Le chêne à voeux…
Celui qui m’accompagne aime me faire découvrir sa région de Franche-Comté par ses côtés les plus magiques.
Ce samedi n’a pas fait exception.
En fin de matinée, il m’a demandé si je souhaitais qu’il m’emmène dans la Forêt de Chaux.
Deuxième plus grande forêt domaniale de France après celle d’Orléans, elle est immense, impressionnante.
28 kilomètres de long sur 16 de large… il y a largement moyen de s’y perdre.
Pour l’avoir sillonnée en tout sens, à pieds, à vélo ou en voiture, et pour y avoir organisé des activités sportives et collectives, Celui qui m’accompagne la connaît comme sa poche.
Samedi matin, donc, il a décidé de me faire visiter ce que l’on appelle les Baraques du 14, à la Vieille Loye.
Ce hameau est le dernier des bûcherons-charbonniers qui peuplaient autrefois la forêt.
On y trouve quatre maisonnettes, dont une date du XVIe siècle, deux fours à pain et un rucher puis, plus enfoncés dans la forêt, les éléments du chantier de carbonisation.
Tout un patrimoine…
Lorsque nous avons fait le tour des lieux, Celui qui m’accompagne m’a entraînée sur un sentier forestier discret, à peine balisé.
Quelques dizaines de mètres plus loin, il s’est arrêté devant un arbre bicentenaire.
- Regarde… c’est le Chêne à voeux…
Des arbres à voeux, il en existe quelques-uns, relativement rares, dans les forêts de France.
Celui-ci est le seul chêne ayant cette vocation.
Il est grand, élancé, élégant…
En m’approchant, j’ai remarqué que les fentes de son écorce étaient remplies de minuscules petits papiers pliés.
A côté un écritoire, une boîte contenant un crayon à la mine émoussée et un ou deux morceaux de papier.
-Vas-y, fais ton voeu.
J’ai pris le crayon et, sur ce papier large comme une pièce de deux euros, j’ai gribouillé quelque chose de parfaitement illisible vu l’état du crayon.
En réalisant que je n’arrivais même pas moi-même à me relire, j’ai eu comme un doute…
Le panneau explicatif placé près du chêne m’a rassurée: celui-ci comprend plusieurs langues, et son tronc, relais entre les divinités du Ciel et de la Terre, en a certainement vu d’autres.
Ouf.
J’ai ensuite été glisser mon misérable morceau de papier dans le chêne polyglotte.
Un peu surprise, j’ai vu Celui qui m’accompagne s’approcher de l’écritoire, un morceau de papier un peu plus grand que le mien à la main.
Il n’est pas du genre rêveur, et pourtant…
Avec le plus grand soin, il a écrit son propre voeu, puis a replié le papier et l’a coincé dans le tronc, à sa hauteur.
Autrement dit, tellement haut que les bipèdes de taille normale ne pourraient pas y accéder s’ils en avaient envie.
Avec Pomme, nous avons repris le chemin du village tandis que Celui qui m’accompagne m’expliquait le plus sérieusement du monde qu’il ne fallait ni confier son voeu à qui que ce soit, ni se laisser aller à lire ceux des autres, sans quoi nous perdrions toute chance d’être exaucés.
Caramba, flûte: mon regard a eu le malheur de se porter sur un papier ouvert par terre, demandant la santé pour tous.
Car j’ai oublié de préciser que lorsque les Esprits de la Forêt ont réalisé le souhait en question, le papier est éjecté hors de l’arbre.
Mon grand homme m’a expliqué qu’il était venu poser un voeu à une période difficile de sa vie et qu’il avait mis très peu de temps à se réaliser.
Nous nous sommes laissés prendre aux parfums enivrants de la forêt et des fleurs sauvages, sur le chemin du retour.
Cela sentait le miel, les fleurs, les essences de bois, de plantes aromatiques… un délice olfactif.
Je n’ai rien dit, mais même si le Chêne à voeux hésitait à réaliser le mien, je ne lui en voudrais pas.
Mes voeux ont été réalisés depuis 10 mois, sans même que je les formule.
Martine Bernier
J’aime particulièrement vos textes du quotidien, ceux qui racontent un petit rien et qui en font une aventure. Vous avez du talent. Merci pour ces textes quotidiens que je ne rate jamais. Continuez !