Archive pour octobre, 2010

Elle s’appelait Sarah Oberson…

12 octobre, 2010

C’était le 28 septembre 1985.
En Suisse, une petite fille de 5 ans, Sarah Oberson a disparu ce jour-là.
Elle avait quitté sa maison pour se rendre chez sa grand-mère.
Elle n’est jamais arrivée.
Son vélo a été retrouvé au bas d’un escalier permettant de se rendre à la salle de gymnastique.
Deux personnes ont vu Sarah dans la cour de l’école, à 50 mètres de sa maison.
Puis, plus rien.
La police, l’armée ont mis en place un important dispositif.
Les parents, les enquêteurs ont remué ciel et terre.
Mais jamais Sarah n’a été retrouvée.
Le pays tout entier a été bouleversé par cette disparition.
Aujourd’hui encore, personne n’a oublié le prénom, le nom, et le visage de cette petite fille.

Je pense que rien n’est pire que la perte d’un enfant.
Il est impossible de pardonner à celui qui en est la cause.

Leur désespoir, les parents de la petite fille l’ont utilisé pour créer la Fondation Sarah Oberson, en collaboration avec l’Institut International des Droits de l’Enfant.
Un site Internet remarquable, beaucoup d’informations à l’intention des personnes qui, comme eux, pourraient vivre cette tragique expérience de la disparition d’un enfant, des activités… ils ont rendu leur vécu utile à d’autres.
Chaque année sont organisées des journées Sarah Oberson, par l’intermédiaire de la Fondation.
La prochaine est agendée pour le 3 novembre 2010.
Cette journée de réflexion sera placée sur le thème « Nouvelles technologies: chance et dangers pour les enfants ».

Si elle est vivante, Sarah a aujourd’hui 30 ans.
Le mystère qui plane sur sa disparition, sur ce qu’elle a pu devenir est entier.
Mais chaque année, comme le dit le site de la Fondation, des informations arrivent encore aux parents sur leur fille.
Toutes sont toujours vérifiées et jamais le « dossier Sarah Oberson » ne sera classé, pas plus que ne le sont ceux des autres enfants disparus.

Martine Bernier

Six semaines après…

11 octobre, 2010

Six semaines après notre dernière rencontre, je retrouvais aujourd’hui mon chirurgien, à quelques jours de mon départ pour Florence.
Parce qu’il connait l’enjeu de ces contrôles, Celui qui m’accompagne a pris un jour de congé pour se rendre à l’hôpital avec moi.
Sa présence me réconforte, me rassure…
Comme à chaque fois, il y a un moment de tension, de crainte, lorsqu’il s’agit de refaire les examens permettant de voir si la situation ne s’est pas dégradée depuis la dernière opération.
Mais il semblerait que suivre presque à la lettre les instructions de mon médecin porte ses fruits.
Pour le moment, la situation se maintient et c’est un soulagement immense.
Prise de sang, échographie.. la routine.
La relation que cet homme passionnant et moi avons développée est insolite et belle.
Il ne joue pas à « L’Homme Médecine qui détient de Savoir » se trouvant face à l’Inculte de service.
Ce qui donne des dialogues intéressants…

- Je suis content de voir ce résultat. D’autant que la prise en charge a été vraiment difficile. J’ai eu vraiment peur que nous perdions votre rein.
- Je m’y étais pratiquement résignée, j’avoue.
- Mais vous voyez, il est tout petit, mais il s’accroche! Le rein est un organe noble…
- Et vous un formidable médecin. Je vous remercie pour ce que vous avez fait.
- C’est gentil…
- Et c’est moi qui suis gentille???

Rires partagés. Je reprends:

- Vous m’avez permis de ne pas subir ces opérations. Grâce à vous, j’ai participé. Je pense que je n’oublierai jamais les deux premières interventions où vous m’avez permis de suivre ce que vous faisiez sur l’écran. J’ai eu l’impression d’être dans un un jeu vidéo! c’était surréaliste. J’en oubliais que c’était moi que vous étiez en train d’opérer.
- C’est tout à fait cela! Je suis content que vous l’ayez vécu comme cela. L’urologie est passionnante!

