Archive pour décembre, 2010

Kim et les Flottins magiques d’Evian

11 décembre, 2010

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Je me suis laissé dire que chaque année, peu avant Noël, les gnomes, elfes, lutins et autres créatures magiques, se réunissent à  Evian pour y passer les fêtes.
On les appelle les « Flottins » et les « Flottines ».
Réalisés en bois et apportés par les eaux, ils auraient, paraît-il, offert un jour l’hospitalité au Père Noël lorsque celui-ci dû amerrir d’urgence sur le lac Leman alors que certains de ses rennes se disputaient en tête du traineau.
Ce sont les flottins qui avaient sauvé les naufragés de la noyade en leur construisant une belle cabane en bois flotté.
Depuis, chaque année, le Père Noël ne manque pas de les remercier en leur rendant visite avant sa tournée de distribution de cadeaux.

Cela fait trois ans que « Le Fabuleux Village » créé par le Théâtre de la Toupine et la ville d’Evian prend ses quartiers au coeur de la cité.
Partout, des sculptures en bois que l’on peut toucher, autant que regarder peuplent les rues et les places.
Tout le monde joue le jeu, du Théâtre aux commerçants en passant par l’office de tourisme, les diverses, associations, les écoles…
Et le résultat est un petit bonheur.
Surtout, si vous avez l’occasion de le découvrir avec un enfant.

Kim, lutin magique de la famille, nous a accompagnés dans notre rencontre avec les Flottins, se perchant sur leur dos, attirant notre attention sur chacun d’entre eux, les caressant, apportant ses commentaires…
Du haut de ses 4 ans, il levait le nez vers Celui qui m’accompagne, 1,90 m, géant au coeur tendre qui baissait le regard vers lui.
Tous deux se sont retrouvés perchés sur un animal fantasmagorique.

Une balade inoubliable au Pays des Flottins à découvrir jusqu’au 2 janvier 2011 au coeur d’Evian. Les flottins regagneront alors leurs rivières pour revenir le 9 décembre 2011.
Martine Bernier

http://www.pays-evian.fr/

Alex (bis)

10 décembre, 2010

Voici quelques jours, je passais sur Facebook lorsque j’ai remarqué une demande de contact.
J’en reçois souvent, mais rarement une telle proposition m’a fait autant plaisir.
Il s’agissait d’Alexandre, dont j’ai déjà parlé dans ces pages.
Alex, adolescent fin à l’humour à fleur de peau et au courage remarquable.
Alex dont les reins se comportent comme des chameaux, dans le sens péjoratif du terme, au point d’avoir été contraint de subir une greffe l’année dernière.
Alex qui ne se plaint jamais, qui rit, qui a repris son sport, qui vit sa vie d’ado parfaitement bien dans sa peau, saupoudrée de ce je ne sais quoi qu’il a en plus des autres.

J’ai accepté sa demande et nous avons échangé deux mots.
La semaine suivante, je glisse un mot sur Facebook pour signaler qu’Ecriplume a franchi le cap des 75000 visiteurs.
Un chiffre qui, une fois encore, m’étonne.
Au milieu des réactions, j’ai trouvé un mot d’Alexandre, et nous avons eu cet échange, dans la soirée:

- C’est un très bon site normal :)
- Alors ça… ça me fait très plaisir!! Merci, Alex!
- De rien c’est la vérité j’ai adoré un de tes article sur un certain Alexandre ;)
- Confidence pour confidence, j’ai adoré l’écrire. Il a un sacré cran, cet Alexandre. Tu ne trouves pas?
- Oui d’ ailleurs ses résultats sont bons, il va bien
- Tu lui diras de ma part que je suis super contente pour lui. J’ai appris par son père, qui adore son fiston, que c’est un crac au tennis. Je suis en admiration!!!

En quelques mots, il m’avait dit l’essentiel.
Je suis liée par le coeur et par l’expérience des problèmes rénaux à ce lutin au charme fou.
Il n’est pas nécessaire de faire de grands discours: nous savons simplement, tous les deux, ce qui compte vraiment.
Il a l’âge et la légèreté d’un adolescent, mais l’expérience et la force d’un homme.

