Archive pour la catégorie 'Intimite'

Et là, je réalise…

14 janvier, 2012

Lorsque vous vivez avec un homme qui a eu une longue vie avant vous, une carrière militaire, vous avez beau l’écouter en parler  ou avoir vu des photos, vous ne réalisez pas complètement ce que cela implique.
Jusqu’au jour où…

Aujourd’hui, alors qu’il consultait l’un de ces sites où peuvent vous retrouver les personnes qui vous ont côtoyées par le passé, Celui qui m’accompagne m’a dit:
- J’aimerais te faire lire quelque chose…
Mes lunettes ayant pris la clé des champs, comme à leur habitude, je lui ai demandé de me lire lui-même ce qu’il voulait me faire découvrir.
C’était un message de l’un de ses anciens soldats, qui se souvenait avec émotion des années passées sous ses ordres.
Il se rappelait combien il était craint et apprécié tout à la fois.
Et il le remerciait pour le rôle important et formateur qu’il avait joué dans sa vie, dans sa trajectoire d’homme.

Quand il a eu fini, j’étais émue.

- C’est beau… Craint, toi? Je n’arrive pas à y croire. Tu étais si terrible?
- Hé oui! Il le fallait… nous formions des hommes qui pouvaient aller à la guerre. Il fallait les préparer, les renforcer. Tiens, je n’avais pas vu que l’on pouvait recevoir des messages sur ce site!!!

Il a ouvert la liste des messages.
Elle était interminable.
Ses hommes, ses amis, l’avaient cherché et retrouvé et lui envoyaient des messages.

Je l’ai regardé, mon Capitaine…
J’ai auprès de moi un géant, un « grand escogriffe », comme disait l’un de ses complices, d’une malice et d’une douceur  que j’apprécie tous les jours davantage.
Un homme qui parle peu de lui s’il n’y est pas prié, qui m’a à peine laissé entrevoir ce qu’il a pu apporter aux autres.
Aujourd’hui, je le découvre encore un peu plus à travers ces messages, et ce que je pressentais se confirme.
A travers ceux qui l’ont connu, je perçois la dimension de cet homme qui n’aime pas vraiment parler de lui.
Et là, je réalise…
Je réalise la chance que j’ai.

Martine Bernier

La petite fille et le père perdu

14 octobre, 2011

Lorsqu’une fillette perd son père avant même d’avoir 10 ans, elle ne s’en remet jamais vraiment.
Toute sa vie, même lorsqu’elle a largement dépassé l’âge adulte, le jour anniversaire de ce décès prématuré est difficile.
Toute sa vie, lorsqu’elle aura passé le stade des pourquoi, elle se demandera… et si?
Et si les secours avaient été sur place plus rapidement?
Et si ses collègues avaient su quoi faire?
Et si l’ambulance était arrivée à temps à l’hôpital?
Et….s’il avait vécu?
Comment aurait été notre relation?
Sa présence aurait-elle changé ma vie, aurait-elle modifié mes choix?
Qu’aurait-il pensé de moi?

Un jour, l’enfant devenu grand atteint l’âge que son père avait lors de sa disparition.
Cette année-là est particulièrement difficile.
Elle réalise qu’il était vraiment bien jeune.
Elle se demande si elle va partir, elle aussi…
Et puis le temps passe.
Elle est toujours là.
C’en est presque anormal, indécent.
Et, à chaque anniversaire, elle se dit: c’est étrange, je suis plus vieille que mon père…

Chaque année, elle évite d’en parler.
C’est un peu comme une bulle aux parois épaisses, posée pour l’éternité sur cette case du calendrier.
Le monde a continué, se refermant sur un chagrin que personne n’a jamais consolé vraiment.
Mais la bulle elle, resurgit chaque année.
Et fait rejouer sans cesse, en boucle, le déroulement de ces heures là.
Quand la vie a basculé…
C’est une douleur à vivre seule, elle le sait.
Donc elle avale la boule de larmes qui se forme dans sa gorge et fait comme si…

