Archive pour la catégorie 'Destins'

L’extravagant Oscar Wilde

27 février, 2011

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Il avait un charme fou, de l’esprit, du raffinement…
Les cheveux long, élégant, un chrysanthème à la boutonnière, il sortait de l’ordinaire par son apparence comme par son intelligence.
C’était un écrivain original, au look de dandy, mais capable de se battre physiquement lorsqu’il le fallait.
Né en Irlande, pays qu’il a quitté suite à un chagrin d’amour, il s’est installé en Angleterre où sa personnalité rayonnante n’a pas tardé à séduire.
Marié à Constance Lloyd dont il a eu deux fils, il a cependant affiché au grand jour son homosexualité, pivot de sa réputation sulfureuse.
Sa vie qualifiée de dissolue lui vaudra des procès et des déboires traumatisants.
Le fameux scandale Queensberry, baptisé du patronyme du Marquis du même nom qui l’avait sommé de ne plus fréquenter son fils, valu à l’artiste un procès retentissant qui se soldera par un séjour en prison.
Pourtant, en brillant orateur, Oscar Wilde avait réussi à mettre les rieurs de son côté.
Rien n’y a fait: il a écopé de deux ans de travaux forcés, la peine maximale à une époque où l’homosexualité était interdite.
L’expérience fut une souffrance pour l’écrivain qui n’arriva plus à écrire autre chose que de la correspondance pendant des mois.

A 46 ans, il mourut d’une méningite, à Paris.
Enterré à Bagneux, son corps a été finalement transporté au Père Lachaise où sa tombe reste l’une des plus fleuries et des plus visitées.
Mais pourquoi, me direz-vous?

Son esprit, son courage, sa fantaisie, son charisme…
Lorsqu’il fut rédacteur en chef du magazine « The Woman’s World », il prit la défense de la cause féministe.
Personnage haut en couleur, il ne pouvait s’empêcher de faire des traits d’esprit qui sont relatés aujourd’hui encore.
L’histoire veut, par exemple, que, lors d’un voyage aux Etats-unis, il aurait lancé au douanier: « Rien d’autre à déclarer que mon génie! »
Même si beaucoup de ses pièces de théâtre ont été interdites, il est devenu un écrivain a succès grâce à son fameux « Portrait de Dorian Gray ».

Je relis souvent les citations qui lui sont attribuées, pour le plaisir de retrouver son humour, son ironie, sa profondeur.
Parmi elles:
«Vivre est ce qu’il y a de plus beau au monde, la plupart de gens existent, c’est tout.»
«Il est deux choses des plus émouvantes dans la vie: la laideur qui se sait, et la beauté qui s’ignore.»
«Chaque fois que les cannibales sont sur le point de mourir de faim, Dieu, dans son infinie bonté, leur envoie un missionnaire bien grassouillet.»

L’humour et l’intelligence d’Oscar Wilde étaient et sont toujours reconnus.
Pourtant, après le procès qui valu une peine de prison à son mari, son épouse changea le nom de ses enfants en « Holland ».
Seul petit-fils d’Oscar Wilde, Merlin Holland explique que son grand-père était un personnage dont il ne fallait pas parler, lors des réunions familiales.
Ce qui ne l’a pas empêché de consacrer des livres à son illustre aïeul…

Martine Bernier

Cinq-Mars et son royal penchant

26 janvier, 2011

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Il est dans l’Histoire des personnages qui m’intriguent.
Le jeune marquis Cinq-Mars (1620-1642)en fait partie, lui au sujet duquel ont été écrites tellement de choses erronées.
Fils du maréchal d’Effiat, Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, était beau, dit-on.
Page, puis cadet de la garde de Richelieu, il avait le profil idéal, selon le cardinal, pour devenir l’ami de coeur du roi Louis XIII.
L’influence des favorites comme Marie de Hautefort et Louise Angèle de la Fayette, un peu trop proche du parti espagnol à son goût, inquiète alors le cardinal qui préférerait voir l’un de ses fidèles servir de confident au Roi.