Quand Il me parle de ses enfants, mon ami de Bretagne, bien qu’Il soit pudique, ne peut cacher la fierté et l’amour qu’Il leur porte.
Il suffit de voir son regard pour comprendre.
C’est logique…

Après la courte conversation que j’ai eue avec son fils, je suis restée rêveuse, dans la nuit.
Je connais bien des adultes qui ont moins de dignité et de classe que lui.
C’est un privilège de rencontrer un tel petit personnage.

Martine Bernier

http://ecriplume.unblog.fr/2009/11/26/alex/

John Lennon toujours présent

9 décembre, 2010

Il est mort depuis trente ans.
Et pourtant, John Lennon est encore très présent dans le coeur de ses fans.
Mercredi, ils ont été des milliers venus de partout, se retrouver autour du mémorial de Strawberry Fields de Central Park, à New York, nous dit la presse.
Comme pour Elvis, certains font de ce site un lieu de pèlerinage annuel.
Le froid n’a pas découragé les fidèles, qui ont créé une atmosphère de paix, déposant des fleurs, des bougies, des messages et une foule d’objets à l’intention de leur idole.

Beaucoup de jeunes présent n’étaient pas nés à la mort de Lennon.
Pourtant, ils étaient là.
C’est dire la trace que cet homme, qui aurait eu 70 ans en octobre, a laissée derrière lui.

De son côté, Mark David Chapman, qui l’a abattu il y a 30 ans, reste dans sa prison de Buffalo.
L’an dernier, il a déposé pour la sixième fois une demande de liberté conditionnelle qui lui a été refusée.
En brisant la vie d’une icône de la musique, il a brisé la sienne.

Comme tant de jeunes de l’époque, j’aimais beaucoup Lennon.
Ma façon à moi de le saluer aujourd’hui, est simplement de repenser à « Imagine », la chanson qu’il a écrite et qui continue à résonner en moi…

Il fallait un doux rêveur pour proposer aux gens d’imaginer un monde sans paradis, sans enfer, disposant seulement d’un ciel.
Un monde sans pays, sans aucune cause pour laquelle tuer ou mourir, un monde sans religion.
Dans cette chanson, il rêvait de fraternité, de partage, de paix.
C’est sans doute ce qui nous a tous choqués.
Qu’un homme qui délivre un tel message ait été assassiné.
Comme l’ont été tant d’autres avant lui, porteur de paroles identiques.
La mort de John Lennon, pour les jeunes de l’époque, a été une blessure qui, visiblement, ne s’est jamais réellement refermée.

Martine Bernier

L’église des Jacobins: un début de résurrection

8 décembre, 2010

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J’en avais parlé voici quelques jours: à Poligny, dans le Jura français, l’église des Jacobins a, depuis bien longtemps, une vocation particulière.
Elle ne sert plus à célébrer la messe mais à recevoir les fûts et les barriques de vins de la Coopérative viticole de Poligny.
En allant chercher leur vin, les amateurs entrent dans l’édifice désacralisé…
Le lieu est totalement inattendu, l’église a dû être belle, l’est toujours à sa manière, mais a besoin de travaux pour retrouver sa personnalité.
D’importants travaux, même, puisque la première tranche est estimée à 2,3 millions d’euros.
Bien sûr, l’Etat et les conseils régional et général soutiennent cette rénovation, ce qui n’empêche que la commune doit elle aussi prendre en charge une quote part conséquente.
L’association Les Jacobins, qui a décidé de soutenir la ville, a donc lancé une souscription soutenue par la Fondation du Patrimoine.
Il s’agissait de récolter des fonds pour participer au paiement du portail d’entrée et de la rosace de l’église.
Jeudi dernier, un chèque de 32 600 euros a pu être remis au maire.
Pourquoi Ecriplume aborde-t-il ce sujet?
Parce que cette somme recueillie dépasse les espérances de ceux qui ont lancé la souscription.
Les Polinois d’aujourd’hui sont sensibles au sort de leur église d’hier et se préoccupent de son sort.
Cet attachement à un lieu blessé par le temps a quelque chose de très émouvant…
Une question pourtant: si l’église des Jacobins connaît une résurrection, que vont faire les autorités locales de l’autre église qui, jusqu’ici, servait de cinéma?
Hé oui…

Martine Bernier

http://ecriplume.unblog.fr/2010/11/13/poligny-et-ses-mysteres/

Les faux rois: Carl Haffke, roi des Ilocanos (2)

