Ce vendredi, à l’heure où beaucoup ouvriront les yeux ou partiront travailler, je serai rentrée à l’hôpital, comme tant d’autres au même instant un peu partout dans le monde, pour la deuxième intervention prévue en une semaine. La première est arrivée si brutalement que je n’ai pas eu le temps de trop voir voler les papillons noirs. Là, c’est différent. J’ai presque envie de dire que j’apprécie le fait d’avoir mal, pour une fois! Au moins la douleur motive-t-elle la démarche…
Elles ne sont pas très drôles, les veilles d’opération.
Mais celle-ci a été marquée par des petits faits qui m’ont interpellée.
Depuis quelques jours, les grands arbres qui bordent la lisière du pré disparaissent un à un.
Une équipe de bûcherons les coupe avant de les passer dans une broyeuse.
Il ne reste d’eux que des montagnes de copeaux.
Hier, en fin de journée, j’ai été faire mes adieux à l’un d’eux, le plus majestueux, alors que l’équipe rentrait pour la nuit.
Je n’aime pas que l’on touche aux arbres lorsqu’ils ne sont pas malades.
Ceux-ci sont les premières victimes de la route qui va être construite pour désenclaver la rive franco-suisse du Léman, si mes renseignements sont exacts…
Je regardais Pomme qui m’a quittée ce soir pour retrouver sa « famille d’accueil ». Cette fois, la séparation sera courte: cette intervention-ci, plus longue que la première, pourra cependant se dérouler en ambulatoire, si tout se passe bien. Cette petite boule de poils est perturbée par ce qui se passe. Je passe mes journées à écrire et à m’occuper d’elle. Pas facile d’être un chiot. Mais hier, alors que je la regardais courir après un papillon aux ailes jaune fluo, sous les exclamations attendries de l’une de mes voisines, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que la scène semblait tirée d’un livre pour enfants…
En rentrant du pré où je ne peux que constater le massacre des arbres, j’ai croisé le facteur qui m’attendait.
Il m’a remis un petit paquet qui a eu le don de me mettre le coeur à l’envers.
L’an passé, Alain et moi étions allé passer une journée à l’île d’Yeu où nous rejoignions une de mes amies, Cati.
Comme moi, elle est très attachée à l’Atlantique, à la région.
Ces derniers jours, elle m’a appelée. Nous avons longuement parlé, et elle m’a dit qu’elle allait m’envoyer quelque chose que beaucoup de gens trouvent parfaitement kitch…
Ce matin, donc, j’ai ouvert le colis et j’ai découvert… la mer en boîte.
Il s’agit d’une petite boîte en carton sur laquelle a été dessiné un port de pèche.
Lorsque l’on ouvre le couvercle, deux petites mouettes montées sur ressorts se balancent tandis que l’on entend leurs cris couvrant à peine le bruit de la mer.
J’ai eu la gorge nouée… elle sait l’importance que cela a pour moi…
Un mail m’arrive.
Trois photos.. Parmi elles, le fameux bonsaï pris sous un angle plus avantageux, et le tableau dont j’ai parlé…
Des gestes si simples, qui me font tellement plaisir, surtout venant de la personne qui me les envoie. Ce soir, au téléphone, il m’apporte ce qu’il m’a toujours donné: une amitié douce et paisible…
Une amie chère me téléphone, mon éditeur me laisse un mot, mes voisins s’inquiètent de ma santé, un passant de Facebook fait une recherche pour moi pour retrouver un petit personnage de BD que j’adorais quand j’étais gamine… D’autres proches me tiennent par le bout du coeur pour m’aider à rester debout, mon « Carré d’Or », mon rédacteur en chef m’appellent, la Dame des Iles, nouvelle venue dans ma vie, m’envoie des courriers émouvants… Je suis émue par toutes ces marques d’amitié, de tendresse. Quelqu’un me dit: « c’est par le retour que tu as des autres que tu peux voir que tu es dans le juste.Si autant de gens tiennent à toi, tu ne devrais pas te remettre en question sans arrêt… » Cela me fait réfléchir…
Ce jeudi est un jour important: celui de l’anniversaire d’Eric.
Je salue en lui l’homme le plus fiable et le plus dévoué qu’il m’ait été donné de rencontrer… une rose dans du béton. Nous fêtons son anniversaire sans excès: je n’ai pas exactement la forme nécessaire pour cela en ce moment. Il me dit que je n’ai jamais été aussi cernée. Flûte, je ne serai jamais Cindy Crawford…
Bon et bien… j’ignore si j’aurai le courage de mettre un texte demain soir.
Nous verrons comment se sera passé la journée…
Martine Bernier