Des affinités, il n’en existe pas, au départ, entre le roi et le cadet.
Le monarque ne le remarque même pas lorsqu’il intègre sa compagnie de gardes.
Quant à Cinq-Mars, malgré l’insistance de ses parents, il commence pas refuser de faire partie de cette garde royale qui ne l’attire pas.
Il n’était pas amoureux fou du roi, contrairement à ce qui a été écrit.
Libertin, aimant le luxe et l’indépendance, il n’a pas envie d’accepter la charge de grand maître de la garde-robe du Roy que lui propose Richelieu en 1637.
Il a du caractère: être contraint de se retrouver constamment en présence d’un souverain connu pour être taiseux et maussade, jaloux et nettement plus âgé que lui ne l’enchante pas.
Mais Louis XIII, de son côté, ne cesse d’entendre des compliments sur le jeune homme, serinés par des courtisans eux-mêmes télécommandés par Richelieu.
Il commence donc à se pencher sur son cas.
Personne ne sait si le roi avait des tendances homosexuelles, d’autant qu’il était toujours éperdument amoureux de Marie de Hautefort.
Mais son intérêt pour le petit marquis finit par convaincre celui-ci: il accepte la charge de grand maître en 1638.
Contrairement à ce qui a été souvent écrit, leur relation ne fut pas idyllique.
La nuit, Cinq-Mars se réfugiait auprès de sa maîtresse, la courtisane Marion de Lorme.
Vers midi, fatigué, il prenait son service auprès du roi qui ne supportait pas sa somnolence, sa frivolité, son insolence, ses goûts pour le luxe et son mépris de la religion.
Fatigué par cette double-vie, le jeune marquis demande à être relevé de ses fonctions, contre l’avis de Richelieu qui l’encourage à tenir bon et à torpiller l’influence de Marie.
Cinq-Mars réalise alors quel pouvoir il a sur le monarque.
L’avenir lui donne raison, dans un premier temps.
Marie est exilée en novembre 1638 et le joli marquis devient Grand Ecuyer du roi.
Cela signera le commencement de sa fin.
Sûr de lui, se sentant délié de ses obligations envers Richelieu, il exige de le remplacer.
Le roi, dit-on hésite un instant à l’idée de troquer son ministre un peu trop dirigiste contre son protégé.
Mais Cinq-Mars complote avec les Espagnols, ce que découvre le cardinal et Louis.

Aujourd’hui, nous regardons le marquis figé dans le passé comme étant un « ancien ».
En fait, Cinq-Mars n’a jamais eu le temps d’être vieux.
Le 12 septembre 1642, il fut mené à l’échafaud pour y être décapité à l’âge de 22 ans.
22 ans…
Il n’a pas dû vraiment comprendre ce qui lui arrivait.
Un gamin sans doute arrogant, véritable gravure de mode, dit-on, qui en voulait trop, trop vite, sans rien respecter…. et sans réaliser qu’agir ainsi le mettrait en danger.

Martine Bernier

Natasha Kampush

9 novembre, 2010

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Quand j’ai vu que Laurent Ruquier recevait Natasha Kampush dans son émission « On n’est pas couchés », je me suis demandé ce qu’une telle rencontre pouvait donner.
D’autant qu’elle terminait sa tournée de promotion par l’émission, et devait avoir une certaine lassitude de l’exercice.
J’ai donc regardé.
La jeune Viennoise d’aujourd’hui 22 ans, séquestrée durant huit ans par Wolfgang Priklopil, qui l’a enlevée alors qu’elle avait dix ans, a impressionné.
Et Ruquier a mené une interview plus que délicate.
Une interview difficile pour lui, car son interlocutrice ne parle pas pour ne rien dire, répondant le plus souvent par oui ou par non aux questions.
La légèreté de Ruquier, qui a pourtant mis de la sensibilité et de l’empathie un peu maladroites dans ses questions, était insolite face à la maturité de son invitée.
La confrontation de deux univers…

Elle était là pour parler du livre d’entretiens qu’elle a donnés sur sa captivité.
Un livre que j’ai commandé mais que je n’ai pas encore reçu.
Elle a impressionné par sa personnalité, son attitude.
Elle a les idées aussi claires que son regard.
Et celui qu’elle porte sur la société, sur les médias, sur son tortionnaire, est implacable.

Difficile de ne pas s’arrêter à elle.