7 décembre, 2010

Immigrant allemand employé comme télégraphiste par la société Western Union à Omaha, au Nebraska, Carl Haffke a eu un destin ahurissant.
Sa date de naissance n’a pas été retrouvée.
A peine sait-on qu’il a dû mourir vers 1900.
Lorsqu’il était jeune homme, lassé de son emploi, il s’est engagé dans la marine, ce qui lui valut de servir durant la guerre hispano-américaine et de se retrouver aux Philippines.
Ses connaissances lui ont permis de trouver un travail de sténographe au tribunal.
C’est dans ce cadre qu’il fit la connaissances de plusieurs chefs de la tribu des Ilicanos.
Leurs relations devaient être plus que cordiales, si l’on en juge par ce qui est arrivé par la suite…
Une terrible épidémie de choléra a ravagé la famille royale dans son entièreté.
Pas un membre n’a survécu.
Carl, qui ne s’attendait sans doute pas du tout à un tel honneur, s’est alors vu proposer la Couronne par les chefs de tribu.

Qu’a fait le candidat malgré lui?
Il a réfléchi, réfléchi… et accepté sous certaines conditions.
D’accord, il voulait bien devenir roi, mais pas bénévolement.
Il s’est fait remettre une somme d’argent, payable à son arrivée, a exigé 5% des bénéfices de la tribu, des serviteurs etc.
Une fois la royale couronne posée sur sa précieuse tête, Carl a pris son rôle très au sérieux.
Il s’est engagé à assumer sa fonction avec loyauté, à acheter des machines agricoles et à enseigner à son peuple les techniques de l’agriculture moderne.

Un an après être monté sur le trône, un élément nouveau est malheureusement venu entraver le cours des choses.
Le roi Carl a été pris du mal du pays.
Il décida donc d’aller passer quelques vacances à Omaha, pris congé de ses sujets et s’en alla.
Sur place, le destin a eu envie de jouer avec lui en remettant sur sa route l’un de ses amours de jeunesse.
Lorsque la période des vacances fut passée, il proposa à la jeune femme de l’accompagner aux Philippines.
Comme celle-ci ne semblait pas spécialement attirée par cette destination exotique, il se retrouva devant un choix crucial…
La décision fut-elle difficile à prendre?
Personne ne le sait.
Toujours est-il que Carl Haffke, roi des Ilocanos préféra abdiquer pour rester auprès de sa belle.
De la suite de sa vie, on ne sait que deux choses: il exerça le droit au Nebraska.
Et ne fut plus jamais appelé Majesté…

Martine Bernier

Le réveil

6 décembre, 2010

Phénomène assez banal, je n’ai pratiquement jamais eu besoin de réveil: mon horloge interne suffit à me réveiller à l’heure voulue, sans aide extérieure.
Depuis plusieurs mois pourtant, un réveil est entré dans ma vie.
Je ne l’apprécie pas du tout, lui.
Il sonne tous les lundis matin, vers 3 heures, pour réveiller Celui qui m’accompagne, qui doit reprendre la route.

Nous prolongeons nos week-end autant que nous le pouvons.
Mais il faut toujours que ce réveil se rappelle à notre bon souvenir.
Cette nuit, comme toujours, j’étais réveillée une heure avant qu’il ne retentisse.
J’écoutais les bruits de la nuit…
Lorsqu’il a sonné, j’ai une fois de plus constaté qu’un homme ayant reçu une formation militaire se réveille et se lève dans les trois secondes qui suivent la première sonnerie.
Il ne dort jamais complètement, semble toujours en état de semi-veille.
En cinq minutes, il est prêt et concentré.

Dehors, il pleut à verse.
Les bichons havanais sont réputés pour figurer parmi les chiens les plus joyeux qui soient.
Chaque lundi matin, Pomme est l’exception qui confirme la règle.
Nous jetant des regards mornes, elle traîne les pattes, pousse de petits gémissements, rendrait neurasthénique un nuage de mouettes rieuses.

Un café, et il se lève, immense.
Pomme et moi le regardons enfiler sa veste et prendre son sac.
La séparation est toujours triste, même si nous savons que nous nous voyons chaque jour grâce à Skype, et que le vendredi signe son retour.
Mais quand les week-end sont aussi beaux que ceux que nous passons ensemble, c’est ainsi.
Difficile.
Il s’enfonce dans la nuit, sous la pluie, à grandes enjambées.
Je reste près de la fenêtre, sachant que lorsqu’il passera en voiture, il s’arrêtera, baissera la vitre.
A côté de moi, Pomme est debout contre le carreau et fait des bonds pour essayer de le voir, elle aussi.
Je finis par la prendre dans mes bras, et deux paires d’yeux guettent les phares dans l’obscurité.
Les derniers signes, et il s’en va.
Pomme pousse un soupir à fendre l’âme.
Je l’ébouriffe, la cajole.

