Archive pour mars, 2011

Pic de la Mirandole… heu?

11 mars, 2011

Je me souviens encore très bien de ce jour où notre professeur d’Histoire est rentrée dans la classe, a posé ses dossiers sur son pupitre et a lancé:
- Est-ce que le nom de « Pic de la Mirandole » vous évoque quelque chose?

Dans chaque classe, à chaque époque, il y a toujours quelqu’un pour lever la main dans la seconde et répondre n’importe quoi, sans réfléchir.
Ou pour faire croire qu’il ou elle a tout vu, tout connu, tout lu, tout entendu.
C’est ce qu’a fait ma voisine de bureau.

- Moi!!!
- Oui?
- C’est une montagne en Provence!

Elle n’aurait pas dû.
Le prof a susurré:

- Vous y êtes déjà allé?

Pleine d’aplomb, ma voisine a répondu:
- Oui, je crois. Avec mes parents en revenant de vacances.

Les lèvres de la prof, qui avait visiblement un oeuf à peler avec la malheureuse, se sont retroussées en un sourire un peu cruel:
- Et bien, mademoiselle, vous venez une fois encore de nous faire une brillante démonstration de votre inculture et de votre propension à dire n’importe quoi. Félicitations. Bon, soyons sérieuses…

Oui, soyons sérieux.
Pauvre Pic qui doit avoir été confondu ainsi avec une pseudo montagne par des générations de têtes blondes…
Jean Pic de la Mirandole, donc, est né en 1463.
Il fut l’une des vedettes de la République de Florence, était un homme de conviction, de courage, dont l’érudition précoce était sidérante.
A tel point qu’aujourd’hui encore, l’évocation de son nom est un hommage au savoir.
A dix ans, il était nommé Officier du Saint Siège, proclamé « Prince des poètes et des orateurs ».
On dit de lui qu’il maîtrisait 22 langues à 18 ans, qu’il a étudié toutes les sciences possibles dans toutes les grandes universités d’Europe, qu’il était spécialiste réputé en droit canon à 15 ans déjà.
Passionné par la cabale, il décida, à 24 ans, de rédiger ses « 900 Thèses philosophiques, théologiques et cabalistiques », histoire de braver les doctes de Rome.
Le texte qui le précédait est toujours considéré comme un exemple de l’humanisme renaissant.

Arrogant Mirandole… il se voulait libre, maître de son destin… mais ses thèses, jugées hérétiques et brûlées, lui valurent l’excommunication.
Réfugié en France, il y séjourne avant de rentrer à Florence, se placer sous l’aile protectrice de Laurent de Médicis. Mais l) encore, il continue à travailler sur une exégèse cabalistique de la Genèse, et part dans des idées révolutionnaires pour l’époque.
En 1492, Laurent meurt.
Trop proche de Savonarole, le moine sévère qui veut la perte des Médicis, Jean Pic de la Mirandole mourra peu après, à 31 ans dans des circonstances mystérieuses.
Celles-ci ne seront élucidées qu’en 2008, lorsque ses restes ont été découverts.
Il aurait été empoisonné par les émissaires de Pierre de Médicis, fils et successeur de Laurent.
On parle de lui comme ayant été une étoile filante.
L’une des plus brillantes, sans doute.

Martine Bernier

L’holorime

10 mars, 2011

L’holorime fait partie de ce genre de choses que tout le monde connaît et dont personne ne se souvient du nom.
Non?
Si!
Il s’agit d’un texte où seule l’orthographe permet de lever l’ambiguïté.
Vous ne comprenez pas?
Voici un exemple.

Si vous lisez ceci:
« Des visages sans visage dévisagent cent visages.
Des visages s’envisagent, dévisagent son visage. »

… vous en comprenez le sens.
En revanche, si vous le lisez à quelqu’un sans lui avoir donné les phrases à lire auparavant, il y a fort à parier pour qu’il vous regarde avec des yeux ronds.

Les plus grands auteurs se sont essayés aux plaisirs de ces poèmes composés d’homophones.

Victor Hugo a commis celui-ci:
Et ma blême araignée, ogre illogique et las
Aimable, aime à régner, au gris logis qu’elle a.

