Archive pour la catégorie 'Coups de coeur'

Hugues Aufray, tant d’années à vibrer au son de ses mots…

20 septembre, 2009

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Oui, je sais, j’en ai déjà parlé une fois. Et bien je recommence. Parce que je l’ai réécouté et que mille choses me sont revenues à la mémoire…

J’étais encore une enfant quand j’ai commencé à écouter Hugues Aufray.
C’était le temps des feux de bois, les premières années d’une enfant fragile sans son père, le temps des doutes, des espoirs et des peurs, des grandes amitiés adolescentes si belles, si fortes, parfois si douloureuses, des premiers amours timides…

Et lui, il était là, en filigrane, toujours.
Je connaissais tout son répertoire par coeur. Aux scouts, il était chanté à gorges déployées par des meutes de jeunes loups inspirés, massacrant aussi bien « Nuits et Brouillards » de Ferrat que « Pauvre Ruteboeuf » que Hugues avait repris, me faisant découvrir au passage ce qui deviendrait une passion par la suite: la poésie.
J’allais laver les voitures, le week-end, pour me faire de l’argent de poche, et je filais acheter ses disques que j »écoutais en boucle, ainsi que pas mal d’autres, c’est vrai. Mais lui… c’était lui.
Il me rassurait et m’emmenait dans ses voyages musicaux.

J’ai grandi.
J’ai appris ses chansons à mes enfants et à tous ceux à qui j’ai appris la guitare. Ils sont nombreux…
Quand il a adapté les textes de Dylan en français et qu’il a commencé à les chanter, j’ai été séduite à vie.

Et puis un jour, je suis devenue journaliste.
J’ai rencontré beaucoup de gens célèbres. J’ai expérimenté le risque d’être déçue lorsque la réalité rejoint le rêve.
C’est pour cela que je n’ai jamais proposé un sujet sur lui. J’avais tellement peur qu’il ne soit pas tel que je l’imaginais.

Mais c’était décidément trop bête, il fallait que je dépasse ma crainte. J’allais passer sinon à côté de quelque chose d’important pour moi…
Et de toute façon, je serais fixée très vite. Peut-être allait-il refuser de me parler?
Il ne l’a pas fait.
Il n’a plus rien à prouver depuis longtemps, il n’attendait rien de moi, n’avait pas besoin de moi pour le faire avancer.
Et pourtant, il a été adorable.

Notre première interview, nous l’avons faite par téléphone. Lui en France, moi en Suisse.
J’avais les larmes aux yeux, le coeur qui battait comme un fou…. mais il ne le saura jamais!
Le courant est tellement bien passé qu’il m’a proposé d’aller l’écouter en concert en Suisse, et de le rencontrer ensuite.
Ce soir-là, j’étais censée rester de « piquet » sur ma région pour le journal pour lequel je travaillais.
J’ai pris le risque. Le concert avait lieu très loin de là. Eric et moi y sommes allés quand même.
Sous chapiteau, un public complètement acquis, fou de bonheur…
Et puis, après, la rencontre. La première… un charme fou, une gentillesse exquise, un naturel désarmant…
C’est l’un des hommes les plus beaux qu’il m’ait été donné de rencontrer. Il semble habité par une éternelle jeunesse. Un physique un peu sauvage d’animal fier et indomptable.
Il vous entoure de ses ailes et tout est bien.
Ca a été un très beau moment.

Plus tard, je lui ai proposé de lui consacrer un nouvel article, pour un journal plus important cette fois, et il m’a invité à venir chez lui, près de Paris.
Eric et moi avons pris la route. Et nous avons trouvé le moyen d’être en retard, pris dans les embouteillages parisiens!
En retard à l’un des plus beaux rendez-vous de ma vie!!

Imaginez-vous… Vous avez depuis toujours une tendresse et une admiration d’enfant pour un artiste, et vous vous retrouvez assis à côté de lui, dans son salon.
Je vivais un moment tellement magique, tellement exceptionnel, que j’ai dû faire un effort surhumain pour me rappeler que j’étais là pour travailler.
Je buvais ses paroles, j’imprimais chaque instant dans ma mémoire.
Il a cette petite flamme dans les yeux qui pétille dès qu’il parle de quelque chose qui le touche.
Il m’a attendrie, amusée, touchée…

