Archive pour mars, 2011

L’épigramme

31 mars, 2011

L’épigramme, lorsque qu’il est du genre masculin, est préparé par le boucher .
C’est un haut de côtelette d’agneau destiné à être grillé.

C’est le mot au féminin qui m’intéresse.
Demoiselle épigramme est une affaire de poète satirique, une courte pièce de vers qui se termine toujours par un trait piquant.

Le plus célèbre, nous le devons à Voltaire.
Alors que Fréron, un critique littéraire, avait eu la très mauvaise idée de s’attaquer à lui, l’écrivain trempa sa plume dans le vitriol et l’exécuta en quatre vers:
« L’autre jour, au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron.
Que pensez-vous qu’il arriva?
Ce fut le serpent qui creva. »

Les amoureux de l’épigramme s’en sont donné à coeur joie au cours du 19e siècle notamment.
L’un d’eux est resté célèbre, qui a circulé dans Paris le jour du mariage de Napoléon III avec Eugénie de Montijo:
« Montijo, plus belle que sage,
De l’Empereur comble les voeux.
Ce soir, s’il trouve un pucelage,
C’est que la belle en avait deux! »

Dans le monde du spectacle, rien n’a été épargné non plus.
Le comédien Sylvain (1851 – 1930), qui venait de se faire essorer par un critique, s’en est vengé sans pitié:
« Ce Monsieur qui toujours bougonne
Mériterait des coups de pied
Dans un endroit de sa personne
Qui le représente tout entier. »

Un médecin autrefois célèbre s’est un jour vu reprocher son manque d’empressement à guérir ses malades:
« Depuis que le docteur Gistal
Soigne des familles entières
On a démoli l’hôpital
Et l’on a fait deux cimetières. »

Le pauvre Edmond Rostand a lui aussi été la vedette involontaire d’un épigramme.
Après le triomphe de son Cyrano de Bergerac et de l’Aiglon, il fit attendre longtemps son « Chantecler »… qui fut un échec pesant.
Qui lui valut notamment ceci:
« Nous sommes forts admirateurs
Chantecler, de ta voix sonore:
Elle fait s’éveiller l’aurore
Et s’endormir les spectateurs. »

Les piques étaient dures.
Mais délicieusement bien écrites!

Martine Bernier

Vous partez?

30 mars, 2011

J’avais traversé le pré pour me rapprocher du torrent, très fourni ce matin.
Je le contemplais avec Pomme lorsqu’une voix presque familière a résonné:
- Il va vous manquer.

Ce n’était même pas une interrogation.
Je savais qu’en me retournant, j’allais me retrouver face à ce monsieur que je croise de temps en temps, que je ne vois jamais arriver et dont les conversations sont inattendues.

- Oui, c’est vrai.
- Il pleut. Vous n’êtes pas dérangée pas la pluie?
- Non, j’aime bien.
- Comment va votre santé?
- Je ne sais pas, j’évite d’y penser. Je retourne chez le chirurgien lundi. Je verrai… Et vous, comment allez-vous?
- Comme les vieux!

Il a ri doucement avant de reprendre:
- Vous partez bientôt?
- Décidément… vous êtes bien renseigné!
- Oh vous savez, tout le monde se connaît, ici. Et tout le monde vous connaît aussi.
- Je pars au milieu du mois prochain.

Il m’a regardée, songeur:
- J’espère que vous serez bien. Mais vous êtes bien accompagnée, c’est bien. Vous ne regretterez pas trop le lac?
- Si. Mais je serai tout près…
- Et vos voisins?
- Ceux avec lesquels j’ai noué des contacts d’amitié auront mon adresse. J’espère les revoir…

La pluie, fine jusqu’alors, commençait à tomber à grosses goutes.
Il a regardé son chien:
- Je vais le rentrer. Il se fait vieux, lui aussi. Il ne manquerait plus qu’il me fasse une pneumonie.

J’ai eu l’impression qu’il hésitait, puis il m’a jeté un coup d’oeil et s’est éloigné en disant, assez fort pour couvrir le vacarme du torrent:
- Vous allez me manquer, vous.

Je l’ai regardé partir en pensant:
- Vous aussi.