Alphonse Allais, Charles Cros en ont créé quelques-uns eux aussi.
Mais celui que je préfère est de Luc Etienne:
Danse, prélat ! L’abbé t’apprit l’air en plain-chant !
Dans ce pré-là, la bête a pris l’air en pleins champs

Et comme toujours devant ce genre d’exercices, je m’amuse de cette langue qui est la nôtre et qui peut jouer à l’infini sur le sens des mots…

Martine Bernier

La Petite Musique de Nuit

9 mars, 2011

Il était quatre heures du matin quand je me suis réveillée.
Dans un premier temps, je n’ai pas compris ce qui m’avait sortie du sommeil.
Pomme n’avait pas bougé, il faisait nuit noire.
Un souffle de fraîcheur entrait par la fenêtre entrouverte.
Et puis… j’ai entendu.
Cette fois, ce n’était pas un cri.
C’était une musique.
Quelqu’un jouait de la flûte dehors.
Une mélodie sur quatre notes, lancinante, très douce.
Je l’ai écoutée longtemps.
Elle était assez lointaine, sans doute portée par la brise très légère qui soufflait.
Qui est celui ou celle qui accueille l’approche du jour en jouant de la flûte?
Est-ce la même personne que j’ai entendue crier voici quelques semaines, à l’aube?
L’instant était surréaliste.
Je pensais au Joueur de flûteau, à la légende de celui qui entraînaient les rats à la rivière pour les noyer…
Ma nuit a été achevée, perdue dans des notes qui s’envolaient dans le vent…

Martine Bernier

Marthe et René

8 mars, 2011

Ils se sont mariés quelques années avant ma naissance, faisaient partie de ma famille.
Je les ai toujours connus.
Marthe était une grande et belle femme, tendre et sensible, avec des yeux étonnants, couleur myosotis.
René était plus petit qu’elle, toujours souriant, curieux de tout, pétri d’humour et de joie de vivre.
Il me disait d’elle en riant: « Comment voulais-tu que je résiste? Elle a les plus beaux yeux du monde! »
Ces deux-là s’adoraient.
Ils étaient complices, heureux de vivre.
Pendant des années, je les ai vus très régulièrement.
Ils avaient ce petit quelque chose qui rend certaines personnes plus sympathiques que d’autres.
Ils n’étaient pas imbus d’eux-mêmes, prétentieux ou pédants.
Ils étaient francs, honnêtes, tout en gentillesse, en drôlerie, s’impliquaient réellement auprès des autres.
Leurs révoltes étaient honnêtes, leurs enthousiasmes pleins de fraîcheur.
Tout en élevant leur fille, ils étaient tournés vers les autres.
Ils s’aimaient, ne pouvaient vivre l’un sans l’autre.
René ne pouvait se passer de Marthe, pas plus que Marthe ne pouvait se passer de René.
Ils n’en faisaient pas un plat.
Cela se voyait, simplement.
Toute leur vie, ils ont été fidèles, attentifs l’un à l’autre, heureux d’être ensemble.

Et puis un jour, j’ai appris que Marthe était atteinte par une de ces maladies dont on ne guérit pas facilement.
Elle est partie, laissant René dans un désespoir sans nom.
Au fond de ses yeux, la flamme qui pétillait s’est éteinte.
Nous nous sommes téléphoné plusieurs fois ensuite.
Il était pudique, digne.
Mais infiniment triste, perdu.
Il n’avait plus envie de rien, ne s’intéressait plus à la vie de ce monde qui l’avait passionné.
Un jour, j’ai appris qu’il avait été retrouvé, sans vie, dans l’appartement où ils avaient vécu leur bonheur.
Personne n’a pu me dire ce qui s’était passé.
J’ai juste présumé.
Il n’était pas malade…

Aujourd’hui, ils restent pour moi l’image du couple idéal.
J’aime les imaginer réunis.

Ils sont rentrés dans cet ailleurs floconneux et mystérieux où j’espère que René a retrouvé le sourire de la femme qui avait les plus beaux yeux du monde…
Je pense souvent à eux.

Martine Bernier

Phil Collins raccroche

7 mars, 2011

Dans un journal anglais (FHM) le chanteur et musicien Phil Collins a annoncé voici quelques heures qu’il mettait un terme à sa carrière musicale.
A 60 ans, lui qui fut l’un des piliers du groupe Genesis est atteint dans sa santé.
Il souffre, nous dit-on de problèmes auditifs,de douleurs dans le dos et a perdu toute sensibilité dans les mains et dans les doigts suite à une opération ratée des vertèbres.

Et il a eu cette constatation désabusée: “Je n’appartiens plus vraiment à ce monde et je pense que je ne manquerai à personne. Je suis beaucoup plus heureux à écrire dans mon coin”
Il ajouté qu’il « est désolé d’avoir eu autant de succès et qu’il comprend qu’autant de gens le détestent. »

40 ans de carrière et près de 200 millions d’albums vendus si l’on tient compte de ses albums solo et de ceux enregistrés au sein de Genesis dont il a été le batteur puis le chanteur après le départ de Peter Gabriel, c’est un palmarès superbe.
D’autant qu’il a également récolté les prix et les honneurs.
Peut-on « détester » quelqu’un simplement parce qu’il a réussi?

