Archive pour juin, 2011

Journée d’été ombrée

30 juin, 2011

Les mois d’été sont des mois professionnellement très chargés, pour moi.
C’est ainsi, je ne m’en plains pas, j’aime le travail que j’accomplis.
Ce jeudi, comme chaque jour, je me suis installée très tôt devant mon clavier pour « avancer ».
En principe, je ne m’interromps que pour Pomme.
Aujourd’hui, je me suis accordé une heure pour assister au retour en France d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier.
Après ces jours au cours desquels ils vont être très sollicités, leur vie va enfin leur être rendue.
En dehors de ceux qui ont vécu la même expérience que la leur, je pense que personne ne peut vraiment comprendre ce qu’ils ressentent et vont ressentir dans les semaines et les mois à venir.
Hervé Ghesquière m’a profondément touchée lorsque, durant la conférence de presse, il a dit qu’il avait une pensée réellement émue pour tous ceux qui sont encore prisonniers et pour ceux qui ont perdu la vie en détention.
Il semblait avoir la gorge nouée, a beaucoup insisté sur son message.

C’est alors que je m’apprêtais à écrire ce texte que j’ai vu que j’avais reçu un nouveau message des Ombres.
Plus de deux ans qu’elles m’envoient des lettres non signées pour me dire leur mépris, leur colère face à un homme qu’elles semblent ne pas supporter et qu’elles « cassent » par derrière en lui souriant par devant.
J’ai renoncé à comprendre pourquoi elles agissent ainsi.
Je suis seulement perplexe de voir qu’elles s’étonnent encore qu’un personnage capable de faire ce qu’il a fait par le passé est aussi sûr de lui et décomplexé aujourd’hui.
Croyez-vous vraiment que ces êtres qui détruisent sont dotés de conscience?
L’Ombre est donc naïve?

Même si la température n’atteint pas le pic de chaleur de la veille, Pomme n’apprécie pas.
Elle va sur la terrasse où les fleurs éclatent de couleurs et où les tomates rougissent, cherche à boire de l’eau dans l’arrosoir, va chercher son mouton en peluche et le pose sur mes genoux.
La semaine, je le sais, elle s’ennuie de Celui qui m’accompagne.
Vendredi arrive: elle sera de meilleure humeur demain soir.
En attendant, elle s’installe dans l’encadrement de la porte fenêtre, largement ouverte, de mon bureau.
Le bruissement des feuilles des arbres agitées par un vent trop chaud semble la bercer.

La pause est terminée, je reprends le fil de mon travail.
Un nouveau dossier s’est ajouté à la pile.
J’aime…

Martine Bernier

Christiane Desroches-Noblecourt: première femme égyptologue

29 juin, 2011

J’aurais dû en parler plus tôt, mais je n’en ai pas eu le loisir.
Trois phrases dans les journaux télévisés, quelques articles dans la presse écrite ou sur Internet, c’est tout ce qui a salué le décès de Christianne Desroches-Noblecourt, le 23 juin dernier, à l’âge de 97 ans.

Une grande dame.
Elle a terminé sa vie dans une maison de retraite, elle qui a été la première femme égyptologue.
Une femme passionnée par son métier, par cette civilisation qui la captivait.
Personne ne doit ignorer qu’elle est celle qui, en 1954, soutenue par l’UNESCO, a sauvé des eaux du Nil les grands monuments de Nubie que menaçait la construction du barrage d’Assouan, en Haute-Egypte.
Si elle n’avait pas été là, vous n’auriez sans doute plus l’opportunité de voir les temples d’Abou Simbel et Philae tels qu’ils sont aujourd’hui.
C’est elle aussi qui a organisé la grande exposition consacrée à Toutankhamon, à Paris, en 1967.
Exposition qui a accueilli plus de 2 millions de visiteurs.

Sur la quinzaine de livres qu’elle a écrits, j’en ai lu quelques-uns.
Son « Ramsès II » a été un succès auprès du public, il mérite d’être relu.
Car elle ne romançait pas: elle contait, livrait des récits clairs et sérieux, passionnants comme pouvait l’être cette femme au caractère bien trempé, courageux.

Pour moi, elle était de la trempe des Alexandra David-Neal.

