Archive pour avril, 2011

« Dis, Matine? »

10 avril, 2011

Le déménagement se poursuit.
Et ce dimanche, Jee, la compagne de mon fils cadet, arrive à la rescousse avec Kim, notre petit prince de 4 ans.
Tandis que les hommes travaillent, Jee et moi ouvrons les cartons et installons les livres.
Kim, lui, prend possession des lieux, et semble apprécier.
Je lui explique que, lorsqu’il viendra dormir chez nous, il aura droit à la chambre d’amis, que j’équipe d’une bibliothèque pour enfants.
- Dis, Matine, y sont où les livres pour les zenfants?
- Dès que je trouve le bon carton je te les donne, d’accord?
- Oui! Tu viens zouer?
- Non, pas maintenant, j’ai trop de travail, tu vois. Tiens, tu peux déjà y mettre ces trois BD: ce sont les Schtroumpfs.
- Aaaah ouiii! Z’aime bien les Stroumfs. Dis Matine, tu sais que je sais compter jusqu’à 16?
- 16? Vas-y! Je t’écoute.
Il s’exécute, sans faute.
- Bravo! Et après?
- Heu… 17, 19, 20…
- Oh… tu en as oublié un… Tu sais ce que c’est, les chiffres?
- Non?
- Des petits bonshommes qui se suivent et qui font partie d’une longue file. Quand tu en oublies un, il est tout malheureux…
- 15, 1,6 17, 18,19, 20!
- Formidable!

Il laisse tomber une pile entre deux cartons.
- Matine, tu veux aller la « cherser »?
- Non, je ne peux pas, c’est trop difficile pour moi.
- C’est pas grave. Je vais demander à Maman. Elle est plus « long » que moi.

MArtine Bernier

 

 

 

 

 

Le poids de la culture

9 avril, 2011

Depuis que Celui qui m’accompagne est arrivé, vendredi soir, l’heure du début du déménagement a sonné.
Seul d’abord, toute la soirée, il a transporté meubles et cartons.
Ce samedi secondé par mon fils cadet, il a poursuivi sa tâche, me laissant dans le nouveau nid pour que je puisse commencer à l’installer.
5000 livres environ.
C’est beaucoup.
J’ai commencé la réinstallation de ma bibliothèque avec une certaine émotion.
Chaque livre me rappelle une histoire, un enseignement.
J’ai oublié le contenu de certains, lus il y a trop lontemps.
Je les installe selon des critères très semblables à ceux des bibliothèques.
Ils auront, dans le nouveau nid, le luxe de l’espace.
En attendant, ils sont lourds!

Le déménagement se déroulera sur deux week-end.
Sans être en excellent état, j’apprécie ce que je vis.

Martine Bernier 

Bichon havanais: Pomme, les médicaments et la boule de curling

8 avril, 2011

Depuis quelques jours, Pomme doit subir un traitement qu’elle n’apprécie pas.
L’opération consister à lui injecter un produit dans les oreilles.
Or, pour Pomme, les oreilles, qu’elle a de fort jolies d’ailleurs, c’est sacré.
Et ce qui est sacré est intouchable!
Elle a donc mis au point une stratégie destinée à reculer le moment fatidique, comme a pu le découvrir Janick dimanche matin.

- Pomme? Viens, ma puce!

Mon Mogwaï pointe son minois et me regarde.
Promenade?
Déjeuner?
Câlin?
Récompense?
Elle s’attend au mieux, c’est le pire qui arrive lorsqu’elle me voit sortir le flacon redouté.
Le temps que je me retourne et elle a disparu.

- Pomme? Ce n’est pas le moment! Viens!

C’est à ce moment précis que je vois les longs rideaux de la cuisine bouger légèrement.
Comme un enfant, elle s’est cachée…
Ce qu’elle ne réalise pas, c’est qu’un bout de sa queue dépasse du rideau.
Le traître!
Je montre la scène à Janick qui éclate de rire.
Faisant celle qui n’a rien vu, je continue à appeler:

- Pomme?

