Archive pour le 2 juillet, 2011

J’y pense…

2 juillet, 2011

Dans les salles d’attente des spécialistes, vous faites toujours des rencontres surprenantes.
Il y a environ deux mois, lors de mon premier rendez-vous avec l’un des « miens », j’ai retrouvé un homme que je ne m’attendais pas du tout à voir là.
Nos deux médecins font salle d’attente commune à l’hôpital.
Il était là qui attendait, nerveusement.
A l’époque où je suis arrivée en Suisse, il habitait dans le village où j’ai longtemps vécu.
Nous fréquentions les mêmes personnes.
Sans être proches, nous nous croisions souvent: le village n’était pas New-York.

Ce jour-là, à l’hôpital, il avait envie ou besoin de parler.
Cela faisait des années que je ne l’avais pas vu.
Agé de quatre ou cinq ans de plus que moi, il avait à peine changé, à peine vieilli.
Il m’a expliqué avoir été opéré deux fois d’un cancer ces derniers mois.
La dernière opération avait réussi, m’a-t-il expliqué.
Il était appareillé, mais tout allait bien.
Et là, il était très énervé par le retard de son docteur.
Notre conversation a duré le temps de l’attente: une bonne demi-heure.
Puis il a suivi son médecin.

Cette semaine, j’ai appris qu’il était décédé.
Si je ne l’avais pas revu, cette nouvelle ne m’aurait sans doute pas vraiment touchée.
Là, j’ai eu un choc.
Il semblait aller bien.
Son médecin ne lui a-t-il pas tout dit sur la gravité de son état?
Il avait le projet de refaire du sport, lui qui a toujours été un grand sportif.
Il n’a pas su qu’il partait.
En tout cas, il ne se sentait pas plus mal lorsque nous nous sommes parlé.

Dans les hôpitaux, dans certaines salles d’attente, chacun flirte avec le double mystère de la guérison et de la mort.
Et même si la conscience d’un départ en obsède certains, la plupart ne peut même pas l’envisager.
Même malade, un être humain vivant est trop plongé dans la vie pour imaginer qu’il peut disparaître aussi vite.

Pour moi, la perspective n’est pas effrayante.
Pour lui, je ne sais pas.
Il était moins paisible, plus fébrile lorsque je l’ai revu.

Un jour vous êtes là, le lendemain vous ne l’êtes plus.
Ne reste de vous que le souvenir que vous avez laissé, le bien comme le mal, l’indifférence, la sympathie ou l’antipathie, l’amour, parfois la haine que vous avez suscités, selon le personnage que vous avez été.

C’est une réflexion intéressante qui nous ramène à notre dimension réelle.

Martine Bernier