Nous parlons de choses et d’autres, et nous en venons à mon dernier livre, qui sort dans quelques jours et dont je parlerai bientôt.
Nous discutons de son avis sur la question, puis je lui dis:

- Si vous n’aviez pas été là, je n’aurais jamais pu l’écrire.
- C’était chaud… Vous m’en enverrez un exemplaire dédicacé?
- C’est prévu! Je vous dois bien cela…

Nous parlons un moment du thème du bouquin, sur lequel il m’a souvent taquinée au cours de ces derniers mois.
A la fin du rendez-vous, il me dit:

- Si vous suivez toutes les recommandations, cela devrait tenir. Mais je ne veux pas attendre un an pour vous revoir, c’est trop loin. On se retrouve dans six mois?
- Ou avant si ça recommence. D’accord!

Lorsque sa secrétaire me tend le nouveau rendez-vous, j’ai un moment de flottement.
Il aura lieu le jour de mon anniversaire.
Je quitte le bureau en compagnie du chirurgien et nous continuons à deviser dans les couloirs.

- Je vous aime beaucoup, mais j’avoue que je suis soulagée de ne pas devoir revenir tout de suite vous voir…
- Pareil pour moi. Je suis heureux que les choses se passent bien et que nous n’ayons pas à nous revoir avant quelques mois. Passez une bonne fin d’année, faites très, très attention, et n’oubliez pas le livre!
- Vous aussi, passez une bonne fin d’année! Et promis, je n’oublie pas! Avec un mot rien que pour vous!

Je ne lui ai pas dit que le fait de ne pas le revoir durant six mois, de savoir que je vais vivre sans filet, me soulage mais me fait peur tout à la fois.
Si cela « craque » une nouvelle fois, sera-t-il bien là?
En retrouvant la chaude étreinte et le regard tendre de Celui qui m’attend, je respire.
Il me porte bonheur, semble-t-il.
Même si l’on ne guérit pas de tout.

Mercredi, autre rendez-vous médical.
Puis Florence me tendra les bras…

Martine Bernier

Un concerto retrouvé…

10 octobre, 2010

C’est une nouvelle comme je les aime…
Au début de ce mois, la copie d’un concerto de Vivaldi a été retrouvée en Ecosse.
Vivaldi, ce merveilleux compositeur italien du XVIIIe siècle, virtuose du violon…
Il s’agit de la copie du manuscrit original de la partition d’ »Il Gran Mogol », l’un des quatre concertos nationaux dus au Pretre Rosso, surnommé ainsi en clin d’oeil à sa chevelure rousse
Les trois autres concertos, « La Francia », « La Spagna » et « L’Inghilterro », n’ont pas été retrouvés.

Les musicologues estiment que ces concertos n’ont jamais été joués.

Cette musique âgée de centaines d’années a été découverte par Andrew Woolley, un chercheur de l’université de Southampton.
Jusqu’alors, le seul élément que l’on connaissait sur ce concerto était une simple mention dans un catalogue de vente d’un libraire néerlandais du XVIIIe siècle.

On apprend aujourd’hui que le document retrouvé est presque complet.
Ne manque qu’une partie du deuxième violon. Cette partie manquante a été reconstituée par Woolley qui s’est appuyé pour ce faire sur un autre concerto pour flûte de Vivaldi conservé à Turin, en Italie, « qui lui semble être une version retravaillée de l’original ».

Aujourd’hui, la question est sur toutes les lèvres: comment cette partition a pu arriver en Ecosse??
Les spécialistes pensent qu’elle a peut-être été acquise par Lord Robert Kerr, le fils mélomane du troisième marquis de Lothian, lors de son « Grand Tour » en Europe au début du XVIIIe siècle.

C’est dans des papiers de la famille des marquis de Lothian achetés par les archives nationales en 1991 que le document a été retrouvé.

La prochaine étape sera une forte émotion…
Le concerto sera joué pour la première fois au Concert Hall de Perth, en Ecosse, en janvier prochain.

