Archive pour juin, 2011

Au bonheur des syllogismes

21 juin, 2011

Ce soir, je fais un tour au pays des syllogismes.
Mais si, mais si, vous connaissez…
Ne fut-ce que celui-ci, très célèbre, signé par Aristote:

« Les hommes sont mortels
Or Socrate est un homme
Donc, Socrate est mortel. »

Disons, pour faire simple, que le syllogisme se décompose sous forme d’un argument en trois propositions: la majeure, la mineure et la conclusion.
Nous l’avons délaissé, mais il a joué un grand rôle dans l’enseignement, au Moyen Age.

Seulement voilà.
L’être humain est ainsi fait qu’il aime ridiculiser son oeuvre.
C’est d’ailleurs ce qui le rend intéressant!
Comme le syllogisme n’était pas transcendant dans le raisonnement scientifique, les auteurs, donc, ce sont amusés.
En voici quelques exemples.

« Ce qui bon marché est rare
Or, ce qui est rare est cher,
Donc ce qui est bon marché est cher! »

Montaigne a fait mieux dans la dérision:
« Le jambon fait boire
Or, le boire désaltère
Donc le jambon désaltère. »

Jonhathan Swift:
« Personne n’accepte de conseils
Par contre, tout le monde accepte de l’argent
Donc, l’argent vaut mieux que les conseils. »

Même nos voisins Bavarois ont joué au syllogisme. Celui-ci est connu chez eux et fait figure de proverbe:
« Si tu bois du vin, tu dormiras bien
Si tu dors, tu ne pécheras pas
Si tu ne pèches pas, tu seras sauvé.
Donc, bois du vin, c’est le salut. »

Et enfin, histoire de boucler la boucle, voici celui, loufoque, d’Eugène Ionesco, qui s’est attaqué au modèle d’Aristote:

« Tous les chats sont mortels
Or Socrate est mortel
Donc Socrate est un chat! »

CQFD!

Martine Bernier

Luc Varenne: mon plus beau fou rire radiophonique

20 juin, 2011

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Toujours à l’époque où je vivais en Belgique, la radio francophone disposait d’un commentateur sportif qui, avec un certain Roger Laboureur m’a laissé de grands souvenirs.

Doté d’un bagout inimaginable, Luc Varenne était inénarrable.
Il était surtout LE supporter numéro Un d’Eddy Merckx… et me faisait mourir de rire.
Si Eddy perdait, c’était forcément parce qu’il avait dû manger une « cochonnerie », ou parce qu’un élément majeur totalement extérieur au champion avait dû intervenir.
Pendant les courses, il l’encourageait avec enthousiasme, lui donnant du « mon petit », « mon gamin », affichant sa préférence sans le moindre complexe.
Et quand Eddy gagnait, il devenait fou de bonheur.
Il criait, jubilait, poussait des exclamations de joie, usait et abusait de tous les superlatifs possibles, des adjectifs les plus élogieux…
Et son bonheur allait crescendo en fonction de l’importance de la victoire.

En 1975, lors de Milan San Remo, Luc en pleure de bonheur: Eddy gagne pour la cinquième fois!
Il est tellement heureux que son débit n’en finit plus.
Il explose littéralement, atteint le paroxysme du délire.
Lorsque soudain… plus rien.
Dans ma minuscule radio portative résonne le bruit de la foule… mais plus de Luc Varenne!
Le silence dure une bonne minute.
Ce qui, en radio est long, très long.
Et tout à coup, la voix du présentateur revient à l’antenne, faible, gémissante, quasi agonisante.
En gros, si ma mémoire ne me trahit pas trop, il a dit quelque chose dans le genre de ceci:

- Ah la la, chers spectateurs… vous n’imaginez pas ce qui m’est arrivé. J’étais tellement content que j’en suis tombé de ma chaise! Et je me suis fait un mal de chien! Pfou…. Mais ça valait la peine!!! Eddy a gagné!!! Aïe…

J’ai tellement rit, ce jour-là, que c’est moi qui en pleurait!