Et puis, un jour anniversaire, quelqu’un qui la connait très bien arrive avec un bouquet de roses, les lui offre en disant simplement: « je sais que c’est un mauvais jour… »
Ce quelqu’un là, normalement, devrait surtout avoir envie de ne plus la voir, ne devrait même pas se souvenir de la date, et certainement pas avoir envie de lui dire qu’il y pense.
Pourtant, il est bien là.
Et la petite fille qui dort au fond de la femme qu’elle est devenue pleure en silence, en se sentant moins abandonnée.

Il ne faut pas laisser les enfants se remettre seuls d’un chagrin aussi immense.
Il ne faut pas croire qu’ils en guérissent.

Je déteste le 14 octobre.
Mais je remercie la vie qui, si elle m’a joué des tours pendables, a aussi mis sur mon chemin certains êtres lumineux.
Dont un capable de m’apporter les fleurs que je n’ai jamais pu déposer sur la tombe de mon père.

Martine Bernier

Sa façon

3 octobre, 2011

Cette semaine est à nouveau un peu angoissante pour moi.
Ce lundi en fin d’après-midi et vendredi, sensiblement aux mêmes heures, je dois retrouver les spécialistes qui « me suivent ».
Découvrir avec eux si la situation ne s’est pas dégradée, voir si les traitements ont eu un effet ou s’il faut tout revoir à zéro, réajuster, recommencer.
Ce ne sont pas des moments agréables à passer.

Est-ce parce qu’Il sait que j’ai pas mal d’appréhensions que Celui qui m’accompagne m’a offert un week-end particulièrement doux?
A sa façon…
Sa façon est celle d’un homme qui, l’air de ne pas y toucher, écoute la moindre de mes envies et les réalise, dans la mesure du possible.
En deux jours, l’appartement a eu droit à des améliorations le rendant encore plus confortable, plus douillet.
Ses meubles arrivent peu à peu, chaque week-end.
Il laisse toujours un peu plus de lui dans le nid que, bientôt, il ne quittera plus.
Ce que j’appelle pompeusement « nos Jardins Suspendus » ont pris leur visage d’automne, avec des fleurs nouvelles, des couleurs différentes, une harmonie douce.
A tous les niveaux, nous vivons dans cet environnement de verdure qui m’a tellement manqué lorsque j’étais enfant.

Lorsqu’arrive le dimanche soir et que nous savons qu’il partira dans la nuit, nous aimons parler, évoquer nos projets.
C’est l’instant où la semaine s’apprête à basculer en mode « séparation forcée », « cavaliers seuls ».

Mais, même lorsqu’il est loin d’ici, il arrive à semer des graines de soleil.
Des cartes découvertes au milieu du courrier, un appel juste avant que je ne vive les événements les plus marquants, et ses attentions d’homme prévenant qui ne me laissera jamais sans avoir assuré le confort de la semaine.
Tous les hommes ne se ressemblent pas…

Une demi-heure avant mon rendez-vous, il fait une apparition sur Skype.
Juste pour me dire qu’il est là.
C’est Eric qui prend le relais, fidèle ange gardien.
C’est lui aussi qui recueille mes premières impressions après l’examen.
Mitigées.

Je rentre fatiguée.
Celui qui m’accompagne ne tarde pas à me rejoindre et à me parler.
Il est là.
A sa façon…

Martine Bernier

Vie de couple: L’armoire

5 septembre, 2011

Lorsque vous décidez de vous installer en couple, vient fatalement le moment, si l’Homme est le deuxième à intégrer le nid, où il faut affronter l’épreuve de l’armoire.
L’épreuve de l’armoire… épisode ô combien cruel pour toute femme normalement constituée.