Moins de trois heures plus tard, à peine arrivé, il se connecte.
Il a les yeux cernés, mais il sourit.
Je le regarde dans cet appartement où il ne se sent plus chez lui, où il n’est plus vraiment chez lui.
Il a trouvé le petit mot que j’ai glissé dans sa poche avant qu’il ne parte.
La journée commence.
Dans le nid devenu étonnamment silencieux sans lui, je regarde la boîte dans laquelle il a posé les biscuits aux raisins qu’il a confectionnés pour moi, connaissant ma faiblesse pour ces saveurs de mon enfance.
La semaine s’annonce chargée, intéressante par certains côtés, ardue par d’autres.
Mais… amputée.

Ce matin, je pense à toutes les femmes de militaires, de marins, ou d’autres hommes exerçant des métiers les obligeant à vivre des semaines ou des mois loin de leurs familles.
Elles ont du cran.

Martine Bernier

La petite fille du supermarché

5 décembre, 2010

Les grandes surfaces sont une source inaltérable de surprises…
Une partie des parents ayant des enfants en bas âge, les installent dans les rabats des chariots conçus pour recevoir les plus petits.
Assis, jambes pendantes, ils sont nettement plus gérables que s’ils galopent dans les rayons.

Samedi, j’ai remarqué que beaucoup d’autres parents, dont les enfants ont dépassé l’âge et la stature leur permettant de se glisser dans ces mini sièges, règlent le problème à leur façon: ils les empoignent et les posent au fond du caddie.
Les gamins, apparemment ravis pour les uns, et très pleureurs pour d’autres, se retrouvent dans un environnement de paquets et d’emballages de toutes sortes au bout de quelques minutes.

Tandis que Celui qui m’accompagne cherchait un article bien précis, mon regard a été attiré par un caddie isolé dans lequel se trouvait une petite fille de trois ou quatre ans, abandonnée devant un rayon frigorifique.
Elle avait un joli visage d’enfant sage et sérieux, encadré par deux nattes blondes.
Elle était carrément noyée au milieu des commissions de ses parents, entourée de pots, de boîtes, de pain, de bouteilles, de sachets…
Le regard perdu, elle rêvait, regardant en l’air, un point qu’elle semblait seule à voir.
Même pas une décoration de Noël… rien.
Je l’ai observée longtemps.
Personne ne revenait auprès d’elle.
Elle ne bronchait pas, ne faisait pas mine de s’énerver ou de se lever
Simplement, elle regardait ce plafond ou évoluait apparemment un monde qui n’appartenait qu’à elle.
Au bout de longues minutes, ses parents sont revenus et ont jeté un paquet de viande dans le caddie.
Elle n’a pas bougé, s’est un peu redressée, et les courses ont continué, tandis que ses parents discutaient entre eux.
Arrivée à mon niveau, je lui ai souri.
Elle m’a rendu mon sourire.
Le sien était lumineux.
Ses grands yeux clairs, tout rêveurs, et ce sourire là…
Un souvenir fugace de l’enfant du supermarché.

Martine Bernier

Les faux rois: Patrick Watkins, roi des Galapagos (1)

4 décembre, 2010

Je suis fascinée par les hommes qui, citoyens parfaitement ordinaires, jouèrent au roi dans leur vie.
Voici, pour commencer cette série, la courte histoire de Patrick Watkins, roi des Galapagos.

On ne sait pas trop en quelle année est né Patrick Watkins, mais on sait que ce marin irlandais est mort en 1810.
Un jour, ce grand rouquin quitta son baleinier britannique et opta pour la solitude des îles Galapagos, au large de l’Equateur.
Se croyant à l’abri de tout, il se déclara roi des lieux, estimant que l’archipel lui appartenait dans son entièreté.
Le côté sympathique le représente cultivant des pommes de terre et des potirons qu’il vendait aux navires faisant escale dans les îles.
Le côté nettement moins sympathique l’a poussé à réduire en esclavage quelques marins un peu trop confiants.