Martine Bernier

Extrait.. avant la chute!!

http://blog.sonuma.be/eddy-merckx-remporte-milan-san-remo/

Evian:Splendeurs des collections princières du Liechtenstein… le petit violoniste

19 juin, 2011

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Lorsque nous avons su que le Palais Lumière d’Evian accueillait pour la première fois en France les chefs d’oeuvre issus du Liechtenstein museum de Vienne, nous n’avons pas tardé à y aller.

Peinture flamande et italienne: de très grands artistes étaient exposés.
Vand Dyck, Rembrandt, Rubens, un très beau Brueghel toujours passionnant à découvrir: les grands noms étaient au rendez-vous.

Pourtant, ce ne sont pas eux qui m’ont marquée le plus.

Juste en haut de l’escalier qui descendait vers la partie inférieure de l’exposition, je suis tombée en arrêt devant un petit tableau peint sur bois, signé Gerard Dou (1613 – 1675): « Le violoniste ».
Une merveille à voir absolument, de ce peintre néerlandais qui avait la particularité de peindre des tableaux de petits formats, très proches du style de Rembrandt.
Ses motifs sont souvent peints sur des panneaux de bois surmontés d’un encadrement en forme d’arc.
Ici, le violoniste semble sortir du tableau.
Un petit chef-d’oeuvre…
Tout est superbe, depuis le personnage principal en passant par les pages de son livre de partitions, le drapé du tapis sur lequel il est appuyé, la scène du fond mettant en présence deux personnages.
J’ai eu un coup de coeur immense pour ce peintre que je vais m’empresser d’étudier de plus près.

Autre curiosité de l’exposition: les petits tableaux sur cuivre du viennois Franz Christoph Janneck (1703 – 1761).
Il peignait de petites scènes pittoresques, délicates et raffinées, minutieuses, remplies de détails.

Un autre temps d’arrêt devant les toiles de Friedrich von Amerling (1803 – 1887), et particulièrement devant son « Portrait d’Elise Kreuzberger » à la beauté sublimée…

Une exposition remplie de surprises à découvrir jusqu’au 2 octobre 2011 tous les jours de 10h30 à 19 heures (lundi de 14h à 19h)

Martine Bernier

L’herbe malfamée, l’herbe en cage et l’herbe joyeuse

18 juin, 2011

Lorsque j’étais enfant, je vivais donc à Bruxelles.
A Anderlecht, pour être précise, haut lieu footbalistique Belgien!

Là où j’habitais, il n’y avait que la ville.
Ne pensez pas que les enfants qui sont nés en ville s’habituent à ne pas voir de verdure.
C’est faux.
Dans le meilleur des cas, ils s’adaptent.
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai souffert, beaucoup, de ne voir que des maisons, des voitures, du macadam et des toits.
Il était triste, mon quartier.
Un quartier de passage où rien ne donnait envie de s’y arrêter.
Je regardais les brins d’herbe pousser entre les pavés, suivait le chemin des fourmis qui, décidément, vivaient n’importe où.
Je ne supportais pas cet environnement gris, je cherchais la verdure, la mer.
Même pas pour m’y balader: juste pour la respirer, la regarder.
« Aller au parc » était pour moi une injure suprême, la corvée du siècle, le pire du pire dominical.
Je savais que la nature, ce n’était pas cela.
Le parc Astrid avait beau être magnifique, c’était, à mes yeux « l’herbe en cage », domestiquée.
Il me la fallait sauvage, libre, sans allées, sans panneaux « interdit aux chiens ».

Lorsque je n’en pouvais plus de ne pas voir de vert, je fonçais toute seule, en sortant de l’école, au bord du canal.
Le fameux canal maritime de Bruxelles à l’Escaut, ce canal de Willebroek, que tous les Bruxellois connaissent.
J’avais l’impression d’habiter dans un livre de Simenon, avec ces atmosphères lourdes qu’il a si magnifiquement décrites.
Comme j’avais l’interdiction formelle de me rendre au bord du canal, je filais en douce, courait à perdre haleine en traînant mon gros cartable, et commençait l’expédition le plus vite possible pour que personne ne s’aperçoive de mon absence.
Quelques centaines de mètres séparaient mon domicile du canal.
Il fallait s’arranger pour traverser la chaussée, à l’abri des regards de ma mère et de ses « espions », passer une ou deux ruelles, puis… franchir le terrain vague.
Terrain vague… nom bizarre qui ne pouvait que m’être sympathique puisque, dans ma tête, son inverse ne pouvait qu’être un « terrain précis », forcément rébarbatif.
Ici, je me trouvais dans « l’herbe malfamée », souillée par les humains, fréquentée par d’énormes rats que je ne craignais pas.
Je n’aimais pas l’endroit.
Je le rêvais pur mais il ne l’était pas.
Mais il fallait le franchir pour arriver au Graal: les péniches partant vers un inconnu que je leur enviais, et les mouettes qui semblaient les suivre.
Les bateliers me fascinaient.
Ils me saluaient d’un grand geste auquel je répondais.
Parfois l’un d’eux me criait, en passant, avec un gros accent hollandais: « Ne reste pas là, c’est dangereux, le canal! »
Oui.
Mais sur le canal passait la vie.