Il m’a raconté les drames de sa vie, ses joies…
J’ai vécu un moment de pur bonheur.
J’ai été sidérée lorsqu’il nous a raccompagnés sur la route pour nous indiquer le chemin du retour. En nous désignant au passage la maison de son voisin, son ami Johnny.
Non, je n’ai pas été déçue par lui…
Hugues Aufray est un homme bien. Aussi beau dedans que dehors. Il a eu 80 ans cette année et… c’est sidérant.
Il a une élégance naturelle que je n’ai jamais rencontrée chez personne avant lui.
Un infini respect de l’autre qu’il écoute avec un regard d’enfant…

Nous nous sommes revus sur un plateau de TV, il y a trois ans, je crois. Il m’a reconnue, est venu m’embrasser.
Il reste dans mon coeur.

Martine Bernier

PS: le même jour, près de Paris, nous rencontrions Yann Arthus-Bertrand, un autre fabuleux bonhomme, pour lequel Eric, en bon photographe qu’il est, éprouve une admiration sincère. Cette fois, c’était lui qui était un enfant sur son nuage. Une journée inoubliable… Mais c’est une autre histoire…

http://www.youtube.com/watch?v=zWWqonUIif0&NR=1

http://www.youtube.com/watch?v=SP93v6MY9xw

http://www.youtube.com/watch?v=uoPvJkejwK8http://www.youtube.com/watch?v=f13nIaRJfUU

Julos Beaucarne: « Je suis un humain qui marche sur la route… »

12 août, 2009

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Ces derniers jours, je l’ai déjà dit, je me suis reconnectée à l’univers du chanteur et poète Belge Julos Beaucarne, grâce à un proche. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, il est bien davantage qu’un troubadour talentueux. C’est un être hors normes, hors modes, lumineux, chaleureux, malicieux, à la fois original et sage. L’enfermer dans un carcan de mots n’est pas une bonne idée. C’est un être libre… Un drame épouvantable survenu dans sa vie, en 1975, a révélé au monde la dimension humaniste de cet être  si particulier. Sa compagne, Loulou, a été assassinée par un déséquilibré. Sa réaction a été admirable (voir en fin d’article). A la lecture de la lettre qu’il a écrite dans la nuit suivant la disparition de celle qu’il aimait, l’adolescente que j’étais alors a, bouleversée, pris une immense leçon d’humanité. Après avoir réécouté en boucle les chansons de lui que j’ai auprès de moi, et particulièrement « Le Petit Royaume » que j’aime profondément, j’ai décidé de lui écrire, à cet homme particulier que j’admire et que j’aime. Pour lui dire le plaisir que j’ai de le retrouver, lui qui a eu une place importante dans ma vie lorsque j’étais jeune fille, en Belgique. J’ai précisé quelle était ma profession et j’ai ajouté que je serais touchée de pouvoir l’interviewer un jour.Je pensais que cela resterait au stade du rêve…Mais quelques heures après, j’ai eu la douce surprise de recevoir un message en retour me remerciant et me laissant son numéro de téléphone pour que je puisse l’appeler.
Ce que j’ai fait cet après-midi. Nous avons passé ensemble un moment à la fois rempli d’émotion et de rires. Car l’homme a de l’humour! Et quel humour!

- Si vous deviez vous définir, pour les personnes qui n’ont pas eu encore l’occasion de vous découvrir, que diriez-vous?
Mais.. je me donne la mort si je me définis! Ce serait m’étouffer dans des étiquettes…

- Alors, à la place du mot « définir », peut-être préférez-vous « présenter »?
Je m’appelle Julos. Toute ressemblance avec des personnes ayant déjà existé serait fortuite. Je vis à Tourinnes-la-Grosse, en Brabant Wallon, en Belgique (et il me donne l’adresse précise ainsi que la latitude et la longitude du lieu, puis éclate de rire devant ma réaction en disant: « Je ne vous arrange pas avec mes réponses? » De l’autre côté du téléphone, je souris en écrivant à toute vitesse).
Je vis en compagnie d’environ 6 milliards de femmes et d’hommes. J’espère n’avoir oublié personne! Je suis un humain qui marche sur la route. Mon histoire consiste à aller au bout de ce que je suis…

- Quel regard posez-vous sur l’être humain, justement?
Nous sommes tous nés un jour d’une femme, et, tous, nous avons reçu une feuille de route. Nous avons chacun quelque chose d’extraordinaire à faire, mais la société veut nous le faire oublier. Tout le monde, chacun d’entre nous est important, mais on veut nous faire croire que « machin » est plus important que l’autre. Les fameux people, vous savez (prononcez à sa manière: « pople »). Oui, tout le monde est important… On pompe beaucoup d’énergie à s’occuper de choses qui nous détruisent et à s’éloigner de l’essentiel. Chaque fois que l’un d’entre nous fait quelque chose de bien, il enrichit l’Univers dans son entier.