Je m’explique.
Nous ne disposons pas toutes des dressings hallucinants des stars hollywoodiennes où des riches héritières.
Bon, soit, nos garde-robes sont rarement aussi fournies que les leurs, mais quand même…
En général, l’armoire ou les deux armoires que nous avons à notre disposition suffisent à peine à accueillir nos précieux chiffons.

Lorsque l’Homme demande, avec tous les ménagements possibles, où il pourra déposer ses quelques hardes, la sonnette, que dis-je: la sirène d’alarme retentit.
La triste réalité nous interpelle: il va falloir prendre les choses en main et faire de la place.

C’est mon cas.
Celui qui m’accompagne, très au fait de la psychologie féminine, a adopté une tactique tout en douceur.
Au fil des mois passés ensemble sans habiter tout le temps sous le même toit, il a apporté ses affaires par petites doses.
L’époque est révolue où l’Homme ne possédait que la peau de bête qu’il avait sur le dos, fruit de sa chasse et taillée de ses blanches mains.
Aujourd’hui, même sans être un dandy anglais, il a lui aussi besoin de place.

Dans un premier temps, à force de gros efforts et de sacrifices indescriptibles, j’ai réussi à lui dégager deux tiroirs, un rayon et demi et une demi penderie.
Pour lui tout seul.
Si, si.
A quelques semaines de son installation définitive, il a bien fallu que je me rende à la raison: il a besoin de davantage d’espace pour se sentir à l’aise, même s’il ne s’en plaint pas.

De retour au nid, j’ai donc décidé de consacrer deux heures à « faire le tri ».
Un travail herculéen, mais nécessaire.
Première étape, vider totalement un rayonnage supplémentaire et y déposer religieusement ses vêtements, avec interdiction de revenir en arrière et de récupérer la place gagnée de haute lutte.
Deuxième étape, considérer d’un oeil torve le tas de tissu désormais SDF.
Troisième étape, lutter contre la dépression galopante et prendre chaque pièce une à une pour un tri draconien.

Plus de deux heures plus tard, la place était nette.
Celui qui m’accompagne va faire l’effort de tout laisser derrière lui pour me rejoindre ici où une autre vie l’attend.
Vu sa taille, sa carrure et la taille de son coeur, il a largement mérité plus de la moitié de l’espace du nid.

Martine Bernier

Long, deux semaines?

1 avril, 2011

Quand Il rit, il semble avoir trente ans.
Son visage s’illumine, ses yeux pétillent.
Celui qui m’accompagne est quelqu’un de joyeux.
Comme tout le monde ou presque, Il aurait pourtant quelques raisons de ne pas l’être, mais, lorsque nous nous retrouvons, notre complicité provoque souvent des moments légers et drôles.

Pour la deuxième fois depuis que nous nous connaissons, Lui et moi sommes séparés pour deux semaines.
Heureusement, Skype est là, providence pour ceux qui vivent éloignés les uns des autres.
Nos conversations tournent beaucoup autour du déménagement qui s’approche, et des mille détails qui l’entourent.
Plus le temps passe, plus j’apprécie l’homme qu’il est.
Franc, responsable, surprenant, d’une générosité rare.
Je redécouvre le bonheur de vivre avec quelqu’un qui tient ses promesses.
Dans cette bulle de bonheur qu’il me construit jour après jour, je le regarde.

J’avais peur de vivre avec un homme qui a derrière lui une importante carrière d’officier.
Un militaire… je le craignais rigide, autoritaire.
Et je le découvre pétri d’humour, personnalité complexe présentant mille facettes, toutes reliées à deux point centraux: l’honnêteté et la prévenance.
Il rit de ses défauts, me taquine sur mes révoltes, me rassure.
Il s’étonne de certaines de mes phrases, me retrouve avec un soulagement émouvant, prépare notre nouveau nid.
Ses réactions d’homme me déconcertent parfois.
Mes réactions de femme lui donne l’impression de vivre avec un OVNI, de temps en temps.
Nous mêlons nos deux mondes, nos éducations un peu différentes, tournant autour des mêmes valeurs.
Il me réapprend à avoir confiance.
Tout ce qu’un dangereux irresponsable a brisé en moi, il le soigne, depuis des mois, en prenant son temps.
IL me reconstruit un monde.