Ne me dites pas que les enfants des villes vivent bien sans nature.
Le jour où, pour la première fois, j’ai respiré le parfum d’un vrai jardin sauvage, des herbes aromatiques, du chèvrefeuille, des roses anciennes, j’ai compris le charme de « l’herbe joyeuse ».
Les quelques rosiers rachitiques du square minuscule qui se trouvait en face de ma maison, sa petite haie malade, taillée et pleine de trous, et les deux ou trois arbres tristes qui faisaient de l’ombre à mes jours sans soleil, ne pouvaient consoler personne du manque d’herbe joyeuse.
Quand je demandais où se trouvait la campagne, ma mère me répondait qu’il fallait partir loin pour la trouver.
Trop loin.

Dès que j’ai pu le faire, j’ai quitté cet environnement dans lequel je me sentais prisonnière à tout point de vue.
Et je ne l’ai jamais regretté.
Depuis, il n’a plus jamais été question pour moi de vivre au coeur d’une grande ville.
J’ai trop conscience de ce privilège qui me permet de voir la nature autour de moi depuis ma fenêtre.

Martine Bernier

André-Paul Duchâteau: Le gentleman du polar

17 juin, 2011

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Dans les mondes de la bande dessinée et de la littérature policière, l’écrivain belge André-Paul Duchateau est une star.
Scénariste du célèbre « Ric Hochet » créé avec le dessinateur Tibet, il a vécu avec ce dernier une histoire d’amitié qui a duré 56 ans. Roi du suspens, prince de l’énigme… rencontre avec un être humain délicieux.

- Quel genre de petit garçon étiez-vous?
Je suis né à Tournai, en Belgique, et dès le départ, j’ai été passionné par les aventures de Tintin. Je me suis très vite promis d’écrire. Mon père, général dans l’aviation, adorait lire les histoires policières pour se détendre. Grâce à lui, à 6 ou 7 ans, je dévorais déjà Agatha Christie. J’ai toujours été un grand amateur d’énigmes, de problèmes policiers. Puis je suis devenu un immense lecteur… de tout! Et le plaisir du lecteur est devenu le plaisir de l’écrivain. Je suis avant tout un grand amateur d’énigmes. J’adore mettre les lecteurs sur de fausses pistes!

- Le grand public vous connait avant tout comme étant le scénariste du célèbre héros de BD « Ric Hochet ». Comment avez-vous rencontré Tibet, son dessinateur?
J’étais directeur commercial dans une grande imprimerie qui imprimait beaucoup de journaux. Tibet avait été engagé comme « petite main » par les deux dessinateurs de la maison. Nous avons sympathisé et sommes devenus très amis avant d’être collaborateurs. Le soir, après 17 heures, je le rejoignais dans son bureau et nous jouions. Nous discutions pendant des heures en jouant au ping-pong. D’abord debout, puis, comme nous devenions plus fatigués au fil de la partie, nous la continuions plutôt mollement, depuis une banquette! C’est comme cela que tout est né…

