Archive pour la catégorie 'Bretagne'

Alan Stivell : Nous vivons sur une seule terre

5 février, 2009

images14.jpeg

Je l’ai rencontré il y a dix ans, alors qu’il allait donner un concert non loin de la frontière Suisse.
Il m’a accordé un entretien peu avant le concert auquel j’ai ensuite assisté. Une salle surchauffée, des drapeaux bretons, un enthousiasme délirant de la part d’un public heureux de retrouver son barde.
Breton, Alan Stivell l’est dans l’âme. Mais il est aussi et surtout un musicien en perpétuelle évolution, précurseur de la World Music. A l’époque, il sortait son 19e album: « 1 Douar » (En breton: « une seule terre »). Ce disque international, hybride et très mélodique, il l’avait longuement mûri, menant à bien son désir d’aller à l’essentiel en brisant les frontières entre les peuples. Ou du moins entre leurs musiques.
Profondément original dans le paysage musical français, le sage Stivell fait toujours figure de visionnaire. Aujourd’hui, son discours n’a pas changé: chacun de nous possède une richesse qui peut enrichir l’Autre.

- Vous êtes considéré comme l’un des porte-drapeau du peuple breton. C’est un rôle que vous assumez facilement?
Oui et non. C’est une responsabilité double et ambiguë, car je veux conserver ma liberté d’être humain. Je ne suis pas le délégué du peuple breton destiné à le représenter dans le monde. Ils n’ont pas voté pour moi! Mais je suis conscient d’avoir une certaine responsabilité. Même si mon rôle est festif, j’en perçois le sérieux car, à la clef, il y a des racines. Si j’étais superficiel, il existerait un risque de partir dans toutes les directions et de briser le sens de notre démarche.

- Votre album « 1 Douar » semble avoir été, mûrement réfléchi..
C’est exact. Je souhaitais parler d’une seule terre, et en breton. L’Afrique, c’est la terre la plus éloignée du monde celte. Mais il existe des liens entre les peuples. Pour moi, il est important d’aller là où je ne suis pas attendu. Je pense qu’il faut être attaché à ses racines sans le moindre racisme, en ayant une curiosité pour les autres. Entre les extrêmes que sont l’uniformité ou la division, il existe un chemin dans lequel on peut continuer à vivre une richesse culturelle sans frontières.

- Ne pensez-vous pas que votre public a parfois du mal à vous suivre dans votre nouvelle démarche, dans votre nouveau style très éloigné de la musique bretonne traditionnelle?
Mon public suit plus ou moins. A une époque, je me souviens avoir eu moi-même des difficultés à aimer certaines chansons des Beatles.
Il faut se donner le temps de rentrer dans la musique. Au début, on s’étonne, puis on s’habitue. Je suis pris entre l’oeuvre de l’avant-garde et le besoin de communication.
Personnellement, je ne ressens pas le besoin d’individualisme artistique, ni la frustration de communiquer. Je dirais que je fais de l’avant-gardisme modéré.

- Certains vous attribuent la paternité de la World Music…
Sur le plan musical, c’est très exagéré. Sur le concept, je suis plus ou moins d’accord car, dès mon premier album, je partais déjà sur ce principe.

- Dans « 1 Douar », vous chantez notamment la Mémoire de l’Humain. Quels sont les thèmes que vous traitez dans vos chanson… et que l’on ne peut comprendre à moins de parler breton ou d’acheter vos disques sur lesquels figurent les traductions?
Je parle de tout ce qui me touche en tant qu’être humain. La faim dans le monde, la paix, en Irlande, les problèmes politiques, les légendes… Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie entre une symphonie celtique ou une chanson paillarde. Je traite tout sur le même plan. Tout fait partie de la vie.

- L’avenir de la Bretagne, comment le voyez-vous?
Il passe par une fédération des pays celtiques. Je pense que le monde celte sera fédéré par l’Europe. Je crois qu’il existera un bureau interceltique où seront traités tous les problèmes des peuples celtes. Les frontières qui séparent ces peuples ont été crées artificiellement sur la Manche. Maintenant, les celtes vont se réunir davantage.

