Archive pour la catégorie 'Intimite'

Partir, c’est mourir un peu

22 février, 2009

Hier, quelqu’un m’a dit, en soupirant, pensant à mon départ imminent de la Suisse:
« Tu as un courage que j’aurais tellement voulu avoir… Mais tu comprends.. partir, c’est mourir un peu… Je n’y arrive pas. »

C’était bien le jour pour me dire une phrase pareille, tiens.
Dans le genre: je te remonte le moral à grands coups de massue sur la tête, c’était tout à fait parfait.

On me demande beaucoup ce que je ressens en ce moment.

Au moment où j’ai commencé à ranger mes livres dans des cartons, à partager nos souvenirs avec l’homme avec lequel j’ai vécu pendant 16 ans et que je connais depuis bien plus longtemps encore, j’ai de gros moments bien difficiles.
Je ne pars pas sur un conflit.
Nous nous aimons différemment, mais nous tenons encore infiniment l’un à l’autre.
Alors oui.. c’est dur.
Même si je sais que le contact ne se coupera pas, si les liens seront préservés.
Même si nous allons entrer dans une relation différente où l’amitié et la tendresse prendront la place de l’amour endormi.
Il est essentiel à ma vie.

Je réfléchis depuis des mois à ce que je vais faire.
Je dois avoir une tare congénitale: je sais depuis un matin d’octobre, alors que j’avais 9 ans, que la vie est très courte et très fragile.
Je sais aussi que je ne voudrais pas d’une vie d’habitudes, d’une vie un peu fade.
Et, surtout, je crois profondément qu’il ne faut pas s’enliser dans une situation, ne pas mélanger les sentiments.
Ne pas rester par peur, par habitude, par crainte de partir.

Je m’explique.
Lorsque l’amour vous tombe dessus comme un météore, c’est un cadeau d’autant plus beau et intense qu’il est inattendu.
Tout change… c’est un peu comme si quelqu’un avait rallumé la lumière sur votre vie.
Vous vous remettez à exister, à vibrer, à être profondément heureux, tout simplement.
Lorsque, auprès de la personne que vous aimez, vous connaissez ces moments magiques où chaque geste du quotidien devient précieux, où vous n’arrivez pas à vous passer de lui ou d’elle, je crois qu’il y a un moment où il faut assumer.
Quoi qu’il en coûte.
Par honnêteté vis-à-vis de chacun.
Parce qu’il ne suffit pas de « dire »… il faut « faire » pour que cela ait du sens,.

Mentir est une chose horrible, pour tout le monde.
Pour soi-même d’abord. Devoir le faire m’a physiquement brisée.
Pour l’Autre, qui subit une trahison et qui aurait mille fois mieux compris que les choses soient expliquées, dites, dès le début.
Pour l’entourage, qui découvre un jour que celle ou celui que l’on croyait limpide, est capable de dissimuler un lourd secret pendant des années.
Pour l’Elu, enfin, qui est en droit de se demander si les mots qu’il reçoit reposent réellement sur un sentiment fort.. puisque je le cache aux yeux du monde.

« Partir, c’est mourir un peu… »
Je ne sais pas…
Partir fait très mal, oui, surtout lorsque l’on quitte absolument tout: son conjoint, ses enfants (adultes!), ses amis, son travail, son pays, ses habitudes…

Mais, en y réfléchissant.. non, partir, ce n’est pas mourir un peu.
Parce que lorsque l’on part, c’est pour une bonne raison.
Peut-être vais-je « mourir un peu » dans quelques jours, mon coeur me fera très mal, mais je renaîtrai aussi à une autre vie.

Je vais le rejoindre.
Son rire, sa gravité, sa douceur, son regard, sa culture, notre complicité tendre et joyeuse, ces mille et un petits riens qui le rendent unique à mes yeux..

En partant ainsi, je lui dis, à ma manière: « Tu vois, tu vaux la peine… cette fois, j’ai choisi. »
J’aurai mal, oui. Mais je me sentirai en harmonie avec moi-même.
Je lui donne la place qui lui revient.
Enfin.