- Naissance d’une amitié… et de Ric Hochet! Lequel de vous deux en a eu l’idée?
Lui. Il aimait beaucoup un personnage de BD, Valhardi, détective assureur, et m’a proposé de créer un détective dans le même genre. Je n’ai accepté le nom de Ric Hochet qu’avec réticence. Je trouvais que cela ne faisait pas très sérieux. Ric ne vieillissait pas. Il y a eu beaucoup d’anecdotes, au fil du temps. Je disais à Tibet que je ne comprenais pas comment le personnage pouvait conserver ce fameux veston à mouchetures alors qu’il passait son temps, en se battant, à le salir, le déchirer. Un jour, dans un album, Tibet a glissé un gag. Après s’être bagarré et avoir encore abîmé sa veste, Ric rentre chez lui, ouvre son placard et… on y voit une quinzaine de vestons identiques! Tibet s’amusait beaucoup de ce genre de détails. Quand il me téléphonait, je grognais souvent. Pour un scénariste, parler au téléphone équivaut à ne pas travailler. Pour lui, c’était différent. Pendant qu’il parlait, je l’entendais crayonner! Il faisait les mouchetures des vestons de Ric, dessinait, alors que je ne pouvais rien faire d’autres que de parler.

- Comment naît une histoire de Ric Hochet? Vous savez dès le départ qui sera le coupable?
J’ai souvent dit que, dans un roman, je ne sais pas ou je vais, je change de coupable en cours de route. Mais c’est parfois dangereux dans les scénarios! Autant dans un roman, vous faites ce que vous voulez, autant, en bande dessinée, le synopsis doit être très précis. Et cela nous a apporté des ennuis. Dans la série « Les aventures des trois A », que nous avions créée ensemble, j’ai changé de coupable, mais je ne l’ai pas dit à Tibet suffisamment tôt. Dans un premier temps, le personnage en question était long et grand. Au fil de l’histoire, qui paraissait chaque semaine dans Tintin, j’ai changé d’avis et j’ai choisi un autre homme, gros et large. Or, les pages devaient partir à l’imprimerie et Tibet avait déjà dessiné… Nous nous en sommes sortis, mais ça a été complexe!
En principe, je pars souvent d’une idée de base et les personnages viennent par la suite. Pour Ric Hochet, je suis peu à peu parti dans des histoires complètement fantastiques.

- J’ai le souvenir d’un album au cours duquel l’un des personnages voyait ses cheveux blanchir totalement en une seule nuit. C’était une création ou un fait réel?
C’était un cas exact. Je suis parti sur un fait réel qui m’a été raconté. Celui d’un homme vivant en Arabie, qui a assisté a tellement d’horreurs que ses cheveux sont devenus blancs en quelques heures…

- Le temps a passé. Tibet nous a quitté voici un peu plus d’un an…
Oui. Après 56 ans de travail commun et d’amitié. Ca a été une immense douleur pour sa femme et pour moi. Mais il est mort de manière miséricordieuse. Il regardait un spectacle comique à la télévision, s’est levé pour ouvrir une fenêtre, et s’est affaissé. Sans douleur… Il était mon cadet de six ans. Ca a été tragique… Il me manque terriblement, à tous les niveaux…

- Peu après sa mort est sorti le fameux album numéro 78, ultime aventure de Ric Hochet dessinée par Tibet, mais qu’il n’a pu terminer.

Nous avons beaucoup réfléchi, avec son épouse, et nous avons décidé de le sortir, pour lui, même si la plupart des dessins n’en étaient encore qu’à l’état d’ébauche.

- A la fin de la préface que vous lui consacrez, vous dites que Tibet aurait souhaité que Ric ne meurt pas et qu’il y aura d’autres albums.
Nous essayons, nous testons… mais la décision est prise: nous serons d’une exigence énorme. Si un album 79 doit sortir, il devra être parfait. L’épouse de Tibet et moi-même aurions voulu arrêter. C’est lui qui ne le voulait pas. Nous craignons une désillusion. Nous verrons. En attendant, les albums de l’intégral sortent et marchent très bien.

- Vous êtes non seulement scénariste, mais également un écrivain reconnu, sous plusieurs pseudonymes.
Après Ric Hochet, nous avons créé la BD « Les Trois A ». L’éditeur a estimé qu’il était plus judicieux de prendre un pseudonyme. J’ai énormément écrit: c’est une démangeaison extraordinaire, un immense plaisir. J’ai notamment signé beaucoup de romans pour l’illustré belge « Bonne Soirée ». En core aujourd’hui, j’écris toujours à la plume et je fais retaper mes textes. J’aime ce contact avec le papier, le bruit de la plume… Pour le moment, j’ai un livre historique prêt à sortir si je trouve un éditeur.

