Archive pour la catégorie 'Decouverte'

Via Francigena: tous les chemins mènent à Rome

31 janvier, 2009

Le pèlerinage de l’archevêque de Canterbury est remis au goût du jour grâce à une association internationale.

En éditant, en 2004, quarante fiches cartographiques géo-culturelles allant de Canterbury au Grand ST-Bernard, l’Association Via Francigena a franchi une étape supplémentaire vers la réhabilitation de l’itinéraire du pèlerinage du même nom. Celui-ci reprend le tracé du voyage entrepris en l’an 990 par Sigéric, archevêque de Canterbury, qui se rendit à Rome afin d’y rencontrer le pape Jean XV, effectuant le parcours avec les pèlerins « Romipètes ».
Les amateurs désireux de suivre la route de ce pèlerinage très fréquenté au 13e siècle, peuvent également se procurer un guide vade-mecum répertoriant les lieux de passage de Londres au Grand St-Bernard en passant par la France. En ce qui concerne le tronçon situé en Italie, la Via recoupe l’itinéraire de Saint-Jacques de Compostelle.
En Suisse, la route entre dans le canton de Vaud par l’Auberson et le quitte à Bex avant de partir dans le Valais. Chaque ville et village traversé est signalé, dans le guide, et accompagné de courtes informations pratiques destinées aux pèlerins, ainsi que de signalisations de sites à visiter. Ce vade-mecum, deuxième du nom, est une concrétisation, le rôle de l’association étant de promouvoir, stimuler de toutes les manières possibles la deuxième vie de la Via Francigena.. D’abord historiquement et culturellement au niveau européen et avec le Conseil de l’Europe.

En 1994, ce Conseil, ou plus exactement le Conseil d’Orientation de itinéraires culturels de l’Europe, a choisi et accepté ce circuit sur présentation du Ministère du Tourisme italien. Depuis, un réseau de travail œuvre pour redonner vie à cette route redécouverte par les pèlerins de toute l’Europe. L’association possède des antennes dans plusieurs pays dont la Suisse. Elle souhaite revaloriser la route des pèlerins et les villes mineures qu’elle traverse en tenant compte de l’aspect culturel, didactique et touristique d’une telle voie. Si la portion italienne a déjà été revalorisée par le balisage d’une partie de la route, il reste encore beaucoup de travail à faire, notamment en Suisse.
Balisage, liste de chambres d’hôtes et d’auberges, éditions de guides: les membres de l’association veulent rendre à la route une importance similaire à celle de Compostelle. Le but est de redécouvrir cette dimension culturelle, de connaissance et de fraternité européenne au travers de la marche.
L’itinéraire n’est bien sûr pas réservé aux marcheurs en quête spirituelle, mais également aux touristes désireux d’effectuer un voyage lent à travers l’Europe.
Après les fiches-étapes de cartographie, l’association travaille sur d’autres publications, dont un « Manuel de la signalisation Via Francigena Européenne », et le « Guide médiéval de la Via Francigena en Valais ».

Martine Bernier

Informations complémentaires: www.via-francigena.org

Le guide de la Maison de Clémenceau: un miracle sur pattes!

24 janvier, 2009

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Un matin de ce mois de janvier, nous avons eu envie de visiter la Maison de Georges Clémenceau, à Saint-Vincent-sur-Jard, en Vendée.

Toujours ce goût commun pour l’Histoire, les personnages marquants, les lieux insolites..
Nous n’attendions pourtant rien de ce passage si ce n’est, peut-être une incursion rapide dans une maison poussiéreuse.

En arrivant, nous avons été touchés par le site. La maison, que Clémenceau appelait « La Bicoque » est située face à la mer, et ses alentours ont été merveilleusement aménagés.

Le jour où nous y sommes allés était annoncé comme étant le plus froid de la semaine, dans la région. Ce n’était pas faux. Le froid était piquant, presque polaire.

Nous sommes entrés, seuls visiteurs, et nous avons pris nos billets. C’est là que nous avons échangé nos premiers mots avec celui qui allait être notre guide et dont nous avons su par la suite qu’il s’appelait François.