Ce week-end où il ne sera pas là sera rempli, autant pour lui que pour moi.
Janick, ma complice, le passera avec moi, au-milieu des cartons qu’Eric nous aidera à continuer.
A deux heures d’ici, Celui qui m’accompagne sait que je prendrai possession du nouveau nid, et attend son retour pour m’y accompagner.

Ma vie navigue en eau claire depuis qu’il l’a investie.
Dans une semaine, il sera de retour.

Martine Bernier

Le grand chambardement

16 septembre, 2010

J’ai toujours eu la violence en horreur, sous toutes ses formes.
Dans l’Histoire, les faits d’armes me glacent ou m’indiffèrent.
Je n’aime pas les conquérants.
Les défilés militaires ne m’émeuvent pas.
La musique de ce type encore moins.
Les armes me répugnent.

C’est dire si je m’attendais à voir un jour un soldat débarquer dans ma vie et bivouaquer au bord de mon coeur.
Un officier, en prime…
Un grand chambardement, pour moi.

Depuis qu’Il a accordé son pas sur le mien, j’ai l’impression que, à travers Lui, la vie me contraint à revoir ma position, à réfléchir différemment, plus en profondeur, en prenant en compte des facteurs que je ne connaissais pas.
Je le regarde vivre, je l’interroge, je l’écoute beaucoup…
J’apprends…
Pour la première fois, j’ai devant moi un homme qui s’est trouvé sur les sites de conflits internationaux, qui a été exposé.
Il n’en parle que s’il est questionné, et toujours de manière posée.
Il me raconte, m’explique, ne cherche à me convaincre de rien, minimise, me dit que c’est une période oubliée de son existence.
Et pourtant si proche…
Quand il n’est pas là, je regarde les photos qu’il a conservées de sa vie en kaki.
Et j’essaie de comprendre…
Comment vit-on des situations aussi extrêmes, aussi anormales?
Comment gère-t-on la peur, la sienne et celle des autres, celle des civils sur lesquels des ombres tirent dès qu’ils sortent chercher le pain?
Comment supporte-t-on la violence, l’agression, les routes minées, les tirs, les explosions?
Pourquoi choisit-on la voie d’une carrière militaire?
Pourquoi s’engage-t-on, accepte-t-on de se mettre en danger pour protéger la vie des autres?

Il me parle avec ses mots d’homme.

Nos univers sont très différents, mais nos valeurs sont les mêmes.
Entre nous, le dialogue est essentiel, vital, même…

En l’écoutant, je découvre le quotidien des Casques Bleus.
Le ressenti de ces soldats de la Paix, à travers l’un des leurs.
Il ne tombe jamais ni dans le pathos, ni dans l’exagération.
Il utilise des mots ancrés dans une réalité dénuée de romanesque.
Ses médailles, il ne me les a montrées que parce que je le lui ai demandé.
Il n’y attache aucune importance.
Il me dépeint les situations dans leur contexte, s’attarde sur l’aspect politique, primordial, m’explique le fonctionnement de l’Armée, l’importance de la formation, de la maîtrise de soi.
Son regard est lucide, toujours.

Oui, j’apprends…

En le regardant m’entourer comme il le fait, je réalise que ces hommes en treillis ne se limitent heureusement pas à leur profession.
Nous sommes loin des Rambos déchaînés, caricaturés, que l’on voit sous les traits d’un Stallone.
Nous sommes dans l’humain, simplement.