- Vous avez donné plusieurs concerts en Suisse. Ce pays, comment le ressentez-vous?
Quand je pense à la Suisse, je pense « helvétique ». En breton cela pourrait se traduire par « Elever le monde haut ». C’est le souvenir d’un peuple davantage peuple des montagnes, Peut-être ce dernier a-t-il gardé une certaine philosophie telle que celle que l’on trouve au Tibet?
Toujours est-il que le peuple des montagnes est assez proche de celui des îles ou de la mer. Mais il serait démagogique de vous dire que je me sens mieux en Suisse qu’ailleurs. En fait, je me sens chez moi partout…

Martine Bernier

Jean -Michel Caradec, un merveilleux chanteur breton

4 février, 2009

images10.jpeg

Jusqu’à mes 18 ans, j’ai habité Bruxelles.
Mais déjà à cette époque, j’aimais la Bretagne.
Le coeur de ce pays, j’ai eu l’impression de le toucher du doigt, au cours de ces années, à travers les chansons d’un homme d’une sensibilité et d’un talents purs: Jean-Michel Caradec.
Il a écrit et chanté des merveilles.
J’aimais pratiquement tous ses textes, toutes ses musiques.
Mais certains me parlaient davantage encore que d’autres.
Et notamment l’une de ses chansons, que j’ai apprise à beaucoup d’enfants et de jeunes lorsque je leur enseignais les rudiments de la guitare, et dont les paroles chantent encore dans ma tête lorsque je franchis la frontière de la région: « Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut… »

J’ai écouté Caradec pendant des années.
Et je l’écouterais sans doute toujours si, un jour de juillet 1981, il n’y avait pas eu cet accident de voiture qui a brisé son destin.
Alors, de temps en temps, je réécoute ses disques, je me laisse prendre à sa poésie.
Et je me dis qu’il a probablement été le premier dans les mots duquel j’ai reconnu mon propre attachement à sa terre, tel que je le ressens vraiment.

Avant de partir, il a eu le temps de nous marquer, de nous laisser des perles.
Que l’on peut encore trouver, d’ailleurs.

Martine Bernier

QU’ELLE EST BELLE MA BRETAGNE QUAND ELLE PLEUT…

Grand-mère lavait nos chemises
Au lavoir près de la remise
Le chat faisait le gros dos sur l’âtre auprès du feu
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Papa nous contait des légendes
De trésors enfouis sous la lande
Maman cachait quelques pièces sous des draps très vieux
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Et la petite fille de l’école
Je crois qu’elle avait la rougeole
J’ai jamais osé lui dire que j’étais amoureux
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Et je rêvais de la Garonne
Des bûcherons, des bûcheronnes
Le petit bois de chez nous a fini dans le feu
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Tous les marins qui se souviennent
Des barques qui jamais ne reviennent
Ont une envie de la mer quand même au fond des yeux
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Quand je revois tous ces visages
Je ne sais même plus mon âge
En regardant des photos c’est fou ce qu’on est vieux
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut
Qu’elle est belle ma Bretagne quand elle pleut

Carnac et ses secrets

4 février, 2009

images13.jpeg

Allez savoir pourquoi, je suis, comme beaucoup, fascinée par Carnac où je retourne à la moindre occasion.
Irrésistiblement attirée sans doute par le mystère que cachent ces gigantesques alignements de mégalithes.
J’ai lu une foule de livres sur le sujet, tous essayant de percer le secret de ces pierres qui ont demandé tellement d’efforts à ceux qui les ont levées.
J’aime le lieu, son atmosphère à la fois apaisante et inquiétante.
J’aime les questions restées sans réponse, malgré tout le savoir scientifique déployé pour comprendre.
J’aime savoir que cette terre et les hommes qui l’ont peuplée gardent toujours leur part de ténèbres.

J’aime surtout le Géant du Manio, perdu dans la forêt, dressé solitaire près de son antichambre de pierres.

