Archive pour juillet, 2010

Le troisième jour…

31 juillet, 2010

C’est écrit dans le livre je crois le plus lu au monde: il faut trois jours pour ressusciter.
D’une douleur physique en tout cas.
Pour le reste, c’est bien plus long.
Je confirme ou à peu près: le résurrection se fait par étapes quand elle veut bien intervenir, mais commence bel et bien après le troisième jour!

Alors que la troisième aube se lève et que le pire est passé, le regard de Pomme me fait comprendre qu’elle est toujours inquiète.
La veille au soir, nous avons eu une longue conversation, toutes les deux.
Debout sur ses pattes arrières, appuyée sur mon lit sur lequel j’étais couchée, elle m’a fixée de ses petits yeux sérieux pendant d’interminables minutes.
Depuis son retour de chez mes voisins qui ont eu la gentillesse de la prendre pendant le plus dur de la crise, elle n’allait pas bien.
Il était temps que je lui montre qu’elle n’avait pas à avoir peur.
L’incroyable gravité de son regard m’a frappée.

Des visages, des voix, des mots qui me font sourire, la journée se passe ancrée dans un présent mouvant.
Et puis, en début d’après-midi, quelqu’un remet dans ma vie une chanson d’avant-hier, dont les paroles sont encore gravées dans ma mémoire.
« Actualités », de Stéphane Golmann.
Deux personnes de mes « presque proches » la connaissent comme moi.
Un texte que je n’ai jamais pu oublier, par la force de sa simplicité.
Je la chantais souvent, adolescente.

La musique aide…
Durant ces trois jours, j’ai souvent mis en sourdine celle de « Ben l’Oncle Soul », que j’écoute souvent en ce moment.
Plus tard, je me souviendrai qu’il a apporté une note d’harmonie dans des moments délicats…

Ce soir, les feux d’artifices vont résonner sur la Suisse.
Demain, ce pays qui a pansé mes blessures par deux fois fêtera sa fête nationale.

Martine Bernier

L’Etat Italien vend, lui aussi…

30 juillet, 2010

Je rêve… après la France, l’Italie annonce que d’ici la fin de l’année 2010, 12000 biens publics passeront aux collectivités locales pour une possible vente aux privées.
Et quels biens…
Des trésors…
Les sommets des Dolomites (si!! On peut vendre les sommets des Dolomites!!), des phares de la côte sicilienne, la colline de Superga, près de Turin, les somptueux palais milanais, de vieux aéroports, des casernes, des îlots, des plages, des musées, des terrains agricoles…
Les caisses sont vides, l’Etat ne peut plus assurer la maintenance ou la restauration de ces biens.
Les communes et autres régions vont donc devoir les prendre en charge et pourront les vendre au meilleur prix.
Le tout représente la bagatelle de 3,6 milliards d’euros, et d’autres biens suivront.
Cela donne froid dans le dos.
Qui dit privé dit interdit au public.
J’espère au moins que les biens qui le méritent seront classés aux monuments historiques pour que les acheteurs ne puissent en faire n’importe quoi…

Cerise sur le gâteau, cette autre nouvelle venue d’Italie.
J’aime Charlemagne.
C’est comme cela.
Pas pour son côté conquérant, mais pour mille autres facettes qui faisaient de lui un homme à la fois fort et complexe, fascinant.
J’ai découvert que, selon l’International Herlad Tribune, le château lui ayant appartenu, et situé à la frontière de la Toscane et de l’Ombrie, est mis en vente

Il serait vendu avec les forêts et les bocages d’olives des alentours pour une surface totale de 129 500 m².
Selon les experts, la plus vieille partie du château a été construite en 802.

802…

Pourvu, pourvu qu’il soit protégé…

Martine Bernier

Les désagréments et les lettres de la nuits

29 juillet, 2010

Pourquoi faut-il toujours, lorsque vous avez un souci de santé, que celle-ci se dégrade exactement pendant la période de vacances de vos médecins?
Par malchance, les deux « miens » ont pris leurs vacances en même temps.
En l’occurrence, depuis deux jours, je réalise que ce n’était pas une bonne idée.

