« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique. » Interview
Toute femme ayant vu sa vie brisée par un homme pervers narcissique sait qu’il lui faudra des années pour se reconstruire…. si elle arrive à se relever un jour.
L’infinie détresse engendrée par le comportement de ces personnages est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, à travers des décisions politiques essentielles et une loi novatrice adoptée en France en ce mois de juillet.
Un excellent livre ajoute une pierre majeure à cet édifice.
« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique » est sorti en février 2010 et a déjà été réimprimé quatre fois.
C’est dire l’importance de cet ouvrage dont les auteurs, Pascale Chapaux-Morelli et Pascal Couderc, font salle comble dès qu’ils donnent des conférences à travers l’Europe.
Tous deux ont accepté une interview dont voici la teneur.
- Pourriez-vous vous situer afin de préciser à quels titres vous vous êtes lancés dans l’écriture de ce livre?
Pascale Chapaux-Morelli: je suis présidente de l’Association d’aide aux victimes de violences psychologiques, et Pascal est psychanalyste, psychologue-clinicien et spécialiste des addictions.
- Vous expliquez que les victimes de pervers narcissiques sont des femmes, pour la quasi totalité. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Pascal Couderc: Quelques rares hommes, dans les conférences que nous avons données ont pris la parole pour présenter leur situation qui ressemblait beaucoup à celles que peuvent subir les femmes, mais ils sont rares. Comment expliquer que ces pathologies soient masculines? Historiquement, les hommes ont toujours possédé le pouvoir. Mais cette situation évolue au niveau institutionnel. L’homme doit donc avoir recours à d’autres stratégies pour reprendre ce pouvoir qui lui échappe. Je reçois presque uniquement des femmes dans le cadre de mon travail. La souffrance féminine est énorme. Cela ne veut pas dire qu’aucun homme ne souffre dans son couple. Mais en général, les hommes conservent un petit terrain secret où ils se réfugient pour éviter la souffrance extrême. Ceci dit, leur malaise ne doit être ni nié ni méconnu.
- Y a-t-il des signes permettant de reconnaître un pervers narcissique avant qu’il ait eu le temps de ruiner votre vie?
P.C.: Oui. Au départ tout est idyllique. Systématiquement, les femmes disent « c’était parfait, sauf… » Car il y a toujours un petit quelque chose de dissonant. Il existe une connaissance inconsciente que quelque chose ne va pas. Au début de l’histoire, on l’occulte. Puis, malgré l’état amoureux, certains détails interpellent.
Lorsque l’un des partenaires change subtilement la vie de l’autre, impose à l’autre sa façon de vivre, ses décisions, ses choix, finit par faire douter sa partenaire, lui fait perdre son estime d’elle-même, nous sommes en présence d’un pervers narcissique. Au final, votre vie a totalement changée. Si vous êtes devenue dépendante de l’autre à tout point de vue, qu’il en est arrivé à vous faire douter totalement de vous, il faut consulter.
- Vous soulignez, dans votre livre, que le pervers narcissique a un talent particulier: celui de renverser les rôles et de faire passer la femme pour responsable tout en se faisant passer, lui, pour une victime. Vous écrivez notamment: « Il lui est nécessaire de maîtriser son environnement pour le rendre conforme à sa pensée ».
P. C-M.: On se retrouve ici dans le même schéma que pour celui des femmes battues. La violence psychologique est beaucoup plus subtile, plus perfide. La première fois que je reçois une femme qui en est victime, elle me dit toujours la même chose: « Je voudrais comprendre ce que j’ai pu faire pour déclencher cela…. » Elle se croit responsable alors que c’est le partenaire qui l’est.
- Un pervers narcissique ressent-il de la culpabilité lorsqu’il a détruit une vie?