- Un livre de vous va sortir très bientôt…
Oui, il s’appellera « Mon Petit Royaume » et il paraîtra le 9-09-09. Il contiendra tous les textes de mes propres chansons.

- Aujourd’hui, comment se passe votre vie?
Je chante beaucoup… Parfois dans de petites salles, parfois dans des grandes. Je vais là où on me demande.

- Etes-vous un homme heureux?
Heureux.. cela dépend des jours… Ce bouquin a été difficile à réaliser pour moi, car, au fil de mes chansons, je revoyais ma vie, les hauts et les bas de mon existence. Cela m’a fragilisé…

- Lors de la mort tragique de votre compagne, vous avez écrit un texte qui a marqué à jamais ceux qui l’ont lu. Où avez-vous trouvé les ressources, un tel amour pour les autres, une telle humanité, pour pouvoir écrire ces mots dans un moment aussi dur?
J’ai écrit cette lettre dans la nuit qui a suivi l’assassinat de Loulou, sans intention de la publier. J’écris pour moi, toujours, pour retrouver mon chemin, pour savoir dans quelle direction je veux recommencer à marcher… Le lendemain, un ami journaliste est venu me voir et m’a dit que l’on avait écrit que « Julos et Loulou n’étaient pas assez racistes ». C’est là que je me suis dit que j’allais répondre par cette lettre. Pour éviter d’engendrer encore davantage de racisme et de violence… Aujourd’hui, si j’arrive à interpréter les chansons que j’ai écrites à l’époque de la mort de Loulou, je craque encore comme si c’était hier lorsque j’en parle. Heureusement que l’homme est inconscient des dangers qui le guettent…

- Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous?
(en aparté, je souris en lui demandant: puis-je oser vous demander  de me donner une réponse que je pourrai utiliser… sans longitude ni latitude?
Un éclat de rire me répond:
- Non, non, ne vous inquiétez pas, je ne réponds jamais deux fois la même chose!
- Ouf!
- Pourquoi, vous n’avez pas aimé?
Cette fois, nous éclatons de rire ensemble…)

J’aimerais que les gens retiennent de moi la joie, le rire. Ce que je cherche à trouver, oui… c’est la joie… Ce qui nous rend malades physiquement, c’est le fait que nous ne sommes pas heureux…

- Et… vous êtes souvent malade?
Pas trop, non! Cela m’arrive de temps en temps, parfois assez gravement. Je me souviens de ma tournée en Pologne où j’ai eu une pneumonie. Ce n’était pas facile. Mais le public était tellement formidable…

Certaines interviews sont plus belles que d’autres. Celle-ci a été un cadeau.  

 

Martine Bernier

Site de Julos Beaucarne: http://julosland.skynetblogs.be/
Le livre « Mon Petit Royaume » peut être commandé par l’intermédiaire de ce site.

Lettre Ouverte De Julos Beaucarne

Ma Loulou est partie pour le pays de l’envers du décor, un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau douce. C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour et la persuasion. C’est l’histoire de mon petit amour à moi arrêté sur le seuil de ses 33 ans. Ne perdons pas courage ni vous ni moi. Je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et nos deux chéris qui lui ressemblent. Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les coeurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien aimée, il n’est de vrai que l’amitié et l’amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses ; on doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller au paradis. Ah comme j’aimerais qu’il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles… En attendant, à vous autres, mes amis d’ici-bas, face à ce qui m’arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu’un histrion, qu’un batteur de planches, qu’un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd’hui : je pense de toutes mes forces, qu’il faut s’aimer à tort et à travers. Julos Nuit du 2 au 3 février 1975

Le carnet à spirale…

24 juillet, 2009

Mon ami Stéphane est arrivé,  avant-hier, avec deux objets précieux dans les mains.

Le premier était un vieux carnet à spirale. Le carnet à spirale… c’était le titre d’une chanson de William Sheller. Un objet qui doit être plein de charme et de mystère. C’était le cas pour celui-ci.