Je donnerais beaucoup pour y être…

Martine Bernier

Les grillons égarés, le Prix Nobel et Gao Zhisheng

9 octobre, 2010

Quel que soit le jour de la semaine, pour Pomme, toujours bichon havanais de son état, l’heure c’est l’heure.
Peu lui importe que je veuille rester couchée ou non, que ce soit le week-end ou pas, c’est ainsi.
Ce samedi, donc, à contrecoeur, j’ai quitté le confort de mon lit et la chaude présence qui l’occupe pour me retrouver dehors alors que le jour n’avait même pas encore pointé son nez complètement.
Un coup d’oeil aux montagnes pour constater que la brume est de la partie exactement le jour où j’ai un reportage sur un sommet.
Je grimace.
Il ne fait pas froid… la promenade commence.
Et là, à quelques mètres à peine de chez moi, dans le silence total de la nuit, à peine rompu par le bruit du torrent, j’entends un bruit qui m’intrigue.
Impossible de me tromper, il est reconnaissable entre mille.
Des grillons!!
Des grillons en Suisse, à 7 heures du matin, en plein mois d’octobre.
C’est normal, docteur?
Des égarés… qui crissent à l’unisson dans l’obscurité.
Comme il est un peu tôt pour prendre le monde à témoin, je regarde Pomme, visiblement peu sensible au bruit des grillons, et je rentre.

Aujourd’hui sera une journée bien remplie, mais je veux prendre le temps, avant de l’aborder, de saluer trois hommes.

Bernard Clavel, dont les funérailles ont lieu cet après-midi, était un merveilleux écrivain, un beau conteur.
Il sera inhumé dans ce Jura qu’il aimait tant, à Frontenay.

Depuis que j’ai appris l’attribution du Prix Nobel 2010, je pense beaucoup à deux hommes exemplaires.
Premier Prix Nobel chinois, le dissident Liu Xiaobo est un exemple de courage. Et le Prix de cette année, qui lui a été décerné malgré les menaces et les réactions furieuses de Pékin qui aimerait décidément beaucoup que le monde lui obéisse, est un choix que je salue avec reconnaissance.
Il aura peut-être un impact sur l’avenir de ce pays et de ceux qui y vivent…

C’est l’occasion de parler de Gao Zhisheng.
Pour avoir défendu des pratiquants de Falungon et avoir défendu des affaires liées aux Droits de l’Homme comme celle des chrétiens de Chine, cet avocat a été torturé pendant des mois en 2009.
Puis il a « disparu » au printemps 2010.
Interrogée, la police a affirmé « ne plus savoir où il était ».
Ce qu’ils peuvent être distraits, quand même…
On « perd » un homme comme on perd ses clés.
J’ai remarqué que les tortionnaires ont une fâcheuse tendance à mettre en avant leur « mémoire défaillante ».
Réflexion faite et mémoire revenue, les autorités ont relâché leur victime et ont renvoyé Gao Zhinsheng chez lui pendant dix jours, pour le recapturer et le faire disparaître une nouvelle fois.
Sa famille, ses amis sont à nouveau sans nouvelles de lui depuis près de six mois.
Sa femme et ses enfants ont fui la Chine pour gagner les Etats-Unis.
Quelques jours avant la remise du Prix Nobel, une trentaine d’élus du Congrès américain ont encouragé Barack Obama à demander à Pékin de libérer deux dissidents: Liu Xiaobo et Gao Zhinshend, explique le journal français des Etats-Unis « France-Amérique » de ce jour.

En attendant que les choses bougent, et elles mettent bien longtemps à le faire, Amnesty International se réjouit de l’attribution du Prix Nobel en espérant qu’il contribuera à inciter la Chine à libérer ses nombreux prisonniers d’opinion.
Pékin, elle, tente de ne pas laisser filtrer l’information et se dit indignée de l’octroi du Prix à ce qu’elle appelle « un criminel ».
C’est vrai qu’il est criminel de sacrifier sa vie pour défendre celle des autres, pour faire appliquer la loi, quand on y pense.
Tsss…

Dans mon coin, là où chantent les grillons désorientés et insomniaques, je continue à me dire que l’Homme est capable du pire comme du meilleur.
Mais cela, je le savais déjà.

