Archive pour août, 2010

Le nombril du monde

11 août, 2010

Tout le monde connaît l’expression  » se prendre pour le nombril de l’univers ».
Ce que l’on sait moins… c’est que ce nombril existe.
Si, Si.
Dans les Deux-Sèvres, en France, Pougne-Hérisson ne se contente pas d’avoir un joli nom.
Ou très prétentieux ou bourré d’humour, selon les avis, ce bourg estime être le nombril du monde.
Ce nombril est matérialisé par un véritable objet.
Il s’agit d’une pierre sur laquelle a été fixé un rivet.
De là serait issue toutes les grandes histoires du monde, lors d’un « bing-bang mythologique ».
L’histoire dit même que la pierre aurait été découverte par un aviateur américain, John Barnew Fergusson, parachuté lors du débarquement de 1944.

Vous n’y croyez pas?
Vous avez raison…
Entre la légende et la réalité, il y a… Yannick Jaulin, conteur professionnel.
C’est lui qui a créé l’histoire de la pierre en 1990.
Mais le canular a eu un tel retentissement qu’il est devenu officiel.
Aujourd’hui, les panneaux de la DDE annoncent très sérieusement, au bord des grands axes routiers, la présence de l’ombilic cosmique.
Mieux encore: un festival a lieu tous les deux ans, à la mi-août, et accueille 8000 spectateurs venus applaudir 150 artistes.
Il dispose même de sa propre radio: l’Ombilik FM.

L’idée du nombril est parfaitement géniale.
Qui, sans cela, aurait entendu parler de Pougne-Hérisson?

Martine Bernier

Bruno Crémer: Noce Blanche pour un départ…

10 août, 2010

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Il est parti samedi.
D’un cancer de la gorge qui lui a pris sa voix avant de lui voler la vie.
Sa voix, si belle…

Pour beaucoup, Bruno Crémer restera l’incarnation du Commissaire Maigret.
Il l’avait revisité, l’étoffant et apportant au passage une intensité nouvelle au personnage, l’arrachant à la caricature pour lui rendre sa dimension d’homme.

Pour moi, il restera François, l’irrésistible professeur de philo tombant amoureux de l’une de ses élèves dans « Noce Blanche ».

C’est ce film que France Télévision a choisi de diffuser hier, en hommage au comédien.
Je dois l’avoir vu trois ou quatre fois.
Et pourtant, une fois encore, j’ai été emportée par la magie du film, par ces scènes devenues quasi mythiques.
Il a été tourné en 1989 et signait l’arrivée au cinéma de Vanessa Paradis.
Elle campait une Lolita émouvante et belle.
Il offrait un numéro de funambule en ciselant un rôle d’homme mûr, séduisant, bouleversé au plus profond de lui…
La densité qu’il a transmise à ce personnage fait de lui l’un de ceux que je préfère au cinéma.
Un homme complet…

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Mon hommage à cet acteur profond, pudique et puissant, se résume en une phrase: lisez sa biographie « Un certain jeune homme »
Elle a été publiée en 2000 et est en cours de réimpression.
Il l’avait écrite seul, sans l’aide d’un « nègre ».
Sans complaisance, il parlait de lui, de sa jeunesse singulière, de ses émotions, de ses doutes, de ses rencontres, de certaines relations difficiles, de sa vocation naissante.
Son écriture lui ressemblait: solide, sans détours… un style d’une distinction certaine.
J’avais espéré une suite, et vite compris qu’il ne comptait pas l’écrire.
La tranche de vie s’arrêtait à la mort de son père…

Sur la page de couverture, deux photos.
L’une de son regard.
Et un portrait de lui lorsqu’il était jeune.
Des yeux très clairs, des cheveux d’or, un visage parfait.
En vieillissant, il n’avait pas perdu cette façon de regarder ses interlocuteurs en passant de la gravité à une touche d’ironie ou d’étonnement amusé…
Il n’aimait pas du tout les interviews, n’en donnait que lorsqu’il n’avait pas le choix.
Quel cadeau pour les journalistes qui y avaient droit…
Il n’avait pas besoin de cela pour être populaire.
Le public aimait ce grand bonhomme magnétique, à la fois solitaire et sociable.