Sa queue remue légèrement, mais elle ne bouge pas.
Je soulève doucement le rideau.
Deux billes noires me regardent, l’air de dire: ‘Mais!? Comment as-tu fait pour me retrouver??? »

Chaque matin, le même rituel se répète, et est devenu prétexte à un jeu.
Elle en a bien besoin: vivre dans un appartement transformé en dépôt où elle doit se frayer un passage entre des ruelles de cartons semble la déprimer.
Encore une semaine à vivre dans cet univers et nous changerons de lieu de vie.
Histoire de lui remettre le moral, je l’ai emmenée visiter notre futur nid.
Comme tout bon chien qui se respecte, elle a minutieusement inspecté chaque pièce, reniflé chaque recoin.
En découvrant l’immense salon disposant d’un superbe parquet marqueté et vitrifié elle m’a jeté un coup d’oeil alléché.
Je me suis dit: « Non… elle ne va pas faire ça?! »

Si.
Elle l’a fait.
Reprenant une habitude qu’elle a développée dès son plus jeune âge, elle a pris son élan, a couru et s’est laissé glisser sur le dos sur toute la longueur de la pièce.
Pomme est la réincarnation d’une boule de curling.
Quand sa cascade a été terminée, elle a gambadé vers moi, un large sourire aux lèvres.
- Alors, ça va mieux? Tu penses que tu seras bien, ici?
Elle a foncé sur la terrasse, s’est dressée sur ses pattes arrières, a regardé les passants et a jappé sur un oiseau posé sur l’arbre d’à côté.

Mission accomplie: elle a adopté les lieux.

Martine Bernier

Léonard Gianadda: « Venez, je vous invite! »

7 avril, 2011

unknown.jpeg

J’ai largement passé l’âge d’être une midinette.
J’ai rencontré beaucoup de personnalités célèbres ou non, et j’ai eu la chance de m’enrichir à leur contact.
Beaucoup m’ont marquée, voire bouleversée.
Mais celui pour lequel j’ai une admiration absolue reste, sans discussion possible, Léonard Gianadda, dont j’ai déjà souvent parlé sur Ecriplume.
Je lui ai consacré plusieurs articles et, récemment, lui ai adressé un petit message pour lui redemander une courte interview téléphonique pour les besoins d’un encadré.
Le sachant très occupé, je doutais un peu d’avoir une réponse.

Pour ceux qui auraient vécu sur Mars au cours de ces 40 dernières années, Léonard Gianadda est le créateur de la Fondation Pierre Gianadda, érigée à Martigny (Suisse) pour perpétuer le souvenir de son frère cadet, décédé tragiquement en 1976.
De cet endroit magique bâtit autour des vestiges préservés d’un temple antique romain, il a fait un haut lieu de culture où se succèdent des expositions extraordinaires et des concerts classiques de grande classe.
Connue internationalement, la Fondation est l’un de ces rares endroits, en Suisse romande, où les oeuvres des plus grands peintres sont présentées au public.
Pour son courage, sa générosité et sa ténacité, pour sa personnalité rayonnante et volcanique, pour sa culture, j’aime cet épicurien chaleureux et enthousiaste, que je pourrais écouter pendant des heures sans me lasser.

Jeudi après-midi, le téléphone sonne: « Bonjour, bureau de la Fondation Gianadda. Je vous passe Monsieur Gianadda. »
Je me précipite sur mon bloc et mon stylo, ravie.
L’homme à qui je dois des heures de bonheur artistique est au bout du fil.
Comme à chaque fois, l’interview est un délice.
Arrivée au bout de mes questions, la conversation prend un tour plus personnel et nous parlons peinture.
Je lui redis le bonheur absolu que je ressens à chacune de ses expos.

- Avez-vous vu la dernière?
- Oui, je l’ai adorée! J’espère la revoir avant le décrochage…
- Et savez-vous quelle sera la suivante?
- Bien sûr: Monet! Mon peintre préféré. J’ai vu la rétrospective qui lui a été consacrée à Paris. Comme vous, j’imagine. J’attends le mois de juin avec impatience pour le voir à Martigny.
- A Paris, ils avaient peu de tableaux de Giverny. Nous en aurons beaucoup, vous verrez. Passez me voir à la Fondation, je vous montrerai la maquette de l’exposition.

Je suis aux anges… la maquette de l’exposition Monet!!!
Je donnerais beaucoup pour trouver un moment pour y aller!
Et je ferai tout pour cela!

- Que faites-vous, le 14?
- Le 14 avril?
- Oui. Je vous invite à venir écouter le concert violon piano de Joshua Bell et Sam Haywood à la Fondation. Deux invitations à votre nom vous attendront dans l’entrée. Et venez me voir: j’ai tendance à oublier les visages.

Lorsque je raccroche, je suis en lévitation.