Martine Bernier

Giverny: au coeur des tableaux… Les jardins (Deuxième partie)

8 octobre, 2010

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(Toutes les photos de cette page sont signées Thierry Leroy)

Des jardins de Monet, ceux qui les visitent connaissent la beauté luxuriante ou discrète selon l’endroit où ils se trouvent.
L’envers du décor est nettement moins connu.
Pour le découvrir, une seule solution: s’adresser à ceux qui y travaillent toute l’année, dans l’ombre.
Parmi eux, le maître d’oeuvre des jardins s’appelle Gilbert Vahé, chef jardinier.
Depuis 35 ans, avec son équipe, il consacre son temps, son énergie et sa créativité à rendre ses lettres de noblesse aux jardins de l’artiste.
Lorsque les fils de ce dernier, Michel Monet, est décédé en 1966, sans descendance, la maison et les biens qu’il tenait de son père ont été légués à L’Académie des Beaux-Arts.
La maison et les jardins étaient à l’abandon, en piteux état.
Il a fallu l’intervention d’un homme, Gérald Van der Kemp, Conservateur en Chef du Château de Versailles et Membre de l’Académie des Beaux-Arts, pour que le site reprenne vie.
Lorsque lui a été confiée la mission de restaurer les lieux, cet homme énergique, fin et cultivé a fait appel à Gilbert Vahé, en 1976.
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« Claude Monet était mort depuis à peine 50 ans lorsque nous avons débuté la restauration du jardin, explique-t-il. Nous avons obtenu des informations par ses enfants et par la famille Hoschedé-Monet sur la composition du jardin, sa structure etc. Et nous avons recherché les plantes qui y poussaient alors. Monet adorait la lumière. Dans son Clos Normand, qui est le nom du jardin en face de la maison, il a voulu un environnement très naturel. Nous avons retrouvé la « Belle Vichisoise », une rose d’autrefois qu’il aimait beaucoup et qui grimpait jusque dans les arbres. Je l’ai retrouvée complètement par hasard, chez un ami. Depuis, elle est replantée et fleurit à nouveau dans le jardin. Nous avons respecté la structure initiale du jardin comme Monet l’avait souhaité, avec une multitude de massifs séparés par de petites allées, et trois pelouses plantées de milliers de bulbes, de vivaces, d’arbres à fleurs. »
annivalexdiverssept2010482.jpgCette véritable palette de peinture qui change de couleurs et d’ambiance au fil des saisons est la première partie du domaine de Monet.
Plus loin, lorsque l’on franchit le passage souterrain, le jardin d’eau réserve une atmosphère toute différente, et a demandé un énorme travail de rénovation.
En 1976, il a fallu relever la glycine, reconstruire l’étang et redessiner les berges que les rat avaient beaucoup abîmées.
Les promeneurs qui découvrent le pont japonais, star de plusieurs tableaux phares du peintre, ignorent souvent qu’il ne s’agit pas de l’original, effondré depuis longtemps, mais bien de la troisième version du pont.
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Les nymphéas qui ont été rendus mythiques à travers les tableaux ont eux aussi une histoire que raconte Gilbert Vahé:

« A l’époque, le nymphéa rustique n’existait qu’en blanc. Et puis un jour, en Suède, est arrivé un spore de nymphéa rouge. Ca a été un événement international.
Un Français de la région a crée un hybride de cette fleur et l’a présenté à l’Exposition Universelle.
Ca a été un scoop repris dans tous les médias. Et Monet se l’est procuré…
Depuis, nous l’avons racheté chez le même fournisseur, chez Latour Marliac, et les nymphéas roses fleurissent à nouveau sur l’étang. »

Le jardinier a eu moins de chance avec l’Etoile de Digoin, qui existait dans le Clos Normand à l’époque de Monet.
Il recherche ce dahlia depuis 35 ans sans succès et craint que cette variété soit éteinte…