Martine Bernier

L’étonnante histoire du vrai faux Vermeer

29 mars, 2011

La plus célèbre des histoires de faux en peinture remonte à 1937.
A l’époque, on découvrit, en Hollande, une oeuvre inconnue de Vermeer de Delft: le « Pèlerin d’Emmaüs ».
Aussitôt, critiques et experts se sont extasiés devant cette toile magnifique d’inspiration religieuse, la première de ce genre de Vermeer dont on ne connaissait jusqu’alors que des tableaux profanes.
Pour une fois unanimes, tous déclarèrent que la facture de Vermeer était indiscutable.
L’association des Amis de Rembrandt acheta le tableau pour 520 000 florins, et en fit cadeau à la Galerie de Rotterdam.

Et soudain… étrangement, on assista à une véritable floraison de Vermeer inconnus.
De 1937 à 1940, on découvrit successivement un « Jacob bénissant Isaac », une « Cène », un « Christ aux outrages » puis, pendant la guerre, une « Lavandière » et un « Lavement des pieds ».
Vinrent ensuite une « Christ et la parabole de la femme adultère » que Goering, grand pilleur d’oeuvres art devant l’Eternel fit acheter pour 1’650’000 florins.
Pour que la vente puisse avoir lieu, le vendeur exigea que dix toiles de primitifs flamands volées par les nazis soient restituées aux musées qui en étaient propriétaires.

Il est clair que, pendant la guerre, les autorités avaient d’autres chats à fouetter.
Mais une fois celle-ci terminée, on se livra à une enquête.
Toutes ces oeuvres surgissant en même temps… c’était un peu étrange, avouons-le
L’enquête permit de découvrir que toutes ces toiles provenaient de la collection d’un modeste artisan-restaurateur d’art de Laren, Hans Van Meegeren.
Arrêté, il avoua non sans fierté qu’il était celui qui avait ridiculisé les experts et abusé Goering.
Pour prouver ses dires, il peignit sous la surveillance de deux experts et d’un policier un « Jésus enseignant dans le temple ».
Il avait réellement un talent immense…
Fasciné par cet artiste hors du commun dans tous les sens du terme, le tribunal ne le condamna qu’à un an de prison.
Mais, après deux semaines de réclusion, Hans mourut d’une crise cardiaque, le 31 octobre 1947.

Martine Bernier

Cyrano de Bergerac: la véritable histoire

28 mars, 2011

Depuis plusieurs siècles que le théâtre existe, les grands événements sont rares.
Les spécialistes se rejoignent pour estimer qu’il y en a eu quatre:
- La première du « Cid » de Pierre Corneille, en 1636
- Celle du « Mariage de Figaro » de Beaumarchais, en 1784
- Celle « d’Anthony », d’Alexandre Dumas, en 1831
- … et la première de « Cyrano de Bergerac », d’Edmond Rostand.

Cette représentation historique a eu lieu le 28 décembre 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris.
Pourquoi historique?
Parce que, durant les répétitions, qui se sont déroulées dans une ambiance glaciale, personne n’y croyait.
La troupe était convaincue d’aller au devant d’une catastrophe.
Un quart d’heure avant le lever du rideau, l’auteur était en pleurs.
Il s’est précipité dans les bras de Coquelin, son interprète principal, en lui disant: « Pardon, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette aventure désastreuse… »

Le rideau s’est levé.
A la fin du première acte, c’était le succès.
A la fin du deuxième, on parlait de triomphe.
A la fin du troisième, l’ambiance virait au délire.
Durant l’entracte précédant le cinquième acte, l’histoire raconte que le ministre des Finances a surgi dans les coulisses, a dégrafé la décoration qui ornait le revers de son habit, et « en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés », l’a épinglé sur la veste de l’auteur, ahuri, le faisant Chevalier de la Légion d’Honneur.

La dernière réplique « Mon panache » était à peine prononcée que ça a été un déchaînement.
Quarante rappels… qui ont épuisé le régisseur.
Il a fini par laisser le rideau ouvert…
A deux heures du matin, pas un spectateur n’avait encore quitté la salle.
Certains avaient envahi la scène, criant de joie et de bonheur.