Le mystère de Carnac était remarquablement expliqué à l’Archéoscope, où un spectacle son et lumière racontait des siècles d’histoire.
J’y suis allé plusieurs fois, toujours aussi intéressée.

Et puis un jour, Carnac a pris une dimension nouvelle dans ma vie.
Dans nos vies.
Jusque-là, lui et moi ne nous étions jamais vus réellement.
Un jour de mars 2007, en vacances en Bretagne, je suis retournée au Pays des mégalithes.
Et c’est là que nous nous sommes vus pour la première fois, sans pouvoir nous parler.
La première rencontre, furtive et un peu loufoque, s’est déroulée dans la librairie de l’Archéoscope dont nous ignorions tous les deux qu’il avait fermé ses portes.
Le premier coup de coeur, fulgurant pour moi.
Et dont il m’a dit, il y a peu, lorsque je lui ai demandé ce qu’il avait ressenti, ce qu’il avait pensé à ce premier instant: « J’ai pensé: c’est elle… »

Carnac…
Dans quelques jours, nous y retournerons.
Et le rendez-vous manqué que nous n’avons pu tenir la première fois auprès du Géant du Manio sera honoré, à notre manière…

Marais salants de Guérande: L’or blanc des paludiers

1 février, 2009

images1.jpeg

La fleur de sel est un produit apprécié des tables les plus raffinées. Au bord de l’Atlantique, les paludiers la cultivent et la récoltent depuis des siècles. Un métier ancestral, de nos jours en pleine expansion.

« Il n’y a pas si longtemps, beaucoup disaient de notre profession qu’elle était vouée à disparaître. Aujourd’hui, non seulement c’est un métier très actif, mais également promis à un bel avenir. La preuve? La moyenne d’âge des paludiers est de 38 ans! Ici, on dit que le sel est si bon que l’on en met dans la conversation…. »
Yvon Morandeau, paludier à Guérande (Loire-Atlantique), partage son temps entre son travail et son activité de guide à la Maison des Paludiers de Saillé. Situé au cœur des marais salants de la Presqu’île Guérandaise, ce village a été longtemps la capitale française du sel. Il était donc normal qu’il abrite ce lieu touristique, de rencontre et d’information, entièrement voué à l’or blanc local.
Les salines sont partout dans la région, découpant le paysage en parcelles recouvertes d’eau, brillant comme des miroirs au soleil. Les producteurs répètent inlassablement les gestes inventés du temps des Romains. « Certaines de nos salines sont antérieures aux cathédrales, et elles fonctionnent toujours, souligne Yvon Morandeau.. Nous disposons d’environ 1700 hectares de marais salants de Guérande pour à peu près 300 paludiers. Il ne faut pas confondre le saunier, qui transporte le sel, et le paludier qui le produit.  »

SOLEIL AMI DU SEL

Les méthodes de récolte n’ont pas changé au cours des siècles. Le sel naît de l’alchimie entre la mer, le vent, le soleil et la terre d’argile, auxquels vient s’ajouter le savoir-faire de l’homme. Les salines se présentent comme un dédale complexe de réseaux de canalisations. La mer pénètre dans les marais par des canaux, les étiers. Un dispositif de trappes permet à l’eau de s’infiltrer dans un premier bassin, la vasière, lors des grandes marées. Lorsqu’il fait sec, le vent agit comme une gigantesque éponge absorbant les vapeurs d’eau en surface. L’eau circule de bassin en bassin, sur une pente très légère, sans jamais rester immobile. Deux bassins centraux, les adernes, distillent l’eau dans les œillets, réservoirs plus petits où se cristallise le sel. Chaque paludier possède entre 50 et 70 œillets, qui, au total, fournissent 10’000 tonnes de sel par année
« Le sel se récolte de mi- juin à mi-septembre, explique le guide. Le reste de l’année, nous nous consacrons au nettoyage des bassins et des tuyaux dans lesquels on peut trouver entre 15 à 20 kilos d’anguilles. Notre système est archaïque, mais il ne tombe jamais en panne! »

