Archive pour novembre, 2011

Liu Bolin ou l’art de l’invisibilité

30 novembre, 2011

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Photo: parisbeijingphotogallery

Connaissez-vous Liu Bolin?
Cet artiste chinois développe une technique surprenante: celle du caméléon.
Il arrive à se camoufler de telle façon que, lorsqu’est prise la photo le représentant devant un théâtre, un rayonnage de sodas ou de journaux, un drapeau ou n’importe quel autre lieu ou objet, il est littéralement fondu dans les éléments du décor.

Les Européens l’ont découvert lorsqu’il s’est rendu à Paris, puis en Italie pour donner une nouvelle dimension à son travail.

Mais qui est cet étonnant personnage?
Né en 1973 dans la province de Shandong, dans l’est de la Chine Liu Bolin a décroché un diplôme de l’académie des Beaux-Arts de sa province, puis une maîtrise de l’Académie Centrale des Beaux-Arts dans le département sculpture.

C’est d’ailleurs en sculpture qu’il a effectué ses premiers pas d’artiste, avant de travailler sur la série « Hide the city », en transformant son corps en sculpture vivante.
Depuis qu’il a choisi cette voie insolite, son prestige ne cesse de grandir.
Il parcourt le monde et les plus grandes villes pour relever de nouveaux défis: se fondre dans les façades les plus inattendues, et exposer ses oeuvres dans les galeries de Venise, Bruxelles, New York, Barcelone, Miami, Pékin…

Son travail, sa précision sont sidérants.

Martine Bernier

Pour découvrir d’autres photos:

http://www.parisbeijingphotogallery.com/main/fr/liubolinworks.asp

Bichon havanais: Pomme et le cauchemar

29 novembre, 2011

La grippe aidant, mon sommeil entrecoupé a été parasité par un cauchemar épouvantable.
Très tôt ce matin, alors que je venais d’allumer, Pomme s’est appuyée contre le lit comme pour m’interroger.
La mèche ébouriffée, elle m’a clairement fait comprendre qu’elle n’avait que modérément apprécié la dernière partie de la nuit.
En lui caressant les oreilles, je me suis laissée aller à lui faire des confidences:
- Tu sais, j’ai fait un cauchemar affreux. J’ai rêvé que nous étions dans un village surpeuplé, que tout le monde semblait être dehors, et que… tu disparaissais. Quelqu’un t’avait kidnappée! Tu n’imagines pas comme j’étais mal… Je t’ai cherchée partout… Et tout ça dans une ambiance glauque à souhait, tu n’imagines pas! Je me suis retrouvée dans des situations rocambolesques, complètement paniquée à l’idée de ne pas te retrouver!

Elle fixait sur moi son regard compatissant, une patte en l’air:
- Qu’est-ce que je ferais, sans toi, mmm? C’était terrible! Je suis bien contente que ce n’était qu’un mauvais rêve…

Comme elle continuait à me regarder, j’ai poursuivi:
- Oui, je sais, nous avons un autre sujet de préoccupation plus important. Tu as vu qu’Il est parti cette nuit, n’est-ce pas? Il ne revient pas aujourd’hui, mais samedi matin. Mais c’est la dernière fois! Il fallait qu’il assume une promesse. Tu es triste quand Bruno n’est pas là, je sais…

En entendant le prénom de Celui qui m’accompagne, mon mogwaï a penché la tête de gauche à droite, regardant la porte, courant de l’autre côté du lit pour vérifier l’absence du Capitaine.
Mon cauchemar ne la troublait visiblement pas.
Mais entendre parler de ce grand homme, ce complice auquel elle voue un véritable culte, et ne pas le trouver dans la chambre… c’était nettement plus traumatisant!
Elle est revenue vers moi, m’a gratté la main, comme pour m’interroger.

-Il va revenir, Pomme…

Je me suis déguisée en esquimau pour aller la sortir.
Son premier geste a été de filer à l’endroit où Il gare la voiture lorsqu’Il rentre.
Revenant tout tristement en constatant qu’elle n’était pas là…

Qui a dit que les animaux ne ressentent pas le manque?