Depuis cette représentation mémorable, Cyrano de Bergerac a connu plus de 200’000 représentations.
La pièce a été traduite dans toutes les langues, et a été mise au répertoire des théâtres du monde entier.
Les plus grands comédiens se sont battus avec ce rôle écrasant de 1400 vers, le plus long du répertoire français.
Le cinéma, la télévision: tout le monde l’a voulu…

Mais saviez-vous que Cyrano a existé?
Edmond Rostand a respecté dans la pièce les principaux faits qui ont jalonné l’existence de son modèle.
Savinien de Cyrano de Bergerac est né à Paris en 1619.
Il a été aussi galant dans la vie que brave au combat.
Et tous ceux qui se sont risqués à moquer son nez ont eu à tâter de son épée.
Il a participé comme officier au siège de la Compagnie de Carbon de Casteljaloux, et y a récolté une blessure.
L’épisode de la fameuse bagarre de la Porte de Nesles où il se batit seul contre cent pour défendre son ami Lignières a également été attestée par la chronique.
Homme de culture, Cyrano a écrit une comédie « Le pédant joue », dont Molière s’est inspiré dans ses « Fourberies de Scapin ».
Il a aussi signé une tragédie « La mort d’Agrippine », puis son « Histoire comique des états et empires de la lune et du soleil », qui a fait de lui un précurseur.
A la fin de sa vie, il rencontra sa cousine, Madeleine Robineau, veuve, qui vivait retirée du monde.
Il en tomba amoureux.
Mais polémiste à la dent dure, Savinien avait l’art de se faire des ennemis.
Sans doute est-ce ce qui donne à penser que la bûche qu’il reçut sur la tête était un attentat plutôt qu’un accident.
Il en mourut en 1655, à seulement 36 ans, sans savoir qu’il deviendrait un magnifique héros bien français, courageux jusqu’à la témérité, beau parleur jusqu’au lyrisme, frondeur, râleur, irrespectueux, querelleur, mauvais caractère au coeur d’or, passionné, spirituel et galant…

Martine Bernier

Einstein en jupons

27 mars, 2011

Victoria Cowie est un cas.
Vous ne la connaissez pas?
Moi non plus.
Mais on dit de cette jeune Anglaise de 11 ans qu’elle a un QI de 162.
Soit deux points de plus qu’Einsten.
Ce qui la met presque à égalité avec Descartes et Darwin.
Voilà voilà…
Elle pourait se contenter d’être intelligente sans rien faire de particulier.
Mais non: la fillette est exceptionnellement douée en anglais, en français, en math, en sciences, joue à la perfection du piano, du violoncelle, de la flûte à bec et du saxo.
Elle écoute Bach, Beethoven, Michael Jackson et Lady Gaga (ouf!), aime la poésie, Shakespaere, pratique le sport de compétition (foot et natation).
Il paraît même qu’elle a de l’humour et est plutôt modeste.

Alors que les écoles les plus prestigieuses espèrent l’accueillir en leur sein, Victoria explique qu’elle aimerait être vétérinaire car elle aime les animaux.

Et bien…
Si l’intelligence émotionnelle suit, ce sera impressionnant.
Bonne route, petite demoiselle!

Martine Bernier

Collectionneurs insolites

26 mars, 2011

Notre société est atteinte de collectionnite aiguë.
Tout est sujet à collection, du couvercle de boîte de camembert aux figurines de BD en passant par les voitures anciennes, les boutons, etc…

Saviez-vous que le plus ancien des mots utilisés pour désigner une collection est « philatélie », créé en 1864 pour remplacer le mot « timbrologie », plutôt laid?
Les mots sont nés au fur et à mesure des collections nouvelles. Ainsi, « copocléphile » a fait son apparition dans les années 1960 dans le Larousse, pour parler des collectionneurs de porte-clés.

J’ai découvert un petit lexique de certaines collections insolites, et j’en ai sélectionnées quelques-unes, inattendues.
Qui peuvent vous donner des idées si vous ne savez pas que faire de vos week-end!

- Avrilopiscicophile: collectionneur de poissons d’avril (si!!!)
- Capillabélophile: collectionneur d’étiquettes de fond de chapeau
- Notaphile: collectionneur de factures
- Ufologiste: collectionneur de document sur les OVNI
- Malacologiste: collectionneur de mollusques
- Oenosémiophiliste ou éthylabélophile: collectionneur d’étiquettes de bouteilles de vin
- Paléographe: écritures anciennes
- Cucurbisatiste: collectionneur d’étiquettes de melon
- Jacondophile: collectionneur de… Mona Lisa
- Pissadouphiliste: collectionneur de… pots de chambre

Il en existe des dizaines d’autres.
Mon préféré, pour sa tonalité, reste le philopin, collectionneur de pin’s.

