Britanniques sont en deuxième position pour l’attitude, la politesse, la générosité, la discrétion et l’élégance. Mais ils sont dépassés dans la catégorie « touristes les moins râleurs » par les Canadiens, qui décrochent une deuxième place.

Les Espagnols et les Grecs sont en queue de peloton, juste devant les Français au classement général. Et bien…

 

Joseph

9 juillet, 2009

Lorsque je suis repartie en Suisse pour retrouver Eric tandis qu’Alain restait dans notre maison, début mai, j’ai fait une rencontre ahurissante dans l’avion qui me menait à Paris.
Sur une rangée de trois sièges, je me suis retrouvée assise à côté d’un grand gaillard avec lequel le courant est très vite passé. Il m’a un peu parlé de lui, m’a expliqué qu’il partait pour affaires et vacances dans son pays natal, le Burkina Faso. Lorsqu’il m’a expliqué qu’il possédait une ferme en France, une autre au Burkina et une troisième en Roumanie, je n’ai pas pu m’empêcher de partir dans un de mes délires. Je lui ai dit, hilare: « Mmm…. pas pratique pour la traite du matin… ».
Et là, ô joie, Joseph (c’est son nom!) a renchéri, sur le même ton. Vingt secondes après, nous étions embarqués dans un fou rire qui a duré jusqu’à Roissy, alimenté par nos bêtises.
Je lui ai expliqué mon sens de l’orientation et ma panique à l’idée de me perdre dans Roissy alors que j’avais très peu de temps pour attraper mon deuxième avion. Il a aussitôt répliqué: « pas de souci, je te prends sur mon dos et on court jusqu’au terminal! ».
Après l’atterrissage, je l’ai donc contemplé d’un air goguenard, susurrant quelque chose comme: « Bon, Joseph? J’attends! »

Re fou rire sous l’oeil perplexe des passants.

Jamais vol ne m’a paru aussi court. Nous avons quand même eu le temps d’échanger nos coordonnées.
Il m’a mis un petit message depuis le Burkina, auquel j’ai répondu. Il m’y disait qu’il m’appellerait à son retour, et nous avions décidé qu’il passerait me dire bonjour.

Ce matin, le téléphone sonne:
- Allo, Madame? Je cherche ma voisine.
- Votre voisine?!
- Oui, Martine, vous connaissez?

En une fraction de seconde, j’ai réalisé qui m’appelait.
Et nous nous sommes ré embarqués dans nos rires comme si nous nous étions quittés la veille.

Jo va donc venir me voir, après avoir battu l’orge et le blé.

- Enfin, Joseph, tu n’as pas honte d’être aussi violent? Ils ne t’ont rien fait, ces malheureux…
- Oui, je sais, je vais arrêter. J’ai honte. D’autant qu’en Afrique, certaines familles s’appellent Blé!
- Arf… Note que tu ne les bats pas directement. Tu es le chef, donc tu te contentes de donner les ordres. A mon avis, tu dois encore pouvoir aller au paradis. Pour tes employés, par contre, je crains que ce soit compromis. J’espère au moins que tu les préviens du risque encouru avant des les embaucher…
- Même pas.. je m’en veux… Dis, pour venir te voir, mieux vaut prendre le train ou la voiture?
- Il n’y a pas de gare dans ma ville. Tu prends ton chameau et hop!
- Il y a des chameaux au Burkina, mais ils sont très chers! Pas dans mes moyens! Par contre, en France, j’ai deux ânes. Et en plus, ils sont noirs! Je vais venir avec eux: trois Noirs sur la route, je vais avoir la gendarmerie à mes trousses!
- Il a un GPS au moins, ton âne?
- Oui, oui, je lui en ai greffé un dans l’oreille!

J’attends donc la fin du battage pour voir arriver Jo. Auquel j’ai proposé de l’emmener chez Tante Marie où je sais que nos frasques ne seront pas verbalisées.
Evitons le Fouquet’s… Si mon comparse arrive en boubou et en babouches comme je lui proposais de le faire, cela risquerait de surprendre.
Et puis rien n’est prévu pour garer les ânes devant la porte.

Et à part cela?

Tandis que certains s’apprêtent à passer leurs petites vacances avec leur petite famille, d’autres écrivent.

Martine Bernier

Soirée musique

8 juillet, 2009

Ce soir était la dernière soirée de mon fils, Sébastien, dans ma maison près de Guérande.