Martine Bernier

Libres! Mais d’autres sont encore otages

29 juin, 2011

Comment ne pas s’arrêter sur la nouvelle de la libération d’Hervé Ghesquières et Stéphane Taponier?
Le bonheur avec lequel a été reçue la nouvelle a été général.
C’est un formidable soulagement…

Cet heureux dénouement ne doit pas faire oublier le sort des autres otages de par le monde.
Le sort de tous ceux qui sont emprisonnés sans raison et sur lesquels ne s’attardent pas l’oeil des médias et, donc le regard du monde.
La nouvelle de la libération des journalistes de France 3 est formidable.
D’autres méritent aussi que l’on se batte pour eux.
Comment?
En s’intéressant par exemple au travail des associations comme Amnesty International qui se battent à travers le monde pour faire respecter les Droits de l’Homme.

Martine Bernier

Allo?

28 juin, 2011

Je me suis souvent demandé où partaient les mails qui disparaissent de la circulation sans laisser de traces.
J’ai eu un embryon de réponse ce matin, à travers une anecdote plutôt amusante.

Alors que je m’installais pour commencer ma journée de travail, mon ordinateur a commencé à clignoter dans tous les sens afin de me rappeler que nous arrivions à la date d’anniversaire de l’un de mes amis à qui je n’ai plus donné de nouvelles depuis trois ou quatre ans.
Comme je sais qu’il en demande, j’ai décidé de lui écrire.
Et je lui ai adressé un mail assez long que j’ai envoyé à son adresse.

Une heure plus tard, le téléphone sonne.
Le numéro qui s’affiche m’est inconnu, ce qui n’est pas rare vu mon activité.
De l’autre côté, une voix d’homme:

- Bonjour, je suis Pierre V…

J’ai un blanc.
Pierre V… est le nom de mon ami à qui je viens d’écrire, et… ce n’est manifestement pas lui!

- Vous m’avez envoyé un message par erreur je crois, dans lequel vous me souhaitez mon anniversaire.
- Je suis désolée, j’étais pourtant sûre d’avoir mis la bonne adresse!
- Ce n’est pas grave. Ce qu’il y a d’amusant, c’est que j’ai mon anniversaire le mois prochain!
Je souris.
Il poursuit:
- Je voudrais vous demander: qui est Eric?
Un peu interloquée, je lui explique.
Il me demande quel est son nom de famille.
- Le même que le mien. Pourquoi?
- Ah non, cela ne me dit rien… nous ne nous connaissons pas.
- Je ne pense pas, non. Mon ami Pierre a plus de 80 ans…
- Ah oui: pas moi!
- Et bien au moins aurais-je eu l’occasion de vous souhaiter un bon anniversaire!

Il a ri, je l’ai encore remercié de m’avoir avertie de mon erreur, nous nous sommes dit au-revoir et j’ai raccroché.
C’est sans doute insignifiant.
Mais c’était sympathique.
Voilà un mail perdu qui n’est pas parti au Cimetière des Eléphants!

Martine Bernier

La célèbre bourrade

27 juin, 2011

A Bruxelles, j’habitais à deux pas du garage Goldstein.
Le fils de ce respectable garagiste s’appelait François.
François Golsdtein.
Comment, cela ne vous dit rien??
Mais enfin!!!
Il a été cinq fois champion du monde de karting en 1969, 70, 71, 72 et 75.
C’était la vedette du quartier.
Une vedette qui, en prime, portait plutôt beau.

Peu intéressée par le sport automobile, j’ai un jour eu l’indélicate idée de dire à son mécanicien, qui me parlait des exploits de son grand homme:
- Oui, c’est bien. Mais… ce n’est que du karting!
Il m’a foudroyée du regard m’expliquant que tous les grands pilotes ou presque commençaient leur carrière par le kart.
Ah.

Je pensais qu’il se moquait de moi.
Jusqu’au jour où…

Lors du Challenge Alazard, où s’alignaient les meilleurs spécialistes européens, un pilote est en tête.
Largement en tête, même.
Quand soudain, un équipier belge du beau François, alors champion du monde en titre, le pousse dans l’herbe.
Profitant de l’occasion, le roi Goldstein, jusqu’alors deuxième, le dépasse et gagne.
Bouh le laid, soit dit en passant.
Fou furieux, le jeune pilote projette son adversaire, le coéquipier de François, hors de la piste, fonce sur lui et lui envoie un magnifique coup de poing en pleine figure.
Horreur, malheur…
Le duel se termine en pugilat général et ledit pilote écope d’une suspension de six mois.

Evidemment, dans le quartier, tout le monde en a parlé pendant des mois.
Comment!!!
Qui était ce jeune butor qui avait osé toucher à notre champion ?
Ou en tout cas à son équipier, ce qui est pareil?