Martine Bernier

Cartons, anniversaire, Cuba et fin de semaine

25 mars, 2011

pomme1.jpg

Quel beau métier que le mien…
Je continue à m’émerveiller des rencontres qu’il me permet de vivre.
Celle d’hier était très belle.
Eric et moi continuons à travailler ensemble.
Nous formons un binôme efficace, lui à la photo, moi à la plume.
Nous nous connaissons par coeur, le tandem fonctionne bien.
Transformer une belle histoire qui aura duré 16 ans en une amitié solide est une réalité dont nous sommes heureux…

En rentrant, nous sommes partis à l’assaut de deux de mes bibliothèques.
Le déménagement approche, et mes plus de 5000 livres n’iront pas se nicher dans les cartons tout seuls.
C’est dans ces moments-là que je regrette de ne pas être Mary Poppins!
Trois bibliothèques sont désormais vides.
C’est bien, me direz-vous?
Oui.
Sauf qu’elles sont 21 à attendre notre intervention…

Le soir, quand je me suis retrouvée seule, Pomme a commencé à s’approprier ce nouveau décor encartonné.
Elle se dressait contre les caisses, les reniflait avec application, puis venait m’interroger.
Comme à son habitude, elle se met alors debout en s’appuyant sur moi, et me regarde droit dans les yeux, une patte en l’air.
L’attitude de ce petit chien me sidère.
Elle a besoin de comprendre ce qui se passe.
Je lui ai expliqué que nous allions bientôt changer de « niche » pour une autre, plus spacieuse.
En m’écoutant parler, je me suis dit que, pour en arriver à expliquer ce genre de chose à un chien, il fallait vraiment que je sois un peu bizarre.

Samedi sera le jour où nous fêterons trois anniversaires.
Celui de « Bébé Aîné », et ceux d’Eric et de Celui qui m’accompagne, qui tombent ce vendredi et ce dimanche.
J’explique à Pomme que Bruno arrivera ce soir.
En entendant son prénom, elle lève la tête, fonce sur le balcon et tend le cou pour voir sa voiture sur sa place de parking.
Qui a dit que les chiens ne comprenaient rien d’autre que leur nom et le signal du repas?

Cette fin de semaine, je vais en profiter.
Car le rendez-vous médical le plus essentiel de ces derniers mois se profile à l’horizon.
Et que j’ai rarement appréhendé autant une telle visite.

La semaine a été chargée.
Mais aussi chargée d’amitié.
Le téléphone qui sonne dans la nuit, voici deux jours: mon ami de Bretagne est rentré de Cuba la veille et reprend le chemin de nos conversations.
Lui aussi est toujours là.
Nous parlons de nos vies, de ce qui nous arrive ici et là-bas.
Nous nous encourageons mutuellement.
Son amitié est un cadeau d’autant plus précieux que la distance aurait pu me l’enlever.

La journée avance.
Dans quelques heures, Celui qui m’accompagne sera là.
Je suis comme Pomme.
Impatiente.

Lorsque le soir tombe, nous sommes deux à recevoir mon doux géant.
Et Pomme sourit…

Martine Bernier

Copies à rendre

24 mars, 2011

Qu’un professeur cherche à rendre leurs copies à ses élèves, c’est normal.
Quand on sait que les copies en question datent de 1968, c’est un peu plus étonnant.

Et pourtant.
Aujourd’hui à la retraite, Jean Romain, à Saint-Dié-Les-Vosges, était professeur en 1968.
Et il n’a pas revu ses élèves après les grèves qui ont secoué la France en ce fameux mois de mai.
Le syndicat national des enseignements du second degré avait alors décrété qu’il ne fallait pas rendre les copies aux élèves.
Consigne que Jean Romain avait suivie à la lettre.
Il s’agissait, à l’époque de faire pression sur l’administration, nous dit-on,
Consciencieux, le professeur les avait cependant corrigées, et les a conservées dans sa bibliothèque.
La dissertation portait sur un sujet d’actualité, autant hier qu’aujourd’hui: « Décrivez un sentiment violent ».
Quarante-trois ans plus tard, les auteurs de ces épîtres sont recherchés.
Pour le moment, huit d’entre eux, alors en classes de 5e, ont été retrouvés, sur 33.
Les huit anciens étudiants en question vivaient toujours dans la région ou y avaient encore de la famille.
Les autres se sont éparpillés un peu partout.
Et comme Jean n’est pas très doué pour les nouvelles technologies, il se fait aider par une amie.

Ce professeur, qui explique avoir eu des élèves délicieux, estime qu’une copie est faite pour être rendue.
A bon entendeur!