- Une biographie?
Oui, l’histoire d’un homme qui a défrayé la chronique en Belgique, en son temps. Il était à la fois commissaire et chef de bande!

- Vous avez aussi notamment consacré un ouvrage à Stanislas André Steeman, maître du suspens. L’avez-vous rencontré?
J’ai eu la chance de le connaître, oui. Tout le monde se souvient de « L’assassin habite au 21″, porté à l’écran. Il m’a toujours encouragé, m’a poussé en me donnant de bons conseils. Je lui dois beaucoup. Il ne me corrigeait pas mais relisait avec moi. Dans l’un de mes livres, le personnage rentrait dans une chambre, respirait un parfum et trouvait quelques vers. En lisant ce passage, S.-A. Steeman m’a dit: « Tu dois aller au fond des choses. Il faut que l’on puisse lire ces vers. »
Le problème c’est que je ne suis absolument pas doué pour la poésie. J’ai composé une multitude de vers que je lui ai envoyés. Il ne les trouvait pas bons.Il me disait: « Vos vers, mon ami, sont des vers de mirlitons. Et encore, de mirliton qui jouerait faux! ».
En désespoir de cause, j’en ai écrit un énorme paquet et je les lui ai envoyé. Trois lignes ont trouvé grâce à ses yeux, que j’ai pu publier: « L’éclat de tes bas noirs
Dans l’ombre de ta jupe
Je n’espère plus d’autres soirs… »

- Ecrivez-vous toujours, aujourd’hui?
Je suis toujours aussi passionné par les mystères. Mes énigmes paraissent une fois par semaine dans le magazine « Télé 7 Jeux ».
Tibet me manque, je vous l’ai dit… Nous avions peur de lasser nos lecteurs, mais nous avions faim de continuer. Pendant qu’il dessinait, j’inventais l’histoire suivante, et ainsi de suite. En dehors de son absence cruelle, rien n’a changé depuis mes 15 ans. J’en ai 86 et j’écris toujours! Il y a chez moi un désir d’écrire qui ne s’éteindra pas, je crois!

Martine Bernier
- « L’écrivain habite au 21″, P.-A Duchâteau et Stéphane Steeman, Ed. Quorum.
- L’intégrale de Ric Hochet ressort aux Editions du Lombard

Les métiers bizarres

16 juin, 2011

Vous cherchez du travail?
Peut-être avez-vous déjà vu la liste des jobs les plus bizarres qui soient.
Si non, la voici.
Histoire de voir qu’il existe des professions qui sortent de l’ordinaire…

- Chasseur de fourmis. Si cela vous tente, il s’agit de déterrer des fourmis vivantes pour approvisionner des élevages de ces insectes.
- Broyeur d’os. Rassurez-vous, cette activité ne se fait plus à la main depuis bien longtemps… et c’est donc bien à la machine qu’il faut broyer les os en vue de fabriquer de la colle forte.
- Manieur de baleines. Ne rêvez pas en vous imaginant en nounou pour mammifères marins ululant, quelque part au milieu de l’océan. Non. Ce métier plutôt féminin consiste à insérer des fanons de baleines dans des corsets ou des soutiens-gorge.
- Rénovateur de semelles. C’est ahurissant, mais cela existe. Le rénovateur éclaircit la couleur des semelles de chaussures usagées en appliquant un décolorant à l’aide d’un chiffon et d’une brosse pour leur redonner l’éclat du neuf. Plutôt inattendu dans une société de consommation comme la nôtre…
- Décerveleur. C’est ubuesque, à vous tordre l’estomac. Le décerveleur travaille dans un abattoir, fend le crâne de têtes d’animaux pour en extraire la cervelle. Je serais surprise que l’on pratique ce métier durant des années…
- Examinateur de sexes. Si! Il examine des poussins à l’aide d’une forte lampe pour séparer les mâles et les femelles. Et, accrochez-vous: au Japon, cette spécialité fait l’objet d’un certificat universitaire.
- Renifleur d’oeufs. Consiste à humer l’odeur des oeufs préalablement brisés afin de jeter ceux qui sont avariés. Quand je vous disais que cela sortait de l’ordinaire…
- Coiffeuse à la main. C’est un métier, paraît-il… La coiffeuse réalise des ondulations uniquement avec ses doigts.
- Laveur de prunes. Ce n’est pas une farce: le métier existe réellement. Il consiste à surveiller et à régler les machines qui lavent les prunes destinées à la fabrication de conserves, confitures ou autres spécialités.
- Et mon préféré: fabricateur de légendes. Non, je n’ai pas fait de faute grammaticale. La définition est hélas plus décevante que le titre: le « fabricateur » assure la disposition et le montage de lettres, chiffres et logos sur des papiers à en-tête de métal ou de plastique.