Phil Collins vit en Suisse depuis plusieurs années.
Au gré de certaines interventions ou manifestations, nous avons appris à apprécier l’homme pour sa courtoisie et sa personnalité.
Il a beaucoup reçu, oui.
Mais il donne également.
Pour ma part, je garde sa musique en tête et j’espère que ce pays qui peut se faire havre de paix lorsque l’on a besoin de se ressourcer, arrivera à lui offrir des années de douceur et de bonheur.

Martine Bernier

Le potage aux feuilles de radis

6 mars, 2011

- Tu veux du potage aux feuilles de radis?

Je l’ai regardé perplexe.
Je ne savais même pas que ce genre de chose était comestible!

-Heu… tu es sûr que cela se mange?
-Bien sûr!

Il m’a servi un bol de ce potage vert, y a ajouté une touche de crème et… je suis tombée sous le charme.
Jean-Pierre Coffe ne renierait pas cette recette onctueuse et goûteuse, connue dans les campagnes, et un peu moins dans les villes.

La nuit était largement tombée lorsque j’ai fait remarquer que j’ignorais si ce plat figure sur la liste des aliments que j’ai le droit de consommer ou non.
Celui qui m’accompagne m’a taquinée et nous avons ri.
Deux heures plus tard, je riais moins.
Lorsque vous avez un problème de santé sérieux, certains aliments en apparence inoffensifs peuvent devenir des poisons.
C »est clairement le cas du potage en question, pourtant délicieux.

Dans le match qui m’oppose à eux, le résultat est tombé: 1/0 en faveur des radis.
En passant devant la marmite où le reste du potage reposait en me regardant d’un air narquois, j’ai maugréé:

- Assassin!

Martine Bernier 

 

 

 

L’une des plus vieilles langues du monde a disparu

6 mars, 2011

Saviez-vous que 5000 à 6000 langues sont parlées à travers le monde?
Le mandarin est la plus usitée, avant l’anglais, l’hindi, l’espagnol ou l’arabe.

Selon l’Unesco, 2’500 langues sont menacées de disparition, et 200 d’entre elles sont parlées par moins de dix personnes.
En France, treize langues seraient en danger, parmi lesquelle le languedocien, le breton ou le picard.

Et le danger existe, effectivement, de voir s’endormir à jamais des langues autrefois courantes dans certaines régions.
Un exemple m’a touchée.
L’une des plus vieilles langues, l’eyak, a disparu en 2008 avec le décès, en Alaska, de son dernier locuteur.

Tout évolue, tout se transforme…

Martine Bernier

Facebook, Internet, le pire et le meilleur

4 mars, 2011

Facebook et l’Internet sont comme ceux qui les utilisent: capables du pire comme du meilleur.

Le pire est arrivé dans ma boîte cette semaine.
Une photo et un commentaire d’une agressivité extrême se moquant du physique de ceux qui ont eu la bêtise de poser pour cette photo et de l’exhiber.
S’ensuivait une allusion sur les « faux voeux d’anniversaire en chaîne », un épître sur les êtres ridicules, et un résumé des moqueries dont font l’objet les sujets de la photo en question.

Après avoir « poubellisé » l’ensemble, j’ai réfléchi.

Facebook est un outil dont chacun sait qu’il peut être l’Eden des fautes d’orthographes, des phrases stupides, de l’humour lourd, des indignations bidons, des platitudes quotidiennes.
Les exemples anciennement tirés de « faceploucs.fr », qui collectait les pires perles, en sont l’illustration parfaite.

Heureusement, il y a l’autre façon d’aborder l’outil en question.
En sélectionnant les contacts, en effaçant systématiquement de votre mur les niaiseries qui peuvent y être déposées, en ne diffusant que des messages choisis, en sélectionnant les photos, en cultivant un humour différent…

Internet est décidément un univers étrange.
Professionnellement, je fais partie de ceux qui ne pourraient pas s’en passer.
Et il m’a apporté des cadeaux essentiels.
Ce n’est pas l’outil qui est dangereux.
Ce sont ceux qui l’utilisent qui peuvent le devenir.

Martine Bernier

Jean Genêt, le sulfureux

3 mars, 2011

Avez-vous déjà lu un ouvrage de Jean Genêt?
A travers une écriture fine, il aimait aborder les thèmes de la perversion, du mal.
Né en 1910, il nous a quitté en 1986.
Mais quel destin…

Enfant naturel, il a été placé à l’Assistance publique.
Mauvais début pour ce petit Parisien qui, à dix ans, commettait son premier vol.
Ses copains de classe expliqueront, plus tard, qu’il chapardait plumier et crayons.
Un peu normal pour un enfant qui aurait aimé recevoir autant que les autres…
A treize ans, il fugue de chez sa famille d’adoption, et se retrouve placé pour suivre une formation de typographe.
Mais il fugue encore… et cette fois, à 15 ans, se retrouve condamné, à 45 jours de prison, puis envoyé dans « un bagne pour enfants », à Mettray, près de Tours.
Un bagne pour enfants…
Le terme fait frémir.
Il y découvre les rapports de domination et de soumission, les travaux épuisants, les punitions, les journées commençant dès 5 heures du matin.
Il restera dans cet endroit maudit pendant près de trois ans.
Lieu terrible et pourtant… période heureuse pour l’adolescent qui découvre également son homosexualité.
A 18 ans, il s’engage dans la Légion Etrangère, se retrouve en Afrique du Nord pour quelques missions, et démissionne.