Il nous a demandé de nous rendre à quelques pas de là, dans la partie exposition de la maison, nous disant qu’il nous rejoindrait dix minutes plus tard.
L’exposition était intéressante, mais sans plus.
Comme promis, notre guide est arrivé et a ouvert une porte, nous permettant d’accéder à la cuisine.
A partir de là, la visite est devenue magique. A plus d’un titre.
Pour ma part, j’ai d’abord réalisé que Monet, peintre que j’aime tout particulièrement, avait été l’ami de Clémenceau, et avait fréquenté cette maison. Le maître des lieux aurait d’ailleurs voulu qu’il soit le concepteur des jardins qu’il souhaitait y créer.
Monet, ici… une surprise inattendue plutôt stimulante!

Et puis, le cadeau, le coup de coeur, ça a été François.
Passionné par son sujet, c’est un érudit. Connaisseur en matière d’art et d’Histoire, il nous a régalés, nous permettant d’entrer dans les pièces où, en temps normal, les visiteurs n’ont pas accès, nous montrant de près les estampes japonaises qui vont partir en restauration prochainement…
Il nous a raconté mille anecdotes, a fait revivre la maison pour nous.
Si Clémenceau était entré nous saluer, nous aurions à peine été surpris, tellement nous avions le sentiment d’être reçus chez lui.

Une visite merveilleuse, un moment parfait avec un homme passionnant et drôle, qui rendait vivant chaque objet.
Nous sommes repartis heureux, bien décidés à revenir lorsque les jardins seront en fleurs pour consacrer un article à la maison et à son histoire.

Mais l’aventure ne s’est pas arrêtée là.
François nous avait donné ses coordonnées et nous avons échangé un mail.
Il m’a dit qu’il allait « m’envoyer un cadeau. »
Et ce matin, une grande enveloppe brune est arrivée…

A l’intérieur, des photos anciennes de la maison et de son intérieur, la photocopie du récit d’une anecdote concernant Clémenceau, et… l’original d’une page très ancienne de la Revue des Arts consacrée à Monet.

J’ai été profondément émue… et j’ai aussitôt écrit à François pour le remercier et lui dire l’émotion qu’il avait suscitée en moi.

Que des êtres de ce genre, aussi généreux et passionnés existent… quel cadeau! Et quelle chance formidable qu’il se soit arrêté à nous…
A mon avis, la relation d’amitié naissante avec le gardien de la mémoire de Clémenceau n’en est qu’à son début!

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Alain Baraton: Le jardinier de Versailles

24 janvier, 2009

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Depuis plus de trente ans, Alain Baraton travaille dans l’ombre royale du château de Versailles. D’apprenti qu’il était en 1976, à son arrivée, il est aujourd’hui jardinier en chef et, sans doute, le plus connu des « doigts verts » français.

Il est heureux de le faire remarquer lorsque l’on pénètre dans son bureau: Alain Baraton vit dans la maison qu’occupait Molière lorsqu’il venait à Versailles, près du Grand Trianon et de ses marbres roses. Une maison nichée au milieu du parc qu’il connaît comme sa poche et où, chaque jour, l’actuel maître des lieux se balade avec Pym, son berger allemand.
On a beau être responsable du jardin le plus prestigieux de France, avec une centaine de personnes sous ses ordres, on n’en reste pas moins jardinier. Une profession qu’Alain Baraton défend avec fougue: « Le jardinier est considéré, avec un certain dédain, comme le paysan de la ville. Ce sont ceux que l’on n’invite pas dans les salons. Nous ne devons pas accepter cela. Cet état de « valet », nous le devons à Le Nôtre, concepteur des jardins du château, sous Louis XIV. Je le soupçonne d’avoir été servile. Il était urbaniste des parcs du roi, il aménageait l’espace, il avait du talent, du génie, même, mais il n’était pas vraiment jardinier! »
Alain Baraton est sans doute l’un des jardiniers les plus connus de France. Son titre, pompeux de « jardinier en chef du Domaine National de Trianon et du Grand Parc de Versailles », ne lui monte pas à la tête: « Vous savez, tailler un rosier ici ou dans les parcs de Genève se fait exactement de la même façon! ». Aujourd’hui rendu populaire par ses livres et l’émission de radio très écoutée dans laquelle ce pourfendeur de la langue de bois intervient le week-end sur France Inter, il n’avait pourtant pas de vocation à la base, lui non plus.