Martine Bernier

André-Paul Duchâteau: les dessous d’une interview magique

15 juin, 2011

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Je n’oublierai jamais ce moment…

Comme je n’oublie jamais les beaux événements de ma vie.
J’ai tendance à redouter les interviews téléphoniques, parce qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur le regard, sur ces mille détails qui enrichissent le tête-à-tête direct, et que seule la voix sert de vecteur relationnel.

L’interview est donc plus délicate, risque de devenir plus froide, plus métallique, raison pour laquelle je la prépare avec plus de soin encore.
Celle d’aujourd’hui, je l’espérais depuis très longtemps.

J’avais sollicité une interview d’André-Paul Duchâteau, scénariste surdoué, notamment de la BD Ric Hochet, écrivain, journaliste, homme cultivé, d’une élégance absolue. 

Je connais Ric Hochet depuis ma plus tendre enfance, en ai lu à peu près tous les albums et voue une tendresse particulière à ses auteurs, le très regretté Tibet et, donc, son complice Duchâteau.

Ric Hochet était mon compagnon de nuit d’insomnie et de journées de solitude, lorsque j’étais enfant, puis est devenu un vieil ami que j’ai toujours retrouvé avec bonheur, contaminant mes enfants au passage et leur transmettant le virus.

Je retrouve encore, en y pensant, le goût de ces moments précieux où je filais dans ma chambre avec un album sous le bras, à découvrir dans la solitude de ma chambre, avec délices.

J’ai toujours aimé les énigmes, les intrigues policières merveilleusement bien conçues, dénouées par le héros.
 Si bien “ficelées” que, bien souvent, encore aujourd’hui, je ne trouve pas le coupable.
Alors que j’étais en contact avec la personne chargée du service de presse des éditions du Lombard, en Belgique, je lui ai fait part de mon souhait d’obtenir l’entretien en question. 

En n’y croyant pas trop, je l’avoue. 

Cet homme est un monument et doit avoir bien d’autres choses à faire que de se prêter au jeu de l’interview.
 Hier, un coup de fil m’apportait la nouvelle: “demain, mercredi, dix heures, voici son numéro…”
Après plus de 25 ans de métier, je suis toujours sujette aux enthousiasmes, aux émotions… et j’en suis ravie!
 En me glissant devant mon bloc pour préparer l’interview, je me suis dit: et pourquoi ne pas rester naturelle?
Pourquoi ne pas lui poser ces dizaines de questions que je rêve de lui poser depuis mon enfance? Pourquoi ne pas lui dire, peut-être, combien son ami dessinateur et lui ont compté dans ma vie?
Pourquoi ne pas privilégier le contact humain?
Cette rencontre, je l’attendais depuis si longtemps… pas question de passer à côté.

A 10 heures précise, je composais le numéro.
 Il a fallu deux phrases pour que la magie opère.

J’aurais pu être déçue, lui aussi.

Au lieu de cela, nous avons vécu une heure et quart de grâce. 

Une conversation à bâtons rompus au cours de laquelle il a levé le voile sur mes interrogations, m’a raconté des anecdotes, m’a permis de rentrer dans son histoire d’amitié, dans sa vie.

Il m’a parlé de lui, de Tibet, de leur travail, de son enfance, de ses livres, de ses projets…

Un homme passionnant, d’une classe, d’une courtoisie, d’une sensibilité et d’une spontanéité rendant l’instant magique.

Je n’ai pas connu très souvent cette sensation: le temps s’est arrêté. 