CAVIAR DE LA MER

Les paludiers récoltent deux sortes de sel. La majeure partie de la récolte est composée de gros sel gris, teinté par l’argile. Quand l’été est bien sec, il fait apparaître un sel blanc et fin qui flotte à la surface: la fleur de sel, traditionnellement ramassée par les femmes. Plus rare et donc plus recherché, un kilo de ce « caviar de la mer » nécessite 25 litres d’eau.
Constitué en coopérative agricole, le groupement des producteurs de sel travaille sans subvention. En revanche, les paludiers ont mis au point un système d’entraide étonnant. Chaque producteur dégage du temps libre pour venir prêter main-forte aux autres, à tour de rôle. Un engagement conséquent, reconnaît Yvon Morandeau qui a lui-même donné 45 jours de travail gratuit l’an dernier. « Nous sommes environ 300 paludiers, locataires ou propriétaire, ajoute-t-il. Nous formons des équipes, et personne ne compte le temps qu’il va passer pour vous aider. »
La méthode fonctionne ainsi depuis des siècles et ne risque pas de s’arrêter. Tandis que les paludiers s’activent, Guérande La Médiévale veille sur la région dont elle est la capitale. Et pour cause: Gwen Rann, signifie en breton, le Pays Blanc.

Martine Bernier

Infos pratiques

Vous souhaitez vous former au métier de paludier? Ceux-ci utilisent des saisonniers pour la récolte et pour le portage du sel. Des stages sont ouverts à tous, mais il faut y consacrer toute la saison (2 à 3 mois en été).
Renseignements:
- Maison des Paludiers, 18 rue des Prés Garnier – Saillé – 44350 Guérande – France .
Tél. : 0033 2 40 62 21 96
Fax: 0033 2 40 15 03 46

http://www.paysblanc.com/maisondespaludiers

Email: maison.paludiers@free.fr

La pointe de la Torche. Avez-vous déjà pleuré de bonheur?

30 janvier, 2009

C’était l’an dernier, lors de notre premier voyage commun en Bretagne.
Il m’y emmenait pour mon anniversaire, sachant qu’il ne pourrait pas me faire plus plaisir.
Dans ce Finistère qui m’est si cher, il ne lui a pas fallu bien longtemps pour comprendre à quel point j’aime la côte.
Un jour, sans avoir l’air d’y toucher, alors que nous étions sur la route pour je ne sais plus quelle destination, il a pris une petite route secondaire.
Comme je m’étonnais que nous nous trouvions au milieu de nulle part, je lui ai demandé où nous allions.
Il m’a dit qu’il voulait visiter un site commercial, dans le cadre de son travail.
Plus nous avancions, moins j’arrivais à imaginer une grande surface dans un lieu aussi peu peuplé…
Mais cela ne me dérangeait absolument pas.

J’étais heureuse: il était là, l’ambiance était légère, et, dehors, s’étalaient presque à perte de vue, des champs de culture de jacinthes, de tulipes… des milliers de fleurs multicolores plantées en fonction des couleurs. C’était magnifique, sous le soleil du printemps…
Lorsqu’il a garé la voiture sur un parking que je sentais proche de la mer, et où il n’y avait pas la moindre trace de magasin, j’avais compris depuis un moment qu’il me faisait une surprise.
C’en était une de taille…
Il m’a entraînée vers le sable, nous avons marché un peu et… pour la première fois, j’ai vu la Pointe de la Torche.

C’était… comment dire? Saisissant de beauté.

La Torche est un haut lieu du surf, où les vagues peuvent atteindre trois mètres.
Il m’a expliqué les vagues, les courants, les baïnes…
J’étais comme une enfant sur le sable… le bruit de la mer, les goélands, le vent, cet endroit magnifique, les vagues en rouleaux énormes… et lui qui me souriait, si visiblement heureux de me rendre heureuse…
C’est idiot d’avoir envie de pleurer de reconnaissance, n’est-ce pas?
Verser des larmes de bonheur, cela ne m’était jamais arrivé avant de le connaître.
Depuis, ce n’est plus rare…