J’avais dit à mes voisins qu’il était excellent guitariste, mon fiston qui fut mon premier élève lorsque j’apprenais le Ba-BA de cet instrument aux enfants. Il m’a  largement dépassée depuis, naviguant dans un univers musical  différent du mien, avec une maîtrise remarquable.

Ce soir, donc, après un crochet avec Aurore du côté de chez Tante Marie, à la Turballe, nous avons invité les membres du Triangle d’Or, au grand complet, à une petite soirée musicale à la maison. Led Zeppelin, Pink Floyd et quelques autres ont mis des étoiles dans les yeux de Stéphane à travers les doigts de Sébastien. Puis nous sommes repartis dans nos chansons plus classiques, notamment avec la Ballade Irlandaise de Renaud ou le Sud de Nino Ferrer. Une soirée, toute simple, toute chaude, douce comme un nuage, terminée par un geste d’amitié de Stéphane, bouleversant, si important pour moi. 

Deux guitares ont chanté ce soir, dans une nuit de pleine lune extrêmement riche. J’étais heureuse et plutôt fière de regarder mon aîné bien dans sa peau, talentueux et parfaitement à l’aise dans mon monde. Heureuse aussi de regarder mes amis d’ici, qui se laissent aller, joyeux. Quiconque n’a pas entendu Fred, encouragé par Vero, se lancer dans ses oeuvres vocales n’a rien vu! Et écouter Bea interpréter « Hotel California » nous a tous sidérés.

Alain, si tu savais ce que tu manques, toi qui as ta place dans cet univers qui est le tien…

Eloïse

8 juillet, 2009

Eloïse ou Héloïse, comme vous préférez l’écrire, est pour moi à la fois le plus doux et le plus fort des prénoms féminins.

En me documentant, j’ai appris des choses intéressantes sur ce prénom mythique.
On dit des femmes qui le portent qu’elles représentent l’équilibre, qu’elles sont passionnantes, persévérantes, volontaires, dotée d’une forte capacité de travail.

Très intuitives, d’une intelligence souple et ironique, affectueuses et un peu possessives, sensuelles, elles vivent avec intensité et passion.

Si l’on en croit ce que disent les spécialistes des prénoms, elles possèdent une mémoire affective redoutable. Elles peuvent faire preuve d’une patience extraordinaire pour attendre le moment propice pour régler les questions en attente, y compris si celles-ci attendent depuis des années d’être réglées.

Etonnamment, leur prénom est lié à un point faible physique: les reins. Cela m’a interpellée… allez savoir pourquoi.

Les spécialistes des prénoms disent encore que ces enfants délicieuses et redoutables ont besoin de parents bien soudés, remplis d’humour et de bon-sens pour leur offrir l’éducation nécessaire à la dimension de leur personnalité.

Elles ne sont pas du genre à accepter d’être mises de côté, quelle que soit la raison prétextée pour ce faire.
Elles ne le supporteraient pas, d’ailleurs.

Autant dire qu’une enfant aussi charismatique et riche a besoin de pouvoir admirer et aimer ses parents en toute confiance.

La fille de Jean d’Ormesson s’appelle Héloïse.
En voilà au moins une qui peut être fière de son père.

Martine Bernier

Michaël Jackson: l’étrange adieu

7 juillet, 2009

Cela ne s’était jamais vu. Une cérémonie de plus de deux heures diffusée en direct sur les chaînes du monde entier, au cours de laquelle vedettes et personnalités sont venues rendre hommage à celui que l’on disait Roi de la Pop. Et le tout en présence de la dépouille du Roi en question, Michaël Jackson.

Je reste songeuse après cette cérémonie étrange, très américaine. Des discours, souvent trop longs, des pleurs tellement mis en scène que l’on pourrait les croire factices… Et ces enfants, que leur père a cachés avec un soin maladif depuis leur naissance, exposés brutalement aux yeux du monde. Que de chocs à répétition pour ces gamins qui viennent de perdre leur père, qui voient leur vie bouleversée, et qui se retrouvent sous le feu des projecteurs, dans une salle remplie de 17000 personnes endeuillées. Comment gérer autant de douleur, autant d’émotion en même temps? Grandir ne sera pas simple pour eux…

Je suis restée perplexe devant le cercueil doré à l’or fin, recouvert de roses rouges, placé devant la scène. Tout est insolite. Notre culture européenne nous propulse à mille lieues de ce type d’hommage. Difficile de comprendre, d’adhérer. Certaines interventions étaient d’un mauvais goût rare. La famille Jackson a le sens du spectacle… C’est pourtant l’un des frères, Germain, qui m’a le plus impressionnée en chantant « Smile », la chanson préférée de son frère cadet. On avait presque oublié qu’il avait autant de talent…

En regardant chanter en choeur « We are the World », j’ai eu un pincement au coeur. C’est triste penser qu’il n’est plus là pour l’interpréter lui même.