Je sais, il faut le laisser partir… et je n’en ai pas envie.
Ou alors à moins qu’il ne réserve une table, là-haut, dans un nuage discret, pour terminer la conversation…

Martine Bernier

« Un certain jeune homme », Bruno Crémer, Editions de Fallois

Annabelle

9 août, 2010

Elle porte un joli prénom… 
Annabelle a 16 ans.
Cet âge charnière si délicat où l’on n’est plus enfant et pas encore adulte.
Cet âge où les préoccupations sont celles de tout jeune en quête d’identité, avec les rires et les angoisses qui y sont liés.

Le mois d’août était à peine commencé lorsqu’elle a été prise de malaises.
Inquiète, elle en a parlé à ses parents qui ont d’abord pensé à un souci passager.
Mais un soir, elle a été emportée en urgence à l’hôpital puis évacuée par hélicoptère vers un établissement plus pointu.
Depuis, elle est soignée dans un service de neuro chirurgie où les meilleurs spécialistes se penchent sur son cas.

Annabelle me fait penser à Alexandre, courageux adolescent greffé d’un rein l’an passé.
Lui aussi est passé par des moments très difficiles.
Mais son père rayonnait en m’expliquant dernièrement qu’il avait repris le sport, qu’il allait bien.

Les enfants et les adolescents atteints dans leur santé ont souvent un point commun: le courage.
Ils sont une leçon pour les adultes qui se plaignent pour un rien.
Ces enfants, ces jeunes « pas encore adultes », remontent souvent le moral de leurs proches.
C’est, semble-t-il, ce que fait cette jeune fille qui, tout en ayant un besoin infini du réconfort de ses parents, assume ce qu’elle vit avec un cran certain.

Je ne l’ai jamais rencontrée.
Je sais en revanche que dans les moments les plus durs de nos vies, lorsque nous devons hanter les couloirs des hôpitaux, il y a plusieurs manières d’appréhender les choses.
S’ouvrir aux personnes qui nous entourent là-bas et s’intéresser à elles comme elles s’intéressent à nous est sans doute la moins mauvaise.
Ne pas avoir peur de l’inconnu et prendre chaque instant sans appréhender le suivant est une bonne façon de ne pas se projeter dans une douleur qui n’arrivera peut-être pas.
Et surtout, se dire que les mauvais moments ne durent pas…
Pour ma part, j’arrive à m’y tenir pour les douleurs physiques, pas pour la souffrance morale.

Annabelle, un faisceau de pensées d’affection part de la Suisse jusqu’à toi, pour rejoindre les messages de tous ceux qui pensent à toi. Je te souhaite des lendemains qui chantent, Petite Soeur.

Martine Bernier

Des enfants marqués d’un sceau nazi

8 août, 2010

L’actualité fait parfois froid dans le dos…
Voici quelques jours, une dépêche apprenait qu’un tribunal américain avait décidé de retirer trois enfants de la garde de leurs parents.
Pourquoi une décision aussi lourde?
Parce que ces petits âgés de deux à quatre ans ont été baptisés de noms nazis.
Adolf Hitler Campbell, Jocelyne Aryan Nation Campbelle et Honzlynn Hinler Jeannie Campbell ont été confiés à une famille d’accueil en janvier 2009, après que, en décembre de l’année précédente, un supermarché ait dénoncé les parents après avoir refusé de décorer un gâteau d’anniversaire avec le prénom de l’un des enfants.

Les tribunaux se sont donc emparés de l’affaire.
Dans un premier temps, il avait été estimé que le dossier manquait d’éléments indiquant que les enfants avaient souffert de maltraitance de la part des parents.
La nouvelle décision de la cour d’appel du New Jersey, elle, a appuyé sa décision sur le fait que le père, illettré, souffrait de troubles médicaux et mentaux qui ne lui ont jamais permis de travailler, et que son épouse souffre également de troubles à la fois physiques et mentaux.

Le fait divers est tellement sordide qu’il laisse sans voix.
Une ou deux questions peut-être: comment un officier d’état-civil a-t-il pu enregistrer de tels prénoms sans réagir?
Et ces enfants pourront-ils en être délestés pour ne pas avoir à traîner un tel poids toute leur vie?