Un bon roi n’est rien sans une reine.
Patrick alla donc à Paita pour se choisir une royale compagne, sur le littoral péruvien.
Manque de chance: la police locale, qui avait entendu parler de lui, le découvrit, caché à bord d’un bateau, et l’emprisonna.
Patrick Watkins, l’éphémère roi des Galapagos, mourut en prison.

Martine Bernier

Bibliographie (utilisé pour cet article et ceux de la série des faux rois): « Droles de listes, de David Walleschinsky et Amy Wallace, Editions de Noyelles

Et si vous rencontriez un ours? ou « Won-Tolla, on ne rit pas! »

3 décembre, 2010

Lorsque j’étais adolescente, j’ai été scoute.
Enfin guide, disait-on pour les filles.
Quand nous partions en camp, nous apprenions une foule de choses très utiles pour notre vie future: le morse (qui n’existe plus aujourd’hui), comment se repérer à la boussole, faire cuire de petites saucisses au feu de bois, faire un noeud, creuser des tranchées autour d’une tente pour ne pas y périr noyés au cas où…
Et survivre face à un ours.
C’est bien connu: sous nos latitude, les ours pullulent.

Un soir donc, autour du feu de camp, l’un de nos chefs nous a expliqué le bon comportement à adopter en cas de rencontre inopportune.
Il avait potassé le sujet.
Certains regards inquiets se posaient sur les arbres de la proche forêt.
Tout le monde était très attentif… sauf moi qui ai eu un très (trop?) large sourire dès le titre de l’exposé.
Un ours en plein Bruxelles ou même dans la campagne ardennaise où nous nous trouvions… il y avait relativement peu de risque.
Mais visiblement, j’étais la seule à trouver étrange que nous ayons droit à une conférence sur un sujet aussi… heu… étrange.
Mauvais esprit, va!
Le « chef » a donc commencé sa dissertation dans un silence religieux, ponctué de temps en temps par un regard sévère en ma direction, accompagné d’un: « Won-Tolla, s’il te plaît, ne ris pas! »
Won-Tolla, c’était moi.

Aujourd’hui, soyons sérieux.
Après tout, cela peut vous servir un jour, sait-on jamais.
Je vous livre donc les très sages conseils du chef, enrichis de mes propres commentaires.

Si vous vous retrouvez face à un ours, restez calme, et donnez-lui l’impression que vos intentions ne sont pas hostiles.
A choix, souriez-lui amicalement, offrez-lui de la verroterie, sortez le calumet, demandez-lui des nouvelles de la famille, offrez-lui un bon cadeau pour un tour en pédalo sur le Léman ou deux places de concert pour le prochain passage de Ben l’Oncle Soul.

Si vous aviez envie de prendre vos jambes à votre cou, oubliez l’idée.
Ne courez jamais: un ours est capable de galoper à plus de 50 km/h.
Vous pas.
Même s’il n’est pas agressif, le vôtre risque d’avoir un réflexe de poursuite devant votre fuite.
S’il n’est pas conscient de votre présence, filez discrètement.
Si possible sans siffloter.
S’il est conscient de votre présence, reculez à pas lents en lui parlant calmement.
Comment cela, vous ne savez pas quoi dire à un ours??
Entretenez-le du cours de la Bourse, de la chance qu’il a de vivre dans une aussi belle région, du dernier bouquin que vous avez lu, ou demandez-lui l’adresse de son coiffeur!
S’il s’approche, ne partez pas comme une fusée, et ne laissez pas tomber votre sac à dos si vous en avez un.
Car, nous disait le chef: « il pourra vous protéger en cas d’attaque ».
Oui, je parle bien de votre ridicule petit sac à dos dans lequel vous pouvez à peine glisser une banane, une petite bouteille d’eau et un paquet de mouchoirs en papier.

Bref: restez harnaché et attendez la fin dignement. (Won-Tolla, ne ris pas!!!)

Si votre interlocuteur se dresse sur ses pattes arrières, ne vous évanouissez pas, il paraît qu’il cherche à vous identifier et que c’est plutôt bon signe.
Ne perdez pas espoir s’il fonce sur vous: le chef a dit que certains ours bluffent et s’arrêtent à deux mètres de vous avant de changer de direction.
Les coquinous, va!
Si vous avez l’intention de grimper à un arbre, identifiez d’abord l’ours avec lequel vous frayez.
Retournez-vous, dites-lui: stop, et regardez-le bien.
S’il s’agit d’un ours noir ou d’un grizzly (si, si, c’est fréquent ici!), il est inutile de vous fatiguer à escalader: ils grimperont mieux et plus vite que vous.