Martine Bernier

Elie Metchnikov et son drôle de régime

28 novembre, 2011

Si vous regardez dans la liste des lauréats du prix Nobel de physiologie et médecine, vous découvrirez que, en 1908, Elie Metchnikov l’a reçu avec l’Allemand Paul Ehrlich.
Après de longues études sur la longévité, il était parvenu à la conclusion que le corps humain était fait pour durer 150 ans.
Et pour cela, il avait mis au point une cure de lait fermenté qui l’avait rendu très célèbre.
Il préconisait la consommation de yaourt en vue de nettoyer le gros intestin, et avait découvert une bactérie, n’existant à l’état naturel que dans l’intestin du chien, susceptible, selon lui, de ralentir encore plus le processus de vieillissement.

Malgré ses études et tout ce qu’il a testé, Elie Metchnikov est mort à 71 ans, d’une maladie du coeur.
Peu avant sa mort prématurée, scientifique jusqu’à la fin, il en analysa les raisons dans son journal et écrivit ceci:
« Activités intenses et précoces, caractère irascible, tempérament nerveux et adoption tardive d’un régime raisonnable. »

Avouez que cela donne à réfléchir…

Martine Bernier

Cyril et les triplés

27 novembre, 2011

Celui qui m’accompagne et moi arpentions les allées de Noël d’un grand magasin lorsqu’un jeune homme m’a interpellée:

- Excusez-moi, vous ne seriez pas Martine? Martine Bernier?

Cela m’arrive régulièrement d’être reconnue par des personnes que j’ai interviewées dans le passé.
Là, c’était différent.
Je l’ai regardé.
Souriant, son visage me disait quelque chose, mais je n’arrivais pas à lui donner un nom.

- Oui, c’est moi.
- J’en étais sûr! Je suis Cyril!

Cyril! Evidemment!
En quelques secondes, les images  me sont revenues en farandole.
Cyril, petit garçon blond qui devait avoir 4 ans lorsque je suis rentrée dans sa famille, par alliance.
Il était calme, presque placide, discret, à l’inverse de son frère, très vif, qui ne cessait de le bousculer et de lui chercher querelle.
Petit, il s’exprimait avec hésitation.
Cyril, qui prenait son temps pour chaque chose, qui n’aimait pas trop l’école, et qui posait sur ceux et celles qui l’entouraient, un regard bienveillant.
Mon instinct me poussait à m’intéresser à lui, à le protéger quand on le malmenait.
Je l’aimais beaucoup.
Puis la vie, une fois encore, nous a éloignés.
Je ne l’avais revu qu’une fois, comme il me l’a rappelé, ce samedi, un jour où je faisais un reportage dans un endroit où il se trouvait.
Entre les guirlandes et les décorations de Noël, je le regardais.
Il avait peu changé: toujours ce regard et ce sourire doux.
Je découvrais avec émerveillement que, désormais, il s’exprimait sans heurt, de manière posée et limpide.
Il avait l’air visiblement heureux de me voir.
Je lui ai présenté Celui qui m’accompagne, et, en quelques mots, il lui a expliqué l’importance que j’avais eue dans sa vie.
En l’écoutant, j’ai été émue.
Donner de l’attention et de l’amour à un enfant n’est jamais inutile.
Je n’avais pas réalisé, sur le moment, combien le peu que je faisais avait de l’importance pour lui à l’époque.

- Cyril… que deviens-tu? Sébastien m’a dit que tu étais heureux?
J’avais appris, en effet, qu’il était marié, nouvelle qui m’avait réjouie.
-Et bien… oui, c’est vrai. Et là, ma femme et moi allons avoir des bébés en janvier. Des triplés.
- Des triplés????

Il m’a raconté leur parcours, l’annonce de la future naissance, la réaction joyeuse et rassurante de son père, celle nettement plus mitigée de sa mère.
Il m’a dit qu’ils prendraient chaque jour l’un après l’autre, qu’il était certain que tout se passerait bien.
Nous avons parlé une vingtaine de minutes, je lui ai laissé nos coordonnées et, tout content, il m’a dit qu’il reprendrait contact.