« Je suis né à Versailles… »
Lorsqu’il était enfant, dans sa famille, il était surnommé « La Bouse ». Une manière maladroite, pour ses parents, de s’adresser au cinquième de leurs sept enfants. « Mes frères et sœurs suivaient tous des études intellectuelles. Moi, je n’avais pas de don particulier. Finalement, je suis devenu jardinier. Je suis véritablement né à Versailles, en 1976, lorsque j’ai commencé à y travailler. Je posais beaucoup de questions. Jusqu’alors, les professionnels travaillaient d’une certaine manière, parce que leurs prédécesseurs le faisaient ainsi avant eux. De mon côté, j’avais besoin de comprendre. »
Au fil du temps, l’apprenti a gravi les échelons, jusqu’à devenir aujourd’hui responsable de la présentation, de l’entretien, de l’amélioration et de la conservation de ce haut lieu historique et touristique. La tâche est vaste. Et a connu quelques moments dramatiques.

Noël catastrophe
Le 26 décembre 1999, la tempête qui ravage l’Europe occidentale n’épargne pas le domaine royal. 18’500 arbres sont arrachés par le vent, 40’000 autres seront abattus par la suite. Un champ de bataille pathétique où, parmi les victimes végétales, figurent des sujets dont l’importance historique était indéniable. Comme l’immense tulipier de Virginie, provenant des anciennes pépinières royales. Sa taille de 30 mètres et sa circonférence de plus de trois mètres ne l’ont pas protégé: il n’a pas survécu. Ce spectacle de désolation émeut les foules, relayé par Alain Baraton qui, cette fois, sort de sa réserve pour faire appel aux médias. La survie du parc en dépend.
Huit ans plus tard, 300’000 arbres ont été replantés à Versailles. Le parc ne ressemble plus à ce qu’il était avant la tempête, mais le Roi Soleil serait content… « Les lieux ressemblent davantage à ce que le roi lui-même a connu à l’époque. Nous avons tenu compte de l’expérience de cette catastrophe naturelle pour replanter différemment. Avant la tempête, il y avait beaucoup d’ormes, dont une grande partie avait été décimée par des maladies. Aujourd’hui, nous avons multiplié les essences, pour mieux résister aux maladies. L’arbre le plus fréquent du parc est le marronnier. Ils ont été introduits au 17e siecle en Europe, et Versailles a été l’un des premiers lieux à en planter. Ils vieillissent mal, cassent facilement, mais ils apportent une atmosphère d’authenticité historique au parc. Nous avons également beaucoup de tilleuls, de hêtres. Je ne supporte pas la perfection. C’est pourquoi, au milieu des alignements de hêtres de même couleur, j’ai systématiquement planté un hêtre pourpre. Pour casser cette perfection… la signature du jardinier! J’apprécie tout particulièrement les lieux en automne. Les couleurs, l’ambiance sont magnifiques… »

Conseils à travers le monde
Alain Baraton ne se contente pas de veiller sur Versailles. Ecrivain, photographe, il a déjà publié huit livres. Disponible, lorsque quelqu’un lui demande de se déplacer, y compris à l’étranger, pour obtenir son avis sur un arbre vieux et beau, il se rend sur place, ne se faisant rembourser que ses frais de voyage. Ainsi, il est souvent en Suisse, dans la région de Genève,où il rend visite à des propriétaires en quête de bons conseils. Il distille aussi son expérience et son savoir en Chine où, sur un domaine de 300 hectares, un particulier a décidé de faire construire la réplique du château de Maison-Lafitte, entouré de jardins à la française.

« Mon jardin à moi? »

Mais, au fait, lorsque l’on est responsable d’un parc de 840 hectares, a-t-on encore envie d’avoir son propre jardin? « Oui! J’en ai deux. Ici, au sein du domaine, j’ai 1000 m2, entouré de murs très élevés, tapissés d’arbres fruitiers. Au début, c’était un jardin potager et d’agrément. À présent, c’est une grande pelouse. J’adore y lire ou y dormir. J’ai sans doute le jardin le moins bien entretenu du département, alors qu’il pourrait être, si je le voulais, le plus beau de France! J’en ai un autre, dans ma maison, sur l’île d’Oléron. À Versailles, j’aime les parcelles sur lesquelles nous avons mis des moutons, tondeuses à gazon écologiques. Je voudrais aussi réintroduire le cheval, ne fut-ce que pour le vidage des poubelles, qui deviendrait ainsi un spectacle en lui-même. Rendre le parc encore plus vivant. Ce n’est pas encore accepté, mais je ne désespère pas! »

Martine Bernier

+ D’INFOS

- « Le Jardinier de Versailles », Alain Baraton, Grasset
- « Le jardin de Versailles vu par Alain Baraton » (200 photos de A. Baraton), Ed. Hugo Image.
- Émission « Le Plantiste », samedi et dimanche de 7h45 à 8h00, France Inter.