Martine Bernier

Edouard Baer, le dandy artiste… ou le fascinant Rendez-Vous en Terre Inconnue d’un lutin facétieux

7 août, 2010

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Je ne me lasse pas de la personnalité très particulière d’Edouard Baer, ce vif-argent acteur, scénariste et journaliste.
Il a été élevé dans les beaux quartiers de Paris et cela se sent…
Je suis totalement acquise aux personnages qui manient l’humour sans grossièreté, en usant du verbe, de l’esprit et de la mimique pour partir dans des envolées lyriques hilarantes.
Olivier de Kersauzon en est l’un des plus beaux exemples, comme Fabrice Luchini, dans un registre différent…
Edouard Baer en est un autre.
Il a du style, de la classe, et pourtant rien de snob.
Cet homme a quelque chose qui n’appartient qu’à lui.
Un regard sur le monde, les autres et lui-même d’une drôlerie irrésistible, un détachement intrigué.

La première fois qu’a été diffusée l’émission « Rendez-Vous en Terre Inconnue » qui lui a été consacrée, je n’ai pas pu la visionner.
J’ai donc décidé de l’enregistrer et de la regarder quand j’aurais le temps.
Je la gardais comme une friandise.
J’étais très curieuse de voir comment allait réagir ce lutin raffiné et malicieux, en plein coeur du pays Dogon, au Mali, chez ces hommes énigmatiques…
Un Parisien contraint de vivre deux semaines dans des conditions sommaires peut avoir un peu de mal à s’acclimater…
Il se trouvait là aux antipodes de son quotidien.

Ca a été un régal…
En conservant sa personnalité, en saupoudrant tout de son humour particulier et en réagissant avec naturel vis-à-vis de ses hôtes qui ont vraiment dû parfois se demander quel était ce curieux spécimen débarqué d’une autre planète, il a apporté une saveur exceptionnelle à l’émission.
La confrontation de ces deux mondes a été un délice, jalonné de fous rires.
Le clan Dogon a été chaleureux, accueillant, joyeux, profond…
Certaines scènes, certains rites étaient fascinants…
L’invité a été drôle, intéressé, respectueux, sensible, ni trop ni trop peu.
Cet homme est gentil… cela se sent dans sa façon d’aborder les autres.
Et Frédéric Lopez, son accompagnateur privilégié, a visiblement aimé ces deux semaines en aussi bonne compagnie.

De la scène des Césars à l’étrange village des mystérieux Dogon, en passant par les plaches des théâtres parisiens, Edouard Baer a un talent très particulier: il s’adapte et séduit…

Martine Bernier

50’000 visiteurs sur Ecriplume et… les trois dessins

6 août, 2010

Voici quelques jours, j’ai réalisé qu’Ecriplume avait dépassé les 48’000 visites.
Je me suis dit: « Mince… dans quelques jours, nous arriverons à 50’000. Que faut-il faire pour souligner ce passage? »
Je pensais avoir du temps pour y penser.
J’ai laissé de côté mon interrogation pour attaquer des tâches plus urgentes.

Seulement voilà… c’était sans compter la vitesse avec laquelle les chiffres de ce compteur de visites s’emballe.
Au moment où j’écris ces lignes, le blog vient de dépasser le cap des 50’000…
Et je ne sais toujours pas que faire.
Je vais donc me contenter de répondre à certaines questions qui me sont souvent posées par rapport à Ecriplume, et apporter quelques données.

A ce jour, après un an et demi d’existence, le blog a donc reçu plus de 50’000 visites, a vu diffusés près de 670 articles classés dans 50 catégories, et reçu près de 500 commentaires.
Je n’ai pas tenu le compte des messages personnels reçus depuis tout ce temp: ils dépassent largement le millier.
Je m’efforce de répondre à chacun, lorsqu’ils disposent d’une adresse mail me permettant de le faire.