Et puis, j’ai pensé à cet artiste fragile et délicat. Quelle triste « après vie »… Lui que l’on disait si pudique a dû livrer les secrets de son corps aux mains expertes de médecins légistes. Les images de ses enfants qu’il protégeait jalousement et qu’il chérissait, se trouvent exposées partout. Les rapports conflictuels que l’on disait exister entre lui et certains membres de sa famille sont passés sous silence pour laisser la place à des propos sirupeux, des déclarations dégoulinantes.

Dans les semaines ou les mois qui vont suivre, gageons que des livres sortiront, racontant tout et n’importe quoi, déliant les langues sur les zones d’ombre de sa vie.

Il me fait mal au coeur, notre Roi de la Pop.

L’image de son cercueil était si semblable à ce que fut sa vie… Un homme seul, dans une enveloppe dorée…

 

Martine Bernier

 

Sébastien et Yann

7 juillet, 2009

J’ai deux fils: Sébastien, l’aîné, et Yann. Tous deux sont adultes, séparés par 18 mois. Presque jumeaux, et pourtant si différents…

Yann est venu passer quelques jours auprès de moi le mois dernier. Dès qu’il a vu que j’allais mal, il a pris un avion pour être là. Hier, c’est Sébastien qui est arrivé. Pour peu de temps puisqu’il repart jeudi matin. Mais il a fait comme Eric: il a choisi de faire la route, même pour peu de temps; pour que nous puissions passer un peu de temps en tête-à-tête.

Quand nos progénitures deviennent adultes, la relation est passionnante.

Je les regarde, et je suis heureuse de voir la relation qu’ils entretiennent, tous les deux, la personnalité qu’ils développent. Tous deux ont des passions, des centres d’intérêt, l’amour de la musique, qu’ils pratiquent chacun à des niveaux différents. Ils accordent une grande importance aux autres, se sentent comme des poissons dans l’eau avec eux, sont naturels. Une bonne dose d’humour, de la sensibilité, de la droiture, de la curiosité pour le monde, les gens, les choses: j’aime les hommes qu’ils sont devenus.

Comme j’étais très jeune lorsqu’ils sont nés, j’ai improvisé leur éducation au mieux de ce que je pouvais, mais en faisant des erreurs, c’est certain. J’ai voulu leur donner un maximum de joie et de possibilités de s’ouvrir au monde. Voulu aussi leur apprendre très vite à devenir autonomes, pour le cas où il m’arriverait quelque chose. J’ai voulu qu’ils comprennent que la vie doit être croquée, que tout mérite que l’on s’y intéresse. J’ai été une mère stricte, mais capable de moments de délire ou d’émotion partagés qui les faisaient rire. Je n’ai pas voulu les infantiliser, les rendre dépendants de moi. Rien de pire à mes yeux qu’une mère surprotrectrice, qui « ne se consacre qu’à ses enfants », et qui, pensant faire bien en leur « vouant sa vie », ne fait que les fragiliser et en faire des êtres vulnérables. Pour l’avoir subi étant enfant, je sais combien ces femmes, sans même s’en douter,  peuvent être des poids pour leurs enfants.

J’ai souvent eu peur de « ne pas faire bien ». Il n’y a qu’eux qui peuvent dire si ce fut le cas… Je crois qu’ils ont vécu une vie d’enfants et d’ados assez originale, car j’ai essayé de les mêler à mes rencontres, à mes aventures. Et j’ai tenté de les initier à une certaine philosophie, en fonction de leur âge, lorsqu’ils étaient très jeunes. Mais était-ce qu’il fallait faire?

J’ai souvent craint qu’ils ne m’en veuillent de mes absences, lorsque je partais en voyages humanitaires. Qu’ils regrettent qu’il y ait autant de gens autour de moi, autant d’enfants.  Qu’ils se sentent écrasés par  ce que je faisais. Aujourd’hui, je réalise que ce n’est pas le cas. Ils me disent et m’écrivent des choses qui me touchent énormément. J’espère que c’est ce qu’ils ressentent vraiment.