La fin de l’automne signe la fermeture de Giverny au public.
Celui-ci l’ignore, mais commence alors une période de travail intense au cours de laquelle le Clos Normand est entièrement refait pour l’hiver, puis replanté pour que le printemps le redécouvre dans son exubérante floraison.
Et c’est ainsi, grâce à ces artistes jardiniers, que durant les trois quarts de l’année, Giverny reste un enchantement.
Monet aurait aimé…

Martine Bernier

La pièce secrète

7 octobre, 2010

Vous êtes-vous déjà demandé quelle était la pièce de votre appartement, maison, ou igloo que vous fréquentez le plus à longueur d’année?
Certains répondront: la chambre à coucher.
D’autres le salon.
D’autres encore la cuisine.

Pour moi, rien de tout cela.
Même en comptant les nuits, la chambre est souvent désertée au gré de mes insomnies.
Le salon ne me voit que lorsque je ne suis pas seule.
Quant à la cuisine, n’en parlons pas…

La pièce que je fréquente le plus, mon antre, mon refuge, mon sanctuaire, c’est… mon bureau.
C’est fou ce que cette pièce vit, vibre.
Comme j’ai la chance d’exercer une profession qui me permet de travailler à domicile, j’y passe le plus clair de mon temps.
Mes ordinateurs, mes bouquins de travail, mes archives, le résultat de mes recherches sur certains sujets précis sont ici, avec les objets qui me rassurent et le panier de Pomme.
Comme elle ne respecte rien, elle y laisse traîner ses jouets et saute régulièrement sur mes genoux pour venir voir se que je fais et quêter un câlin.

Mon bureau…
C’est le lieu que j’emménage toujours en premier, celui que j’investis le plus.
Celui que je retrouve très tôt le matin, que je quitte presque à regret le soir, que je retrouve parfois la nuit lorsque j’ai envie de terminer un texte quand le monde dort.
Il se modèle au gré de mon emploi du temps, de mon humeur, des urgences d’écriture.
Et là, en ce moment, j’avoue que lui et moi ne nous entendons pas très bien depuis quelques jours.
Mon bureau ressemble en ce moment à la salle d’archives de Gaston Lagaffe.
Il me faudra bientôt une lampe frontale pour oser y rentrer.
J’exagère, oui, mais à peine.
Depuis quelques semaines, j’ai tellement de travail, d’articles, de livres à écrire, d’autres à présenter, de guides à reprendre, que tout autour de moi s’amoncellent des piles et des piles de livres, de documentations, de documents multiples.
Au-milieu de ce qui ressemble de plus en plus à la chaîne himalayenne d’où je m’attends à chaque instant à voir émerger un yack, je m’efforce de maintenir un petit mètre carré de zone semi désertique pour pouvoir écrire.
A chaque article terminé, j’évacue les documents qui s’y rapportent… et qui sont aussitôt remplacés par une nouvelle pile.

Dans quelques jours, je pars pour Florence.
Ce mois d’octobre est extrêmement riche, et le sera plus encore dès le 15.
Si je n’arrive pas à réduire ces hauts sommets et à ramener mon environnement à des dimensions acceptables, je crains de partir avec une valise pesant 20 tonnes, histoire de passer mes nuits florentines à m’avancer dans mon travail.
En attendant, je retourne à mon clavier en souriant.
Car en face de moi, au sommet d’une pile qui, elle ne m’appartient pas, se trouvent des objets qui me rappellent la virile mais douce présence de celui qui aime fréquenter mon repaire.

Martine Bernier

Jean-Claude Dreyfus: « Le mardi à Monoprix », une merveille

6 octobre, 2010

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(Photo: Thierry Leroy)

Mon passage à Paris m’a permis de retrouver un acteur que j’adore, Jean-Claude Dreyfus, véritable OVNI dans le monde théâtral.
Il sait tout faire: chanter, danser, jouer, faire de la magie…
Lorsque j’avais vu, en suivant la cérémonie des Molière, qu’il avait été nominé pour le Molière du meilleur acteur pour son rôle dans « Le mardi à Monoprix », j’ai eu très envie de voir la pièce.
Je l’ai donc appelé, lui ai annoncé mon arrivée à Paris et nous avons convenu que je passerais le voir avant d’aller l’applaudir.