Enfin, si l’ours vous touche physiquement, roulez-vous en boule pour protéger votre ventre et votre cou, et faites-le mort.
Sauf en cas d’adversaire ours noir qui, lui, le futé, n’est absolument pas dupe et vous traitera comme un ballon de rugby (d’où l’importance de l’identification de la ligne précédente).
Comment fait-on le mort?
Je ne sais pas, moi… laissez pendouiller la langue, et ne bougez plus, peut-être?
Si l’attaque se poursuit, changez de tactique et défendez-vous sans plus tarder!
Souffletez, griffez, frappez, mordez, faites-lui une prise de judo…
Après tout, on a sa dignité!
Ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine! (Won-Tolla, zut, enfin!!!!)

Lorsque notre chef a terminé son exposé, il a conclu par ses mots:
« Je vous remercie pour votre attention. Et je précise que ce sont des recommandations, mais absolument sans garantie. »
Je me suis écroulée de rire…. et me suis retrouvée pour deux jours de « corvée patates » pour tout le camp.
Pas grave, cela en valait la peine!
Je n’ai jamais oublié ce grand et hilarant moment d’anthologie.

Martine Bernier

PS: Ayant raconté l’histoire à « mon ours », il a clos le chapitre en ajoutant un ultime conseil: « ne pars jamais en forêt et n’aborde jamais un ours sans un pot de miel. De préférence du miel de sapin du Jura. C’est leur préféré. »
Le chauvin, va.
Mais là au moins, c’est du vécu!

L’inconnu dans la maison

2 décembre, 2010

Depuis qu’elle a fêté son anniversaire, Pomme, ma « bichonne havanaise » désormais adolescente arbore un caractère plus affirmé.
Lorsqu’elle veut quelque chose, elle peut insister inlassablement, va provoquer Celui qui m’accompagne pour l’obliger à  jouer avec elle, file s’asseoir devant « l’armoire à  nonosses » dans l’espoir de recevoir ce qu’elle attend, me tire par la main lorsqu’elle veut sortir …
Bref, elle existe et aime que cela se sache.
Le soir, depuis que les grands froids sont arrivés, elle redevient petite chose délicate, se couche dans son panier en emportant son mouton qu’elle garde toute la nuit entre ses pattes ou sous sa tête.
Le spectacle est si attendrissant que je ne me lasse pas de la regarder.

Seul défaut, qui n’en est pas un si l’on considère que, même très civilisée, elle reste un chien: il lui arrive d’aboyer.
Si quelqu’un passe dans SON pré, elle fonce à  la fenêtre et traduit sa désapprobation par quelques aboiements vigoureux.
Je mets donc mon veto, ce qu’elle ne comprend pas toujours, mais qu’elle respecte en ravalant ses cris et en me jetant des regards pleins de reproches.
Pensez-vous: je modère sa liberté d’expression!

Ce matin donc, elle s’est sentie profondément vexée lorsque je lui ai ordonné de se taire alors qu’une ombre passait sur son territoire aux aurores.
Je lui ai fait un laïus parfaitement inutile sur le droit au sommeil des personnes de la maisonnée, et j’ai commencé à  travailler.
Lorsque soudain, une voix de chien a résonné dans la maison.
Un aboiement constant…
Il n’était pas huit heures.
Pomme m’a regardée étonnée.
Comme si elle attendait que j’aille faire taire son collègue, elle est venue poser ses pattes de devant sur moi, me fixant de son regard si profond.
Je sais que l’une de mes voisines a pris en pension le petit chien de sa fille pour une semaine.
Sans doute était-ce lui qui manifestait.
Cela a duré longtemps, très longtemps.
Des temps d’arrêt puis la reprise des cris.
Sans doute devait-il rester seul.

Le regard de Pomme semblait m’interroger.
Et je me suis posé la question:
Se demandait-elle pourquoi je ne faisais rien pour faire taire l’inconnu dans la maison, ou comprenait-elle le sens des aboiements qu’elle entendait ?

Martine Bernier

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