Julos Beaucarne: « Je suis un humain qui marche sur la route… »

ammonite66millionsdannes.jpg

Ces derniers jours, je l’ai déjà dit, je me suis reconnectée à l’univers du chanteur et poète Belge Julos Beaucarne, grâce à un proche. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, il est bien davantage qu’un troubadour talentueux. C’est un être hors normes, hors modes, lumineux, chaleureux, malicieux, à la fois original et sage. L’enfermer dans un carcan de mots n’est pas une bonne idée. C’est un être libre… Un drame épouvantable survenu dans sa vie, en 1975, a révélé au monde la dimension humaniste de cet être  si particulier. Sa compagne, Loulou, a été assassinée par un déséquilibré. Sa réaction a été admirable (voir en fin d’article). A la lecture de la lettre qu’il a écrite dans la nuit suivant la disparition de celle qu’il aimait, l’adolescente que j’étais alors a, bouleversée, pris une immense leçon d’humanité. Après avoir réécouté en boucle les chansons de lui que j’ai auprès de moi, et particulièrement « Le Petit Royaume » que j’aime profondément, j’ai décidé de lui écrire, à cet homme particulier que j’admire et que j’aime. Pour lui dire le plaisir que j’ai de le retrouver, lui qui a eu une place importante dans ma vie lorsque j’étais jeune fille, en Belgique. J’ai précisé quelle était ma profession et j’ai ajouté que je serais touchée de pouvoir l’interviewer un jour.Je pensais que cela resterait au stade du rêve…Mais quelques heures après, j’ai eu la douce surprise de recevoir un message en retour me remerciant et me laissant son numéro de téléphone pour que je puisse l’appeler.
Ce que j’ai fait cet après-midi. Nous avons passé ensemble un moment à la fois rempli d’émotion et de rires. Car l’homme a de l’humour! Et quel humour!

- Si vous deviez vous définir, pour les personnes qui n’ont pas eu encore l’occasion de vous découvrir, que diriez-vous?
Mais.. je me donne la mort si je me définis! Ce serait m’étouffer dans des étiquettes…

- Alors, à la place du mot « définir », peut-être préférez-vous « présenter »?
Je m’appelle Julos. Toute ressemblance avec des personnes ayant déjà existé serait fortuite. Je vis à Tourinnes-la-Grosse, en Brabant Wallon, en Belgique (et il me donne l’adresse précise ainsi que la latitude et la longitude du lieu, puis éclate de rire devant ma réaction en disant: « Je ne vous arrange pas avec mes réponses? » De l’autre côté du téléphone, je souris en écrivant à toute vitesse).
Je vis en compagnie d’environ 6 milliards de femmes et d’hommes. J’espère n’avoir oublié personne! Je suis un humain qui marche sur la route. Mon histoire consiste à aller au bout de ce que je suis…

- Quel regard posez-vous sur l’être humain, justement?
Nous sommes tous nés un jour d’une femme, et, tous, nous avons reçu une feuille de route. Nous avons chacun quelque chose d’extraordinaire à faire, mais la société veut nous le faire oublier. Tout le monde, chacun d’entre nous est important, mais on veut nous faire croire que « machin » est plus important que l’autre. Les fameux people, vous savez (prononcez à sa manière: « pople »). Oui, tout le monde est important… On pompe beaucoup d’énergie à s’occuper de choses qui nous détruisent et à s’éloigner de l’essentiel. Chaque fois que l’un d’entre nous fait quelque chose de bien, il enrichit l’Univers dans son entier.

- Un livre de vous va sortir très bientôt…
Oui, il s’appellera « Mon Petit Royaume » et il paraîtra le 9-09-09. Il contiendra tous les textes de mes propres chansons.

- Aujourd’hui, comment se passe votre vie?
Je chante beaucoup… Parfois dans de petites salles, parfois dans des grandes. Je vais là où on me demande.

- Etes-vous un homme heureux?
Heureux.. cela dépend des jours… Ce bouquin a été difficile à réaliser pour moi, car, au fil de mes chansons, je revoyais ma vie, les hauts et les bas de mon existence. Cela m’a fragilisé…

- Lors de la mort tragique de votre compagne, vous avez écrit un texte qui a marqué à jamais ceux qui l’ont lu. Où avez-vous trouvé les ressources, un tel amour pour les autres, une telle humanité, pour pouvoir écrire ces mots dans un moment aussi dur?
J’ai écrit cette lettre dans la nuit qui a suivi l’assassinat de Loulou, sans intention de la publier. J’écris pour moi, toujours, pour retrouver mon chemin, pour savoir dans quelle direction je veux recommencer à marcher… Le lendemain, un ami journaliste est venu me voir et m’a dit que l’on avait écrit que « Julos et Loulou n’étaient pas assez racistes ». C’est là que je me suis dit que j’allais répondre par cette lettre. Pour éviter d’engendrer encore davantage de racisme et de violence… Aujourd’hui, si j’arrive à interpréter les chansons que j’ai écrites à l’époque de la mort de Loulou, je craque encore comme si c’était hier lorsque j’en parle. Heureusement que l’homme est inconscient des dangers qui le guettent…

- Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous?
(en aparté, je souris en lui demandant: puis-je oser vous demander  de me donner une réponse que je pourrai utiliser… sans longitude ni latitude?
Un éclat de rire me répond:
- Non, non, ne vous inquiétez pas, je ne réponds jamais deux fois la même chose!
- Ouf!
- Pourquoi, vous n’avez pas aimé?
Cette fois, nous éclatons de rire ensemble…)

J’aimerais que les gens retiennent de moi la joie, le rire. Ce que je cherche à trouver, oui… c’est la joie… Ce qui nous rend malades physiquement, c’est le fait que nous ne sommes pas heureux…

- Et… vous êtes souvent malade?
Pas trop, non! Cela m’arrive de temps en temps, parfois assez gravement. Je me souviens de ma tournée en Pologne où j’ai eu une pneumonie. Ce n’était pas facile. Mais le public était tellement formidable…

Certaines interviews sont plus belles que d’autres. Celle-ci a été un cadeau.  

 

Martine Bernier

Site de Julos Beaucarne: http://julosland.skynetblogs.be/
Le livre « Mon Petit Royaume » peut être commandé par l’intermédiaire de ce site.

Lettre Ouverte De Julos Beaucarne

Ma Loulou est partie pour le pays de l’envers du décor, un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau douce. C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour et la persuasion. C’est l’histoire de mon petit amour à moi arrêté sur le seuil de ses 33 ans. Ne perdons pas courage ni vous ni moi. Je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et nos deux chéris qui lui ressemblent. Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les coeurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien aimée, il n’est de vrai que l’amitié et l’amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses ; on doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller au paradis. Ah comme j’aimerais qu’il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles… En attendant, à vous autres, mes amis d’ici-bas, face à ce qui m’arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu’un histrion, qu’un batteur de planches, qu’un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd’hui : je pense de toutes mes forces, qu’il faut s’aimer à tort et à travers. Julos Nuit du 2 au 3 février 1975

11 Réponses à “Julos Beaucarne: « Je suis un humain qui marche sur la route… »”

1 2
  1. anne ducros dit :

    Chère Martine Bernier,
    j’ai eu la chance quand j’avais 16 ou 17 ans de voir un concert de Julos Beaucarne à Boulogne sur mer, ville où je résidais à l’époque,
    cette rencontre m’a infiniment touchée et marqué mon existence tant artistique qu’humaine
    j’ai encore l’empreinte très présente dans le coeur et l’esprit de cette explosion d’humanité, de sa malice, de l’infinie modestie de cet homme, de cet artiste libre et tendre, délivrant une réelle leçon de poésie pure et de joie de vivre contagieuse.
    je suis moi même devenue une chanteuse, je passe ma vie sur les routes qui me mènent aux 6 milliards de « colocataires » de Julos, et à ma façon, persiste à garder le contact, renouer des liens, générer des émotions dont le seul et unique argument et pretexte est toujours l’amour, la paix la joie de vivre justement.
    je suis sûre que cette ambition, dont j’ai la chance de la vivre au quotidien, je la dois en partie à cet être merveilleux, tellement humain, dont j’ai eu la chance, l’opportunité de croiser le chemin dans un petit théatre de province du nord…
    merci de m’avoir reliée à souvenir précieux, que je n’avais pas égaré du tout du reste puisqu’il m’est arrivé très souvent d’évoquer son nom dans mes concerts, et que j’avais présenté à mes petits apprentis chanteurs de la star’académy…
    je suis impatiente d’obtenir ce livre de Julos Beaucarne dès septembre
    continuez de véhiculer l’information car cet homme là est nécessaire, plus que jamais
    bien à vous et plaisir de vous rencontrer un jours à un concert de Julos Beaucarne
    anne

  2. decleir dit :

    tout à fait d’accord avec vos idées sur l’amour!! très bel extrait!!

  3. Jacqueline Navez-Le Keux dit :

    Deux seuls petits mots pour l’intervieuw et la lettre pour Loulou, MERCI et MAGNIFIQUE!

  4. ben jebara dit :

    Peut on espéré qu’un jour les humains penseront des autres et d’eux même de cette façon? Ah! et pourtant c’est tellement plus facile d’aimer. Tout le reste n’est qu’un fardeau, qu’on s’afflige a soi même

  5. adamczyk mariana dit :

    oui notre julos est un bonhomme plein d’amour, .je ne sais pas comment il a pu surmonter ce drame en 1975, sans haîne, sans violence ses poêmes, ses chansons, son regard, tt exprime l’amour, la joie, le bonheur’ parfois je me demande : est il vraiment heureux ? n’es ce pas juste sa simplicité, son amour des autres, qui lui donne cet air de bien être ? julos moi je l’adore. lui il aime avec son coeur, peu importe d’où l’on vient ce que l’on est, pour lui nous sommes tous égaux . c’est ca lulos beaucarne !! julos je t’adore

  6. Lainé Xavier dit :

    C’est si beau que je vais mettre un lien sur mon blog de ce pas… Merci.

  7. esquisses dit :

    merci…le silence sur la partition est la seule parole où Rien ne peut se dire.

  8. le babel dit :

    je n’avais pu encore vu cette interview de Julos. On le reconnait bien là ! Je mets de suite le lien sur le forum de son blog !

  9. le babel dit :

    et visiblement, ça a plu aux amis de Julos : http://julos.les-forums.com/forum/3/le-forum-de-julos/ allez, venez voir !

1 2

Laisser un commentaire