Stéphane m’a expliqué qu’il a appartenu à sa tante. Et toute une histoire se greffe autour de ces pages…

Elle s’appelait Arlette Breton. Dans ce cahier, la jeune fille qu’elle était a retracé ses cours, je pense. D’une écriture élégante et souple, elle y parle tissus, textiles, matières, décrivant leurs origines, leur fabrication, leur utilisation. Cela pourrait être banal. C’est loin de l’être.

Arlette était une jeune femme créative et débordante d’imagination. Elle a illustré ses textes de dessins, de collages, de peintures, qu’elle a réalisés d’une main très sûre, avec un talent inné. Chaque page est un bijou de fantaisie, de poésie. Le cahier d’une personnalité en pleine éclosion, manifestement joyeuse, et gourmande de vivre.

Seulement voilà…

Arlette s’est envolée alors qu’elle avait une vingtaine d’années, croquée par une maladie sans pitié. Elle devait rentrer aux Beaux-Arts, elle n’en a pas eu le temps. C’est un formidable gâchis…

La lecture de son cahier me fait penser à celui d’Anne Frank, cette adolescente  brillante et vive, morte en déportation, broyée par la folie meurtrière des hommes. Arlette aussi pétillait, semblait curieuse de tout.

Et ce talent… ce talent… Sans avoir pris de cours, elle peignait avec une technique et une maturité surprenantes.

Stéphane avait un deuxième objet entre les mains. Une peinture encadrée, représentant un paysage d’automne. L’une des deux toiles qu’il possède, réalisée par sa tante. Il a décidé de me l’offrir. Son geste m’a profondément touchée. Stéphane est très attaché à ce qui lui vient de sa famille. Ce cadeau, je le mesure à sa juste valeur… Comment dire… ce n’est pas qu’une peinture. C’est un clin d’oeil chaud et paisible d’une jeune femme revenue du passé. Je l’imagine, à l’aube de sa vie, pleine d’espoirs et d’envies, aérienne dans ses robes en corolles, concentrée sur sa peinture, découvrant peu à peu l’étendue de son talent. 

Elle est partie il y a longtemps, mais j’ai le sentiment que le geste de Stéphane lui redonne une seconde vie.

Elle s’appelait Arlette Breton. Par-delà les ans, je lui envoie ce soir une pensée affectueuse. Elle a laissé une trace lumineuse dans sa famille. Y compris dans le coeur de son neveu qui ne l’a pas connue, mais qui regarde ses tableaux avec émotion, bien des années après.

Martine Bernier

 

 

Joseph

9 juillet, 2009

Lorsque je suis repartie en Suisse pour retrouver Eric tandis qu’Alain restait dans notre maison, début mai, j’ai fait une rencontre ahurissante dans l’avion qui me menait à Paris.
Sur une rangée de trois sièges, je me suis retrouvée assise à côté d’un grand gaillard avec lequel le courant est très vite passé. Il m’a un peu parlé de lui, m’a expliqué qu’il partait pour affaires et vacances dans son pays natal, le Burkina Faso. Lorsqu’il m’a expliqué qu’il possédait une ferme en France, une autre au Burkina et une troisième en Roumanie, je n’ai pas pu m’empêcher de partir dans un de mes délires. Je lui ai dit, hilare: « Mmm…. pas pratique pour la traite du matin… ».
Et là, ô joie, Joseph (c’est son nom!) a renchéri, sur le même ton. Vingt secondes après, nous étions embarqués dans un fou rire qui a duré jusqu’à Roissy, alimenté par nos bêtises.
Je lui ai expliqué mon sens de l’orientation et ma panique à l’idée de me perdre dans Roissy alors que j’avais très peu de temps pour attraper mon deuxième avion. Il a aussitôt répliqué: « pas de souci, je te prends sur mon dos et on court jusqu’au terminal! ».
Après l’atterrissage, je l’ai donc contemplé d’un air goguenard, susurrant quelque chose comme: « Bon, Joseph? J’attends! »

Re fou rire sous l’oeil perplexe des passants.

Jamais vol ne m’a paru aussi court. Nous avons quand même eu le temps d’échanger nos coordonnées.
Il m’a mis un petit message depuis le Burkina, auquel j’ai répondu. Il m’y disait qu’il m’appellerait à son retour, et nous avions décidé qu’il passerait me dire bonjour.