En terminant l’émission, je pensais au dernier message des « Ombres ».
Ces messages non signés qui me parlent encore et toujours de la même personne.
D’un côté, vous avez un homme qui est la risée de tous car il ne cesse de se plaindre de ses multiples et sempiternels « bobos » tout en se s’autoglorifiant pour son « courage », en se gargarisant modestement à la face du monde les « qualités extraordinaires de ses brillants enfants ».
Son entourage se moque de lui sans qu’il ne s’en rende compte.
C’est devenu comme un jeu pour eux, semble-t-il.
Et il continue.
De l’autre, vous avez une jeune femme qui a vécu l’horreur.
Une horreur qui n’a pas réussi à altérer la force de son caractère.
Elle ne se plaint pas, force l’admiration, même si la maîtrise qu’elle a d’elle-même est presque inquiétante car totalement inhabituelle.
Elle parle peu, réfléchit à chaque mot, ne donne jamais dans la complaisance, réfléchit…

Le monde est peuplé d’êtres humains bien différents…

Martine Bernier

Ignace de Loyola et le grand virage

5 septembre, 2010

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Chacun d’entre nous possède son propre Panthéon de personnalités que nous admirons ou qui nous intriguent.
Il y a deux jours, dans la conversation, mon compagnon m’a dit: « Tu ne connais pas Ignace de Loyola? »
Il paraissait surpris.
J’avoue humblement que les seules références liées au prénom d’Ignace évoquent pour moi une très vieille religieuse qui tenait le rôle de pion pendant nos heures d’études, à l’école, ou l’air angélique de Fernandel quand il jouait au benêt de service…

Donc, non, j’avoue, je ne connaissais pas vraiment ce monsieur.

Comme Il n’a pas pour habitude de s’extasier devant le premier venu, je me suis penchée sur le sujet durant ses heures de sommeil.
Je comprends que le début de la vie du personnage ait pu séduire un ancien militaire de carrière…
Né au Pays Basque espagnol le jour de Noël de 1491, cadet d’une famille de treize enfants (pensée compatissante au passage pour la maman…), celui qui fut baptisé Inigo arrivait dans le monde par la porte de la petite noblesse.
Orphelin de mère à 7 ans, il développe une belle relation avec son père et bénéficie d’une éducation sérieuse.
En 1506, il devient page de Cour, puis secrétaire, gentilhomme et vit durant dix ans au sein de la Cour d’Espagne, proche de la princesse Catalina, soeur de Charles-Quint.
En 1517, il entre dans l’armée et participe à des batailles mémorables. Mais une blessure, dont il gardera comme séquelles une jambe devenue plus courte que l’autre, lui interdit de réintégrer l’armée.

C’est là, à mon sens, que la vie d’Ignace devient étonnante.
Tandis qu’il est convalescent, il se distrait en lisant.
Et comme il ne trouve aucun livre de chevalerie à se mettre sous la dent, il se rabat sur les ouvrages religieux.
C’est pour lui une révélation.
Sa vie va prendre un virage à 180 degrés.
Dans ses rêves, il voit apparaître la Vierge mère, et se met à concevoir un rejet prononcé pour la vie qu’il a menée.
Le métier des armes, son attirance pour les femmes lui font désormais horreur: il veut devenir ermite.
Le brave homme.
Le nouveau but de sa vie devient la conversion des « infidèles » musulmans, en Terre Sainte, et il part de pèlerinage en pèlerinage.
Convertir plutôt que tuer ou faire prisonnier… son esprit de conquistador n’est pas calmé.
A Jérusalem, il se confesse, troque ses armes contre une robe de bure et retourne en Europe où il devient ermite ascétique.
Par la suite, il fera plusieurs voyages à travers le monde, mais l’intérêt de son existence est autre.

Pendant onze ans, il va étudier, la philosophie, la théologie, devient un érudit, adoré par les uns, controversé par d’autres.
Des étudiants le suivent, il enseigne par l’exemple une foi marquée par sa rigueur naturelle: il assume la discipline, la pauvreté et la chasteté… et crée la Première Compagnie de Jésus ou l’Ordre des Jésuites.
Il laissera de nombreux écrits qui ont accompagné ses descendants spirituels sur leur chemin.

Je ne suis pas sûre que la trajectoire d’Ignace de Loyola me séduise.
Les Jésuites ont fait de bonnes choses, et d’autres, moins bonnes.
Mais je comprends que l’on puisse être troublé par le changement de vie magistral qu’il a adopté.

S’il ne me trouble pas spécialement, Celui qui m’en a parlé, Lui, m’intrigue de plus en plus.