Je m’en souviens comme si c’était hier, alors que je n’étais pourtant qu’une gamine.
Il s’appelait Alain Prost.

Martine Bernier

Fondation Gianadda: Monet en son royaume

26 juin, 2011

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J’en rêvais…
Une semaine après son accrochage à la Fondation Gianadda de Martigny (Suisse), nous allions visiter l’exposition consacrée à Monet: « Monet au Musée Marmottan et dans les collections suisses ».

Des expositions consacrées au peintre de Giverny, j’en ai vu beaucoup, toutes plus belles les unes que les autres.
Je possède un nombre insensé de livres qui lui sont consacrés, de documents, de reproductions.
Après avoir visité la splendide rétrospective au Grand Palais, l’année passée, à Paris, je me demandais comment Léonard Gianadda allait bien pouvoir faire pour ne pas décevoir, pour ne pas être un cran en dessous.
Il m’avait dit, au téléphone, voici quelques mois: « Vous verrez, il y aura beaucoup de toiles de Giverny ».

Il n’a pas menti.
Ce matin, en pénétrant dans sa fondation, j’ai ressenti une émotion immense.
Nous avons passé plusieurs heures, Celui qui m’accompagne et moi, dans les lieux.
L’exposition est admirable à plus d’un titre.
Les toiles exposées sont remarquables et couvrent toutes les facettes de l’inspiration de Monet.
Beaucoup de nymphéas, parmi les plus beaux, la gare St Lazarre, Vétheuil, Etretaz, la cathédrale de Rouens qu’il a peinte à plusieurs heures du jour pour en saisir les différentes couleurs liées à la lumière changeante, les saules pleureurs, les jardins, Pourville, les coquelicots, les iris, les paysages d’eau, la Tour de Londres…
Parmi les tableaux que je n’avais jamais vu de visu, j’ai découvert un magnifique portrait de femme à la craie rouge, la superbe « Barque », le très abouti « Jardin de Vétheuil » ou les « Tuileries »…
Une merveille à chaque pas: la visite est d’une richesse exceptionnelle.

Le tour de force consistant à réunir autant de chef-d’oeuvres est remarquable.
Cerise sur le gâteau, l’exposition est complétée par une autre, consacrée à la collection d’estampes japonaises collectionnées par Monet, grand amateur de talents d’autrui.
Il partageait cette passion pour les estampes avec Clémenceau, lui-même grand connaisseur.

Nous avons poursuivi la visite en allant revoir le pavillon consacré aux machines et Léonard de Vinci et en flânant dans le jardin des sculptures.
En allant vers le pavillon, nous avons croisé Léonard Gianadda et son épouse.
J’ai simplement été le remercier et le féliciter pour l’honneur qui lui a été fait.
Lors du vernissage de l’exposition, il a été nommé Commandeur de la Légion d’Honneur par le président de l’Assemblée nationale française, Bernard Accoyer.
Il le mérite largement…
Déplacez-vous à Martigny: vous serez immergés dans l’univers lumineux de l’un des plus grands peintres.
Un festin de beauté…

Le reste de la journée a été au diapason de la matinée.
Une journée parfaite…

Martine Bernier

L’exposition est ouverte jusqu’au 20 novembre 2011

Kim et le magasin de jouets

25 juin, 2011

- Bonjour, Kim. Alors, tu viens toujours avec nous, demain?
- OUI!!!
- Tu te souviens ce que l’on va faire?
- On va au magasin de jouets pour mon anniversaire!
- Tu sais déjà à peu près ce que tu veux?
- Oui, oui! Je voudrais la pyramide!! Et tu as dit: un gros, un moyen et un petit jouet!!
- C’est vrai! C’est toi qui choisis, tu peux prendre ce que tu veux. Bon, nous passerons te prendre demain matin à 10h30! A demain!

Ce samedi matin, nous étions à l’heure.
Lui aussi!
Dans la voiture, il nous a réexpliqué avec enthousiasme son envie d’avoir une pyramide.
- D’accord. Tu la veux en lego ou en playmobil?
Il hésite.
- Mais tu es sûr qu’elle existe, ta pyramide?
- Oui!!!! Je l’ai vue!!!

Arrivés dans la très grande zone commercial de Thonon, la première mission consiste à trouver le magasin.
- Kim, dès que tu le vois, tu cries!

Un hurlement résonne quelques secondes plus tard:
- Il est lààààààà!!!!