Ecriplume me permet d’aborder les sujets que jamais je ne traiterais dans mes articles ou mes livres.
Il me permet d’assouvir ma curiosité, de partager mes découvertes, mes coups de coeur.
De garder l’équilibre lorsque je chavire…
Qu’autant de passagers de la Toile s’attardent à pousser la porte de ce blog est pour moi un émerveillement, une surprise, un cadeau.
J’ai une pensée pour tous ceux qui le lisent.
Une pensée aussi pour ceux qui m’inspirent certains de ces textes, par leur talent, leur amitié, leur tendresse, leur personnalité, leur courage, leur présence, leur charisme, leur fantaisie.

Sans le savoir, quelqu’un m’a fait un cadeau superbe pour ce passage des 50’000.
Quelqu’un qui fait partie de ceux qui m’inspirent certains textes.

Je ne m’y attendais absolument pas.

Dans mon courrier, ce vendredi matin, se cachait une enveloppe brune postée en France.
En découvrant le nom de l’expéditeur, j’ai été plus qu’intriguée…
Mais je n’imaginais pas le contenu de l’enveloppe…

Quelques lignes écrites à la main et… trois dessins.
Ce qu’il appelle « ses gribouillages »…
Je les avais vus en photos, j’en avais parlé sur Ecriplume.
Là, je les avais entre les mains…
Les photos ne « rendent » pas la réalité.
Ces dessins « vivent ».
Ils dégagent une puissance saisissante.
Les traits sont sûrs, les proportions harmonieuses sur des modèles aux physiques particuliers, bien loin des canons de beauté traditionnels.
Les expressions n’ont rien de figé.
Des instants de vie arrachés au temps…
Le trait est tantôt marqué, tantôt d’une légèreté quasi vaporeuse.
En une seule couleur, il joue avec la lumière et les ombres.
Une prouesse d’autant plus impressionnante que tous ces dessins sont réalisés… en noir et blanc, au stylo bille!
J’ai pris en pleine face la force de ces portraits.

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Il est très déconcertant de se retrouver face à quelqu’un qui n’a jamais pris un cours de dessin, et qui a un tel trésor dans les mains.
Un homme d’une humilité totale par rapport à ce qu’il crée.
Depuis des années, je passe beaucoup de temps dans les expositions, les musées, avec des peintres, des sculpteurs ou… en compagnie de livres d’Art.
Se retrouver face à un artiste qui regarde son don avec un tel recul et qui ne semble pas réaliser qu’il a un pur talent est profondément émouvant.
Je garde précieusement ces trois dessins qui, encadrés, prendront le chemin de l’un des murs de mon bureau.
Je n’ai rien fait pour les mériter… c’est un geste qui me fait un plaisir immense

Martine Bernier

J’ai une pensée spéciale pour une jeune fille de 16 ans qui subit cette semaine un problème de santé aussi violent qu’imprévisible.
A elle et à ceux qui tremblent encore pour elle, j’envoie un nuage de tendresse et de force.

Jour de riens

5 août, 2010

Quand le téléphone a sonné, j’étais absorbée dans la préparation d’une interview compliquée.

- Hello, toi! Que fais-tu, en ce moment?
- Là? Je trav….
- OK! On mange ensemble? Je viens te chercher! D’accord?
- Bonne idée!
- J’arrive, je pars maintenant.

Je connais Claude depuis des années.
Il me fait penser à mon complice Breton avec lequel je m’évade à  Paris.
Grand, élégant, pince-sans-rire.
Nous avons traversé pas mal de choses ensemble.
Quand l’un des deux ne va pas bien, l’autre garde un oeil sur lui, et est là pour l’aider.
Depuis que je suis en Suisse, c’est ce qu’il fait.
Il revient ponctuellement.

Au restaurant, au bord du lac, nous parlons de mille choses.
Il me demande sur quoi je travaille en ce moment.
Je lui explique que l’on m’a confié un mandat important qui représente un défi pour moi étant donné ma fragilité physique actuelle.
Nous aimons beaucoup jouer sur le fait que j’ai peu d’appétit. Face à la serveuse qui s’inquiète de ne me voir prendre ni entrée, ni dessert, ni café, je pousse un soupir déchirant et cela donne ceci: « Oui, nous n’avons pas beaucoup de moyens. A chaque fois, l’un de nous s’offre un dessert, l’autre pas. En général, c’est lui… Il est plus fort de moi, vous comprenez… Mais ne vous inquiètez pas, pour le café… il me donne le sucre. »
Le genre d’humour disjoncté qui nous fait partir dans des fous rires sous les regards perplexes des autres clients.
Notre repas terminé, Claude me dépose chez moi.
Et là, à peine rentrée, une douleur fulgurante me plie en deux.
Je ne pensais pas attendre un jour avec impatience de revoir des médecins.