Martine Bernier

les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 6. Le courage.

21 février, 2009

Depuis que le monde est monde semble-t-il, une phrase circule, qui ressort régulièrement:
« Les femmes sont fortes et les hommes manquent de courage ».
Pour moi, c’est la maxime qui fâche. Celle qui doit rejoindre les phrases et les mots interdits, dans le placard.
Elle est prononcée de plusieurs façons différentes, selon l’humeur de celle (plus souvent celle que celui, hé oui!) qui l’utilise.
- En soupirant ou en gémissant, comme sous le poids d’une fatalité écrasante.
- Sur un ton furieux, comme si tous ceux qui entraient dans ce schéma méritaient d’être occis.
- En souriant d’un air condescendant… « hé oui, que voulez-vous, ils sont comme cela, mais on les aime quand même… »

D’une façon comme d’une autre, la phrase m’énerve.
Quand je le dis, j’ai droit à: « Mais c’est vrai! Cela se vérifie! »

Evidemment que cela se vérifie forcément une fois ou l’autre! Tout homme et toute femme, tout sexe confondu, a l’occasion au moins une fois dans son existence de vivre une situation face à laquelle il ou elle réagira avec plus ou moins de force.
Cela ne veut pas dire que tous les hommes sont… et toutes les femmes sont… et gnagnagna, comme il dirait.

Ou alors, le monde entier a raison dans ce cas, et j’ai tort.
Mais je suis convaincue que chaque personnalité est différente, que certaines sont plus solides que d’autres auxquelles il faut plus de temps pour réagir, pour affronter les événements.
Quand une personne réagit vite et une autre plus lentement, la première risque en effet, par impatience, de trouver que l’autre manque de courage.
C’est une conclusion si facile à atteindre…

Je le regarde, et j’apprends.
Nous fonctionnons de façon différente, c’est certain, même si nous nous ressemblons énormément.
Je ne pense pas que ce soit lié à nos sexes respectifs, mais à nos caractères, à nos vécus, à mille détails qui font qu’il est lui et que je suis moi.
Il est l’eau, je suis le feu… et il ne m’éteint pas.
Il me faut moins de temps que lui pour assumer certaines choses.
Mais devant de nombreuses situations, c’est lui qui trouve les solutions, qui prend les problèmes à bras le corps.
Il dompte le côté concret de la vie, trouve des solutions pratiques à tout, est toujours là où je l’attends, fidèle, quel que soit son état.
Je maîtrise l’invisible, je brise les murs, je réinvente la vie, je crée des ponts, il les construit.
Il est comme un athlète: il a besoin de se reposer et de reprendre des forces entre deux épreuves.
Je suis comme un oiseau migrateur: je ne m’arrête de voler que lorsque je suis épuisée.
Mais… nous arrivons au même endroit. Simplement pas toujours au même moment…

Son courage se révèle à travers des dizaines de décisions, d’interventions et de gestes quotidiens.
Un courage tranquille, empreint d’amour.
Le courage se mesure à l’aulne de la difficulté et de la douleur qu’implique une décision.
Les gestes de courage ne se comparent pas.

J’apprends…
Je regarde son combat, ses combats. Sa façon de se battre contre lui-même, de tenir compte de moi dans ses décisions, de rassembler ses forces à chaque étape pour avancer encore et encore, pour s’engager…
Son courage, je l’admire.

Le mien est plus spectaculaire… mais pas plus important. J’ai trop besoin d’harmonie pour supporter les situations peu claires.
Donc je réagis en conséquences.
Pourtant, la fameuse phrase gnagnagnante ne me concerne pas non plus.
Je ne suis pas forte: je me tais simplement quand j’ai mal. Et je pleure souvent quand je suis seule.
Ma chienne, peut en témoigner, elle qui me regarde exprimer mon chagrin l’air compatissant, les oreilles en arrière, me prenant visiblement pour un animal attardé qui aurait bien besoin d’un vétérinaire.