Ce matin, le téléphone sonne:
- Allo, Madame? Je cherche ma voisine.
- Votre voisine?!
- Oui, Martine, vous connaissez?

En une fraction de seconde, j’ai réalisé qui m’appelait.
Et nous nous sommes ré embarqués dans nos rires comme si nous nous étions quittés la veille.

Jo va donc venir me voir, après avoir battu l’orge et le blé.

- Enfin, Joseph, tu n’as pas honte d’être aussi violent? Ils ne t’ont rien fait, ces malheureux…
- Oui, je sais, je vais arrêter. J’ai honte. D’autant qu’en Afrique, certaines familles s’appellent Blé!
- Arf… Note que tu ne les bats pas directement. Tu es le chef, donc tu te contentes de donner les ordres. A mon avis, tu dois encore pouvoir aller au paradis. Pour tes employés, par contre, je crains que ce soit compromis. J’espère au moins que tu les préviens du risque encouru avant des les embaucher…
- Même pas.. je m’en veux… Dis, pour venir te voir, mieux vaut prendre le train ou la voiture?
- Il n’y a pas de gare dans ma ville. Tu prends ton chameau et hop!
- Il y a des chameaux au Burkina, mais ils sont très chers! Pas dans mes moyens! Par contre, en France, j’ai deux ânes. Et en plus, ils sont noirs! Je vais venir avec eux: trois Noirs sur la route, je vais avoir la gendarmerie à mes trousses!
- Il a un GPS au moins, ton âne?
- Oui, oui, je lui en ai greffé un dans l’oreille!

J’attends donc la fin du battage pour voir arriver Jo. Auquel j’ai proposé de l’emmener chez Tante Marie où je sais que nos frasques ne seront pas verbalisées.
Evitons le Fouquet’s… Si mon comparse arrive en boubou et en babouches comme je lui proposais de le faire, cela risquerait de surprendre.
Et puis rien n’est prévu pour garer les ânes devant la porte.

Et à part cela?

Tandis que certains s’apprêtent à passer leurs petites vacances avec leur petite famille, d’autres écrivent.

Martine Bernier

Daniel Russo, comédien complet

2 juillet, 2009

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J’ai tendance à m’agacer quand j’entends certains grands esprits parler avec une moue vaguement ironique des acteurs « de télévision ».
Pour moi, il y a deux sortes de comédiens: les bons et les mauvais. Quel que soit le support pour lequel ils travaillent.
Parmi eux, certains ont la chance de pouvoir travailler à la fois pour le cinéma, le théâtre et la télévision.
C’est le cas de l’un d’eux, que j’aime de plus en plus au fur et à mesure que passe le temps: Daniel Russo.
Acteur et scénariste, nous l’avons vu jouer dans une multitude de films ou téléfilms.
Toujours juste, drôle ou grave. Emouvant, en prime, notamment dans les rôles mettant en avant son côté paternel.

Et puis il y a eu le téléfilm consacré à Pierre Beregovoy. De prime abord, je craignais un peu le pire, ne lui trouvant pas de ressemblance physique avec l’homme en question.
C’était stupide: il a été magistral, bouleversant par sa sobriété.
Il a su respecter le personnage, sa fragilité et ses blessures, montrer son sens de l’honneur et sa droiture avec délicatesse et pudeur.
Vu le succès qu’a eu le film, je me suis dit que je ne devais pas, et de loin, être la seule à faire la même chose: quand Daniel Russo passe à la télévision, soit j’arrête ce que je fais et je regarde, soit j’enregistre.
Je l’ai aimé dans chacun de ses rôles. Même si tous ne sont pas des oeuvres majeures, dirons-nous pudiquement.
Il a souvent joué dans des comédies, mais j’avoue le préférer dans les rôles un peu plus étoffés.
Je l’ai notamment adoré dans l’excellent « Suzie Berton », servi par deux autres excellents acteurs (Line Renaud et André Dussolier), où il campe magnifiquement un personnage pourtant difficile.

Ce comédien solide aurait pu faire partie de « l’équipe à Lautner », s’il était né plus tôt. Je l’aurais bien vu dans les « Tontons Flingueurs », ou, du côté de Claude Lelouch, dans la fine équipe de « L’aventure c’est l’aventure ». Ca n’a pas été le cas, mais il fait en revanche partie intégrante du trio qu’il forme avec Pierre Mondi et Claude Brasseur pour le téléfilm « Vieilles canailles », réalisé par Arnaud Selignac pour TF1. Une histoire de papy escrocs sympathiques et drôles.
Seul léger bémol? Pas moyen pour moi d’imaginer Russo dans un rôle de papy! Mais le connaissant.. il va nous surprendre.