La dernière fois, c’était… hier!
Il m’a fait un double cadeau.
L’un des deux morceaux de ce cadeau étant que, dans à peine plus de huit jours, nous serons à nouveau ensemble à la Pointe de la Torche et à la Pointe du Raz.
Je n’ai jamais vu la Bretagne en hiver.
Ce sera l’une des innombrables « premières fois » que je vis avec lui avec, toujours ce bonheur d’être sur la même longueur d’onde, cette douceur de vivre, ce bien-être qui nous envahit tous les deux…
Il souriait en me disant, hier: « Et si, en plus, il y a la tempête… »
Il me connaît bien, sait mes fragilités, mes failles et mes passions.
Il sait donner du goût à la vie… la mienne a désormais un goût d’amour, de sel et d’embruns, grâce à lui…

http://www.bretagnepanoramique.com/lieu.php?num=41

Pointe du Raz et Cap Sizun: une résurrection intelligente

27 janvier, 2009


La lande de la Pointe du Raz refleurit, grâce à une opération d’ampleur nationale. Reste à l’Etat de faire accepter son projet de parc marin, impopulaire auprès des capistes.

Il existe des lieux magiques qui donnent l’impression d’avoir atteint le bout du monde. La Pointe du Raz, en Bretagne, en fait partie. Cet amas de rochers s’avançant dans la mer, inspire les poètes depuis des siècles, et fait dire à l’historien Jules Michelet qu’il est « le sanctuaire du monde celtique ».
Avant 10 heures du matin, pas une âme ne fréquente le site, livré aux goélands et autres oiseaux de mer. Pas un bruit, en dehors du bouillonnement des vagues se fracassant contre les rochers.
Si la pointe se présente aujourd’hui dans son écrin de landes, ce n’est pas par hasard. Il y a dix encore, foulé par quelque 800’000 à un million de visiteurs par année, son sol était devenu désertique, lui donnant des allures de paysage lunaire. Victime de son succès et d’une fréquentation touristique non contrôlée, le site s’était gravement dégradé. Tout était alors conçu pour le confort des visiteurs, au détriment de l’environnement.
Le parking et les commerces étaient installés à quelques pas du sémaphore de la Marine Nationale marquant le début de la pointe. Des mesures urgentes et vigoureuses s’imposaient pour réhabiliter le site.
En novembre 1989, la Pointe du Raz est inscrite dans la liste des projets éligibles au programme de réhabilitation des grands sites nationaux français dégradés. Il s’agit de réorganiser le mode de fréquentation en reculant commerces et parking et en restaurant la végétation. L’opération, jusqu’ici unique en son genre, débute en 1991. Elle concerne 200 hectares englobant le Cap Sizun dont font partie les Pointes du Raz et du Van et la Baie des Trépassés.
À la Pointe du Raz, l’ancienne cité commerciale et le parking sont détruits et reconstruits huit cents mètres plus loin, invisibles depuis la pointe, et intégrés au site. Une navette gratuite emmène sur place les visiteurs qui ne souhaitent pas effectuer la promenade à pied. La lande et la pelouse littorale sont reconstituées par transplantation de mottes, projections hydrauliques de graines de graminées et épandage de produits de fauche. La fréquentation est canalisée, et des points de vue sont aménagés pour éviter le piétinement anarchique. Aujourd’hui, la Pointe du Raz a retrouvé sa lande. La démarche a demandé un important travail de la part des équipes techniques. Il a fallu informer et sensibiliser les visiteurs. La plupart respectent les nouvelles règles. Mais les responsables le déplorent: il y a toujours des personnes qui ne peuvent accepter de suivre les sentiers balisés. Malgré eux, la lande revit.