Quand je lui ai dit que je me suis documentée sur cet homme et que je ne comprenais pas vraiment pourquoi il l’admirait, il a souri et a plongé sur moi ce regard si particulier qui est le sien:
- Mais… qui t’a dit que je l’admirais?

Martine Bernier

Hemingway et ses fragilités

13 août, 2010

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Ernest Hemingway fait partie de ces hommes dont j’admire le talent et dont a personnalité m’intrigue.
Cet écrivain et journaliste américain, Prix Nobel de littérature en 1954, a marqué les esprits avec des livres aussi connus que « Le vieil homme et la mer », ou « Pour qui sonne le glas ».
Il était à la fois fort et fragile…  et sa vie n’a pas été de tout repos.

Depuis son adolescence, il souffrait d’une grave déficience visuelle.
C’est elle qui l’avait empêché de rentrer dans l’armée américaine pour venir combattre sur le front de la Première Guerre Mondiale.
En désespoir de cause, il avait alors intégré la Croix-Rouge italienne, en 1918.
Mais ce n’était pas ce qu’il souhaitait faire…

Reconnu dans ses oeuvres, Hemingway a eu une vie sentimentale mouvementée.
En 1946, il divorce de sa troisième femme et épouse l’une de ses consoeurs, Mary Welsh.
Avec elle, dans leur villa cubaine près de la Havane, il aura non pas un enfant, mais… 57 chats.
La légende veut que certains de ceux observés encore aujourd’hui dans les jardins de sa maison de Key West en sont les descendants.

Doté d’un solide caractère, Hemingway ne supportait pas que l’on trahisse sa démarche créatrice.
En 1937, il avait écrit le commentaire d’un film documentaire, « The Spanich Earth ».
Orson Welles, chargé de la narration, a eu le tort de modifier quelques lignes du texte qu’il trouvait pompeux.
Mal lui en a pris…
Sa démarché a plongé l’auteur dans une fureur indescriptible.
Lors d’une projection privée, il s’est jeté sur Orson Welles, fou de rage, déclenchant une bagarre en règle.
Alors que les soldats de la guerre d’Espagne s’affrontaient sur l’écran, les deux hommes se lançaient des chaises à la tête devant les spectateurs médusés.
Une altercation qui a pris fin par une réconciliation fraternelle devant une bouteille de whisky…
La démesure entre deux géants…

A la fin de sa vie, l’écrivain avait non seulement presque entièrement perdu la vue, mais souffrait également d’une fatigue psychologique intense.
Très dépressif, il était sur le fil de la folie, en proie à des hallucinations au cours desquelles il se croyait poursuivi par le FBI.
A la fin de l’année 1960, son état s’était à ce point aggravé qu’il fut admis dans une clinique.
Le traitement prescrit était dur: des électrochocs alors utilisés en psychiatrie auprès des patients suicidaires.

Né dans une famille où son père, médecin, s’était donné la mort, tout comme l’ont fait ensuite trois de ses frère et soeurs, Ernest est fragile.
Lui qui a écrit de somptueuses pages de la littérature américaine n’arrive pas à résorber son intense fatigue mentale.

Le traitement par électrochocs est peu efficace, comme on pouvait s’y attendre.
Peu de temps plus tard, Hemingway tente de mettre fin à ses jours en se jetant dans l’hélice d’un avion.
Il survit, mais ne ratera pas à sa seconde tentative, en se tirant une balle dans la tête.

Il était un fragile géant…

Martine Bernier

Séraphine de Senlis…

21 juillet, 2010

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 En 2009, il a cumulé les Césars.
Sept au total: Meilleur Film, Meilleur Scénario, Meilleure Photo, Meilleurs Costumes, Meilleure Musique et, surtout, Meilleure Actrice.
Un film magnifique…

Il faut dire que Yolande Moreau, dans le rôle de cette femme simple habitée par un incroyable talent artistique, est sensationnelle.
J’ai acheté le DVD du film, et j’ai été émue par cette histoire d’autant plus troublante qu’elle est véridique.

Séraphine faisait des ménages, accomplissait les tâches les plus ingrates.
Le soir, lorsqu’elle rentrait chez elle, elle peignait, peignait…
Sa vie a changée lorsqu’elle a été engagée comme femme de ménage chez un collectionneur et marchand d’art allemand Wilhem Uhde.
Le talent de cette femme qui n’avait jamais pris un cours de dessin ou de peinture l’a bouleversé.