Parfois, lorsque nous parlons des décisions que nous devrons encore prendre pour assurer notre avenir, il arrive que nous nous fassions mal sans le vouloir.
Chacun de notre côté, même si nous ne nous quittons jamais sans tendresse, nous en souffrons.
Des messages partent alors dans la nuit:
« je ne dors pas, notre conversation me tourmente… je t’aime… »
« je ne dors pas non plus, mal aussi. Je vais trop vite… pardonne-moi… je t’aime… »

Puis nous en reparlons, nous nous posons et nous repartons, mieux armés pour la suite.
C’est ainsi que nous fonctionnons.
En principe, ce genre de micro crise fait office de prise de conscience, des deux côtés, et nous permet d’avancer mieux, en tenant davantage encore compte de l’autre.

« La femme est forte, l’homme manque de courage… »
Envie de lui tordre le cou, à cette petite phrase-là.
On ne peut pas tordre le cou aux mots.
En revanche – sourire béat – on peut envisager de scalper celles ou ceux qui les prononcent!

Martine Bernier

La maison de Prévert (version Alain)

20 février, 2009

Il se mérite cet endroit. Au bout du Cotentin, un peu isolé, encore sauvage et calme.
On y arrive en se garant près de l’église. Un petit tour au cimetière, Prévert est là avec sa femme et sa fille, trois tombes identiques avec les lettres peintes en vert comme écrites avec un pinceau géant. Juste derrière, la tombe d’Alexandre Trauner, célèbre décorateur de cinéma, ami fidèle jusque là, au point de ne pas se séparer dans la mort. Une dernière magnifique preuve de fidélité et d’amitié.

Pour aller à la maison, il faut monter une petite route à pied. Nous avons pris notre temps, profitant du bruit de l’eau, des plantes bizarres, en nous demandant ce qui nous attend.
Enfin, un bruit de basse-cour, et à côté, au fond d’un jardin simple, cette petite bicoque.
M. Prévert est-il là ? Avec son éternel mégot au coin des lèvres, son imper et son chapeau mou ?
Non, bien sûr…Quel dommage.
Une jeune guide arrive, nous regarde avec un petit sourire. Voir un couple de jeunes amoureux qui l’attendent, elle a l’air surprise et amusée.
Elle ouvre les volets, puis les portes de la maison. Comme d’habitude nous laissons passer le « troupeau » des touristes pressés, vous savez ceux qui veulent tenir un planning, tout voir, vite.

Ils filent tous à droite, comme indiqué par la jeune guide, dans une salle où un film est projeté. Nous sommes des rebelles ! Donc nous allons à gauche où nous attend une exposition de dessins sur l’œuvre de Prévert. Un peu décevante cette maison, pour l’instant. J’ouvre la porte de l’arrière-cuisine, et nous tombons sur la statue du nain à cheval sur la tortue, un détail qui amuse Martine…
Vient l’étage, la seule pièce meublée, une grande table où Prévert faisait ces collages. Un fauteuil, un téléphone avec accroché au mur les numéros des proches, des gens à rappeler.
C’est la seule pièce où on peut sentir un peu le poète…bien maigre.

Nous sortons de la maison et prenons un sentier pour éviter la route. Nous longeons un ruisseau, nous sommes bien, un peu isolés du monde, un vrai couple de sauvages !

En retournant au parking je ne peux m’empêcher d’aller lui dire au-revoir au poète, à cet orfèvre des mots. Lui qui me mettait des musiques en têtes, le bruit de l’œuf sur le comptoir de zinc, Barbara, l’amiral…

La prochaine fois, si je reviens dans la région, je viendrai vous dire un petit bonjour Monsieur Prévert, j’ai compris que l’endroit que j’aime est auprès de vous et pas votre maison.