Martine Bernier

Omar et Fred: et bien, Doudou?

10 mai, 2009

Parmi les duos d’humoristes qui m’amusent, il en est un qui me fait rire aux éclats: Omar et Fred, et leur fameux Service Après Vente. Ils ont ce petit quelque chose en plus qui fait qu’ils n’ont qu’à apparaître, faire une grimace, un sourire idiot ou lancer une phrase absurde pour que le public soit conquis. Heu… enfin le public je ne sais pas, mais moi oui.

A la question: lequel des deux préfères-tu?, il m’est impossible de répondre. Omar Sy a le chic pour me faire glousser de ravissement en disant simplement: « Ben alors, Doudou?  Tu ne viens plus aux soirées? » d’un air lubrique, ou en prenant l’accent africain. Ses fous rires sont les plus contagieux qui soient, et comme j’ai tendance à être très réceptive au rire… et bien voilà. Le mal est fait.

Son comparse, Fred Testot est admirablement disjoncté. Lui en Tata Suzanne, en Tata Rose et en Tata Violette (les deux soeurs de la première!), en commandant de bord ou en Abdalak, amoureux criseur d’Omar le menaçant de le quitter dès qu’il s’éloigne de trois pas, c’est le nirvana. Depuis quelques temps, il a ajouté un personnage à sa galerie de portraits: le simplet annonçant triomphalement qu’il a mis un chapeau. dès qu’il apparaît je ris avant qu’il n’ouvre la bouche. Ciel, je suis faite.

Oui, je sais, il est difficile de faire plus bête. Mais voilà, j’adore l’humour bête. Impossible de résister à deux garçons dont l’un avoue, dans sa biographie, aimer faire du vélo en jupe plissée et peindre des nus animaliers, et l’autre nourrir le ragondin de la Porte de la Villette et lire des CV accroupi.

Je vais vous faire une confidence: je n’aime pas la télévision. Mais les quelques minutes que dure le SAV d’Omar et Fred, lorsque Alain le regarde avec moi, est un moment dé-li-cieux.

Martine Bernier 

http://www.omar-et-fred.com/

Georges Lautner:un Monsieur…

10 avril, 2009

Pour le livre que j’écris en ce moment, il était nécessaire que j’arrive à obtenir une petite interview du cinéaste Geroges Lautner, l’homme à qui nous devons notamment le film cultissime « Les Tontons Flingueurs ».

Je suis entrée en contact avec son assistante, et mardi dernier, j’ai téléphoné au numéro qui m’a été donné.

Dès le départ, le contacts s’est instauré: nous avons les mêmes attaches et les mêmes amitiés dans la station suisse des Diablerets… Puis je lui ai posé des questions sur ces acteurs qui nous ont fait rire ou rêver: Lino Ventura, Bernard Blier, Mireille Darc, Paul Meurisse et tant d’autres… Il m’a parlé de sa vie, du bonheur de tourner, de ses films, de ces acteurs qu’il aime d’amour et d’amitié, du tournage des « Tontons »….

Nous avons échangé nos coordonnées, avons décidé de rester en contact…

J’ai eu droit à une rencontre magnifique, avec un homme de coeur, généreux et drôle, passionnant.

Et, encore une fois, je me suis dit que j’avais décidément la chance d’exercer un métier merveilleux…

 

Martine Bernier

Le miracle Christophe Willem

29 mars, 2009

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Un jour, je suis tombée sur l’émission « Nouvelle Star », que je ne regardais jamais, en zappant, par hasard. Je suis tombée sur un garçon qui ressemblait tellement à mon fils aîné que, pendant quelques secondes, j’ai cru que c’était lui. Déguisé, mais lui. Un pull à rayures improbable, un sourire timide mais pétillant, une façon de se mouvoir particulière: le personnage m’a intriguée. Jusqu’au moment où il s’est mis à chanter. J’ai été envoûtée et, depuis cela n’a pas cessé. Comme des centaines de milliers de spectateurs, je venais de découvrir Christophe Willem.