Le téléphone sonne, je confirme plusieurs rendez-vous professionnels tout en gardant un oeil sur les échéances médicales qui reprennent en ce mois d’août.
En rallumant mon ordinateur, je découvre de nouveaux messages des personnes proches d’Alain, qui ne signent toujours pas leurs lettres.
Elles continuent à me retracer ce qu’elles appellent « les flasques aventures des Bidochons et de Blanche-Neige trépanée ». Ils m’annoncent qu’Alain va arriver la semaine prochaine à une heure de chez moi, qu’il recommence discrètement à chercher une autre proie exactement dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles nous nous sommes connus, caché sous un pseudonyme, encore.
Que celle qui vit avec lui est d’une naïveté à toute épreuve, préférant ne rien voir et  croire à ses nouveaux mensonges en jouant elle aussi une comédie d’adolescente…
Les mots qu’ils utilisent pour parler d’eux sont toujours plus durs.
Il les mérite, je le sais. Mais je suis atterrée, comme à chaque fois, de réaliser ce qu’il engendre.

Je poubellise les messages. Autre chose à faire, à penser…
Au bout d’une heure de travail, Pomme vient m’expliquer qu’elle se propose de me sortir.
Sous la pluie.
Je dirais même sous le déluge.
Exécution.
En chemin, je croise l’un de mes voisins pourtant peu enclin aux grandes conversations aquatiques:

- J’ai entendu que vous avez été opérée plusieurs fois, c’est vrai?
- Oui.
- Vous avez une petite mine!  Vous êtes pâle et vous avez des cernes!
- Heu… oui. Merci de le remarquer!
- Et puis vous avez l’air triste. Ca va?

Triste? Allons donc… pourquoi serais-je triste. N’est-ce pas?

Martine Bernier 

 

 

 

 

Quand Parmentier sort de l’ombre

4 août, 2010

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Quelle injustice….
Comme il doit être triste Monsieur Parmentier, de se dire que tant de gens ne pensent à lui qu’en associant son nom à la pomme de terre, au hachis, aux frites ou à la purée…

Il doit s’en mordre les doigts, sur son nuage, ce pharmacien agronome picard, d’avoir consacré tant de temps à la sauvegarde du tubercule détesté à l’époque car accusé, entre autres horreurs, de transmettre la lèpre!
Ses autres travaux sont pourtant essentiels.

C’est vrai qu’Antoine Augustin Parmentier, né en 1773, a beaucoup fait pour qu’arrive jusqu’à nous la précieuse pomme de terre.
Mais saviez-vous qu’il a aussi été un visionnaire en matière d’alimentation, et qu’aucun de nos diététiciens ne renie aujourd’hui son travail?

Pharmacie de troisième classe participant à la Guerre des Sept Ans, c’est en prison qu’il a découvert la valeur nutritive de la pomme de terre dont les Allemands étaient friands.
En 1765, il devient pharmacien à l’hôtel royal des invalides.
Un endroit où se retrouve toute la misère du monde…
C’est là qu’il étudiera les problèmes liés à l’hygiène, la conservation des aliments, la chasse aux rats, la qualité de l’eau, le fonctionnement de la boulangerie… autant d’éléments concernant de près ce genre d’établissement.
La période est aux guerres, à la famine… il faut nourrir les populations.
C’est dans ce contexte qu’il va se battre pour banaliser la culture de la pomme de terre.
Mais il ira beaucoup plus loin, en s’intéressant à la conservation des aliments, et à bien d’autres plantes alimentaires.
Le raisin, le maïs, la châtaigne, le riz, la canne à sucre, le thé, le coton, le tabac: toutes l’intéressent.