J’ai beaucoup pensé à lui ensuite.
Petit blondinet dont sa mère disait  qu’elle ne savait pas ce qu’elle ferait de lui, Cyril est devenu un jeune homme de 35 ans posé et plein de bon-sens.
Il travaille, est heureux en ménage et s’apprête, avec réalisme mais sans angoisse, à assumer son rôle de père puissance 3.
Et je suis sûre qu’il y arrivera, car, comme pour chaque étape de sa vie, il prend les choses en faisant à chaque fois de son mieux.
Un bel exemple pour tous ceux qui ont un enfant dont ils se demandent s’il trouvera sa voie…

Martine Bernier  

 

 

 

Le calendrier

26 novembre, 2011

Depuis près de deux semaines qu’il est là « pour de bon », Celui qui m’accompagne me permet de découvrir, jour après jour, un homme encore plus agréable à vivre que lorsque nous passions ensemble des semaines ou des mois communs afin de vérifier si nous étions bien compatibles.
Délivré des soucis de déménagement, Il m’offre un quotidien joyeux et attentionné.
Nous avons tous deux des emplois du temps chargés et irréguliers.
Je me demandais si nous allions arriver à les coordonner.
Les calendriers habituels ne disposaient pas de cases assez grandes pour y noter nos plannings respectifs, il fallait quelque chose de plus adapté.
J’ai donc cherché… et trouvé!

Lorsque je lui ai montré fièrement ma nouvelle trouvaille d’un genre un peu particulier, mon tendre géant m’a fait remarquer avec toute la délicatesse voulue que, avec ses autocollants, ce fabuleux instrument était visiblement destiné à… des enfants.
Peuh!
Ce n’est pas parce que mon sublimisse calendrier est du genre ludique que j’allais me démonter pour autant.
Après un exposé des plus convaincants sur l’art et la manière d’utiliser l’engin en question, le calendrier a fait son entrée dans nos vies.
Horaires de travail et déplacements, concerts, voyages, événements, soirées entre amis, rendez-vous divers: tout prend place dans ses colonnes que j’ai pris l’habitude de consulter plusieurs fois par jour.

Nos emplois du temps s’entrecroisent, nous travaillons tous deux dans des univers différents.
Mais lorsque nous nous retrouvons, nous vivons sur la même planète, sous l’oeil complice de mon irremplaçable calendrier!

Martine Bernier

Photo: le don discret et les « maldons prétentieux »

25 novembre, 2011

J’ai la chance d’avoir dans ma vie plusieurs personnes extrêmement douées pour la photo.
Contrairement à moi qui ne prend que des clichés tout ce qu’il y a de plus banal.
Eric, en tête de liste, a à ce point développé son don qu’il est devenu professionnel.
Il est pour moi l’un des meilleurs photographes avec lesquels j’ai travaillé, même si je sais qu’il me tordrait le cou s’il apprenait que je le clame ici, pour la première fois.
L’excellence de son travail accompagne mes articles et apporte à nos sujets une dimension essentielle.

Thierry, mon ami de Bretagne, continue à prendre des clichés saisissants.
Tous sont remplis de poésie.
Mon ami Dominique, dessinateur de talent, prend lui aussi des photos dans lesquelles il rend des atmosphères superbes où la vie semble retenir son souffle.

Et, depuis quelques années, Yann, mon fiston cadet s’épanouit à son tour dans cet art complexe.
Je vous livre la dernière photo qu’il m’a envoyée et qui m’a beaucoup amusée…
Celle d’un alpaga affichant un sourire béat, en pleine méditation transcendantale.

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Comme pour tous les arts majeurs ou mineurs, les bons photographes travaillent énormément, s’exercent, apprennent, étudient.
Et sont généralement humbles, poussés par une rigueur et un perfectionnisme qui les incitent à ne pas se vanter.
Ces quatre-là ont en commun un regard, une passion, et la remise en question constante qui, bien souvent, est le signe des artistes.