Tout le monde connaît l’histoire. Une voix sublime, androgyne, un talent fou… et ce jeune homme a gagné l’émission, que je n’ai plus jamais regardée depuis, d’ailleurs. Il a sorti un disque, très attendu, très soigné, étonnant, a remporté un succès énorme et a pris la route pour se lancer dans une tournée délirante.

Je suis allée assister à deux de ses concerts. Et j’en suis sortie totalement séduite. Il y a la voix, oui, pure, juste, capable de tout, une musicalité prodigieuse, un talent à couper le souffle, un sens de l’interprétation magistral. Et puis il y a le reste, qui rend cet OVNI tellement attachant. Un bonheur de chanter manifeste, une immense générosité par rapport à son public, un naturel désarmant, un humour à fleur de peau, une personnalité charismatique en diable, une énergie phénoménale… Il est la joie de vivre incarnée. Et, en prime, est servi par une intelligence et un sens de la répartie qui lui permettent de tenir vaillamment l’épreuve des interviews.

Oui, j’avoue, je suis une inconditionnelle. Ses concerts sont des moments de délire pur. Je n’aime pas tout ce qu’il chante, non: j’aime la manière dont il le chante.

Son prochain disque sortira dans quelques semaines, et la machine marketting est en marche. L’une des chansons, « Berlin », est déjà diffusée sur les ondes. Une musique électro qui ne va pas forcément plaire, nous annonce-t-on en préambule. Et comme, sur le disque, sa voix ne permet plus, par moment, de savoir si c’est un homme ou une femme qui chante, il sait déjà que les sempiternelles questions sur son identité sexuelle vont reprendre. Comme ce fut le cas de Patrick Juvet alors qu’il cartonnait avec « Où sont les femmes »..

Personnellement, son identité sexuelle, je m’en moque pourvu qu’il soit heureux. En revanche, qu’est-ce j’adorerais l’écouter un jour dans un répertoire soul ou jazzy. Il peut tout chanter, l’a prouvé à maintes reprises. Et ceux qui l’ont entendu interpréter les chansons monumentales qu’il présentait au cours de l’émission qu’il a gagnée meurent d’envie de le réentendre dans ce genre de répertoire…

Mais bon, s’il veut nous emmener sur la route de l’électro nous l’y accompagnerons. Etouffer un tel phénomène serait criminel. Et puis, quand on aime, on s’adapte…

A propos: j’ai écouté « Berlin »… et j’ai aimé.

 

Martine Bernier

 

Etre jeune

24 février, 2009

ecriplume m’a permis de rentrer en contact avec Richard, avec lequel nous échangeons depuis nos expériences, nos idées.
Ce matin, il m’a fait cadeau de ce texte.
Certains l’attribuent à Samuel Ullman, d’autres au général Mac Arthur.
Toujours est-il qu’en le lisant, je me dis que j’aurais pu m’entendre avec son auteur, tiens!
Général ou poète!

ETRE JEUNE

La jeunesse n’est pas une période de la vie,
elle est un état d’esprit, un effet de la volonté,
une qualité de l’imagination, une intensité émotive,
une victoire du courage sur la timidité,
du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir
vécu un certain nombre d’années ;
on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal.
Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme.
Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs
sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre
et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande,
comme l’enfant insatiable. Et après ?
Il défie les évènements et trouve la joie au jeu de la vie.

Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute.
Aussi jeune que votre confiance en vous-même
aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.

Vous resterez jeune tant que vous serez réceptif.
Réceptif à ce qui est beau, bon et grand.
Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

Si un jour votre coeur allait être mordu
par le pessimisme et rongé par le cynisme,
puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.

Rotary: mes amis…

20 février, 2009

Lorsque l’on m’a demandé de rentrer au Rotary, il y a sept ans je crois, j’ai accepté sans trop savoir pourquoi.
En fait, si je savais vaguement qu’il s’agissait d’un club service, je n’en connaissais pas les détails d’organisation.
Je craignais un mouvement huppé, j’avais entendu parler de son côté très sélectif, et je ne me faisais aucune illusion sur ce qui m’attendait.
Pourquoi ai-je dit oui? Toujours par crainte de passer à côté d’une expérience intéressante à vivre, je pense.
Je pensais que, trop lunaire, je ne cadrerais pas avec le groupe, mais j’ai voulu essayer.

Je ne l’ai pas regretté.