Il se penche sur la digestibilité du lait en s’allouant les services d’une assistante peu commune: une vache sans cornes lui permettant de travailler sans se blesser.

Parmentier avait à coeur que le peuple ne souffre plus de la faim.
Il a réuni ses observations dans un « Traité d’économie rurale et domestique » qu’il écrira à l’intention des femmes.
Personne ne l’avait jamais fait avant lui…
Vulgarisateur, pédagogue, chercheur… il repartira pourtant en tant que pharmacien des armées lors des guerres napoléoniennes.
Et cette fois, il étudie les vertus du quinquina, donnant des conclusions qui seront écoutées et appliquées par l’Empereur lui même.

Comme Molière, Parmentier ressentait une sérieuse méfiance vis-à-vis de la médecine de son temps.
Pour lui, la santé résidait dans la prévention et dans ce qui passait dans les assiettes.
Un discours qui n’a pas pris une ride…

Alors… inventeur de la pomme de terre, Monsieur Parmentier?
Oui, mais pas uniquement.
Précurseur de la nutrition moderne aussi…

Martine Bernier

Les histoires de l’Oncle Paul

3 août, 2010

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L’un des personnages qui m’a donné le goût de la découverte, de l’Histoire et des êtres d’exception, n’était pas un homme de chair et de sang.
Je le retrouvais chaque semaine dans le journal « Spirou », quand j’étais enfant.
Il s’appelait « L’Oncle Paul ».

« Les belles histoires de l’oncle Paul » rebaptisées ensuite « Les plus belles histoire de l’Oncle Paul » et ‘L’histoire en mille morceaux » est une série inoubliable pour ceux qui l’ont suivie.
Elle a été publiée dans Spirou de 1952 à 1982.
Sans doute est-ce ce cher Oncle Paul qui m’a donné le goût des hommes cultivés.
Incorrigible fumeur de pipe, il profitait des bêtises ou des remarques de ses neveux pour s’embarquer dans des récits véridiques et passionnants.
A chaque fois, ses lecteurs découvraient un petit bout d’Histoire.
C’était un véritable film qui se déroulait sous nos yeux…
J’en adorais l’ambiance, le fait d’apprendre dans des conditions aussi ludiques, guidée par cet homme d’âge mûr dont j’avais presque l’impression d’entendre la voix que j’imaginais grave et posée.
Petite fille en mal de père, je me réfugiais dans les cases paisibles de la BD en buvant les paroles de ce rassurant conteur.
Un homme qui n’était pourtant qu’un dessin…

Plusieurs dessinateurs et scénaristes, avant de devenir de grands noms du métier, se sont relayés pour croquer ses traits et raconter ainsi plus d’un millier d’histoires.
Le succès a été tel que l’Oncle Paul a été parodié dans Spirou et dans d’autres revues diffusant de fausses histoires.
Cela me faisait rire.
Voir arriver mon cher tonton sur son lieu de travail, contraint de fumer la pipe alors qu’il avait en fait horreur de cela m’amusait beaucoup.

De toute façon, tout pouvait être mis en oeuvre pour m’en dégoûter, c’était inutile: durant les années passées à le lire en chipant les Spirou de mon entourage, rien ni personne n’aurait pu me lasser de mon conteur préféré.

L’Oncle Paul a ouvert l’esprit d’une foule de petits lecteurs dont je me demande s’ils le gardent aujourd’hui encore au creux de leur mémoire.
En préparant un texte pour demain, j’ai pensé à lui, ai posé mon texte et me suis dit…. finalement, Ecriplume ne fait rien d’autre que suivre son sillon….

Martine Bernier

Toulouse-Lautrec et la malédiction de sa naissance

2 août, 2010

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Dans le monde de la peinture Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec était un personnage étonnant.
Il m’arrive de me demander si l’on n’a pas plus parlé de sa particularité physique plutôt que de son talent.