Le thème de la pièce est particulier.
Marie-Pierre est… le fils de deux personnes vivant en province.
Au cours de son enfance, il a réalisé qu’il n’était pas fait pour être un garçon.
Il lui faudra du temps pour assumer sa transformation.
Mais son déménagement à 80 km de chez ses parents et son intégration dans une ville qui ne l’a jamais connue autrement qu’en femme lui permettent de vivre au mieux sa transformation.
Alors qu’elle vient de perdre sa mère, Marie-Pierre revient chaque mardi pour s’occuper de son père, de son ménage, de ses courses.
Celui-ci a mal compris le changement intervenu chez son fils qu’il s’obstine à appeler Jean-Pierre, malgré ses robes à fleurs et ses talons hauts.
La pièce est un long monologue, un texte magnifique écrit par Emmanuel Darley.
Jean-Claude Dreyfus est seul en scène avec le talentueux contrebassiste Philippe Thibault, qui induit un véritable dialogue musical.

Pour jouer le rôle de Marie-Pierre, sensible et délicate, il fallait un comédien capable d’investir un personnage aussi difficile sans tomber dans la caricature.
Dreyfus n’a pas un physique de minet, c’est le moins que l’on puisse dire.
Je ne l’imaginais pas en robe et perruque, perché sur des talons, les yeux et les lèvres maquillés, les ongles vernis de rouge vif.
Il réussit l’exploit de ne jamais être ridicule, de provoquer la sympathie du public qui s’attache rapidement à ce personnage fragile et tendre.
A aucun moment le temps ne semble long.
Le comédien enveloppe les spectateurs, les entraîne dans ses voiles, dans ses méandres, dans ce quotidien, ces sentiments mal reçus, mal compris.
Il joue… à la fois Marie-Pierre à la voix douce, et son père pour qui elle restera toujours Jean-Pierre, son fils.

La salle était comble, plus une place n’était libre, des chaises ont dû être rajoutées.
Et pourtant, le silence qui régnait était à la hauteur de la prestation de l’acteur.
En le retrouvant après la pièce, nous étions encore sous le charme de Marie-Pierre.
Pour un peu, nous aurions aimé la réconforter, la consoler…
Ce Molière qui a été décerné au regretté Laurent Terzieff, il l’aurait lui aussi largement mérité.

Vous avez encore jusqu’au 30 octobre 2010 pour voir la pièce à Paris où elle joue les prolongations.
Précipitez-vous…

Martine Bernier

Théâtre Ouvert
Le Jardin d’hiver
4 bis, cité Véron, 75018 PARIS
Administration 01 42 55 74 40
Réservation 01 42 55 55 50
accueil@theatreouvert.com
représentations du mercredi au samedi à 20h
le mardi à 19h
matinée le samedi à 16h

http://www.theatre-ouvert.net

Coccinelles, retrouvailles, lumière et Ombres anonymes

5 octobre, 2010

Lundi matin.
Il est 3h30 lorsqu’il se lève doucement en essayant de ne pas me réveiller.
Mission impossible, je ne le laisserais jamais partir ainsi, seul.
La route est longue pour lui, son travail l’attend.
Dehors, il fait étonnamment doux, presque chaud.
Un vent puissant renverse tout sur son passage, arrache les branches les plus faibles.
Un dernier regard, un dernier signe, sa voiture s’éloigne dans la nuit.
Pomme et moi rentrons dans l’appartement.
Je sais que je ne dormirai plus.
Donc, débordée de travail, j’écris.

Quelques heures plus tard, le jour se lève lentement…
Un jour étrange…
Le vent souffle toujours en rafales.
Et l’obscurité cède la place à une lumière dorée aux reflets roses.
J’éteins pour mieux en profiter.