Celui qui m’accompagne est, à mon égard, d’une douceur extrême.
Mais je sais qu’il est doté d’une personnalité forte et volontaire.
Avec lui, le courage n’est pas une notion abstraite.
Je m’en aperçois chaque jour.
Cela me change de ce que j’ai vécu…

Il a posé les armes pour réintégrer la vie civile.
Mais à sa façon de s’engager dans l’existence, de prendre chaque jour à bras le corps, je sais qu’il restera toujours un combattant.
Réfléchi, calme, fiable et paisible, mais combattant quand même dans sa manière de ne jamais laisser la vie lui imposer sa loi.

Martine Bernier

Nuage noir

12 décembre, 2009

Quel est ce nuage, quel est ce brouillard qui isolent en ce moment mon Bon Géant de ceux auxquels il tient?
Lui qui vit si loin de moi semble avoir momentanément lâché le fil d’Ariane qui le guidait à travers les embûches.
Et le voilà comme un enfant perdu, au milieu d’un monde qu’il ne comprend plus bien, d’événements qui le heurtent.
Et moi, je suis ici, à regarder l’image de son regard d’argent, à attendre qu’il renoue le lien, qu’il revienne sur le chemin.
L’absence physique me pèse.
Quand je n’allais plus bien du tout, il m’arrivait d’aller poser ma tête sur son épaule, comme je l’ai fait avec tous ceux et celles de mon Triangle d’Or.
Avec lui, il y a un lien étrange.
Le Frère.

J’enrage d’être loin, j’enrage d’être impuissante.
Il a les mêmes réactions que moi lorsque je vais mal.
Je les comprends…. mais comment les accepter?
Il est entouré d’amour, de tendresse.
Mais il vit en funambule dans un monde qu’il ne comprend pas toujours.
Un funambule étonnant, en perte d’équilibre.
Lui aussi est un mélange de force et de faiblesse.
Une sensibilité extrême qui le pousse à se protéger.
Comme ils se ressemblent, lui et son ami…

Il a en lui des dons qui lui font peur.
Il ne croit pas en ses talents, les utilisent rarement.
Cherche l’étincelle qui le poussera à s’arrimer davantage à cette Terre.
Cherche la lumière… en oubliant que l’interrupteur est à portée de sa main.

Cherche le chemin sans retrouver son sens de l’orientation.
Et moi, je ne peux rien faire, si ce n’est lui dire « je suis là… appelle-moi… »

Martine Bernier 

 

« Je te lis… »

1 décembre, 2009

Lorsque quelqu’un me dit qu’il me lit et qu’il est touché par mes textes, je suis toujours à la fois émue et perplexe.
Ces derniers temps, c’est arrivé souvent.
Et j’ai été particulièrement marquée par la réaction d’un homme qui fait désormais partie de ceux à qui je parle tous les jours.
Il m’a confié aujourd’hui avoir lu l’entièreté du contenu d’Ecriplume… quatre fois.
Et il a survécu!
Lorsqu’il exprime ce qu’il ressent en me lisant, je reste le plus souvent interdite.

« Je te lis… J’ai l’impression de me lire, de mettre des mots sur ce que je ressens moi même. »

Je lui dédie ce texte.

J’ai souvent réfléchi à ce que l’on me dit au sujet de ce que j’écris et de ma façon de le faire.
Mais en me confiant ce qu’il m’a dit là, cet homme a exprimé une vérité toute simple.
Je pense profondément que ce que je ressens, l’immense majorité d’entre nous le ressent aussi, à un moment ou à un autre.
Et c’est pour cette raison, je crois, que ces textes peuvent toucher.

Face à un être qui vous trahit, qui vous détruit après vous avoir fait croire au paradis, face au chagrin, face à l’absence, face à la cruauté, à l’indifférence, nous vivons tous la même souffrance, à un degré plus ou moins prononcé.
Nous ressentons tous les mêmes colères, les mêmes bonheurs, les mêmes émerveillements, la même mélancolie, les mêmes amusements, les mêmes peurs, les mêmes espoirs à un moment ou à un autre de nos vies.
Nous avons simplement chacun une façon différente de l’exprimer, de nous blinder ou non.
Certains frappent, d’autres crient, d’autres encore se murent dans le silence.
Moi, j’écris.