Même dans les moments les plus difficiles, Pomme a besoin de soins et d’attention.
La première sortie, à l’aube, est chancelante.
La pluie me ranime, mais les séquelles de la nuit qui vient de se passer se font sentir.

Chacun sait qu’être mal durant la nuit est plus angoissant que le jour.
Surtout quand on est seul.
Ne pas paniquer…
Essayer de comprendre, d’analyser la situation sans perdre son sang-froid.
C’est possible tant que la douleur est gérable.
Lorsqu’elle ne l’est plus, c’est dangereux.

Je réalise cette nuit que j’ai beaucoup appris au contact de ces deux médecins, pourtant très différents, qui m’accompagnent.
Ils ont réalisé tous les deux que j’avais besoin de comprendre les mécanismes de ce qui m’arrivait, et d’en connaître les causes, les options possibles.
C’est grâce à eux que j’arrive à analyser les choses, et à soupeser ce qui est sérieux et ce qui l’est moins.
Tout a été prévu, sauf un détail: l’intolérance aux médicaments.

Le jour qui se lève sur un lac couvert d’un long nuage fin me ramène à une réalité diurne plus réconfortante.
Cela ne va pas mieux, mais la lumière est revenue.

Je pense à la dernière interview que Mireille Dumas avait faite de Bernard Giraudeau.
Il avait mis des mots justes sur sa maladie, avait décrit avec lucidité et pudeur le quotidien, les angoisses, les besoins.
Chaque personne traversant un moment difficile à ce niveau pouvait se reconnaître dans ce qu’il disait.
Il expliquait notamment que le temps entre deux scanners est long, très long.
C’est tellement vrai…

Tard dans la nuit, une nouvelle lettre non signée est arrivée par l’intermédiaire du blog.
Elles sont si fréquentes que quelque chose d’étrange s’est instauré.
Aujourd’hui, j’en sais un peu plus sur ceux qui les écrivent et sur leur motivation.
Et… je les comprends.
Simplement, je n’adhère toujours pas au procédé.
Ils ont répondu à certaines des interrogations que je leur adressais pas l’intermédiaire d’Ecriplume.
Mais m’expliquer que celui dont ils me parlent a recommencé ses frasques, que celle qui vit avec lui a du souci à se faire, qu’il dissimule, se cache sous d’autres adresses email pour « brouiller les pistes » ne me touche pas ou pas dans le sens espéré. Je sais comment il fonctionne… et l’écoeurement ne m’a jamais quittée.
Pour ne pas continuer à encombrer le blog sur ce sujet, je cherche à ouvrir une page qui ne s’adressera qu’à vous, les Ombres, dont cette étrange correspondance me trouble.
J’y réfléchis, j’ignore encore comment m’y prendre.
En attendant, je vous renouvelle mon opinion: dites-leur en face ce que vous avez sur le coeur.

La journée passe, s’étire, et je n’ai toujours pas pris ma décision.
Dois-je repasser visiter les locaux de l’hôpital où vais-je essayer de franchir une nouvelle nuit loin des « pique-tout »? C’est ainsi que j’ai surnommé les poseurs de perfusions.
En début d’après-midi, j’alerte mes proches.
J’ai franchi le cap d’alarme.
Je crains de ne pas finir la journée là où je le voudrais.

Je laisse donc exceptionnellement ces quelques lignes plus tôt dans la journée, avec l’espoir de pouvoir rentrer.
Ce soir ou plus tard.
Martine Bernier

Le cimetière indigne de Cadillac-sur-Garonne

28 juillet, 2010

Quand j’ai entendu dire que le cimetière communal de Cadillac-sur-Garonne était classé aux monuments historiques, je n’ai pas pu m’en empêcher: il a fallu que je comprenne pourquoi.
Je croyais qu’il avait une particularité architecturale, un monument particulier…
Ce que j’ai appris m’a surprise.
Le lieu a été classé parce qu’il n’accueille que de patients de l’asile voisin.
En principe, les pensionnaires des hôpitaux psychiatriques sont inhumés dans les cimetières municipaux.
Pas là.
Le cimetière du crû dispose de ce qui a été appelé « le carré des fous ».
Par la même occasion l’endroit a hérité de plusieurs noms: « le cimetière des fous », des « gueules-cassées », « des aliénés », et j’en passe.
Dans ce carré se trouve un bon millier de tombes placées entre l’hôpital psychiatriques et le cimetière communal classique.
Il a été créé en 1920… par mesure « d’hygiène publique », pour y recevoir les soldats et les civils blessés lors de la Grande Guerre, ceux devenus des « mutilés du cerveau ».
Le pire est que lorsque ces personnes décédaient, aucune déclaration n’était enregistrée sur les registres de l’état-civil.
Et les étiquettes posées sur les croix ont disparu avec le temps…
Des identités évaporées, des vies oubliées…