Pauvre Henri…
Il a souvent été dit qu’une infirmité a empêché ses jambes de grandir normalement, et qu’elle avait été décelée le jour de sa naissance.
Toute sa vie, dit-on, son corps a été disproportionné.
Et bien non…. il n’est pas né handicapé.
L’histoire est plus compliquée que cela.
Descendant des fiers comtes de Toulouse, Henri est né de l’union de la comtesse Adèle-Zoé Tapie de Céleyran et… de son cousin, Alphonse-Charles de Toulouse-Lautrec-Monfa.
Que de particules…. et que de consanguinité.
Un lien de parenté trop proche qui sera nocif au bébé.

L’enfant, que sa mère appelle son « petit bijou », présente une débilité osseuse, qui va compromettre sa croissance.
Son entourage s’inquiète, consulte plusieurs médecins, croit encore à une guérison.
Et le couple se sépare.
Le père d’Henri condamne son union avec son ex femme.
Il parle d’eux comme d’un couple « que l’on n’aurait jamais dû autoriser à s’unir », un couple qui a vicié le sang de l’enfant.
Monsieur Papa se désintéresse de cette progéniture peu conforme au modèle traditionnel, et Madame Mère, lassée des frasques de son mari, s’installe à Paris avec son fils.
Il fréquentera le prestigieux lycée Fontanes qui deviendra bien plus tard le lycée Condorcet.
Et il y décrochera un premier pris de latin et de grec.
Dans les marges de ses cahiers d’écolier, des croquis et des frises trahissent déjà son amour pour le dessin.
Dans ses cahiers d’esquisses, que sa mère conserve précieusement, dès 1873, il accumule les sanguines, les pastels, les aquarelles…

Henri a du talent…
Il est doué… intelligent et doué.
Mais sa santé est mauvaise et il doit interrompre ses études que sa mère assumera chez eux, avec l’aide de précepteurs.

Le 30 mai 1878 la vie du jeune homme va basculer et son destin va se sceller.
En tombant d’une chaise basse, il se casse la cuisse gauche.
Dans ses lettres, il manie l’auto-dérision, signant « Henri-patte-cassée » ou « ton cousin gracieux ».
De stations balnéaires en villes d’eau, la comtesse Adèle va accompagner son rejeton, tentera de tout faire pour lui rendre la santé.
Mais en été 1879,il tombe dans le lit d’une ravine sèche et se casse le fémur droit.

Henri de Toulouse-Lautrec restera de petite taille, puisqu’il ne dépassera pas 1,52 m.
Il boitera toute sa vie.

Petit par la taille, il deviendra un « grand » de la peinture.
Installé à Montmartre, il hante la vie nocturne, devient l’un des piliers des cabarets parisiens et particulièrement du « Mirliton », ouvert par Aristide Bruant.
Il créera des affiches, des décors (y compris pour la baraque foraine de la Goulue »), peint les artistes…
Il fréquentera les maisons closes, consacrera des albums de lithographie aux filles des cabarets.
Plus tard, il se passionnera pour le monde du cyclisme qu’il peindra avec ferveur, au vélodrome

Toute sa courte vie, Henri sera profondément affecté par sa disgrâce physique.
Une souffrance, une frustration intenables…

Son nom va s’inscrire sur la longue liste des artistes qui seront internés.
Il ne dort que quelques heures par nuit, est victime de surmenage, devient de plus en plus nerveux, sujet à des hallucinations.
Il lui arrive d’éclater en de violentes colères.
Son état devient si préoccupant que, de février-mai 1899, il sera interné dans une clinique de Neuilly où il subira une cure de désintoxication.
Pendant cette période, pour prouver qu’il a retrouvé son équilibre mental, il exécutera de mémoire, aux crayons de couleurs, une série de trente-neuf « Scènes de cirque » devenues l’ un des fleurons de son œuvre.
A sa sortie, il va alterner les séjours à Paris et les voyages à Bordeaux (1900) et Arcachon (1901).
Mais il se remet à boire et son état de santé s’aggrave.

Au mois d’août 1901, il part se reposer au château familial de Malromé, où, très affaibli, il peindra sa dernière toile : l’Amiral Viaud.
Cette œuvre restera inachevée.
Henri de Toulouse-Lautrec meurt au début du mois de septembre, à l’âge de 37 ans.

Il a enfin quitté ce corps qu’il détestait.

Martine Bernier

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