Et lorsque je réalise que mes mots sont comme des papillons qui vont se poser ailleurs, je suis touchée.

De cette journée mosaïque, je pourrais extraire un inventaire à la Prévert…
Comme si j’ouvrais un grand coffre en bois, et que j’en tirais… un ami cher qui m’annonce sa visite et que je n’ai plus revu depuis des mois, un nuage noir, une géode brillante, une lettre inquiétante, une proposition professionnelle, un souffle très froid, des mots en pagaille, une vague sur le lac, un ciel gris, une orchidée qui attire mon regard, les mots d’un homme profondément sensible qui se cache (de moins en moins: il progresse!) sous une coquille d’humour douteux, la photo d’un chiot qui m’attendrit déjà, le rire de mon amie qui me dit que je suis insupportable, un plan de Paris, le mal-être de quelqu’un que j’aime et dont chaque geste, chaque mot est condamné, un Père Noël aux joues rebondies, une liste d’emplettes réalisée avec application… et que j’oublierai encore sur un coin de mon bureau le moment venu, un mail parti à une mauvaise adresse et un coup de poignard au coeur, un sourire en passant, un mail bouleversant et inattendu, une photo de Scotty, un kaki trop mûr, une goutte de sang sur ma main.

Martine Bernier

Lui (bis)

12 novembre, 2009

J’ai laissé passer trois jours. Parce que j’ai pensé que « cela se calmerait ».
Mais le texte s’intitulant « Lui » a suscité tellement de commentaires et surtout tellement de messages personnels venus se nicher dans ma boîte email, sur facebook et ailleurs, que j’ai décidé de donner une suite.

Jamais aucun des articles diffusés sur ce blog n’a été autant lu et n’a attiré un tel nombre de visiteurs et de retours écrits.
Et cela continue encore aujourd’hui.
J’en suis à  la fois très touchée et très surprise.

Pourquoi a-t-il suscité autant de réactions, de questions?
Pourquoi tant de personnes cherchent-elles à  connaître l’identité de celui dont je parle?
Pourquoi tant d’hommes m’ont-ils écrit en me disant avoir été profondément touchés par mes mots?

Je pensais ne pas y revenir, jusqu’à ce que l’un d’eux me dise, ce matin: « Si vous voulez vraiment une synergie entre vos lecteurs et vous, vous ne pouvez pas laisser tout ce courrier, tous ces commentaires sans réponse. »

Sans doute a-t-il raison.

Je peux répondre à certaines questions, pas à d’autres trop intimes.

Plusieurs  se rapportent à  Alain.
Sa façon d’être , son attitude, continuent à  me labourer le coeur.
La nausée ne m’a pas quittée.
Et non, mille fois non: il n’est pas « Lui ».
Il me semblait d’ailleurs qu’une phrase dans le texte ne laissait pas d’équivoque…

« Comment « Lui » a-t-il réagi à  l’article? » Bien!
Au moment où je l’écrivais, je lui ai demandé s’il serait gêné que je le fasse.
Il a plaisanté, me donnant une bénédiction de principe, sans chercher à  avoir un droit de regard.
Lorsque j’ai édité le texte sur Ecriplume, je lui ai proposé de le retirer s’il se sentait mal à  l’aise.
Il a refusé au nom de la Sacro Sainte liberté d’expression! Mais, après l’avoir lu, il m’a adressé un très beau message.
Plus tard, oralement, il m’a dit avoir aimé.
Vous ne m’en voudrez pas de passer les détails.

A ceux qui veulent « en savoir plus »… que dire?