Et pour cause…
Aujourd’hui, les toiles de Séraphine dite « de Senlis », sont exposées dans plusieurs musées, dont le musée Maillol de Paris.
Elles semblent comme habitées d’une lumière qui donne l’impression de venir du dos de du tableau.
Les fruits, les fleurs, les arbres de Séraphine, très travaillées, sont éclaboussées de couleurs, de luminosité.
Certains rappellent des oeuvres de Van Gogh…
Pourtant son style n’appartient qu’à elle.
Même la composition de ses pigments n’appartenait qu’à elle…

Le destin de cette femme rappelle un peu celui d’une autre artiste qui m’est chère: Camille Claudel.
Comme elle, Séraphine a été internée, et est morte à « l’asile ».
Certains disent qu’elle serait morte de faim.
Personne n’a réclamé son corps, qui a été déposé dans une fosse commune.
Mais elle dont la peinture donnait une impression de partir vers le ciel, délaissant les racines qu’elle laissait dans l’ombre, semble avoir indiqué dans ses tableaux que le corps n’avait qu’une importance toute relative pour elle.
C’est son âme qu’elle a fait jaillir de ses pinceaux.
Une âme simple, pieuse, pleine de poésie.

Face à Camille Claudel, à Séraphine, et à tous ces artistes que j’aime, je ressens toujours le même sentiment.
J’ai l’impression qu’un être humain riche et généreux est celui dont on regrette toujours la mort bien des années plus tard, parce que l’on aurait encore voulu voir d’autres oeuvres signées de sa main, lire d’autres livres qu’il aurait écrits, écouter d’autres musiques qu’il aurait créées, approfondir l’enseignement ou la pensée qu’il aurait livrée par ses connaissances ou son exemple.

Martine Bernier

Caravage: un crâne et trois ou quatre os…

5 juillet, 2010

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Lorsque j’ai lu, voici quelques semaines, que des chercheurs pensaient avoir retrouvé les restes du Caravage, je ne me suis pas attardée à l’information.
S’ils étaient heureux d’avoir retrouvé la dépouille de l’illustre artiste italien dont le credo était de peindre la « vraie vie », pourquoi pas…
Quelques semaines plus tard, au Journal de 20 Heures de France 2, j’ai eu un choc.
Enterrés au cimetière de Porte Ercole, les restes du peintre ont été prélevés en 1956, comme ceux de 200 autres défunts, et ré enterrés tous ensemble dans la crypte de l’église.
Autant dire que retrouver les ossements de l’artiste relevait de l’impossible.
C’était compter sans la ténacité des scientifiques.
Ceux-ci ont exhumé l’ensemble des ossements, les ont transportés à Ravenne (centre de l’Italie), et les ont tous analysés.
En juin, la nouvelle était rendue publique:les ossements enregistrés sous le numéro 5 étaient attribués au peintre.
Comment le savent-ils?
On nous parle d’analyse ADN, et de recoupements: ces restes appartenaient à un homme d’environ 38-40 ans (Le Caravage est mort à 39 ans) décédé dans une période englobant l’année de sa mort (1610).
De plus, ces ossements présentaient une teneur anormalement élevée en plomb.
Indice probant puisqu’il semblerait que Le Caravage souffrait de saturnisme.

Au Journal de 20 Heures, donc, un groupe de messieurs radieux, en costumes-cravates, ont présenté un coffret en bois aux parois vitrées.
Sur un coussin de velours grenat, reposaient un demi crâne, un fémur et un ou deux autres os.

Mesdames et Messieurs, voici le grand Caravage!

Les ossements, nous disait-on, sont restés exposés deux semaines aux yeux du public, avant d’être installés sans doute à Porte Ercole, personne ne savait trop bien encore.

Le pire, c’est que la foule s’est déplacée pour « voir ».

Je n’aime pas, mais alors pas du tout, ce genre de démarche.
Pour moi, c’est une humiliation posthume.
Que ces recherches aient permis de découvrir que le Caravage est sans doute mort d’une infection générale et d’un coup de chaleur, soit.
Mais qu’il soit ainsi exposé… cela apporte-t-il vraiment quelque chose?
Seraient-ils contents, ceux qui le font, de se dire que l’on pourrait un jour disposer de leurs dépouilles sans leur consentement, même des siècles après leur décès?