Nous avons parlé, parlé… nous sommes découvert un ami dessinateur commun, mille points de connivence.
Lorsque j’ai terminé, il m’a demandé mes coordonnées et a souhaité que nous continuions à nous appeler de temps en temps et, à nous voir si j’avais la bonne idée de passer par la Belgique.

J’étais ravie…

Je lui ai dit que les portes de notre nid leur étaient grandes ouvertes, pour lui et à sa compagne.
J’ai eu du mal à raccrocher.

Je n’avais pas envie de le quitter.
Le texte de l’interview trouvera sa place sur trois de mes blogs, dont Ecriplume, dans les jours à venir.

Puis un autre paraîtra dans le Journal de l’Entraide Familiale Vaudoise.
J’ai rencontré un gentleman, passionnant et passionné. 

Comme je le disais, dans la journée: Merci, Métier!!

Martine Bernier

Baloo et Merlin: deux en un

14 juin, 2011

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Parmi les dessins animés mythiques de Walt Disney qui ont marqué nos univers d’enfants, j’ai un grand faible pour deux personnages: Merlin l’Enchanteur et Baloo.
Merlin pour sa façon de glisser du merveilleux dans chaque heure de la vie, et Baloo pour sa joie, sa légèreté, sa chaude et pataude tendresse.

Ce week-end, à plusieurs moments, j’ai regardé Celui qui m’accompagne.
Depuis plusieurs mois, je réalise que cet homme multifacettes a en Lui un peu de ces deux personnages.
A chaque fois qu’il fait une incursion dans notre nid, celui-ci se dote d’un nouveau détail, d’une nouvelle trouvaille qu’il pose ou installe en un temps record.
Rien ne lui résiste!
Organisateur dans l’âme, Il prend tout en main sans que je ne demande rien, abat un travail colossal, le tout dans la bonne humeur, sans jamais grogner.
Ou presque.
C’est son côté Enchanteur.

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Avec Baloo, il a en commun la joie de vivre, le côté facétieux et la tendre douceur protectrice qu’Il a à mon égard.

Il a bien d’autres facettes, que je ne me lasse pas de découvrir.
Je dis de lui que si je devais choisir un seul mot pour le définir, ce serait « gentilhomme ».
Avec cette part de noblesse, de droiture liée au mot tel qu’il a dérivé au cours des siècles.
Et ce talent inné pour semer une volée de poudre d’or sur ma vie sans pour autant me faire vivre dans une illusion animée.

Martine Bernier

Baloo: http://www.youtube.com/watch?v=QprXlfVkpH4
Merlin:http://www.youtube.com/watch?v=b1vyY7GY3J4

Vie miniature dans notre nourriture

13 juin, 2011

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Christopher Boffoli est photographe.
Un photographe qui ne manque pas d’idées puisqu’il a créé un monde à lui tout seul.
Dans sa série de photos « Disparity Miniatures », il a mis en scène de petites personnages dans des décors dont les principales composants sont des aliments.
Dans ce monde miniatures, ils vivent tous les gestes de la vie quotidienne dans des lieux insolites et très drôles.

Vous pouvez y voir des hommes d’affaires sur des kiwis, des retraités sur une salade, un homme chipant la crème d’un biscuit à la pelle, des gamins s’adonnant à une partie de boules de neige sur un biscuit en coco, des hommes grenouilles s’apprêtant en plonger dans une tasse de thé, un homme ratissant la moutarde d’un hot dog, des cyclistes faisant du vélo sur une banane, des ouvriers parmi des grains de café,des bûcherons de crayollas, des brancardiers sur du poisson pâné, un couple s’enlaçant dans un coquillage, un homme à cheval sur un frite, un guitariste lançant la chansonnette assis sur le bord d’une tasse de café, des ouvrier travaillant sur des fraises ou des brocolis et bien d’autres.

Je ne sais pas si c’est vraiment de l’art, mais c’est léger et amusant!

Martine Bernier

Ecureuil agile

12 juin, 2011

Lorsque j’étais en Belgique et que je faisais partie d’une troupe scoute (oui, je sais, il faudrait dire « guide ». Mais vu mon sens de l’orientation, je ne me serais pas vue guider personne. Donc, je dis « scoute »), nous avions un aumônier.

