Archive pour le 8 mars, 2011

Marthe et René

8 mars, 2011

Ils se sont mariés quelques années avant ma naissance, faisaient partie de ma famille.
Je les ai toujours connus.
Marthe était une grande et belle femme, tendre et sensible, avec des yeux étonnants, couleur myosotis.
René était plus petit qu’elle, toujours souriant, curieux de tout, pétri d’humour et de joie de vivre.
Il me disait d’elle en riant: « Comment voulais-tu que je résiste? Elle a les plus beaux yeux du monde! »
Ces deux-là s’adoraient.
Ils étaient complices, heureux de vivre.
Pendant des années, je les ai vus très régulièrement.
Ils avaient ce petit quelque chose qui rend certaines personnes plus sympathiques que d’autres.
Ils n’étaient pas imbus d’eux-mêmes, prétentieux ou pédants.
Ils étaient francs, honnêtes, tout en gentillesse, en drôlerie, s’impliquaient réellement auprès des autres.
Leurs révoltes étaient honnêtes, leurs enthousiasmes pleins de fraîcheur.
Tout en élevant leur fille, ils étaient tournés vers les autres.
Ils s’aimaient, ne pouvaient vivre l’un sans l’autre.
René ne pouvait se passer de Marthe, pas plus que Marthe ne pouvait se passer de René.
Ils n’en faisaient pas un plat.
Cela se voyait, simplement.
Toute leur vie, ils ont été fidèles, attentifs l’un à l’autre, heureux d’être ensemble.

Et puis un jour, j’ai appris que Marthe était atteinte par une de ces maladies dont on ne guérit pas facilement.
Elle est partie, laissant René dans un désespoir sans nom.
Au fond de ses yeux, la flamme qui pétillait s’est éteinte.
Nous nous sommes téléphoné plusieurs fois ensuite.
Il était pudique, digne.
Mais infiniment triste, perdu.
Il n’avait plus envie de rien, ne s’intéressait plus à la vie de ce monde qui l’avait passionné.
Un jour, j’ai appris qu’il avait été retrouvé, sans vie, dans l’appartement où ils avaient vécu leur bonheur.
Personne n’a pu me dire ce qui s’était passé.
J’ai juste présumé.
Il n’était pas malade…

Aujourd’hui, ils restent pour moi l’image du couple idéal.
J’aime les imaginer réunis.

Ils sont rentrés dans cet ailleurs floconneux et mystérieux où j’espère que René a retrouvé le sourire de la femme qui avait les plus beaux yeux du monde…
Je pense souvent à eux.

Martine Bernier