De 1920 à 2002, 4000 personnes  ont été enterrées là.
Elles étaient présumées folles, indigentes.
Aujourd’hui, de ces tombes, il reste quelques rangées à l’abandon, des croix, toutes pareilles, traînant dans un mélange de gravier, de terre et d’ossements.
Depuis peu, quatre murs et trois carrés de tombes ont donc été inscrits aux monuments historiques, comme l’ont été six autres cimetières d’asile, désormais protégés.
Il s ‘agit là de saluer la rareté des lieux et le respect dû à la mémoire de ceux qui y sont inhumés.
Des êtres au destin peu enviable, qui n’ont marqué personne, que personne n’a réclamé, dont personne ne se souvient…

Celui qui a dit que nous étions tous égaux devant la mort n’avait pas tout à fait raison.

Martine Bernier

Les ventes insolites de l’Etat français

27 juillet, 2010

Un article paru sur le Net (Planet Mag) a attiré mon attention.

En résumé, il disait ceci: l’Etat français a besoin de renflouer ses caisses.
Pour ce faire, il met en vente des biens très inattendus.
Si vous avez envie de faire vos emplettes dans le grand marché étatique, voici donc ce que vous pourrez déposer dans votre panier:

- La Maison d’arrêt de Rennes. Bien située, non loin du centre de l’agglomération, elle est idéale pour loger les amis de passage. Si, si, vous ne manquerez pas de place. Et pas besoin de planter une haie pour ne pas être dérangés par les voisins: elle dispose déjà d’un grand mur de garde haut de cinq mètres. Très coquet. Pas de prix indiqué: les propriétaires attendent les offres.

- Un tunnel long de 721 mètres, vestige d’une ancienne voie ferrée, à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. Ne chipotez pas: on a toujours besoin d’un tunnel pour organiser des sauteries, voyons. Pas de prix non plus…

- Un central téléphonique enterré, dans les Hautes-Alpes, à Briançon. Cela ressemble à un bunker de l’armée suisse, chaleureux à souhait. Mais vous disposerez d’une superficie de 1200 m2 au milieu de la pierraille pour installer votre résidence secondaire. Et toujours pas de prix.

- Le domaine thermal de Vichy. Avec ses boutiques, ses bureaux, ses hôtels, restaurants, centres thermaux. Mais attention: si vous vous portez acquéreurs, vous devrez vous engager à continuer l’exploitation. Là, le prix… on n’ose l’imaginer. Je pensais poser une option pour ne plus jamais manquer de Vichy Célestin, mais, finalement… non.

- Un fort à Briançon. Il se trouve en altitude, est beau comme… un fort, pas très cosy, mais majestueux. Bon, soit, il est vétuste et même si vous l’achetez, vous devrez y laisser entrer les visiteurs de mai à octobre. Mais avouez que cela pose son homme d’annoncer à ses amis: « Je vous invite à un brunch dans mon fort, ce samedi? Oui, oui, vous pouvez prendre le chien… il ne salira pas les moquettes. ». Pas de prix affiché non plus, l’Etat attend les appels d’offres.