Quand Elsa aimait Aragon…

23 janvier, 2009

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A cinquante kilomètres de Paris, à St-Arnoult-en-Yvelines, existe un lieu serein, hors du temps: le Moulin de Villeneuve, de Louis Aragon et d’Elsa Triolet. Leur histoire s’y déroule sous nos yeux, comme s’ils venaient de quitter ces lieux où ils ont été heureux.

De la fenêtre de son bureau, Elsa Triolet pouvait voir l’endroit où elle souhaitait être enterrée avec son mari, Louis Aragon, après leur mort, entre deux hêtres. Aujourd’hui, les hêtres ont disparu. Mais le couple repose dans le parc de son Moulin de Villeneuve, sur un tertre, dans une atmosphère harmonieuse où résonne, en continu, la Sarabande de Bach, interprétée par Rostropovitch, ami d’Elsa. Cette même Sarabande qu’il a réellement jouée sur sa tombe, un soir de décembre 1970.

Une cascade dans le salon

Les lieux se visitent, sans nostalgie ni tristesse. Dans la demeure des deux écrivains, ancien moulin à eau du XVIIIe siècle, rien n’a bougé. La cravate mauve du poète est toujours négligemment accrochée là où il l’a posée, sur une bibliothèque. Les objets, les livres qui les ont accompagnés reflètent la richesse de leur vie, la douceur de leur amour. Guidés par des passionnés du lieu, on y découvre les traces de leurs amis (Picasso, Eluard, Neruda, Breton…). L’un de ces guides, François Friquet, assistant de promotion du Moulin, connaît tout de l’histoire du couple. Il enrichit la visite d’anecdotes croustillantes, très révélatrice de l’humour du couple. En ouvrant une armoire, il annonce: »Vous allez voir ici ce qu’Aragon appelait les “somnifères d’Elsa”… il s’agit en fait de la collection complète des romans de la Série Noire ».
Dans la maison résonne un fond sonore permanent: la cascade des eaux du moulin passe toujours derrière la vitre de l’œil-de-bœuf, dans le grand salon. Ne manque que la présence des maîtres de maison, que l’on s’attend à voir surgir à chaque instant.
Une présence que François Friquet ranime en expliquant: « Dans ce salon se déroulait le « petit opéra d’Aragon ». Il ne pouvait s’empêcher, lorsqu’il avait des amis, de se lever, et de raconter ce qu’il pensait sur tous les sujets possibles. Au bout d’un moment, plus personne ne l’écoutait. Alors, il se levait, ouvrait les vannes et revenait en ayant l’attention de chacun! ».

Six hectares de rêve

Ce lieu profondément romantique, n’est pas un lieu “mort”. Après sa disparition, qui a suivi de 12 ans celle de sa compagne, Aragon a légué l’endroit à l’Etat français. Avec, comme unique condition, qu’il devienne un lieu vivant. Après sa mort, une association a donc été créée, et le Moulin est aujourd’hui non seulement un musée, mais aussi un lieu de création et de recherche, ou l’Art est représenté à travers une saison culturelle proposant des expositions et des concerts.
La magie qui règne dans la maison se retrouve dans le parc de près de six hectares. Le moulin se trouve en bordure du Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse. A son image, le jardin permet une promenade à travers les prairies et les bois. Le moulin de Villeneuve est resté en activité jusqu’en 1900. Cinquante et un ans plus tard, Aragon l’a offert à Elsa. Tout d’eux venaient s’y réfugier lorsqu’ils avaient besoin de solitude. Ce parc qui les a inspirés dans leurs écrits, offre un paysage de sous-bois, de clairières et de prairies humides.

Des artistes au jardin

Pendant qu’Elsa dessinait des plans, donnait des noms aux allées, choisissait et plantait fleurs et arbustes, Aragon tentait de venir peu à peu à bout d’une nature expansive. De récents travaux, en harmonie avec l’esprit des lieux, permettent de varier les promenades, grâce à l’aménagement d’un sentier et de passerelles sur les cours d’eau. Les hôtes des lieux accèdent ainsi à l’ensemble du bois central et au « jardin d’Elsa « , découvrant au passage de nouvelles plantations de rhododendrons, de camélias ou d’hellébores. Durant l’été le parc accueille une exposition de sculptures contemporaines monumentales. Chacun se voit proposer des lectures au fil de promenades, des découvertes du parc en compagnie d’un forestier, d’un paysagiste, ou d’un artiste, des ateliers de peinture.