Je pensais à cela en regardant les dernières photos de chacun d’eux, reçues ou vues ces derniers jours, lorsqu’un nouveau message des Ombres est venu me parler de leur « ami » prétentieux « bassinant tout le monde avec ses photos ratées de Maroc où, en grand voyageur qu’il croit être, il se rend une ou deux fois par an désormais pour se donner l’illusion d’avoir une vie intéressante ».

Et bien… je vois qu’il fait toujours l’unanimité.
Si le message ne m’a fait ni chaud ni froid, il m’a fait réfléchir.
Comme tout le monde, j’ai eu parfois à rencontrer ce que j’appelle un Maldon prétentieux.
De ceux qui vous montrent leurs photos de vacances d’un air faussement modeste, horripilant… alors qu’elles sont parfaitement inintéressantes ou mal cadrées.
Et c’est là que le véritable talent fait toute la différence.
Il ne suffit pas de se trouver dans un lieu ou face à un sujet magnifiques pour réussir une photo.
Il faut savoir saisir LE moment, avoir un regard, une humanité, un sens de l’image que tout le monde ne possède pas.

Martine Bernier

Un monde sans chiffres?

24 novembre, 2011

Par curiosité et parce que je ne suis pas une matheuse, j’ai un jour acheté un livre pour enfants: « Les maths, c’est magique », de Johnny Ball.

D’entrée, l’auteur tape fort en posant la question: « Imagines-tu un monde sans nombres? »
Pour bien prouver que c’est impossible, il a créé deux pages d’un journal imaginaire, sans utiliser le moindre chiffre.
Cela donne, en gros, ceci.

« Prix du journal: ******* autant que ces ronds noirs »

Premier titre: « Beaucoup de bébés à la fois ».
Suivi du texte suivant:
« En Inde, une femme a donné naissance à beaucoup de bébés à la fois. Chacun des bébés a la taille d’un petit ananas, et se porte bien selon les médecins. Même s’il n’est pas rare qu’une femme accouche d’un bébé et d’un autre bébé, et même s’il y a des cas où une femme accouche d’un bébé, d’un autre et encore d’un autre bébé, cette indienne a accouché d’un bébé, d’un autre, d’un autre, d’un autre, d’un autre et enfin d’un autre bébé. »

L’article m’a amusée, j’ai continué ma lecture…

La météo sans le nombre de degrés, donne à peu près ceci:
« Londres: ensoleillé mais pas très chaud.
Paris: froid et pluvieux, manteau indispensable.
New York: assez chaud pour se contenter d’un T-shirt »
etc….

Les résultats sportifs titrent sur « Une équipe de football marque beaucoup de buts. »
Et les résultats donnent ceci: « Espagne: beaucoup de buts. Italie: moins que l’Espagne. Allemagne: quelques buts. Thaïlande: autant que l’Allemagne. Mexique: des tas de buts. Suède: encore plus. »

Le voyage en Absurdie continue avec l’exploit de médaillés olympiques.
Le texte explique que: « Igor Lesauteur a gagné la médaille d’or hier aux JO en battant le record de saut, déjà très haut, en sautant encore plus haut. »

Ca a l’air idiot?
Ca ne l’est pas.
En deux pages, l’auteur a réussi sa démonstration.
Et loin de se décourager à l’idée dans le monde des maths, le lecteur sourit et a envie d’en savoir plus.

Martine Bernier

Soeur Lucie-Agnès et l’air béat

23 novembre, 2011

A chaque fois que je regarde un reportage concernant une jeune femme décidant de prendre le voile et de rentrer dans les ordres, je suis à la fois frappée et plongée dans un abîme de perplexité en découvrant l’air et le ton qu’elle adopte.
Et cela me ramène près de 30 ans en arrière, lorsque j’étais à l’école dans une école tenue par des religieuses…