- Mon préféré: un ancien couvent dominicain, à Rouen. Vendu avec les bâtiments annexes : le demi-cloître, un bâtiment au toit de tuiles plates, une église, une petite maison en briques, des garages, et un grand jardin arboré. Le tout pour une superficie de 2580 m2 et un terrain de 5 896 m². Salles de réception au rez-de-chaussée, et plein, plein de chambres, dont certaines cellules très étroites, dit-on. Idéal pour les grandes familles! Comment cela, trop grand et difficile à entretenir? Aurais-je omis de préciser que le couvent dispose de son ascenseur? Toujours pas de prix… mais on imagine que ce n’est pas à la portée de toutes les bourses…

Si vous n’avez rien trouvé de tentant, avouez que vous faites les difficiles…

Martine Bernier

Le trésor du Riou Pouzouillou

26 juillet, 2010

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Avez-vous déjà entendu parler des rubis et des saphirs du Riou Pouzouillou?
Non, ce n’est pas un lieu lointain perdu au milieu de nulle part, dans les bayous de la Louisiane ou au fin fond de l’Amazonie.
Au XIIIe siècle, ce petit ruisseau auvergnat (vous avez bien lu: j’ai écrit « auvergnat »…) était l’Eldorado des chercheurs de zircons, des pierres dures aux reflets rouges, alors taillées pour orner les bijoux.
Elles apparaissaient sous forme de parallélépipèdes, et finissaient taillées en cabochons.
Dans les alluvions de ce modeste cours d’eau, les chercheurs de trésors trouvaient leurs zircons, mais aussi des grenats, des péridots (cristaux verts), des rubis et des saphirs.
Pourquoi?
Parce que le sol volcanique favorisait ces merveilles.
Les orpailleurs s’installaient le long de la rivière, équipés de pioches, de pelles et de seau, et récoltaient les gemmes qu’ils vendaient ensuite aux orfèvres du Puy-en-Velay.
Les pèlerins de passage, venus prier la Vierge Noire, repartaient avec un bijou en zircon, tiré du Riou Pouzouillou.
Il n’y avait d’ailleurs pas qu’eux qui en étaient friands.
Ces pierres figuraient dans les trésors des papes et des rois de France.

Aujourd’hui, il n’y a plus d’orpailleur sur les rives du Riou.
Les lieux de fouilles appartiennent dorénavant à un propriétaire privé dont les vaches ont altéré le lit du ruisseau.
Mais si vous parlez avec les habitants, ils vous diront que les flancs de la montagne cachent encore le précieux zircon.
Simplement, si vous avez envie d’y aller faire un tour vous aussi, n’oubliez pas de vous renseigner pour savoir si le terrain que vous fouillez n’appartient à personne…

Martine Bernier

Ile de Batz: le jardin tropical de l’étonnant Monsieur Delaselle

25 juillet, 2010

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Georges Delaselle était assureur à Paris lorsque, en 1896, il a été pris d’un véritable coup de foudre pour l’île de Batz, en Bretagne.
Amoureux des jardins, il réalise que l’île profite du Gulf Steam, ce courant océanique venu des tropiques.
Le climat local s’en trouve adouci, ce qui provoque une idée inattendue dans le cerveau créatif du nouveau venu: créer ici un jardin colonial.
En plein Finistère, au large de Roscoff, il fallait oser…
Il l’a fait.
Pendant dix ans, de 1898 à 1918, il sera partout à la fois, dirigeant les travaux et les plantations, modelant un cordon de dunes artificielles plantées de végétaux de protection, creusant une cuvette profonde de cinq mètres dont les bords seront travaillés en terrasses.
Il creuse tant et si bien qu’il met à jour une nécropole datant de l’Age de Bronze, dont il reste encore dix tombes visibles aujourd’hui.
Le jardin, lui, prend forme petit à petit.
En mai 1918, Georges Delaselle apprend une nouvelle qui va changer sa vie: il est atteint de tuberculose.
Pour lui, il n’y a plus de temps à perdre.
Il quitte Paris, démissionne et s’installe définitivement dans son Jardin de l’Ile de Batz.
C’est à partir de là qu’une véritable légende va prendre forme.
Georges Delaselle aimait la solitude.
Son jardin, si singulier, s’y prête.
Dans cet univers de plantes mystérieuses, encore inconnues sous nos latitudes, il crée un havre de tranquillité, magique et insolite.
Un véritable Facteur-Cheval du jardin…
Mais la maladie ronge le maître des lieux.
Il cède son paradis qui va subir trente années d’abandon, puis deux hivers glacés, en 1953 et 1965, qui feront périr de nombreuses plantes.
En 1989, il ne reste plus que 49 espèces végétales sur les 102 estimées par son créateur.
Dans les années 1990, le Conservatoire du littoral reprend le jardin et lui donne un nouveau souffle.