Je préfère présenter à ma façon Michelangelo Merisi dit le Caravage, peintre lombard au talent immense.
De lui, nous gardons ses clairs-obscurs somptueux, ses personnages aux joues rondes (j’adore le personnage masculin de « La Diseuse de Bonne Aventure », ci-dessus), ses tableaux plus effrayants (« Méduse », commandé par le cardinal Del Monte, « La crucifixion de Saint Pierre » ou « Judith décapitant Holopherne ».
Et tant d’autres oeuvres fortes et belles.
Le Caravage a été à la base d’une révolution dans l’Art, estimait l’historien de l’art André Chastel.
Il a apporté une peinture sans préjugés, axée sur le corps, la réalité de l’objet.

Du Caravage, je garderai toujours des images de son talent.
Pas celle de son fémur.

Martine Bernier

Descartes a-t-il été assassiné?

3 juin, 2010

Tous ceux qui se sont un peu intéressés à la vie de Descartes savent qu’il est mort d’une pneumonie, en février 1650, à Stockholm, au palais royal de Suède.
Enfin… telle est la version officielle.
Theodor Ebert, professeur de philosophie à l’université d’Erlangen (Allemagne), soutient une thèse différente.
Selon lui, le brillant mathématicien, philosophe et physicien français aurait été assassiné.
Cette thèse, il l’a présentée dans un livre, qui n’a pas encore été traduit en français: « Der rätselhafte Tod des René Descartes » (traduisez par: « La mort mystérieuse de René Descartes »).

Ce n’est pas la première fois que l’éventualité d’un crime est soulevée, ce qui ne plaît pas aux spécialistes du génial créateur du « Discours de la Méthode ».
Pour eux, c’est la vie et l’oeuvre de Descartes qui sont dignes d’intérêt, pas les circonstances de sa mort.

Cela dit, Theodor Ebert n’est pas un plaisantin.
Ceux qui ont lu son livre estiment qu’il est « austère et très documenté, et qu’il a reconstitué la vie de Descartes durant cet hiver suédois de manière très précise ».
Il en serait venu à la conclusion suivante: François Viogué, prêtre catholique et aumônier de l’ambassade de France à Stockholm aurait donné à Descartes une hostie empoisonnée à l’arsenic, histoire de l’aider à passer plus rapidement de vie à trépas.

Pourquoi?
Parce que le penseur français fascinait la jeune reine de Suède, Christine.
Luthérienne, elle était sur le point de se convertir au catholicisme avant l’arrivée de Descartes en Suède.
Viogué encourageait sur place cette conversion qu’attendait Rome avec impatience, lorsque que le Français, qui mettait en doute le dogme catholique, est arrivé à la Cour, sur la demande de la Reine avec laquelle il correspondait depuis trois ans.
Chaque matin à 5 heures, sur ordre de la souveraine, il lui donnait des cours au château.
Un supplice pour le lève-tard qu’il était… et pour ceux qui s’interrogeaient derrière la porte: mais que racontait-il à la reine???
Pour l’aumônier, ces longs conciliabules risquaient de semer le doute dans l’esprit de Christine.

Hasard ou non, le 1er février 1650, le philosophe est pris de fièvre et doit s’aliter.
Son agonie durera onze jours.
Au huitième jour, Descartes réclame un mélange de vin et de tabac, remède connu alors pour lutter contre les méfaits de l’arsenic.
Theodor Ebert pense qu’il avait compris ce qui lui arrivait…
Après le décès du philosophe, le professeur de grec de la reine, Adrien Baillet, écrira dans son journal que « cette mort est bien mystérieuse ».
Le médecin qui l’a soigné a lui aussi tenu des notes troublantes, consignant notamment tous les symptômes « bien différents de ceux d’une pneumonie ».
Parmi eux, un élément surprenant: le sang du patient était jaune…

Viogué, qui a assisté au décès de son compatriote, lui a refusé les Saints-Sacrements.
Et même après sa mort, Descartes n’a pas eu droit au repos.
Enterré à Stockholm, son corps a été réclamé par la France en 1666.
Pendant huit mois, sa dépouille a voyagé… dans une malle.
Durant le trajet, un doigt et un os pla369-t ont été dérobé.
Puis son crâne a été volé, vendu et racheté avant de se retrouver au Musée de l’Homme en 1933… sans aucune garantie que ce soit vraiment celui du Grand Homme.

Une vie brillante… une fin terrible.

Martine Bernier

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