« Ecureuil Agile » était un curé déjà âgé, responsable de la paroisse à laquelle notre Compagnie était reliée.
Il adorait les enfants, en tout bien tout honneur.
La semaine, il s’acquittait de ses tâches professionnelles
Le dimanche venu, les quelque 250 enfants et adolescents, membres de la Compagnie, étaient présent à sa messe.
Louveteaux, lutins, guides, scouts, horizons, pionniers: tout le monde était là, en uniforme, s’efforçant de réprimer des bâillements dominicaux et chantant avec entrain les chants choisis par le prêtre.
Surtout le chant final, nous ouvrant la porte vers la liberté.
Pour animer ses messes, il avait demandé à ceux d’entre nous qui savaient jouer de la guitare, d’animer musicalement les cérémonies.
Les jours où nous étions en grande forme, certains moments viraient au concert de rock, pour le plus grand plaisir de notre curé, qui se dandinait discrètement sur sa chaise.

Dès qu’il avait prononcé le dernier « Ite » relâchant ses jeunes ouailles, il allait serrer quelques mains sur le perron, fonçait à la sacristie pour troquer sa robe contre ses vêtements civils, enfilait ses chaussures de marche, prenait son bâton sculpté et courait nous retrouver tandis que nous formions les patrouilles sur la place.
Une fois hors de l’église, nous ne devions plus l’appeler: « Mon Père ».
Il redevenait notre Ecureuil Agile.

Nos dimanche en forêt, nos fêtes, nos activités urbaines, nos répétitions pour les spectacles, nos camps d’été, nos jeux de nuits, nos rallyes: il était toujours là.
Il suivait à tour de rôle chaque groupe.
Nous le voyions donc revenir régulièrement à nos côtés pour des marches, des jeux, des feux de camp.
Il adorait cela, connaissait toutes les chansons scoutes, était le premier à éclater de rire, à être partant pour les corvées, à donner son avis quand nous étions bloqués sur une énigme.
Il nous questionnait sur nos vies, nous racontait ses souvenirs de jeune scout.

Un jour, il est venu à côté de moi en forêt, et a commencé la conversation:
- Won-Tolla, il faut que je te remercie: tu mets une belle ambiance à la messe avec ta guitare.
- Merci!
- Mais à part ça, la messe, ce n’est pas vraiment ton truc. Je me trompe?

J’ai rougi jusqu’aux oreilles.

- Pourquoi me demandez-vous cela?
- Parce que même si je ne suis pas en face des musiciens, j’ai bien vu que tu lis entre les chants.

Que vouliez-vous que je réponde?
Rien…

- Je peux voir ce que tu lisais ce matin?

J’ai sorti un livre de poche de mon sac à dos.
- « Ainsi parlait Zarathustra »??? Tu lis CA pendant MA messe?
- En ce moment, oui…
- Tu as quel âge, déjà?
- Treize ans.
- Tu ne crois pas que tu es un peu jeune pour lire Nietzsche?
- Non, puisque que j’aime ce qu’il écrit! Notez que je ne lis pas pendant vos sermons. Enfin pas toujours!

Il a ri. Nous avons marché un moment côte à côte, en silence, puis il a repris:
- Il y a autre chose que je voulais te demander. Tu ne peux pas m’appeler Monsieur, ce n’est pas indiqué pour un prêtre. Pourquoi ne m’appelles-tu jamais « mon Père », comme les autres?
- Parce j’ai perdu le mien il y a quatre ans. Vous n’êtes pas mon père. Si je vous appelais comme cela.. enfin je ne peux pas.
- Je ne savais pas… je suis désolé.

Le dimanche suivant, au moment où nous accordions nos guitares dans l’église, Ecureuil Agile s’est approché de moi et m’a donné un livre.
Comme je le regardais d’un air interrogateur, il m’a dit:
- Pour le cas où tu aurais fini Nietzsche. Je pense que tu aimeras!

J’ai regardé le titre: « Le Prophète », de Kahlil Gibran.
Je l’ai dévoré en une messe.

Ecureuil Agile était un bon curé.
Et son livre… je l’ai toujours.

Martine Bernier

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