La journée est remplie, très remplie.
Je travaille jusqu’à l’heure de mon rendez-vous avec mon amie éditrice et sa belle-fille.
Nous partons déjeuner au bord du lac, côté français.
Nous lions amitié et travail depuis des années, dans la plus parfaite harmonie.
Alors que l’un de mes livres, dont je parlerai bientôt, sortira dans quelques jours, et que plusieurs autres me sont commandés, je repars dans le « Guide des Enfants en Suisse ».
Ce guide est l’un de mes bébés, créé avec mon amie voici plusieurs années déjà.
Le retrouver chaque année pour les remises à jour est un petit bonheur.

En fin de journée, je réponds à un courrier qui me touche particulièrement.
Depuis la veille, j’ai retrouvé ma plus ancienne amie d’enfance, qui a renoué contact grâce à Ecriplume.
Ce blog m’a apporté des cadeaux inestimables…
Il existe entre elle et moi un lien que le temps n’a pas réussi à altérer.
La vie nous a séparées, nous nous sommes revues quelques fois, en Suisse, en France… séparées à nouveau… Et retrouvées…
Nous nous reverrons avant la fin de l’année.
Un bonheur.

Ce week-end, mon compagnon et moi avons été intrigués de voir une colonie de coccinelles chercher à entrer dans la chambre.
Comme l’an dernier où, à mon arrivée ici, j’avais baptisé l’endroit « La maison aux coccinelles ».
Elles sont revenues.
L’hiver approche, il leur faut un endroit pour finir leurs jours, sans doute.
Elles sont entrées et… elles ont disparu.
Ce matin, je réalise qu’elles sont bel et bien là, squattant le mur de la chambre.
Une dizaine de petits points noirs et immobiles.
Je les laisse en paix…
La paix est une denrée rare et précieuse.
Je profite pour le signaler aux Ombres qui continuent à m’envoyer des messages non signés à propos d’Alain.
Oui, il est tel que vous le décrivez, mais je ne souhaite pas connaître ces sentiments qu’il déclenche autour de lui, qu’ils déclenchent autour d’eux.
A eux de les gérer et d’assumer ce qu’ils sont, les antipathies qu’ils provoquent, le ridicule et l’indignation dont il n’a pas conscience.
J’en suis loin.

La nuit tombe…
Bernard Clavel a terminé son chemin parmi nous et est parti vers un autres destin.
Les coccinelles ont rejoint leur campement de nuit.

Martine Bernier

Giverny: au coeur des tableaux… (Première partie)

4 octobre, 2010

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(Toutes les photos de cette pages sont signées Thierry Leroy, que je remercie au passage.)

Claude Monet est mort en 1926.
Même en remuant ciel et terre, je ne pourrai donc jamais le rencontrer.
En revanche, je caressais depuis longtemps l’envie de visiter sa demeure, ces jardins qui lui ont inspiré certains de ses plus beaux tableaux.
Envie de consacrer un ou plusieurs articles à ce lieu totalement magique à mes yeux.
C’est aujourd’hui chose faite…

Vu l’ampleur de mon attente, je risquais d’être déçue.
Je ne l’ai pas été, pour de multiples raisons.

A mes yeux, la visite de Giverny commence avant même de pénétrer dans le sanctuaire.
Juste en face, le restaurant « Les Nymphéas », installé dans une ferme qui existait déjà du temps de Monet, est un passage obligé.
La délicieuse décoration de campagne normande de la terrasse, le cadre fleuri, la gentillesse de Jean-Pierre, qui y travaille depuis 25 ans, et, paraît-il, des gérants que je n’ai pas croisés ce jour-là, font le charme de l’endroit.