Je me souviens encore très bien de notre première rencontre.
Le club était naissant (le RC Chablais.ch), il était composé d’un petit noyau de personnes auxquelles j’ai été présentée un jeudi soir, sur une terrasse de St Maurice (CH), un peu intimidée.
Petit à petit, chacun a fait sa place, a pris ses marques.
Pour ma part, je l’ai fait en proposant d’écrire un bulletin un peu différent, plutôt informel, qui me ressemblait.
Par chance, l’initiative a plu et j’ai pu continuer à m’amuser à le rédiger régulièrement, encadrée par mes talentueux bras droits qui me remplaçaient dès que c’était nécessaire.
Je me suis autoproclamée « scribe-ouillarde », respectant à peu près les codes pour relater les parties officielles, et délirant joyeusement dans ce que j’avais baptisé le papotin.
Le bulletin a fait son nid. Et moi aussi.

Les années ont passé. Les amitiés sont nées. Les rendez-vous du jeudi étaient toujours des moments de franche camaraderie, de gaieté, parfois de profondeur et de gravité.
En dehors des réunions, certains d’entre nous se retrouvaient en fonction des affinités, nous nous rendions de menus services, le tout en développant, au sein du club, des activités altruistes.

C’est dire si j’appréhendais la soirée d’hier.
Je suis à un tournant majeur de ma vie.
Et cette fois, il fallait en parler, alors que je suis à dix jours de quitter la Suisse définitivement.

Dans un premier temps, j’avais imaginé demander à mon ami Philippe de lire pour moi une lettre écrite à l’intention des membres du club, en dehors de ma présence.
Je crains les fortes émotions, un peu trop sensible à mon goût.
Mais j’ai réfléchi. Le fait d’être mon ami n’impose pas à ce malheureux garçon de devoir endosser ce genre de corvée à ma place.
Et puis… je trouvais assez lâche de ne pas assumer, de ne pas aller jusqu’au bout.
Je les aime. Je leur devais bien de faire l’effort de parler moi-même.

Je devais ce soir-là présenter mon dernier livre sorti.
Il y a quelques jours, j’ai adressé un mail à chacun pour expliquer que, s’ils le voulaient bien, je préférerais leur parler du changement qui allait intervenir dans ma vie.
Hier soir, donc, ils étaient nombreux à s’être déplacés pour m’écouter.
Rien que cela m’a mis le coeur à l’envers lorsque je suis entrée dans la salle.

Après les bisouillages traditionnels et l’ouverture de la séance, est venu le moment de me donner la parole.
Je crois que c’est la première fois que je me levais pour parler. Preuve, s’il en est que j’avais vraiment quelque chose d’important à dire!
Avez-vous déjà ressenti cette sensation bizarre, cette envie de ne pas être là où vous vous trouvez?
Un peu comme si vous vous sentiez pousser l’âme d’un lapin prêt à entamer le sprint de sa vie, direction Groenland en une seule étape.
C’est très exactement ce que j’ai ressenti lorsque je me suis levée.

J’ai horreur des discours, des grandes phrases creuses, des effets de manche.
J’ai expliqué simplement ce qui se passait dans ma vie et j’ai annoncé mon départ imminent en peu de mots, le plus sobrement possible.
Il y a eu un silence. Je les ai regardés. Je crois n’avoir jamais vu autant de regards tristes et ahuris braqués sur moi.
J’ai essayé de détendre l’atmosphère en ajoutant: « Heu… et à part ça, ça va? »

Il y a eu des questions, auxquelles j’ai répondu, des réactions empreintes de tendresse, d’affection, d’amitié.
J’ai évidemment été au bord des larmes plusieurs fois, moi qui suis mortifiée de montrer mes émotions en public.
On ne se refait pas!
Je crois que le moment qui m’a le plus bouleversée a été celui où ils se sont tous levés pour m’applaudir.
Je ne me souviens pas qu’ils l’aient fait pour quelqu’un d’autre avant ce moment.
Je ne méritais pas cela, mais j’ai été profondément touchée. Et je le suis encore.

Aujourd’hui, à quelques jours de mon grand départ, je suis remplie de sentiments contradictoires.
Ils savent que je les attends, que nous les attendons dans le nid, à 15 minutes de Guérande.
Ils savent aussi que j’aurais le coeur lourd de ne pas les voir débarquer, avec leur fromage à raclette et leur chocolat Suisse, dans ce quartier au nom surréaliste de « Longue Haleine ».

Je leur dois sept années d’amitié. Et je n’ai pas du tout envie que cela finisse…

Martine Bernier

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