Son retour à Paris marque alors une période de vagabondage et de prostitution qui lui vaudra plusieurs séjours à la prison de Fresnes pour vols et usages de faux papiers.
C’est en prison qu’il va écrire « Journal d’un voleur » et « Notre-Dame-des-Fleurs », qu’il va publier à compte d’auteur.
C’est alors qu’il vit l’une des rencontres les plus importantes de sa vie.
Jean Cocteau va le remarquer et l’aider à trouver un éditeur.
C’est un changement mais l’écrivain en herbe n’a toujours pas un sou.
Il continue à voler des livres dans les librairies pour les revendre, est arrêté et, cette fois, risque la perpétuité.
Son protecteur ne l’abandonne pas pour autant.
Jean Cocteau va intercéder pour lui auprès du Président de la République qui transforme sa peine en quelques mois de prison.
C’est en sortant de prison qu’il rencontrera le succès avec des pièces comme « Les Paravents ».

Mais la drogue va le replonger dans la marginalité.

Ecrivain adoré des uns, détesté par les autres, il est l’objet de multiples polémiques.
Toute sa vie, il abordera des thèmes sulfureux, défendra des causes fortes, comme l’homosexualité, les conditions de vie en prison, la cause des opprimés.
Et là encore, certains le verront comme un saint, d’autres comme un manipulateur.
Jean Genêt est mort d’un cancer de la gorge le 15 avril 1986, laissant une impressionnante bibliographie.
Il avait du talent, un très beau talent d’écrivain.
Et il lui a fallu de la ténacité et du courage pour arriver à l’affirmer, lui qui a débuté sa vie dans des conditions aussi difficiles et aussi peu propice à une existence harmonieuse.

Martine Bernier

Bichon havanais: Pomme et la sieste

2 mars, 2011

De retour de sa promenade, Pomme, qui poursuit son exercice sportif dans l’appartement en courant comme une dératée, semble tout à coup décidée à interrompre son bel effort pour s’adonner à un art qu’elle pratique depuis peu d’une manière très personnelle: celui de la sieste.
Chez mon Mogwaï, cette activité est tout sauf banale, comme elle me l’a encore prouvé aujourd’hui.
Systématiquement, le moment de la sieste est précédé par l’épandage des jouets.
Elle les sème partout, dans mon bureau, dans l’entrée, dans le couloir, au salon, dans la cuisine, dans la salle de bain.
J’ai même retrouvé Monsieur Poulet sur le lit, sans doute lancé vigoureusement lors d’une tentative de record du monde canin du lancé du poulet.

Cette phase d’euphorie se solde invariablement par un effondrement.
Attention: Pomme ne s’effondre ni n’importe où, ni n’importe comment.
Elle se laisse tomber théâtralement dans l’entrée, devant la porte de mon bureau, la tête posée sur son Monsieur Poulet Géant qui est rempli de mousse ou de coton.
La chute, accompagnée d’un énorme soupir, son épuisement est donc spectaculaire, mais sans risque.

L’Opération Sieste a commencé.
Vient ensuite une série de changements de position.
Car si Pomme ferme les yeux, elle ne fait que semblant de dormir.
Toutes les cinq minutes, elle se déplace.
Je la retrouve dans son panier, les pattes avant et la tête pendouillant sur le sol, puis vautrée dans l’entrée de la cuisine.
Mais le plus amusant reste sa posture de Méditation Transcendantale.
Pattes en l’air, sourire aux lèvres (si!) et poulet (l’autre, le décapité en caoutchouc, celui qu’elle torture quotidiennement) posé sur le ventre, elle réfléchit.
A quoi elle pense, je l’ignore.
Elle n’a jamais voulu m’en parler.
Mais une chose est sûre: à l’instar de Scotty, la petite chienne qui l’a précédée dans ma vie, Pomme est une adepte du yoga.
Alors que j’en viens à m’attendrir sur cette espèce de tendresse qui la fait tenir ses jouets contre elle, je vois tout à coup passer un OVNI à côté de moi, ressemblant fort à un poulet supersonique.

Adepte du yoga…
Tsss.

Martine Bernier

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