J’imagine que la population de Martigny, qui a l’habitude de travailler avec lui et de croiser Léonard Gianadda, a l’habitude de sa présence.
Mais je sais aussi que la rayonnance culturelle qu’il apporte à la ville, au canton du Valais et à la Romandie en général depuis des années, marquera à jamais l’histoire de la région.
Dans le monde de l’art, que ce soit en France, en Suisse, en Allemagne, en Espagne ou ailleurs, j’ai pu m’en rendre compte: tout le monde sait qui est Léonard Gianadda.

Je ne suis pas une midinette.
Mais j’ai une chance infinie…

Martine Bernier

Les dessous de la Tour Eiffel

6 avril, 2011

Ah, cette Tour…
Avez-vous remarqué que lorsque vous parlez de Paris, automatiquement, quelqu’un cite la Tour Eiffel?
Tout le monde la connaît.
On connaît un peu moins ses dessous, ses petites histoires…
Ainsi, par exemple, nous l’avons échappé belle: elle a failli s’appeler, à quelques années près, la Tour Boenickhausen.
Ce qui aurait manqué de chic parisien…

En 1710, un tapissier allemand, Jean-René Boenickhausen, est venu s’installer à Paris, dans le Marais.
Ses clients avaient tellement de mal à retenir son nom qu’il y a ajouté celui d’Eiffel, en souvenir de sa province natale et du plateau de l’Eiffel, près de Cologne.
Ce nom sera porté par ses descendants et est devenu le seul patronyme familiale en 1879.
Soit dix ans avant l’inauguration de la Tour…

Lorsque Gustave Eiffel, descendant de Jean-René, proposa le dessin de la Tour pour l’Exposition commémorant le centenaire de la Révolution française, le plan déclencha un tollé gigantesque qui prit, au fil des mois, des proportions insoupçonnables.
Une pétition, signée par 300 personnalités de l’époque, fut adressée au ministre et publiée dans la presse.
Elle disait ceci:

« Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, amateurs passionnés de la beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire française menacés, contre l’érection en plein centre de notre capital de cette inutile et monstrueuse Tour Eiffel.
La ville de Paris va-t-elle s’associer plus longtemps aux baroques, aux mercantiles imaginations d’un constructeur de machines pour s’enlaidir irréparablement et se déshonorer? »

Chacun y allait de sa tirade pour fustiger la Tour.
J.K. Huysmans l’a qualifiée de « suppositoire solitaire, de hideux pylône à grilles, de volière horrible, de chandelier creux. »
Verlaine a dit d’elle qu’elle était un « squelette de beffroi »

Ce qui n’a pas empêché la Tour de s’élever stoïquement.
Elle a coûté 7 799 401 francs de l’époque.
Pendant les six mois de l’Exposition, elle a reçu la visite de plus de 3,5 millions de passants, qui rapportèrent pratiquement de quoi couvrir le prix de revient.
La Tour a toujours été une affaire rentable…

En 1914, elle a été mobilisée pour être utilisée dans les transmissions.
Elle n’a pas que des qualités, notez.
On s’y suicide beaucoup en se jetant dans la vide, même si le premier décès volontaire qu’elle a connu a eu lieu… par pendaidon.
En 1964, une inconnue baptisée Christiane enjamba la rambarde… et atterrit sur le toit d’une Dauphine qui amortit le choc et lui sauva la vie.

Depuis sa naissance, la Tour a grandi, a maigri, fait sa toilette tous les sept ans.

Tout le monde ou presque l’aime, a oublié l’indignation qu’a suscité sa construction.
Notez que depuis… Paris a accueilli Beaubourg.

Martine Bernier

Jean-Michel Caradec et Nolwenn Leroy

5 avril, 2011

J’ai craqué: j’ai acheté le dernier disque de Nolwenn Leroy.
Parce que j’aime sa voix, sa musicalité, sa grâce.
Parce que je trouve émouvant de la voir partir sur les traces de ses racines, de son enfance… même si on peut imaginer que l’aspect mercantile de la démarche n’a pas dû échapper à ses producteurs.
La musique celte se vend bien, paraît-t-il.

J’aime bien son album, sa griffe.
Je vais même vous confier quelque chose.
Je l’ai acheté pour une chanson en particulier.
Celle de Jean-Michel Caradec, dont j’ai déjà parlé ici: « Ma Bretagne quand il pleut ».
Je voulais la réentendre, revisitée par la talentueuse Nolwenn.
C’est une réussite.
Le timbre velouté de la voix fait merveille sur les paroles douces et tendres du compositeur qui, décidément, manque à notre ciel.
Peut-être la version de Nolwenn donnera-t-elle envie à ceux qui ne le connaissent pas de découvrir celui qui fut l’un des plus touchants troubadours de la Terre de Sel.