Alain

La maison de Prévert

20 février, 2009

reizmaisonprevert2.jpg

C’était en août 2008.
Il m’avait emmenée dans le Cotentin.
Un matin, nous sommes partis vers un lieu qu’il avait cherché pour nous, et qui a été l’un des très beaux moments de notre séjour: la Maison de Prévert, à Omonville-La-Petite.
Elle se trouve à quelques kilomètres de la côte. La mer est belle de ce côté-là de la Normandie…
En garant la voiture vers l’église où commence la promenade vers la maison, nous avons été voir la tombe du poète.
Elle est comme il fut: originale et joyeuse… Une tombe presque souriante…

Sous un soleil estampillée « été en Normandie », nous avons entamé la balade vers la demeure.
Une promenade bucolique à souhait, avec lui… tendre et léger…
Autour de nous, les plantes étaient énormes, exotiques, ou plus classiques.
Il n’y avait personne lorsque nous sommes arrivés, à l’exception de deux coqs, qui s’époumonaient.

Les gens sont arrivés peu à peu, tous, sans doute, amoureux du jongleur de mots, désireux d’en connaître davantage sur sa vie, sur cette maison où il a vécu.
En entrant, après avoir pris les billets, tous sont docilement partis à droite, dans la pièce où un film était diffusé sur la vie de Prévert.
Sauf nous: nous sommes allés à gauche pour pouvoir faire la visite seuls, en paix.
La maison est jolie, bien que son contenu soit minimaliste.
Mais il y a eu un moment que j’ai adoré.
Dans l’une des pièces, une porte donnait sur le jardin, avec une annotation piquante priant le quidam d’aller y jeter un oeil pour y découvrir le nain de jardin.
Il a ouvert la porte.
Et derrière, au lieu d’un classique Simplet Blanche-Neigien, il y avait la statue d’un personnage délicieux, nu, nain et dodu, assis sur une tortue.
Le tout dans une cour minuscule.
C’était inattendu et amusant.

Quand la visite a été terminée, nous sommes retournés à la voiture en suivant le chemin sous les arbres.
C’était un moment délicieux… un bonheur pur, main dans la main, sur un sentier qui sentait bon et qui nous a ramenés devant le cimetière.
Prévert y dort, dans une tombe colorée, que nous avons vue fleurie et éclaboussée de soleil…

Martine Bernier

Histoire de France expliquée à Martine, épisode 2, le débarquement de Normandie.

19 février, 2009

Alors là, gros morceau. J’ai toujours adoré cette période de l’histoire. Peut être parce que certain membres de ma famille l’ont vécue, soit, comme la grande majorité des français en spectateurs apeurés, soit, comme d’autres beaucoup plus rares, dans une résistance qui les a menés dans des camps qui n’étaient pas vraiment de vacances et dont ils sont revenus dans un état proche de la fin. Mais c’est une autre histoire…

Revenons au débarquement. Donc, dans nos voyages, nous nous sommes retrouvés du côté de Caen. Petit détour par Pegasus Bridge et par un petit café à l’entrée du Pont. On peut voir « Première maison libérée de France « . Une toute petite maison qu’il faut imaginer le soir du 5 juin 1944, dans un secteur archi protégé. Et d’un coup une nuée de planeurs arrivent, chargés de soldats dont la mission est de tenir le pont. Ces braves gens se retrouvent en quelques secondes propriétaires d’un monument historique !

J’expliquais tout ça à Martine, nous entrons dans la maison, toute petite, couverte de photos de lettres illustres. Malheureusement la fille du propriétaire de l’époque n’est pas là. Cette dame a une prestance qui dénote avec la modestie des lieux, et elle sait maintenir le souvenir de cet endroit.

Quelques kilomètres plus loin, un autre lieu qui a surpris Martine, Sainte Mère l’Eglise.
Au clocher de ce village, pendouille un mannequin habillé en parachutiste américain.

Keksekessa ? Me disent les yeux de Martine (elle ne dirait jamais une chose pareille).