P.C.: Non, jamais. Ni culpabilité, ni souffrance, ni remords. Il niera la souffrance de sa partenaire, lui dira qu’elle se fait passer pour une victime. En revanche, il mettra en scène sa propre pseudo douleur, mais de manière froide. De plus, ce genre d’hommes sont de très mauvais perdants, très procéduriers. C’est un type d’hommes en général très intelligents. Ils ont le plus souvent une bonne situation, des capacités intellectuelles importantes, sont brillants. Plus ils sont intelligents plus ils sont redoutables. Ces hommes ne consultent pas. Ils manipulent tout le monde, y compris les thérapeutes. Face à eux, il faut des professionnels chevronnés.
- Un tel homme peut-il changer?
P.C.: Non. Il changera de partenaire, mais pas de pathologie. Ce n’est pas quelqu’un qui se remet en question.
Nous faisons face ici à deux pathologies associées: une structure perverse et une pathologie narcissique. La femme souffre d’un manque d’amour d’elle-même. Lui aussi est en manque, mais, contrairement à elle, il ne souffre pas. Il prend chez l’autre ce dont il a besoin, se nourrit de l’autre avant de passer à autre chose. Ces hommes s’aiment avec vanité, ils s’expriment à travers la vanité.
- Vous notez d’ailleurs dans le livre « Il n’a rien. Ni la souffrance, ni le souvenir de la souffrance, ni la substance. » Que peut faire une femme face à un tel partenaire?
P.C.: Etre vigilante, et, si elle le peut, partir dès qu’elle sent que quelque chose n’est pas normal. Lorsque le mal est fait, ce sont des femmes brisées que nous recevons en thérapie, souvent au bord du suicide. Il faut très longtemps pour qu’elles se reconstruisent.
P.C.-M.: Ce problème est pris de plus en plus au sérieux. Davantage d’informations circulent sur le sujet. Et désormais, en France, on peut s’appuyer sur une grande avancée politique. La loi du 10 juillet 2010 a été votée et le décret d’application interviendra d’ici l’automne. Cette loi concerne la violence psychologique. Elle a créé le délit de violence psychologique qui a servi de base aux femmes pour qualifier et reconnaître ce qu’elles vivent. Les hommes reconnus coupables encourront les mêmes peines que ceux responsables de violences physiques. Elles pourront aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 75’000 euros d’amende. La France fait ainsi partie des pays européens pionniers en la matière.
Martine Bernier
Site: www.violencespsychologiques.com »
« La manipulation affective dans le couple. Faire face à un pervers narcissique », Pascale Chapaux-Moreli et Pascal Couderc, Editions Albin Michel.
C’est quelque chose d’énorme que le vote de cette loi sur la violence psychologique. Une majorité de femmes est concernée et comme tu le soulignes également de nombreux hommes qui se taisent .Sont concernés également de nombreux enfants,de tout âges,dont des adultes ne pouvant se libérer de ce genre de violence,j’en connais.
Excellent article, merci. En le lisant on ne peut que penser à ce que vous avez vécu.Et Monsieur Couderc a raison : ce genre d’homme ne ressent aucun sentiment de culpabilité, de repentir, n’essaie pas de réparer. Par contre il se fait toujours passer pour une victime. Vous savez à qui je pense.
Ce livre et cet article sont extrêmement importants…. J’ai vécu avec un tel homme et je suis sortie de cette relation totalement brisée. Je ne peux toujours plus faire confiance à un homme, quatre ans plus tard. Je ne peux plus avoir confiance en moi non plus d’ailleurs. Il m’a fait comprendre que je n’avais finalement aucune importance, pas plus qu’un animal avec lequel on peut jouer et que l’on jette ensuite.
Je suis suivie par un spécialiste. Mais je crois que la seule chose qui pourrait me soulager serait de le voir condamné par un tribunal. Lui ne reconnaît absolument pas ce qu’il m’a fait. S’il est sanctionné par une autorité, ma souffrance sera prise en compte. Ma vie cassée.
Merci pour votre blog.