Comme je le confiais à  un proche, j’adore les oiseaux en général, et les goélands en particulier.
J’aime, lorsque je suis au bord de la mer, m’asseoir sur un rocher et ne plus bouger pour les laisser venir.
Cela peut durer très longtemps…
Mais il y a toujours un moment où l’un d’eux vient se poser, tout près de moi, presque à  me toucher.
Il reste là , simplement.
Je retiens mon souffle à chaque fois.
On n’apprivoise pas les goélands, on les laisse se poser là  où ils en ont envie.
Et surtout… on ne les assomme pas de mots…
J’écris sans doute déjà  trop.

Pour moi, Il est comme un oiseau.

Il m’arrive de me demander comment il fait pour tenir debout.
Car il vit debout, pas à genoux.
Et c’est fou ce que nous sommes doués, lui comme moi, pour faire bonne figure même quand tout va mal.

Je ne l’ai jamais entendu se plaindre.
Il assume ses actes.
C’est un homme de parole, un homme qui pense et qui agit.
Il affronte la réalité, ne fuit pas. J’appelle cela du courage.
Quand son regard se pose quelque part, il ne fait pas que regarder, il voit.
Il a l’esprit ouvert, clair, sans orgueil mal placé ou d’ego démesuré.
C’est un être solaire.
Solide et fragile.
Le temps, trop rare, que je passe avec lui n’est jamais du temps perdu, du temps banal.
C’est du temps choisi.

Certains me demandent s’Il réagira au texte sur le blog.
Mais… il a réagi.
Ecrira-t-il un commentaire?
Je l’ignore et ne peux répondre à  sa place.
Il sait qu’il peut faire ce qui lui plaît.
Il est ici chez lui. Comme toute personne qui passe sur Ecriplume.
Mais il a bien d’autres préoccupations autrement plus importantes, et je doute que celle-ci fasse partie de ses priorités.

Enfin, comme cela m’a été demandé: non, ce n’est pas la première fois que j’écrivais sur lui.
Pour toutes les autres questions, je dirai simplement que ce texte se suffit, selon moi, à  lui-même.
Ne me demandez pas de l’enfermer dans un carcan de mots…

Martine Bernier

Lui

9 novembre, 2009

Il m’a dit un jour qu’il était difficilement cernable.
Je lui ai répondu que je n’avais pas l’âme du pourfendeur de Fort Apache.
Depuis, nous nous parlons.
Simplement.

Il lui est arrivé de me mettre un mot exactement dans des moments où j’avais vraiment besoin d’un bout de soleil.
Il ne le savait pas vraiment.
Il l’avait juste senti, sans doute.
Je n’ai jamais rien dit, mais dans ces moments-là, il a un peu fait bouger les nuages.

Je suis là pour lui comme je sens parfois qu’il l’est pour moi.
Oui, simplement.
Sans mots superflus.
Dans la mesure du possible.
Dans les situations les plus dures de sa vie, je le regarde réagir.
J’ai le coeur serré pour lui.
J’essaie de l’aider comme je peux.
On peut me dire de lui ce que l’on veut, je sais aujourd’hui qu’il est droit, honnête, il a du cran.
Un homme, tout bêtement.
Cela me change d’Alain.

Il me ressemble par certains côtés.
Un peu sauvage et pourtant si sociable.
Apparemment tout facile et pourtant si compliqué.
Soit disant transparent et pourtant si secret.

Il dit qu’il ne parle pas, mais il se confie à demi-mot, infiniment pudique.
Sans chichis.
Et puis il a ce regard, ce sourire lumineux qui rendent tout plus clair.
Je me pose près de lui quand j’ai envie de respirer.
En respirant tout doucement d’ailleurs, de crainte de le voir s’envoler.
J’aime les jours où un mot de lui arrive sur ma messagerie.
J’aime quand mon téléphone sonne et qu’il est là.
Il est loin.
Mais j’aime savoir qu’il existe quelque part.
Simplement.

M.B.

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