Je les aimais bien, ces êtres asexués en raison de leur tenue, et les classais en catégorie.
Les plus anciennes portaient la robe noire, le voile et une espèce de cornette amidonnée.
Entre 3 et 13 ans, je les ai regardées comme des curiosités.
A l’école enfantine, l’une d’elles, Soeur Marie, nous enseignait des comptines et nous apprenait à lever le doigt avant de parler tout en restant vissées sur nos chaises.
A l’école primaire, Soeur Augustine était notre directrice.
Nous devions la saluer en esquissant une petite révérence, ce qui ne me plaisait pas du tout.
Lorsque je suis passée en « humanité », j’ai eu devant moi un large échantillon de religieuses, que j’ai appris à connaître différemment.
Soeur Alphonse tenait l’économat où nous allions chercher nos fournitures scolaires et nos uniformes.
Soeur Ignace (ça ne s’invente pas!) était la plus âgée, je pense.
Elle avait le rôle de « pion », ne souriait jamais.
On ne peut pas dire que sa vie la rendait euphorique…
Soeur Antoine, une vieille soeur moustachue absolument adorable, nous donnait des cours de théâtre en option.
Ce qui équivaut à dire qu’elle nous faisait interpréter des pièces parfaitement gnangnantes.
Nous nous exécutions pour lui faire plaisir.
Il a fallu attendre son départ à la maison de retraite de la communauté pour voir arriver une jeune prof qui m’a fait découvrir les merveilleuses tirades de Cyrano.

Soeur Marie-Véronique, la directrice, terrifiait tout le monde par son attitude glaciale… ce qui ne nous a pas empêchées de nous lier d’amitié.
Elle a été jusqu’à me rendre visite en Suisse bien des années plus tard, avec « ma » Soeur préférée.
Elle ne portait pas la robe longue ni le voile.
Tout comme Soeur Lucie-Agnès, surnommée « Lulu », qui fut le professeur qui a le plus compté dans ma vie d’adolescente.
Vive, dynamique, cultivée, joyeuse, elle était de toutes les aventures, conduisant sa camionnette, la « Tartinette », et m’ouvrant sa porte dès que je ne supportais plus mon quotidien.
Je l’aimais beaucoup, vraiment beaucoup.
Nous avions des conversations qui, souvent, devaient la déranger, mais elle n’esquivait jamais mes questions.
Pendant mes années d’ado révoltée, c’est elle qui m’a accompagnée ponctuellement.
Un jour est arrivée dans leur communauté une nouvelle recrue: Soeur Marie-Dominique.
Elle chantait divinement, était jeune, et… affichait cet air bizarroïde dont je parlais plus haut.
Un jour que j’étais avec « Lulu », elle m’a demandé:
- Tu n’aimes pas beaucoup Soeur Marie-Dominique, visiblement?
- Si, si. Elle est gentille. C’est sa façon d’être qui m’exaspère parfois.
- Sa façon d’être??
- Ne me dites pas que vous ne vous en rendez pas compte!
- Explique-moi…
J’ai entamé une tirade dans laquelle je lui demandais pourquoi il était nécessaire de prendre un air béat, un sourire qui fait trois fois le tour des oreilles, d’adopter un ton chantant, un discours décalé et un regard illuminé, pour choisir cette vocation.
Une Soeur n’est-elle pas une femme comme une autre, qui ne doit pas forcément entrer dans un moule, forcer sur la note « tout le monde il et beau, tout le monde il est gentil » et placer le nom de Dieu ou de Jésus à tout bout de champ au détour de chaque phrase?
Je respectais ses croyances, mais supportais mal qu’elle cherche à nous les imposer à la manière d’un rouleau compresseur souriant.

- Même moi, quand j’ai un coup de coeur, j’évite de placer le prénom de l’élu dans la conversation. Un peu de tenue, mince!
Elle a ri.
- Tu exagères!
- Non, regardez-là. Tenez, demain, venez assister à la répétition de la chorale, et vous verrez. Je vous parie ce que vous voulez qu’elle va nous servir plusieurs fois une phrase toute faite à propos de votre Patron commun.
- On ne dit pas « le Patron »! File! Je serai là, demain.

Le lendemain, en effet, elle était là.
J’avais ma guitare, je suivais les indications de notre cheffe de chorale qui, comme prévu, nous a servi à moult reprises des phrases ahurissantes, attirant notre attention sur les bienfaits du Seigneur, poussant presque des cris de joie en nous montrant la « délicieuse petite fleur » qui trônait sur la table et que nous devions à « Celui qui nous a tous créés » etc.
Un discours insupportable, indécent, pour une ado qui vivait ce que je traversais au quotidien au niveau familial.
En quittant la salle, je suis allée rejoindre Soeur Lucie-Agnès.