La réserve de Goulien

Espace protégé, la réserve de Goulien, au Cap Sizun, reçoit beaucoup moins de visiteurs que la Pointe du Raz. Quinze mille amoureux de la nature par an viennent ici se promener le long de la Côte Sauvage. Si l’entrée est payante, elle mérite le détour. La flore, préservée des foules, est riche. L’orseille, les lichens, le silène maritime, l’orpin d’Angleterre, le perce-pierre, les ajoncs, l’orchis bouffon, la carotte à gomme et différentes sortes de bruyères ne sont que quelques-unes des plantes à découvrir. Côté faune, le lieu regorge d’oiseaux de terre et de mer. Du site, il est possible d’observer, à la jumelle, les oiseaux nichant sur les falaises et les îlots, à l’abri des prédateurs. Le fulmar, cousin de l’albatros, y cohabite avec le pingouin torda et le guillemot de Troïl, les goélands, les cormorans huppés et de nombreuses autres espèces. Pour entretenir naturellement la lande, les responsables de la réserve y ont introduit quelques spécimens d’ovins rares, en voie de disparition: les moutons de Ouessant.
Dans ce paradis naturel, l’atmosphère n’est pourtant pas dénuée de remous. Partout, sur les murs et même sur la route, des inscriptions clament « Non au parc marin! ». Cette population de capistes au caractère bien trempé, qui a, en 1982, empêché la construction d’une centrale nucléaire dans la région, marque cette fois son opposition à un projet de parc marin en mer d’Iroise, cette partie de l’Atlantique baignant les côtes du Finistère entre les îles d’Ouessant et de Sein. Pour la population, il s’agit de contrer « les empêcheurs de pêcher en rond ». Pas question de voir sa liberté entravée.
Vérification faite, le projet de parc veut apporter un label de qualité d’envergure internationale à la mer d’Iroise qui serait reconnue comme zone pilote pour une gestion durable des ressources halieutiques. De nouvelles pratiques de pêches y seraient testées, Parallèlement, l’accent serait mis sur la préservation du littoral contre des risques de pollution des eaux côtières et sur la protection des milieux marins les plus sensibles. L’accès du public serait étudié pour empêcher la dégradation du patrimoine. Pour ce qui est des activités régionales, le projet prévoit d’accompagner les orientations d’aménagement retenues par les collectivités locales. Reste à convaincre la population que la mise en place du parc marin peut être aussi importante pour sa région que la réhabilitation de la Pointe du Raz. Réhabilitation qui, en son temps, a suscité de nombreux grincements de dents, mais dont tout le monde, aujourd’hui, semble satisfait.

Martine Bernier

Philippe Plisson: Le marin pêcheur d’images

27 janvier, 2009

images17.jpeg

Les photos de Philip Plisson comptent parmi les plus vendues à travers le monde. Il est LE photographe de la mer, marin aguerri et ami des navigateurs. Avec son œil d’artiste et son âme d’aventurier, il a aussi des racines plantées en pleine terre de Sologne.

Dans les bureaux de son entreprise, à Crac’h, en Bretagne, à deux pas de la Trinité-sur-Mer, les murs sont couverts de photos de personnalités et de lieux qu’il aime. Partout, des visages connus, des bateaux, des vagues… Sa vie.
Les yeux de Philip Plisson ont la couleur des fonds marins. Une prédisposition pour cet homme amoureux de la mer et de la navigation depuis son plus jeune âge. C’est pourtant en Sologne qu’il a vécu ses premières émotions, dans une famille hors du commun.
« Je suis très titi parisien par mon côté maternel. Quand elle avait 15 ans, ma mère écoutait chanter Edith Piaf dans une station de métro, à Ménilmontant. Côté paternel, ma grand-mère était une femme exceptionnelle, chef d’entreprise, capable de faire des folies. Avec mon grand-père, architecte, ils se sont lancés dans le bâtiment puis, après la guerre, dans une entreprise de cimetières qui s’est développée. Mon grand-père a cependant gardé la ferme qu’il possédait: 400 hectares d’exploitation et de chasse en Sologne. »