Hé bien, au débarquement, les alliés ont envoyés des milliers de parachutistes en avant-poste. Là encore, à l’époque c’était un peu du sport. Ils sautaient de nuit dans une zone qui avait été préalablement inondée par les Allemands. Nombreux de ces malheureux périrent noyés sous le poids de leur matériel sans combattre.
Pour préparer le terrain, des éclaireurs sautaient en premier pour baliser les zones d’atterrissage. Avec le vent, l’eau et le reste, ce balisage a été plus qu’approximatif.
Ce soir là, manque de chance, un incendie éclate au centre ville de Sainte Mère, les braves parachutistes sont parachutés et prennent la lueur d e l’incendie pour la balise. L’un d’entre eux atterrie sur le clocher de l’église et va assister à cet événement pendu en se faisant tirer dessus. En souvenir de cela, ce mannequin a été placé là.

Nous continuons notre balade, bien sur il y a les plages, le plus curieux est de trouver des monuments dressés là souvent par des troupes du Génie, la copie de la statue d’une place de Londres ou d’autres choses.

En remontant le long du Cotentin, j’ai eu l’idée de l’emmener visiter la maison de Prévert. Je lui laisse le plaisir d’en parler, je commenterai ensuite. J’adore Prévert et je dois confier sans dévoiler le sujet que le cimetière m’a plus touché que la maison.

Alain

Les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 4. Le jeune homme au chapeau melon.

17 février, 2009

Un soir, une série de photos est apparue sur son profil Facebook.
Une fête, dans une cave décorée.
L’une d’elles a attiré mon attention.
Une énorme roue de charrette ornée d’une guirlande, fixée sur le mur du fond.
A un grand bar en bois recouvert de bouteilles de sangria et de verres, est accoudé un jeune homme habillé de vêtements clairs.
Jusque-là: normal.
Derrière le bar, un autre jeune homme, beaucoup plus étonnant.
Il porte une combinaison verte sortie d’un autre âge, un noeud papillon noué autour de son cou nu, et un chapeau melon.
Il a surtout un visage énigmatique assez fascinant.

Il m’a fallu quelques instants avant de réaliser que ce jeune homme, c’est celui que j’aime.
Moralité, a 21 ou 22 ans, il m’aurait autant plu qu’aujourd’hui.
En regardant la photo, je suis attendrie, touchée de voir l’homme en formation qui fixe l’objectif.
Emue, je le lui dis.
L’air de ne pas y toucher, il me glisse: « hum… beau peut-être, mais aucun succès féminin à l’horizon à cette époque! »

C’est idiot.
En l’écoutant, j’ai eu un pincement au coeur.
Et je me dis que ce pincement, sous sa carapace de solide gaillard, il a dû le ressentir aussi, ces années-là…

Qu’elles sont difficiles, ces années de jeunesse où la plupart des garçons comme des filles, incertains de ce qu’ils sont, ne savent pas trop comment se comporter, ignorent s’ils plairont, attendent de l’Autre ou des Autres qu’il ou elle les rassure, les révèle à eux-mêmes, leur fasse découvrir ce qui leur était jusqu’alors inaccessible.
« L’impression d »être un moine qui découvre le monde », me dit-il ce matin…

A 20 ans, souvent, les filles vont vers les papillons. Ceux qui brillent le plus, qui dansent dans la lumière, qui rient très fort pour cacher leurs angoisses, qui parlent vite pour ne pas laisser à l’Autre le temps de penser…
Et, au-milieu de ces hordes de papillons dorés, il y en a d’autres.
Vous savez, ces papillons dont on ne remarque la beauté des ailes, des dessins, des couleurs, qu’en les retournant, en les approchant de tout près.
Il faut s’attarder pour les voir vraiment…