Aujourd’hui, entre figuiers de Barbarie, camphriers importés de Chine, dattiers venus des Canaries, 2000 essences tropicales s’épanouissent sous le ciel breton.
Monsieur Delaselle peut reposer en paix…
Et les amateurs de botanique s’en donnent à coeur joie.

Martine Bernier

« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique. » Interview

24 juillet, 2010

Toute femme ayant vu sa vie brisée par un homme pervers narcissique sait qu’il lui faudra des années pour se reconstruire…. si elle arrive à se relever un jour.
L’infinie détresse engendrée par le comportement de ces personnages est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, à travers des décisions politiques essentielles et une loi novatrice adoptée en France en ce mois de juillet.
Un excellent livre ajoute une pierre majeure à cet édifice.
« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique » est sorti en février 2010 et a déjà été réimprimé quatre fois.
C’est dire l’importance de cet ouvrage dont les auteurs, Pascale Chapaux-Morelli et Pascal Couderc, font salle comble dès qu’ils donnent des conférences à travers l’Europe.
Tous deux ont accepté une interview dont voici la teneur.

- Pourriez-vous vous situer afin de préciser à quels titres vous vous êtes lancés dans l’écriture de ce livre?
Pascale Chapaux-Morelli: je suis présidente de l’Association d’aide aux victimes de violences psychologiques, et Pascal est psychanalyste, psychologue-clinicien et spécialiste des addictions.

- Vous expliquez que les victimes de pervers narcissiques sont des femmes, pour la quasi totalité. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Pascal Couderc: Quelques rares hommes, dans les conférences que nous avons données ont pris la parole pour présenter leur situation qui ressemblait beaucoup à celles que peuvent subir les femmes, mais ils sont rares. Comment expliquer que ces pathologies soient masculines? Historiquement, les hommes ont toujours possédé le pouvoir. Mais cette situation évolue au niveau institutionnel. L’homme doit donc avoir recours à d’autres stratégies pour reprendre ce pouvoir qui lui échappe. Je reçois presque uniquement des femmes dans le cadre de mon travail. La souffrance féminine est énorme. Cela ne veut pas dire qu’aucun homme ne souffre dans son couple. Mais en général, les hommes conservent un petit terrain secret où ils se réfugient pour éviter la souffrance extrême. Ceci dit, leur malaise ne doit être ni nié ni méconnu.

- Y a-t-il des signes permettant de reconnaître un pervers narcissique avant qu’il ait eu le temps de ruiner votre vie?
P.C.: Oui. Au départ tout est idyllique. Systématiquement, les femmes disent « c’était parfait, sauf… » Car il y a toujours un petit quelque chose de dissonant. Il existe une connaissance inconsciente que quelque chose ne va pas. Au début de l’histoire, on l’occulte. Puis, malgré l’état amoureux, certains détails interpellent.
Lorsque l’un des partenaires change subtilement la vie de l’autre, impose à l’autre sa façon de vivre, ses décisions, ses choix, finit par faire douter sa partenaire, lui fait perdre son estime d’elle-même, nous sommes en présence d’un pervers narcissique. Au final, votre vie a totalement changée. Si vous êtes devenue dépendante de l’autre à tout point de vue, qu’il en est arrivé à vous faire douter totalement de vous, il faut consulter.

- Vous soulignez, dans votre livre, que le pervers narcissique a un talent particulier: celui de renverser les rôles et de faire passer la femme pour responsable tout en se faisant passer, lui, pour une victime. Vous écrivez notamment: « Il lui est nécessaire de maîtriser son environnement pour le rendre conforme à sa pensée ».
P. C-M.: On se retrouve ici dans le même schéma que pour celui des femmes battues. La violence psychologique est beaucoup plus subtile, plus perfide. La première fois que je reçois une femme qui en est victime, elle me dit toujours la même chose: « Je voudrais comprendre ce que j’ai pu faire pour déclencher cela…. » Elle se croit responsable alors que c’est le partenaire qui l’est.