Entre terre et eau…

Très marqué par l’influence de cet aïeul dont il est proche, le jeune Philip se rend sur l’exploitation tous les jeudis. Il participe aux travaux de la ferme, aux soins des animaux, aux labours, au battage… « C’était un terrain de jeu fabuleux. J’y ai appris mille choses. Comme, par exemple, que le cochon est le plus tendre et le plus accueillant des animaux de la ferme! Mon grand-père m’a appris à voir, à goûter, à boire le bon Sancerre, à accommoder le gibier. J’accompagnais les chasseurs, même si je n’ai jamais chassé moi-même… Je les respecte. Ils ont une approche de la nature souvent très intelligente. Mon grand-père avait également un étang de 200 hectares. Mon père, passionné de voile, a acheté le premier bateau de la famille en 1955. En 1970, il a créé le premier club de voile de France en navigation intérieure. Nous naviguions sur la Loire, le plus beau de nos fleuves, avec ses caprices, ses folies… Le seul à avoir des marées. J’adore les marées basses… »

« Je veux vivre de la photo! »

Dans cette famille bourgeoise aisée, le goût de la nature, de la navigation, mais aussi de la photographie se transmet de père en fils. Avec l’appareil photo qu’il reçoit pour sa communion, à 9 ans, l’enfant apprend à regarder et à transmettre les images qui le touchent. Il se poste dans le chenal de la Trinité-sur-mer où sa famille loue une maison, et prend des clichés des bateaux. Rapidement, il est autorisé à y monter, fait la connaissance de « Babar », le père d’Eric Tabarly, et devient lui-même un homme de mer en faisant son service militaire dans la marine, à 18 ans. Si sa carrière professionnelle, débutée par un diplôme d’électricien et poursuivie dans la vente de sous-vêtements féminins, l’entraîne loin de ses passions, il n’en continue pas moins de naviguer et de s’adonner à la photo. « J’avais décidé qu’avant 30 ans, je vivrais de la photo. C’est ce que j’ai fait. J’ai ouvert mon agence dans laquelle je réalisais notamment des prises de vue publicitaires en studio. »

Peintre de la Marine

Barreur en haute mer, Philip Plisson s’illustre en participant notamment avec brio à la course transatlantique La Rochelle / La Nouvelle Orléans avec Guy Delage. Sa façon de naviguer lui vaut le respect et l’amitié des skippers les plus aguerris. De fil en aiguille, des mandats professionnels de plus en plus importants lui sont confiés. En 1991, il est nommé Peintre de la Marine. Composé de peintres, graveurs, photographes, ce corps unique au monde a été constitué par l’Etat français en 1830. Il permet à ses membres d’embarquer sur n’importe quel vaisseau ou d’être envoyé dans les ports en guerre avec pour mission de témoigner. Cette charge de titulaire est assortie du grade de Capitaine de Corvette. Pour ce marin bourlingueur, ami d’Eric Tabarly, de Jean-François Deniau et de tant d’autres, l’honneur est de taille…

Pêcheur de rêve

Aujourd’hui, ses photos de vagues déchaînées s’écrasant sur les flancs des phares imperturbables s’arrachent. De par le monde, les amateurs en mal d’iode et d’air marin trouvent dans ces clichés un peu de la magie qui leur manque au quotidien. Ainsi, en dix ans, la célèbre photo du Phare de la Pointe des Poulains, cernée par la mer en furie, s’est vendue à plus de deux millions d’exemplaires. Sa réussite, Philip Plisson la constate avec une bonhomie à la fois amusée et surprise. Il l’explique en relevant qu’il a la culture de ses sujets. S’il possède plusieurs bateaux, il n’a plus guère le temps d’aller au-delà du chenal de la Trinité, pour son plaisir. Dès qu’il a un peu de temps libre, il le consacre à sa famille. À son épouse, Marie, à ses trois enfants qui, tous, travaillent avec lui et à ses petits-enfants. En 30 ans, il a pris 450’000 photos vendues dans trente-deux pays. S’il avoue préférer le côté artistique de son métier à la partie plus administrative, il n’a aucun regret, mais un souhait « un peu fou », estime-t-il. Acheter un bateau de 24 mètres doté d’une hélistation, lui permettant de naviguer sur et au-dessus de toutes les mers du monde pour expliquer à travers ses photos, leur importance économique. Et pour continuer à nous entraîner dans la magie des océans…

Martine Bernier

Présentations nouvelles
Le photographe continue à passer sa vie en reportage, sillonnant toutes les régions du monde en quête d’images de rêve. A son retour, il reprend son poste de chef d’entreprise, à la tête d’une équipe de 41 personnes… dont 35 femmes. Toujours à la recherche de nouveautés, sa société « Pêcheur d’Images » a récemment créé un nouveau concept de reproductions laminées sur bois. L’image, finement plastifiée, est ainsi lavable et accrochable partout. Parallèlement, la nouvelle collection de « digigraphies » propose des reproductions d’originaux de Philipp et de son fils Guillaume Plisson, en édition limitée, numérotée et signée.