Celui qui m’accompagne gare la voiture, et Kim glisse sa petite main dans la mienne, ravi, sautillant, pépillant comme un moineau.
Devant le magasin, un énorme playmobil plus grand que lui l’hypnotise un moment.
- Bon, maintenant, c’est toi qui mène les opérations! Guide-nous!

Voir un enfant dans un magasin de jouets est un petit bonheur dont je ne me lasse pas.
Il s’arrête devant le rayon des robots et des monstres, dont il connaît chacun des noms, file se glisser dans une petite voiture à sa taille, enfourche une moto, prend une épée puis un sabre laser clignotant, les repose, pousse un cri de joie devant un énorme ballon en mousse, nous montre des voitures, interroge Bruno sur le nom des tracteurs et autres machines à roues énormes exposées.
Enfin, nous arrivons aux rayons des lego et des playmobils.
- Kim, regarde! La pyramide!
Il la regarde, hésite, réfléchit, compare, discute, s’arrête devant un château-fort, craque devant un curieux personnage très laid.
- Heu… qu’est-ce que tu préfères?

Il avance la main vers un tout petit jouet et me dit:
- Ca, c’est le petit.
Un peu plus loin, il en choisit un autre, un peu plus grand:
- Ca c’est le moyen…
Le troisième paquet ne contient pas de pyramide:
- Et ça c’est le grand.

Je suis étonnée.
Il a été très raisonnable, très sage…
- Tu es sûr que tu ne veux pas la pyramide?
- Oui, je voudrais ceux-ci…
En douce, je prends deux autres jouets et je fais emballer les trois autres.
Dans la voiture, je lui donne l’un des deux:
- C’est pour patienter en attendant ton anniversaire.
Au MacDo où nous faisons un arrêt tout sauf diététique, nous nous penchons sur le plan de construction de son petit bonhomme lego ninja.
Dans la voiture, Kim parle joyeusement, puis glisse, en faisant la moue:
- C’est dans longtemps, mon anniversaire… trrrrèèès longtemps…
- Non non: tu verras, ça va passer très vite. Et nous fêterons l’anniversaire de maman en même temps: ça va être la fête!

La route est courte entre Thonon et Evian.
En rendant Kim à sa maman et à mon fiston, je lui donne le deuxième paquet acheté discrètement:
- Voilà… pour que le temps ne te semble pas trop long!
Sa maman, notre Fleur d’Asie, a un sourire à faire fondre la banquise.
Comme à chaque fois, j’ai l’impression que ces deux êtres plein de grâce font partie de nos vies depuis le commencement des Temps.
Le cadeau, c’est moi qui l’ai reçu, aujourd’hui…

Martine Bernier

Les fables express

24 juin, 2011

Les fables et les fabulistes ont droit aux honneurs des manuels de littérature.
Mais personne n’a jamais pris la peine de définir les règles de la fable-express.
On ne sait même pas qui est celui qui, le premier, a réduit la fable classique à sa plus simple expression et en lui ajoutant une moralité pas du tout morale, sous forme, de préférence, de calembour.

J’en ai retrouvé quelques-unes qui me fait regretter de ne pas en lire plus souvent:

« Un mari quelque peu volage
Le lendemain de son mariage
Tua sa femme a son réveil
Moralité:
La nuit souvent porte conseil »

« Pépin le Bref est mort depuis bientôt mille ans.
Moralité:
Quand on est mort, c’est pour longtemps. »

Celle-ci, dédiée à Giuseppe Verdi, écrite par un certain Willy:

« Que nul n’entre chez moi! dit l’auteur du « Trouvère »
Et pour faire observer la consigne sévère
Il avertit sa bonne, un monstre au traits hideux.
Moralité:
La bonne à Verdi en vaut deux. »

Du même auteur, que j’aime décidément beaucoup:

« Prêtre chinois au teint de bronze
La conteuse dont il s’éprit
Entassait récit sur récit.
Moralité:
Les bons contes font le bonze ami. »

Tristan Bernard a fait court et efficace:
« Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre.
Moralité:
L’un d’eux s’ennuyait au logis. »

Et le plus affûté, au style serré et à la fin… piquante, de Boris Vian:

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Moralité:
Concentrique. »

Outch!

Martine Bernier

Fête Dieu en canton catholique: cela donne ceci!