Le jeune homme au chapeau boule était déjà comme cela.
Je pense qu’il devait déjà être très drôle, comme il l’est aujourd’hui, très fin et intelligent, mais aussi capable de bons gros délires entre garçons.
Avec les filles, je l’imagine désarmé, moins sûr de lui, intrigué sans doute… ne sachant pas trop comment se donner contenance et répondre aux attentes…
Ayant beaucoup à donner, mais ne sachant comment l’offrir.
Je le sais… il m’a un jour offert les textes qu’il a écrit à cette époque, en secret.
Des merveilles…

Si ce n’est pas toujours facile d’être une femme, je crois qu’être un homme, à cette période précise de la vie, est encore plus ardu.
Une fois qu’ils ont trouvé une conquête possible, ils doivent plaire, séduire, correspondre à l’image souvent naïve et idéalisée que la demoiselle a encore de l’Homme, en face d’eux.
Hier ils étaient ados, et les voilà catapultés Princes Charmants.

Mon Grand Homme au chapeau melon avait déjà vécu des choses difficiles, à 22 ans.
Il avait déjà été blessé, déçu.
Il est sensible, profond… un peu solitaire et pourtant tellement sociable.
Tout un mélange de qualités qui ne saute pas aux yeux des jeunes femmes de cet âge au premier abord.

J’ai un pincement au coeur lorsque je l’entends me dire qu’à cette époque, il avait peu de conquêtes féminines.
Une femme se ferait hâcher menu plutôt que d’avouer ce genre de détails.
Lui le fait sans fausse pudeur.

Finalement, ce fameux soir de la fête, je suis plutôt contente qu’il n’ait pas rencontré la femme de sa vie.
Heureuse qu’il n’ait pas connu les codes de séduction, à ce moment-là.
Il ne les connaît toujours pas: ce genre de langage lui est parfaitement étranger…
Il n’en a pas besoin.
C’est un homme, simplement…

Martine Bernier

Pablo Neruda sur un quai de gare

13 février, 2009

Je lui avais dit: « Sur les 4 jours que nous passerons ensemble, penses-tu que nous pourrions faire un saut dans une librairie où je pourrais trouver un livre de poèmes de Pablo Neruda? J’ai prêté les miens et je n’ai pas pu les récupérer… »
Il m’avait dit oui.

Lundi, 13 heures, le TGV entre en gare de Lyon.
Il est là, à m’attendre sur le quai, après avoir fait quatre heures de route pour venir me récupérer, sachant qu’il faudra en ajouter six de plus, dans la foulée, pour que nous puissions atteindre notre point de chute.
Comme à chaque fois, je suis heureuse…
Il prend ma valise, se redresse, et me tend quelque chose avec un petit sourire.
C’était un livre. « La solitude lumineuse », de Pablo Neruda.
Je ne m’y attendais pas…
Il m’a dit: « Je suis désolé, j’ai fait toutes les librairies de la Gare de Lyon, mais je n’ai trouvé que celui-ci… »

Neruda dans une gare…
Et il est désolé!
C’est sans doute l’un des cadeaux les plus insolites et les plus touchants que l’on m’ait fait…
Cette nuit, j’ai pris l’avion pour rentrer. Il avait beaucoup de retard.
J’ai lu Neruda d’une traite.
Un très beau récit de voyage à Colombo, Ceylan. Singapour et Batavia.
Entre deux chapitres, j’ai tissé des contacts avec ceux qui m’entouraient, à l’aéroport.
Un brouhaha assez résigné en attendant un avion qui affichait plus d’une heure de retard.
Des enfants pleuraient, il fallait les distraire.
Des conversations se sont engagées.
J’ai plaisanté avec eux.
Mais je pensais à lui.
Un grand homme capable de faire autant de route pour être avec moi, de traverser la France juste pour que je puisse respirer l’air de la Pointe du Raz en pleine tempête.
Un grand homme capable de m’offrir un petit bouquin en s’excusant presque, sans réaliser à quel point son cadeau m’est précieux…

Les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 2. Le sens de l’orientation.