Je ne parle pas souvent de mes fils. Très pudique sur ce point, je préfère les regarder vivre. Mais je peux le dire, je suis heureuse de voir qu’ils ont développé un certain courage, et des qualités essentielles qui en font des hommes bien.

Martine Bernier

Eux et moi…

5 juillet, 2009

Depuis toujours, j’ai avec les autres une relation très particulière. Je ne vais pas la détailler ici, mais j’ai, sur ce plan, beaucoup de chance. Mes relations sont toujours intenses, jamais banales.

Mais ce que je vis depuis que je suis ici est unique.

Il y a, d’un côté, la défaillance de celui que j’aime.  Et les événements graves qui gravitent autour du fait qu’il avoue aujourd’hui ne plus savoir s’il a raison ou pas de faire ce qu’il fait. Tout en sachant que notre histoire est loin d’être finie, n’en déplaise à ceux, ou plus justement à celle qui voudrait la voir s’éteindre. 

Et puis, il y a ce sentiment profond qui s’est développé entre mes voisins et moi. Il ne s’agit pas, vous l’aurez compris, d’une simple relation de bon voisinage, mais de quelque chose de bien plus fort, d’unique.

Avec chacun d’eux, du plus petit au plus grand, je partage un lien distinct, particulier, riche, puissant. C’est ainsi. Dès qu’ils franchissent le seuil de la maison, ils savent que la conversation que nous aurons ne sera jamais banale.

Ce soir, c’est avec Aurore que j’ai longuement parlé, pendant plusieurs heures. Sa maturité, du haut de ses 13 ans lumineux, me séduit. Dans l’après-midi, avec son papa, Fred, elle a tout fait pour me convaincre de les accompagner à un vide-grenier. Je n’étais pas spécialement enthousiaste. Mais je sais que le temps que je passe avec eux nous est compté. Donc, j’évite les caprices. Nous sommes partis avec les garçons. Et j’ai eu un moment de ravissement en tombant sur un petit bouquin de 1927 consacré aux oeuvres de Rodin. Cinq livres pour un euro symbolique. Et me voici avec des biographies, un petit exemplaire de Proust  et ce mini trésor. Le tout assorti d’une édition d’un journal du 21 juin 1900, paru à Paris.  Fred jubilait: il valait la peine, le vide-grenier!

Après avoir passé la soirée chez Fred et Bea, je retrouve Vero sur le petit muret, dans la nuit tombante. Elle me dit combien leur entourage, à Stéphane et à elle, est surpris de voir la force du sentiment qui nous unit. Je l’écoute avec émotion. Parce que moi même, en ce moment, je suis perdue. Complètement perdue…

Je ne sais plus où est « chez moi ». Mes racines sont en Alain. Je n’en ai jamais vraiment eu d’autres, constamment en recherche, avec ce sentiment si fort d’être simple passagère sur le bateau Terre. Celui que j’aime est perdu lui aussi. Il me le dit, se sent mal, sent bien qu’il se trompe mais est pris dans un conflit de loyauté insensé, ne sait plus quoi faire. Et moi, j »ai programmé mon retour en Suisse, sans conviction, le coeur brisé, déchiré, massacré.

L’idée de m’éloigner de lui par sa faute, alors qu’il n’a pas l’air plus convaincu que  moi, me rend folle de douleur. Et l’idée de me séparer de mon Triangle d’Or m’achève. Jamais je n’avais développé une relation aussi forte et étroite avec des voisins, et jamais je ne m’étais autant attachée en aussi peu de temps. Tous, nous sommes conscients que chaque instant passé ensemble est d’autant plus précieux qu’ils nous sont comptés. Je vis toujours chaque jour comme si c’était le dernier. Là, c’est plus intense encore. L’impression de quitter un bout de ma famille.

Tous ont un rôle particulier dans ma vie. Y compris les enfants. Y compris même Thierry, leur ami avec lequel les conversations sont elles aussi d’une profondeur surprenante. Chacun m’apporte un bout de lui. Personne n’arrive à me consoler de l’absence d’Alain, tous savent que dès qu’il m’annonce sa venue, plus rien d’autre ne compte. Mais ils savent aussi que si je suis encore là aujourd’hui, c’est parce que, une certaine nuit, ils ne m’ont pas lâchée, me tenant à bout de bras, à bout de coeur.

Comment dire… Je les aime, tout bêtement.

Martine Bernier

1234