23 juin, 2011

Il doit être environ 4 heures du matin.
Ceux qui n’ont jamais été réveillés en fanfare, dans le sens propre du terme, ne peuvent imaginer la sensation que cela apporte.
Un peu brutale.
En Suisse, c’est une des deux grandes traditions que je n’ai jamais réussi à intégrer, lors des jours de fête.
Les Helvètes saluent les grands jours par une diane de la fanfare, avant le lever du soleil.
Et tout le monde en profite!

Il fait nuit noire.
J’écoute la musique en me consolant à ma manière: les fanfarons ont dû se lever encore plus tôt pour être là à nous donner la sérénade!
Je compatis…

Les dernières notes égrenées, je me réassoupis.
A cinq heures, comme, j’imagine, les trois quarts de la population du village, je frôle l’infarctus.
La deuxième tradition a frappé.
Un énorme coup de canon a fait trembler la maison.
Mon premier réflexe est pour Pomme.
J’allume.
Dans son panier, elle me regarde, l’oeil torve, avec un message très clair au fond du regard:
« Quand je pense qu’on m’interdit de courir après les chats et que l’on me demande de baisser d’un ton lorsque j’aboie pour t’avertir d’un bruit dans la maison! Et on me réveille au canon!! Ils sont fous, ces humains!! »

La veille au soir, après avoir regardé un film tourné en Franche-Comté, je n’ai pas pu m’empêcher de refaire un tour par mon bureau.
Un orage énorme, une pluie battante et une belle tempête ont secoué la soirée.
Pomme, comme toujours, n’a pas eu peur.
Assise à côté de moi sur le balcon, elle a assisté au spectacle, subjuguée.
Une poignée heures plus tard, le canon… c’est beaucoup!
Je lui dis qu’elle peut se rendormir un peu…
Elle s’exécute en soupirant, mais c’est sans compter sur la ténacité des organisateurs de la journée.
Aujourd’hui, c’est fête et ils entendent bien le faire savoir!
A intervalles réguliers, le canon tonne jusqu’à six heures.

J’essaie de me rappeler de ce papier vert reçu la semaine dernière.
Une information communale informant la population sur le déroulement de la Fête-Dieu, le 23 juin.
Et le 23 juin… c’est aujourd’hui.
Je me lève, récupère le document et le relis.
La diane, les coups de canon, le rassemblement sur la place communale pour se rendre à la grand-messe, la procession, l’apéritif, les vêpres, la partie musicale, le re rassemblement, le re départ pour l’église, l’allocution du commandant de la parade…
Tout y est.
La population est conviée à participer, les militaires à sortir leurs uniformes, les enfants à enfiler leurs aubes pour ce qui est considéré comme la plus jolie fête de l’année.

Dès l’instant où j’ai gagné ma liberté de penser, c’est-à-dire après avoir quitté un environnement un peu trop catholique, j’ai fait mes adieux à l’Eglise pour entrer en amour pour les églises et le contact direct avec l’éventuel Grand Architecte, sans passer par des intermédiaires.
Mais je comprends évidemment les croyances de chacun et les fêtes qui les accompagnent.
D’autant qu’elles sont souvent pittoresques et belles, d’un pays à l’autre, j’ai eu l’occasion de m’en apercevoir.

En me glissant derrière mon clavier pour reprendre mon travail, je ne peux pas m’empêcher de penser: fête religieuse et canon… je n’ai pas le sentiment que cela va très bien ensemble.
J’aurais mieux compris les cloches sonnant à toute volée.

Celui qui m’accompagne, militaire et officier dans l’Armée française durant 35 ans, me précise que l’Eglise a toujours bien aimé l’armée.
Je me souviens des Croisades, de Charlemagne, de tous ces chefs de guerre très religieux.
Il a sans doute raison.

A 9 heures, les cloches sonnent, appelant les fidèles.
La fête continue, mais nettement plus discrètes dans la journée qu’à l’aube.

Martine Bernier

Le Douanier Rousseau: le petit devenu grand.

22 juin, 2011

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Pauvre Douanier Rousseau…
J’ai toujours de la peine lorsque je pense à lui.
Il n’aura pas vu le jour où 65 de ses oeuvres ont enfin été accrochées au Grand Palais, le 7 janvier 1985.
65 sur les 250 dispersées à travers le monde.
Quelle belle revanche pour le petit « douanier (1844 – 1910) qui est sans doute l’un des artistes dont on s’est le plus moqué durant sa vie.
Lui, en revanche, a toujours opposé un calme olympien aux railleries, aux grossièretés dont on l’abreuvait, disait de lui son ami Guillaume Apollinaire.
Il a eu du courage car certains passages de sa vie ont été terribles.
Le peintre Vlaminck a un jour écrit ceci, parlant du 23e Salon des Indépendants, en 1907:
« Dans aucune comédie, dans aucun cirque, je n’ai entendu rire comme devant ces tableaux de Rousseau. Et lui, à côté, serein, drapé dans un vieux pardessus, nageait dans la béatitude. Il ne pouvait se douter un seul instant que ces rires lui fussent destinés. »