Martine Bernier

Maître Capello et Cléopâtre

23 mars, 2011

Je l’aimais bien, Jacques Capellovici, dit Maître Capello.
Ce linguiste érudit d’origine roumaine maniait la langue française avec une jouissance qui nous faisait sourire, se délectant des facéties grammaticales de la langue de Molière.
Il était l’expert vers lequel chacun se tournait dans les « Jeux de 20 Heures ».
Lorsque je regardais l’émission, à l’époque, c’était pour lui.
Aaaah… ses explications, son fameux « de bon aloi », les sous qu’il ajoutait dans le nourin, son air boudeur quand ses explications ne semblaient pas convaincre, sa manière de s’amuser discrètement tout seul du « Maître » dont il était honoré par les téléspectateurs…
Ses élèves disaient de lui qu’il avait l’art de se mettre dans des colères magistrales, mais qu’il adorait les calembours (comme « C’était une femme qui avait épousé son temps… comme Simone Signoret! ») et les finesse de la langue, comme le palindrome, qu’il répétait fréquemment « Éric notre valet alla te laver ton ciré ».
Un humour décalé, comme on les aime…

Maître Capello est donc parti apprendre le bon français aux angelots qui ont perdu le goût des lettres.
Et, pour cet ultime voyage, il est accompagné par une compagne de marque: Liz Taylor.
Partir sur les chemins du paradis en compagnie de Cléopatre… il aurait pu craindre pire sortie…

Martine Bernier

Bichon havanais: Pomme et le bain

22 mars, 2011

Scotty, ma petite chienne scottish terrier, avait horreur du bain, détestait se faire brosser et ne voulait absolument pas entendre parler de sèche-cheveux.
Sa réaction était d’exercer un repli stratégique et de se faire oublier pendant quelques heures, squattant les dessous de table en silence.

Pomme, en petit bichon havanais qui se respecte, a un poil très fin et long.
Les quelques jours que nous venons de passer en Franche-Comté, elle et moi, sous l’aile protectrice de Celui qui m’accompagne, lui ont octroyé un statut de quasi liberté.
Là où nous allions, elle n’était pas en laisse, et répondait à la voix du Maître, accourant comme un lapin, la mine déconfite, lorsque ce dernier haussait le ton.

Joie, bonheur, liberté…
Seulement voilà.
De retour au bercail, j’ai rapidement réalisé que mon aventurière dégageait un fumet contrariant.
Entre la masse d’articles à écrire, les cartons de déménagement à gérer et trois anniversaires à fêter en fin de semaine, j’ai pris le temps d’avoir une conversation avec elle.

- Bon. Je suis ravie que tu te sois bien amusée, mais là, fini de rire. Très chère, parlons franc: je ne sais pas où tu as été rôder, mais tu sèmes derrière toi un parfum de fleur de fumier qui ne me plaît pas du tout. Donc, un bain s’impose.

Elle m’a regardée, outrée, mais s’est laissée prendre et déposer dans la baignoire sans protester.
Cinq minutes plus tard, elle ressemblait à une barbe-à-papa noire passée sous l’averse… et sentait délicieusement bon.
Je l’ai essuyée et ai sorti le sèche-cheveux, m’attendant au pire.
Comme je ne suis pas suffisamment en forme pour galoper à travers l’appartement derrière un chien dégoulinant, je lui ai laissé le choix:

- A toi de voir. Si tu veux attraper une broncho-pneumonie, je n’insiste pas. Mais si tu me laisses faire, tu auras un biscuit. Viens, Pomme.

A ma stupéfaction totale, elle est venue, s’est assise devant moi et m’a laissée la sécher.
Mieux encore, elle s’est couchée sur le sol, levant les pattes avec complaisance, s’étirant de tout son long, ouvrant la gueule pour avaler l’air chaud, souriant de contentement, se roulant sur le dos, appréciant visiblement l’exercice.
Mon chien aime les SPA!
Non pas les Sociétés Protectrices des Animaux, mais Sanitas per Aqua!
En quelques instants, j’avais devant moi une petite boule de poils soyeuse et pimpante, dégageant un parfum d’abricot.

En lui donnant son biscuit, j’ai souri:
- Tu es incroyable, toi… La prochaine fois, nous essayerons le hamam.
Elle a plongé son regard noir dans le mien.
Et elle n’a pas dit non.

Martine Bernier

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