Marie
c’est bien beau cette loi …. mais difficilement applicable.
Quid de la charge de la preuve ? les contradictions des experts psy devant les tribunaux ne sont pas là pour rassurer.
bien sûr, elle a le mérite de dire ce qui est intolérable mais comme le dit l’interview, le (la) bourreau ne peut prendre conscience de son comportement. Il ne se reconnaitra pas dans ces dispositions légales. A quoi sert une loi si la sanction ne permet pas prise de conscience et réforme du comportement visé ?
après son amende ou son emprisonnement qu’il considèrera comme « injuste », le (la) pervers ara-t-il changé ? va-t-il remettre ça en se victimisant encore plus?… c’est probable…
Oui, c’est vrai, il sera difficile de prouver. Surtout que ce genre d’hommes est beau parleur et embobine facilement. Mais à partir du moment où il est condamné, où ce qu’il m’a fait aura été reconnu, je me moque de savoir s’il en prendra conscience ou non. Au moins, il y aura eu reconnaissance et sanction et j’en ai besoin pour repartir.
Qui peut sonder la conscience humaine ?? Les experts ?? Experts de quoi ?? Faut il rappeler que des experts ont relachés dans la nature des pervers récidivistes ?? Les femmes ou hommes qui subissent la folie de ces assassins du corps et de l’ame sont eux fracassés. Un animal a plus de conscience que ces malades qui s’ignorent ou qui jouissent de leur perversité. Vous ne changerez pas ces individus. La plus lourde des condamnations ne les changera pas. Et comment éviter de croiser de tels monstres ?? A ce demander si ces pervers ont une conscience, je ne pense pas. Il leur manque quelque chose……………et devant les tribunaux il se trouvera quelqu’un pour parler de pulsions incontrolables !! Retour à la case départ……
Premier roman sur le harcèlement moral au sein du couple
Je peux vous dire que mon ex-conjointe était exactement comme il est décrit plus haut, aucun scrupule, aucune culpabilité ou de remise en question(introspection) ni souffrance ni remords rien,car ces personne n’ont rien à se reprocher elle sont parfaites. J’ai été obligé la dernière fois d’être ferme et me tenir debout même si cela me crevait le coeur(culpabilité car c’était moi le bourreau) elle, la dame était la victime.
Rien n’était clair(demandes) dans les relations intimes elle était presque nul, car elle voulait toujours garder le contrôle peur de s’ouvrir et tout.
J’ai sauvé mon âme de justesse et il était urgent.
Aujourd’hui ça fait 1 an et je vais mieux, je travaille avec une psycho
et j’avance dans l’estime de moi, j’en suis fier et il me reste du chemin à parcourir, mais cela prend beaucoup de courage. Dieu merci…
J’ai vécu l’enfer et j’espère ne plus le revivre, car il ya encore de bonnes personnes.
Merci infiniment pour votre témoignage. Il faut longtemps pour se relever d’une telle blessure, et plus longtemps encore pour se reconstruire. Je pense réellement qu’après une expérience de ce genre, nous ne sommes plus jamais pareils. J’ai pour vous une pensée amicale et des voeux pour que vous puissiez revivre sereinement…
Merci de vos encouragements.
Vous avez entièrement raison, c’est certain que je vais demeurer un homme honnête, généreux et de grand coeur ça fait partie de ma nature, mais pour le reste je ne serai jamais plus le même, je vais donner encore mais parcimonieusement.
C’est d’ailleurs pour cela que je ne me remet pas en couple pour l’instant, car je ne voudrais pas par vengeance faire à quelqu’un ce que j’ai permi que l’on me fasse.
C’est fou ce que ces personnes nous amène à faire pour elles, en fait selon mon expérience, cette personne donnait peu et s’attendait de recevoir gros en retour sans que ce soit clair évidemment.
Sans vouloir m’imposer, Je pourrais vous en raconter à vous en faire crochir les oreilles.
Merci encore.