En sortant de la propriété, les visiteurs ont le sentiment que la visite qu’ils viennent de faire, ils ne l’oublieront pas. C’est dans les allées qu’ils viennent de parcourir que, le 16 juin 1970, le coeur d’Elsa s’est arrêté. Mais depuis leur grand lit de pierre, Louis et Elsa insufflent toujours une sorte de paix bienfaisante aux passants qui viennent les saluer…

EN SAVOIR PLUS
Moulin de Villeneuve, 78730 Saint-Arnoult-en-Yvelines.
Tél. 0033 1 30 41 20 15.
Site: www.maison-triolet-aragon.com
Email: triolet-aragon@wanadoo.fr
Tarif normal: 7 euros. Enfants de moins de 15 ans: gratuit.
Horaire: ouverture les samedis, dimanches et jours fériés de 14 à 18h00. Par et expositions ouverts tous les jours de 14 à 18h00. Fermeture annuelle du 26/11/07 au 2/2/08.

La pointe du Raz… bout du monde…

23 janvier, 2009

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Il y a un lieu qui compte plus que n’importe quel autre pour moi, depuis toujours: La Pointe du Raz…

Un jour, lorsque j’étais enfant et que nous étions en Bretagne, ma mère m’a dit: « Les racines de la famille sont ici. »
Je n’ai pratiquement rien retenu de positif d’elle… sauf cette phrase.

La première fois que je suis allée dans ce lieu sauvage où les vagues sont violentes, mon père vivait encore.
J’avais six ou sept ans, je crois.
Il m’a emmenée tout au bout, jusqu’au dernier rocher de la pointe, là où l’on dit que le Diable a sa porte.
Un vieux guide nous accompagnait.
C’était glissant et impressionnant.
Les vagues se fracassaient sur les rochers dans un bruit d’enfer qui me grisait déjà.
Il m’a tendu la main. J’ai préféré celle de mon père.
Je pressentais peut-être que je ne pourrais plus m’y accrocher encore bien longtemps.
J’ai signé ce jour-là un pacte d’amour avec ce lieu magique.
La Pointe du Raz, c’est le bout du monde, le bout de la terre.
L’endroit où tous les regards se dirigent vers le large, vers la ligne d’horizon.
Comme si nous recherchions inconsciemment un rivage qui n’existe pas…

La Pointe, c’est le lieu où les pêcheurs parmi les plus courageux du monde, vont pêcher le bar de ligne sur leurs petits bateaux, près des falaises.
C’est l’un des secteurs les plus exposés de la Bretagne.

La Pointe…
Beaucoup plus tard, j’y suis retournée, plusieurs fois.
Très tôt le matin pour fuir les touristes.
Toujours la même ivresse…
A chaque fois, je m’installe sur un rocher et je peux regarder la mer pendant des heures…
Les goélands viennent se poser près de moi en m’ignorant superbement.
Et je respire… cet air unique qui tonifie plus qu’aucun autre.

Et puis un jour mon bonheur a atteint des sommets.
Celui que j’aime m’a emmenée sur le site, et j’ai eu l’impression que quelque chose se remettait en place.
Comme si deux pièces importantes de ma vie s’étaient resoudées.
Tout était redevenu parfaitement juste, parfaitement normal, parfaitement bien.

Il a pris ma main et nous avons avancé sur le chemin de la côte sauvage, au milieu des oiseaux et de la végétation renaissante.
J’ai vécu un moment de pur, d’absolu bonheur.
La mer était bleue, les vagues toujours aussi violentes contre les rochers, les oiseaux toujours aussi présents.
Et il y avait lui…
Debout, immense, à regarder, amusé, trois lézards minuscules se dorer au soleil et courir sur les rochers.
Lui, le coeur de ma vie, au-milieu de ce lieu si particulier à mes yeux.
J’ai posé mon visage contre lui et nous sommes restés là, dans le vent, à regarder la mer.
Ce que je ressentais était indescriptible.

Quand je n’en peux plus de tout, je me branche sur ce site.
J’écoute la mer, les oiseaux, je regarde les images.
Je nous imagine, je revis ces instants gravés en moi pour toujours.
Je rêve d’y retourner.
Avec lui.

http://www.bretagnepanoramique.com/lieu.php?num=1

http://www.lapointeduraz.com/

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