Orgueil ou inconscience?
Certains disent qu’il était surtout naïf et que la croyance imperturbable qu’il avait en son génie l’a protégé.
Sans cela, Henri Rousseau n’aurait sans doute pas pu supporter la vie misérable qui fut la sienne.

Il est né à Laval, le 20 mai 1844, d’un père ferblantier et d’une mère petite-fille d’un héros des guerres de la Révolution et de l’Empire.
Elle rêvait pour son fils d’un grand avenir.
Mais hélas, Henri était un cancre, un vrai de vrai.
En désespoir de cause, ses parents le place chez un avoué auquel il vole la somme de 10 francs qu’il lui a confiée, et 5 francs en timbres-postes.
L’avoué porte plainte.
Pour prouver ses bonnes intentions à la justice, Henri s’engage pour sept ans dans l’armée.
Il n’en fera que quatre: sa mère devient veuve et le voilà démobilisé.
Il file à Paris, épouse Clémence, la fille de sa logeuse, avec laquelle il aura 7 enfants dont 6 mourront en bas-âge.
Comme il faut faire vivre sa famille, il entre dans l’Administration, comme commis de 2e classe à l’Octroi.
Un emploi modeste qui lui laisse beaucoup de loisirs.
Il commence donc à peindre… et n’arrêtera plus.

En 1893, Henri se retrouve seul.
Sa femme et tous ses enfants sont morts.
On lui accorde de prendre une retraite prématurée à l’âge de 49 ans pour qu’il puisse se consacrer à la peinture.
Mais vivre avec 1019 francs par an, c’est difficile.
Il donne donc des cours de solfège et de dessin, et se remarie avec une veuve… qui meurt quatre ans plus tard.
Son art n’est pas reconnu, mais il vend quelques tableaux.
Seulement… Henri est bon.
Dès qu’il a un peu d’argent, il le distribue aux pauvres.
Incroyablement naïf, il est entraîné par un ami escroc dans une sombre histoire de chantage à la Banque de France.
Et il se retrouve enfermé à la prison de la Santé…
Heureusement, le Tribunal juge qu’il a été abusé dans sa candeur, et le condamne à deux ans de prison avec sursis.
Rousseau, pareil à lui-même, le remercie par ces mots: « Et pour votre gentillesse, je ferai le portrait de votre dame! »

Autour de lui, un cercle d’amis se forme et on lui témoigne de l’admiration.
Parmi eux: Pissaro, Toulouse-Lautrec, Redon, Signac, Braque, Jules Romain…
Mais il ne peut profiter de cette notoriété tardive: en 1910, il meurt d’une blessure mal soignée à la jambe où la gangrène s’est installée.
Le 4 septembre, sept personnes accompagnent sa dépouille au cimetière de Bagneux où elle sera abandonnée dans la fosse commune.

Henri Rousseau n’a jamais été douanier.
C’est Alfred Jarry, le père d’Ubu, qui lui a donné ce surnom qu’il a gardé.
Plusieurs légendes circulent sur lui.
On le dit aventurier, il prétend avoir passé sept ans au Mexique comme musicien dans la fanfare du corps expéditionnaire.
Mexique où, disait-il « il a eu la révélation de la jungle ».
Plus prosaïquement, Rousseau n’a jamais quitté la France et a fait son service à Angers.
Ses lions et ses tigres, il les a peints d’après un album pour enfants « Bêtes Sauvages ».
Son chef-d’oeuvre « La Guerre » a été copié sur une lithographie du journal l’Ymagier.
Il copiait partout, décalquait…
Et chaque année, on se moquait de lui au Salon…
On se souvient, en 1908, du banquet organisé par Picasso au Bateau Lavoir en l’honneur de Rousseau.
C’était en fait un canular auquel ont participé plusieurs personnalités.
Le peintre y avait été ridiculisé.

Et pourtant…
Après sa mort, les surréalistes ont été fascinés par son oeuvre.
C’était un peintre du dimanche, dit-on?
Qu’importe: il apportait une innocence rafraîchissante dans l’art graphique…

Martine Bernier

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