La Bretagne a donné naissance à bien des talents.
Mon ami Breton me parlait de sa maison, ce matin, au fil d’un message.
Les Bretons, les vrais Bretons, ressemblent à leur musique.
Riche et mystérieuse.

Martine Bernier

La visite des six mois

4 avril, 2011

Selon la gravité du problème de santé que vous pouvez rencontrer, le chirurgien qui vous surveille décide de vous revoir régulièrement.
Dans mon cas, la « visite annuelle » avait été avancée pour devenir la « visite des six mois ».
Et ré avancée encore lorsque les médecins qui me suivent ont constaté certaines anomalies.

La visite des six mois, c’était aujourd’hui.
En y allant, je me sentais l’âme d’une voiture en partance pour son service des 50 000 kilomètres.

Vous n’avez encore jamais été sérieusement malade?
Les cyniques vous diront: ne vous inquiétez pas, tout le monde y passe!
Autant donc savoir ce qui vous attend.

Il faut savoir que, lorsque vous êtes dans l’état…. comment dirais-je… d’une voiture d’occasion rafistolée après un gros accident, la fameuse visite des six mois est angoissante.
Pas si vous avez le sentiment que tout va bien, non.
Là, vous y allez presque en gambadant.
Lorsque vos analyses sont mauvaises, voire très mauvaises, c’est une autre affaire.
Vous savez que ce qui vous attend ne va pas forcément être hilarant.

Autre particularité.
Lorsque vous pénétrez à l’hôpital dans le service tenu par « votre » spécialiste, le mini vedettariat involontaire que vous procure votre état de santé dans votre cercle intime disparaît.
Ici, tout le monde est malade, sauf le personnel soignant.

La complicité qui s’instaure entre les patients en salle d’attente, dans ces cas-là, je ne l’ai pas connue ce soir.
Dernier rendez-vous de la journée, j’étais seule à attendre.
Malgré l’angoisse qui me serrait le coeur, j’ai été heureuse de retrouver « mon chirurgien ».
Qui, après une échographie et des prises de sang, m’a annoncé que, dorénavant, un deuxième spécialiste allait devoir entrer dans la ronde.

- Vous verrez, il est très gentil. Vous êtes trop fatiguée, ce n’est pas normal. Il va essayer de comprendre pourquoi. Et il va peut-être trouver un autre médicament que vous supporterez mieux. Et comme cela, nous serons deux à vous avoir à l’oeil. Vous lui téléphonerez pour prendre rendez-vous?
- Promis.
- Et nous, nous nous revoyons dans six mois. Et si la prise de sang révèle quelque chose d’anormal, je vous tiens au courant.

Il ne peut pas savoir à quel point le savoir aussi attentif et compétent me rassure.
L’idée d’avoir bientôt deux anges gardiens en blouse blanche est plutôt sympathique!

Martine Bernier

La dictée de Prosper Mérimée

3 avril, 2011

Nous devons à Prosper Mérimée deux nouvelles (Carmen et Colomba) et… une torture.
Il avait imaginé un texte demeuré célèbre, où il avait accumulé le plus grand nombre possible de pièges orthographiques.
Histoire de vérifier son impact, il organisa un concours de dictée, au château de Compiègne, à la cour de Napoléon III.
L’Empereur fit 75 fautes, l’Impératrice 62 et la princesse de Metternich 42.
Alexandre Dumas fils en fit 24 et… l’ambassadeur d’Autriche 3 seulement.

En voici le texte:

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bon crus, les cuisseaux de veau et des cuissots de chevreuils prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, et quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, bien que lui ou elle soit censée les avoir refusées et s’en soit repentie, va-t’en les réclamer pour telle ou telle bru jolie par qui tu les diras redemandées, quoiqu’il ne te siée pas de dire qu’elle se les est laissée arracher par l’adresse des dits fusiliers et qu’on les leur aurait suppléées dans toute autre circonstance ou pour des motifs de toute sorte.
Il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie, et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin ! quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

Ouf.