On ne dira jamais assez que pour visiter le repaire de Monet, mieux vaut se présenter dès l’ouverture à l’entrée, pour éviter les cars de touristes.
Le blanc-seing que représente ma carte de presse nous a permis d’aborder les lieux de manière totalement privilégiée.
Et d’apprécier la disponibilité d’un personnel qui garde le sourire alors qu’il voit défiler plus de 400’000 visiteurs par année…

Pour les visiteurs, le périple commence par la maison.
Une chaleureuse maison rose aux volets vert, « Le Pressoir », que Monet a louée le 3 mai 1883.
Vous y entrez dans l’intimité du couple Monet.
En tendant l’oreille, vous entendriez presque les galopades des huit enfants de la famille dévalant l’escalier.
La première émotion intervient dans le salon-atelier.
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Jusqu’en 1899, c’est là que Monet a travaillé avant d’aménager son deuxième atelier, plus grand, dans un bâtiment extérieur.
La pièce est alors devenue un salon aujourd’hui décoré de copies des toiles du Maître et de photos.
A l’étage, dans les appartements privés, les murs des chambres étaient à l’époque couverts de tableaux.
Cézanne, Manet, Degas, Corot, Renoir et tant d’autres…
Et partout, au rez-de-chaussée comme à l’étage, de magnifiques estampes japonaises dont Monet était collectionneur averti, comme le fut son ami Clémenceau.
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L’artiste était un peintre de génie, ce n’est un secret pour personne.
Son apport à la peinture a été révolutionnaire.
L’autre oeuvre de cet homme fascinant était… son jardin.
Au fil des années, il en a aménagé deux dans le prolongement de sa maison.
Le premier, « Le Clos Normand », est un jardin « naturel », où une abondance de fleurs de toutes les couleurs et de toutes espèces foisonnent.
Il est exubérant, changeant de visage et de teintes en fonction des saisons.
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Au fond du Clos, il faut suivre un petit parcours fléchés et emprunter un passage souterrain pour arriver dans un autre monde: le jardin d’eau.
Le paradis…
Ici sont nés les tableaux consacrés aux nymphéas, au pont japonais qui trône par-dessus la rivière.
Ce jardin, Monet l’a rêvé, l’a voulu dès son arrivée.
Il lui a fallu dix ans pour le réaliser.
Monet était attiré, obsédé par la présence de l’eau.
A l’époque, certains habitants du village ont refusé le projet d’extension du jardin, le bloquant aussi longtemps qu’ils l’ont pu.
Mais Monet a fini par venir à bout des tracasseries administratives.
Aujourd’hui, le site est féerique.
Le bassin et ses barques, la forêt de bambou, la glycine, la végétation abondante, les trois ponts, les nymphéas posés sur des miroirs d’eau…
Et l’ombre de Monet qui plane sur chaque chemin…

L’émotion prise en plein coeur lors de cette visite s’est prolongée par une rencontre très particulière.
Avant que les portes de la demeure de l’artiste ne se referment sur nous, nous ont été livrés certains des secrets des jardins, détenus par un homme: Gilbert Vahé, jardinier responsable des jardins de la maison de Giverny, où il travaille depuis 35 ans.
Cet entretien fera l’objet d’un deuxième article.
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Martine Bernier

Cassé!

3 octobre, 2010

Encore une fois, je ne devrais pas rire.
Ni même sourire…

L’anecdote est arrivée en Ecosse, sur le site historique d’une arche datant du XVI ème siècle, vestige d’une ancienne abbaye.
Enfin quand je dis anecdote…
Le conducteur d’une camionnette, un brin maladroit, a heurté l’arche… qui s’est écroulée.
Et c’est un pan de l’Histoire écossaise qui a ainsi été ridiculement détruit.
Le temps de sécuriser le site pour éviter de mettre en danger les visiteurs, et le propriétaire a tristement fait la déclaration suivante: « Evidemment nous sommes dévastés qu’un monument de cette valeur et un morceau d’Histoire ait été détruit de la sorte, toutefois nous sommes soulagés que ni le chauffeur ni aucun visiteur n’ait été blessé ».

Prochainement, des architectes en conservation devraient se rendre sur les lieux afin d’examiner les dommages causés et d’envisager une reconstruction de l’arche, nous dit-on.
Je pense au conducteur malheureux responsable de l’incident.
Le pauvre doit être très, mais alors vraiment très mal à l’aise.

Quant à l’arche mise à genoux après avoir résisté à des siècles d’Histoire…
Nous sommes bien peu de choses.

Et non, je ne souris pas!

Martine Bernier

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