+ D’INFOS

Site Internet: http://www.plisson.com/

images19.jpeg

La pointe du Raz… bout du monde…

23 janvier, 2009

images13.jpeg

Il y a un lieu qui compte plus que n’importe quel autre pour moi, depuis toujours: La Pointe du Raz…

Un jour, lorsque j’étais enfant et que nous étions en Bretagne, ma mère m’a dit: « Les racines de la famille sont ici. »
Je n’ai pratiquement rien retenu de positif d’elle… sauf cette phrase.

La première fois que je suis allée dans ce lieu sauvage où les vagues sont violentes, mon père vivait encore.
J’avais six ou sept ans, je crois.
Il m’a emmenée tout au bout, jusqu’au dernier rocher de la pointe, là où l’on dit que le Diable a sa porte.
Un vieux guide nous accompagnait.
C’était glissant et impressionnant.
Les vagues se fracassaient sur les rochers dans un bruit d’enfer qui me grisait déjà.
Il m’a tendu la main. J’ai préféré celle de mon père.
Je pressentais peut-être que je ne pourrais plus m’y accrocher encore bien longtemps.
J’ai signé ce jour-là un pacte d’amour avec ce lieu magique.
La Pointe du Raz, c’est le bout du monde, le bout de la terre.
L’endroit où tous les regards se dirigent vers le large, vers la ligne d’horizon.
Comme si nous recherchions inconsciemment un rivage qui n’existe pas…

La Pointe, c’est le lieu où les pêcheurs parmi les plus courageux du monde, vont pêcher le bar de ligne sur leurs petits bateaux, près des falaises.
C’est l’un des secteurs les plus exposés de la Bretagne.

La Pointe…
Beaucoup plus tard, j’y suis retournée, plusieurs fois.
Très tôt le matin pour fuir les touristes.
Toujours la même ivresse…
A chaque fois, je m’installe sur un rocher et je peux regarder la mer pendant des heures…
Les goélands viennent se poser près de moi en m’ignorant superbement.
Et je respire… cet air unique qui tonifie plus qu’aucun autre.

Et puis un jour mon bonheur a atteint des sommets.
Celui que j’aime m’a emmenée sur le site, et j’ai eu l’impression que quelque chose se remettait en place.
Comme si deux pièces importantes de ma vie s’étaient resoudées.
Tout était redevenu parfaitement juste, parfaitement normal, parfaitement bien.

Il a pris ma main et nous avons avancé sur le chemin de la côte sauvage, au milieu des oiseaux et de la végétation renaissante.
J’ai vécu un moment de pur, d’absolu bonheur.
La mer était bleue, les vagues toujours aussi violentes contre les rochers, les oiseaux toujours aussi présents.
Et il y avait lui…
Debout, immense, à regarder, amusé, trois lézards minuscules se dorer au soleil et courir sur les rochers.
Lui, le coeur de ma vie, au-milieu de ce lieu si particulier à mes yeux.
J’ai posé mon visage contre lui et nous sommes restés là, dans le vent, à regarder la mer.
Ce que je ressentais était indescriptible.

Quand je n’en peux plus de tout, je me branche sur ce site.
J’écoute la mer, les oiseaux, je regarde les images.
Je nous imagine, je revis ces instants gravés en moi pour toujours.
Je rêve d’y retourner.
Avec lui.

http://www.bretagnepanoramique.com/lieu.php?num=1

http://www.lapointeduraz.com/

photoraz7.jpg

12