Même si vous êtes expert en orthographe, si vous refaisiez la dictée aujourd’hui, vous feriez des fautes par rapport au texte original.
Pourquoi?
Parce que l’évolution de l’orthographe a transformé certains termes au passage.
Le français est décidément une langue vivante…

Martine Bernier

Les Témoins

3 avril, 2011

Je remplissais un carton en attendant mon équipe de choc lorsque l’on a sonné.
La porte s’est ouverte sur deux messieurs fort coquets, tenant dans les mains une pile de brochures.
J’ai à peine eu le temps de penser « oh non… » que le premier me tendait un papier en m’invitant à une grande manifestation en l’honneur de Jésus, le jour de mon déménagement.
Avec les beaux jours, les Témoins de Jéhovah sont de retour.
Je les ai remerciés et ai pris rapidement congé.
Ils se sont retournés alors vers la porte de ma voisine de palier pour poursuivre leur quête d’âmes à sauver.

Avez-vous remarqué que, lorsqu’un tandem de Témoins vient vous voir, l’un d’eux parle avec une assurance souriante et modeste, tandis que l’autre prend un air contrit, un peu gêné.
Comme pour donner l’impression qu’il n’est là que parce qu’il y a été obligé, que sa famille est prise en otage chez lui et qu’il n’a pas d’autre choix que de suivre son compagnon.
Je me suis toujours demandé à quoi servait le numéro deux du tandem.
Aujourd’hui, je sais, grâce à Pomme qui ne voulait pas rentrer, s’attardant à renifler le pantalon du monsieur.
Le deuxième: il sonne.

Ici, regardant Pomme, il m’a souri:
- Elle doit sentir mon chien.

C’est toujours la phrase que l’on dit lorsqu’un chien nous renifle.
J’ai pris Pomme dans mes bras et l’ai fait rentrer au bercail.
Mais je n’ai pas pu m’empêcher de dire au « sonneur »:
- Bon courage.

Il a re souri.

Du courage, j’imagine qu’il en faut pour faire le tour des foyers en sachant que l’on sera éconduit à 99% des chances.

Martine Bernier

Long, deux semaines?

1 avril, 2011

Quand Il rit, il semble avoir trente ans.
Son visage s’illumine, ses yeux pétillent.
Celui qui m’accompagne est quelqu’un de joyeux.
Comme tout le monde ou presque, Il aurait pourtant quelques raisons de ne pas l’être, mais, lorsque nous nous retrouvons, notre complicité provoque souvent des moments légers et drôles.

Pour la deuxième fois depuis que nous nous connaissons, Lui et moi sommes séparés pour deux semaines.
Heureusement, Skype est là, providence pour ceux qui vivent éloignés les uns des autres.
Nos conversations tournent beaucoup autour du déménagement qui s’approche, et des mille détails qui l’entourent.
Plus le temps passe, plus j’apprécie l’homme qu’il est.
Franc, responsable, surprenant, d’une générosité rare.
Je redécouvre le bonheur de vivre avec quelqu’un qui tient ses promesses.
Dans cette bulle de bonheur qu’il me construit jour après jour, je le regarde.

J’avais peur de vivre avec un homme qui a derrière lui une importante carrière d’officier.
Un militaire… je le craignais rigide, autoritaire.
Et je le découvre pétri d’humour, personnalité complexe présentant mille facettes, toutes reliées à deux point centraux: l’honnêteté et la prévenance.
Il rit de ses défauts, me taquine sur mes révoltes, me rassure.
Il s’étonne de certaines de mes phrases, me retrouve avec un soulagement émouvant, prépare notre nouveau nid.
Ses réactions d’homme me déconcertent parfois.
Mes réactions de femme lui donne l’impression de vivre avec un OVNI, de temps en temps.
Nous mêlons nos deux mondes, nos éducations un peu différentes, tournant autour des mêmes valeurs.
Il me réapprend à avoir confiance.
Tout ce qu’un dangereux irresponsable a brisé en moi, il le soigne, depuis des mois, en prenant son temps.
IL me reconstruit un monde.

Ce week-end où il ne sera pas là sera rempli, autant pour lui que pour moi.
Janick, ma complice, le passera avec moi, au-milieu des cartons qu’Eric nous aidera à continuer.
A deux heures d’ici, Celui qui m’accompagne sait que je prendrai possession du nouveau nid, et attend son retour pour m’y accompagner.

Ma vie navigue en eau claire depuis qu’il l’a investie.
Dans une semaine, il sera de retour.

Martine Bernier

123