- Un pervers narcissique ressent-il de la culpabilité lorsqu’il a détruit une vie?
P.C.: Non, jamais. Ni culpabilité, ni souffrance, ni remords. Il niera la souffrance de sa partenaire, lui dira qu’elle se fait passer pour une victime. En revanche, il mettra en scène sa propre pseudo douleur, mais de manière froide. De plus, ce genre d’hommes sont de très mauvais perdants, très procéduriers. C’est un type d’hommes en général très intelligents. Ils ont le plus souvent une bonne situation, des capacités intellectuelles importantes, sont brillants. Plus ils sont intelligents plus ils sont redoutables. Ces hommes ne consultent pas. Ils manipulent tout le monde, y compris les thérapeutes. Face à eux, il faut des professionnels chevronnés.

- Un tel homme peut-il changer?
P.C.: Non. Il changera de partenaire, mais pas de pathologie. Ce n’est pas quelqu’un qui se remet en question.
Nous faisons face ici à deux pathologies associées: une structure perverse et une pathologie narcissique. La femme souffre d’un manque d’amour d’elle-même. Lui aussi est en manque, mais, contrairement à elle, il ne souffre pas. Il prend chez l’autre ce dont il a besoin, se nourrit de l’autre avant de passer à autre chose. Ces hommes s’aiment avec vanité, ils s’expriment à travers la vanité.

- Vous notez d’ailleurs dans le livre « Il n’a rien. Ni la souffrance, ni le souvenir de la souffrance, ni la substance. » Que peut faire une femme face à un tel partenaire?
P.C.: Etre vigilante, et, si elle le peut, partir dès qu’elle sent que quelque chose n’est pas normal. Lorsque le mal est fait, ce sont des femmes brisées que nous recevons en thérapie, souvent au bord du suicide. Il faut très longtemps pour qu’elles se reconstruisent.
P.C.-M.: Ce problème est pris de plus en plus au sérieux. Davantage d’informations circulent sur le sujet. Et désormais, en France, on peut s’appuyer sur une grande avancée politique. La loi du 10 juillet 2010 a été votée et le décret d’application interviendra d’ici l’automne. Cette loi concerne la violence psychologique. Elle a créé le délit de violence psychologique qui a servi de base aux femmes pour qualifier et reconnaître ce qu’elles vivent. Les hommes reconnus coupables encourront les mêmes peines que ceux responsables de violences physiques. Elles pourront aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 75’000 euros d’amende. La France fait ainsi partie des pays européens pionniers en la matière.

Martine Bernier

Site: www.violencespsychologiques.com »
« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique », Pascale Chapaux-Moreli et Pascal Couderc, Editions Albin Michel.

Le lac blanc

23 juillet, 2010

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L’interview se déroulait près de Genève.
Une rencontre passionnante, qui a duré plusieurs heures.
En arrivant, la chaleur était écrasante.
En sortant, côté Genève, il pleuvait.
Enfin…
Sur la route du retour, je n’avais qu’un espoir: que la pluie soit aussi présente dans ma région.
Elle l’était, plus légère.
Les grosses averses annoncées ne semblaient pas décidées à donner raison à Monsieur Météo.
Même la nuit n’a pas vraiment fait pleurer les nuages.

Chaque matin, mon premier regard lorsque j’entre dans mon bureau ou au salon, est de regarder le lac.
Ces dernières semaines, il était bleu lagon.
Aujourd’hui, il était comme je ne l’avais jamais vu…
Un ciel noir, très bas, semblait décapiter les montagnes, sur l’autre rive.
Dessous, le lac était lui aussi noir sur l’avant-plan et blanc sur la seconde moitié.
Comme une plaine enneigée.
Un paysage magnifique, un peu inquiétant, comme sorti d’un roman des soeurs Brontë.
Ne manquaient que la lande et la bruyère.
Pas un bruit nulle part.
Comme si planait une menace chère à Abraracourix: le risque de voir le ciel nous tomber sur la tête.
De mon côté j’ai déjà vécu l’expérience l’an passé, elle ne m’effraie donc pas…
Mais même Pomme avait une attitude inhabituelle.
Très calme, après sa première promenade elle n’a pas demandé à ressortir, elle qui insiste toutes les deux heures pour aller courir après les papillons.
J’ai dû l’encourager à me suivre.
En découvrant l’herbe humide, elle m’a jeté un regard de reproche qui voulait nettement dire: « Cela ne te viendrait pas à l’idée de passer la prairie au sèche-cheveux avant de m’y envoyer, non? »