- Alors? J’exagère?
Elle a pris un air faussement sévère:
- Tout ce qu’elle a dit est exact!
Puis, plus bas, avec un clin d’oeil:
- Bon, d’accord, elle y va un peu fort. Je vais lui en toucher un mot. Et toi, sois patiente. L’air béat ne dure qu’un temps. En principe…

Martine Bernier

19 ans de duels

22 novembre, 2011

En 1794, le capitaine Dupont, de l’Armée napoléonienne, reçut l’ordre d’empêcher le capitaine Fournier d’assister à une soirée.
Ce dernier se vexa et provoqua Dupont en duel.
C’aurait pu s’arrêter là, mais non: ce n’était que le premier de leurs… 17 duels.
A chaque fois, ces rencontres faisaient au moins un blessé.
Avec le temps, les deux hommes avaient décidé que si l’un d’eux s’approchait de l’autre à moins de cent miles, ils se retrouveraient sur le pré.
Bizarre?
Plus que cela.
Parce que leur relation d’honneur était si forte qu’il leur arrivait de dîner ensemble avant de se battre.

En 1813, celui qui était devenu le général Dupont se lassa.
Il souhaitait se marier et tourner la page.
Tous deux convinrent donc d’un duel un peu particulier.
Armés chacun de deux pistolets, ils devaient se poursuivre dans une forêt.
En bon général qu’il était, Dupont eut recours à un subterfuge: il pendit sa redingote à un bâton et amena son adversaire à décharger ses deux armes.

Il laissa la vie sauve à Fournier, se réservant le droit de tirer le premier à une distance de quelques pas s’ils se retrouvaient encore face à face en duel.
Ils ne se battirent plus jamais…
Mais cette querelle, qui a duré 19 ans, a inspiré la nouvelle de Joseph Conrad intitulée « Le Duel », et, plus tard, le film de Ridley Scott « The Duellists » (1977).

Martine Bernier

Les Intouchables: magistral!

20 novembre, 2011

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J’avais été prévenue: il y aurait du monde pour les séances du film « Les Intouchables ».
Les critiques étaient dithyrambiques, avec un acteur que j’adore (François Cluzet) et un autre (Omar Sy) dont j’attendais la prestation avec impatience.

Et bien…
Cela valait la peine d’attendre au milieu d’une foule impatiente…
La salle était pleine comme un oeuf.
Et le public, comme nous, a été conquis.
L’histoire, tout le monde la connaît, désormais: un jeune homme des banlieues est engagé par un riche tétraplégique pour lui apporter son aide dans la vie de tous les jours.
Au départ, en apparence du moins, tout les sépare.
Dans la réalité, une histoire d’amitié se développe, d’autant plus magnifique que l’histoire est inspirée par des faits réels.

François Cluzet, dans le rôle de cet homme devenu handicapé à la suite d’un accident de parapente, est renversant de justesse.
Plus cet acteur prend de l’âge, plus il s’impose comme l’un des meilleurs de sa génération.
Epoustouflant…
Quant à Omar Sy, qui me faisait déjà beaucoup rire à chacune de ses apparitions en tant qu’humoriste, il m’a scotchée.
Il a l’étoffe des tout grands, merveilleusement naturel et attachant dans ce rôle en or qui lui a été offert.
Le mot charismatique a été utilisé à toutes les sauces.
Mais pour ces deux-là, il est plus qu’adapté.

Certains passages du film offrent des moments de franche hilarité (aaaah, la scène de l’Opéra!!!).
D’autres sont bouleversantes, d’une émotion ne sombrant jamais dans la mièvrerie.
Tous les acteurs sont excellents, et le film ne sombre jamais dans le pathos.

Allez grossir les queues qui se forment à l’entrée des salles dès que « Les Intouchables » est à l’affiche.
Vous ne le regretterez pas!

Martine Bernier

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