Dans la matinée, toutes les personnes que j’ai croisées faisaient grise mine.
J’étais la seule à me sentir bien dans cette atmosphère un peu lourde.
Ma journée était chargée, je ne me suis pas attardée.
Moins d’une heure plus tard, le ciel s’était uniformisé en blanc et le lac était dans la brume.
J’espère que les peintres amateurs ont eu le temps de capter l’image…
Avouez qu’elle est insolite…

Martine Bernier

En rentrant d’une journée assez chargée, j’ai eu la surprise de découvrir que le nombre de visites reçues par Ecriplume aujourd’hui avait été plus important qu’en temps normal. Plus de 250 personnes sont passées par ses pages, faisant bondir les chiffres jusqu’à les faire dépasser les 47000. Jolie surprise à laquelle je ne m’attendais pas…

 

La plus vieille inscription du monde et la Dame de Malte

22 juillet, 2010

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Sur le Net, on l’appelle le plus vieux « gribouillage » du monde.
C’est une archéologue non professionnelle qui l’a trouvé au cours d’une sortie organisée par l’Université de Cambridge, en Angleterre.
Cette gravure dans la pierre serait datée d’il y a 4500 ans.
Gravé sur un rocher en grès de 17 cm, il représente des cercles concentriques.
Ce sont les experts eux-même qui estiment qu’il s’agit de l’équivalent néolithique des gribouillages que nous dessinons parfois en téléphonant, sur le coin d’une feuille.
A l’époque, les hommes semblaient aimer les cercles qu’ils utilisaient souvent dans les décorations, dans leurs oeuvres d’art, sur les tombes ou sur les objets usuels.
La pierre a été découverte dans une carrière, au fin fond du village d’Over.

Cela m’a fait penser à l’un des lieux les plus fascinants que j’ai visités, et de la découverte stupéfiante que j’y ai faite.
C’était à Malte.
Dans l’Hypogée de Hal Saflieni, temple mégalithique souterrain unique au monde où seuls dix visiteurs par heure peuvent s’engager, j’avais eu la chance de pouvoir descendre.
Vive les voyages de presse…
La visite était impressionnante, je buvais les paroles du guide qui nous racontait que, dans les temps anciens, il était de tradition qu’un prêtre vive là, seul, en ermite.
Personne ne le voyait jamais, il s’adressait aux visiteurs par l’intermédiaire d’un trou creusé dans la paroi, qui déformait sa voix.
Les personnes qui lui adressaient leurs prières étaient souvent des femmes stériles.
Dans ce lieu tout était majestueux et lourd.
Cette véritable nécropole contenait jusqu’à 7000 corps.
Le prêtre les veillait….
Au fil des siècles, la structure souterraine a été agrandie, contenant 33 pièces sur trois niveaux.
Un labyrinthe…

Et tout à coup, dans ce sanctuaire de pierre, j’ai vu une statuette, dans un rayon de lumière.
Elle ne mesurait pas plus de 10 cm, était en terre cuite et représentait la déesse de la fertilité ou la prêtresse du sanctuaire, personne ne le savait vraiment.
Elle avait été découverte dans l’Hypogée.
C’était une merveille…
Un chef-d’oeuvre de délicatesse.

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L’artiste qui avait créé cette femme aux formes généreuses, étendue sur un lit à pieds, était un homme ayant vécu il y a des milliers d’années.
Mais sa « Sleeping Lady », comme elle a été baptisée, est d’une beauté saisissante.
C’est en la regardant que j’ai compris que l’Homme contemporain n’avait pas le privilège du talent, de la créativité.
Que ces ancêtres que l’on pense frustres avaient une sensibilité artistique prononcée.
Les Etrusques me l’avaient déjà appris.
Ce jour-là, je suis tombée en amour de l’Art dit « primitif » en regardant la Dame endormie…

Martine Bernier

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