8 février, 2009

Parmi les caractéristiques qui rendent nos hommes passionnants, il en est une qui me ravit d’autant plus que j’en suis totalement dépourvue: le sens de l’orientation.
Ma moitié a beau vivre une intimité très pure avec son GPS, il m’a prouvé plus d’une fois qu’il était nettement plus doué que moi en la matière. Ce qui donne parfois lieu à des situations vaguement burlesques.

Exemple.
Je me trouve dans un hôtel.
Même s’il fait partie d’une chaîne ayant l’habitude de concevoir tous ses établissements d’après les mêmes plans, je suis incapable de m’y retrouver.
Y compris si j’y suis descendue à plusieurs reprises, je continue à m’égarer dans les couloirs, à me tromper d’étage, à mélanger les portes, à me retrouver dehors devant une porte close (mais pourquoi ces portes se referment-elles toujours automatiquement derrière nous sans qu’on leur ait demandé quoi que ce soit!?) alors que je voulais simplement me rendre à l’étage supérieur, à ne pas pouvoir définir où se trouve la salle de petit-déjeuner etc.
Idem si je m’aventure vers les commodités dans un restaurant. Si mon héroïque compagnon ne m’a pas munie d’explications détaillées, je mets un temps infini non seulement à les trouver, mais surtout à en revenir. Je m’y rends à chaque fois avec l’espoir qu’il partira à ma recherche ou lancera la colonne de secours s’il ne me voit pas réapparaître au bout d’une heure…

Oui, je sais: cela relève du handicap majeur.
Lui en sourit là où d’autres s’en énerveraient.
Notre technique est désormais imparable: je le suis comme son ombre. Avouons-le sa taille et le fait qu’il domine la majorité de la population d’une ou deux bonnes têtes est, en l’occurrence, extrêmement pratique.
Dans les lieux plus peuplés ou à l’extérieur, il ne lâche pas ma main, sûr ainsi de ne pas avoir à retourner toute la ville pour me retrouver errante dans un coin.
Mon manque de sens de l’orientation nous a valu des situations épiques, inracontables ici. Je sais qu’il en sourira en y pensant…

A chaque fois qu’il m’emmène en direction de la côte, un schéma à peu près similaire se reproduit.
Jetant un coup d’oeil à son GPS, engin amusant et déroutant (un comble!) au possible, je demande:
- Donc, la mer est devant nous… Mais… pourquoi ne la vois-je pas?
- Pourquoi dis-tu que la mer est devant?
- Parce qu’il y au une masse bleue sur l’écran…
- Oui… ça, mon coeur, on va dire que c’est le ciel. La mer est à droite, regarde…

Le temps de trouver mes lunettes et… je constate en effet que la mer est à un saut de puce…
Vexant.
Mais quelle idée aussi de mettre le ciel dans un GPS!

En balade, c’est exactement le même scénario. Je ne sais jamais où je me trouve, ce qui me rend d’ailleurs parfaitement indifférente.
Il m’est arrivé de me retrouver perdue seule et de nuit en plein coeur de l’Ouzbékistan, dans une ville ou personne ne comprenait un mot de français ou d’anglais et où les femmes semblaient avoir été rangées dans un placard pour la nuit. Avoir survécu à ce genre de mésaventures permet d’appréhender la vie quotidienne en pays francophone avec une certaine sérénité.

Le fait de ne jamais savoir où je suis semble l’amuser au plus haut point.
Mais comme il a un coeur d’or et une patience infinie, il me ménage à sa façon…
Ainsi, dans Paris, depuis bientôt deux ans que nous nous y rendons ensemble, il s’efforce inlassablement de me nommer les monuments, les noms des rues…
Parfois, il fait une tentative:
- Et ça, là… ça te dit quelque chose ? Tu reconnais ?
- Heu.. Les Champs-Elysées ?
- Oui!!!!
Fière comme un paon qui aurait découvert l’Amérique, je m’arrange pour avoir le triomphe modeste… Evitant de lui dire que je pense être parfaitement incapable de différencier les façades du Louvres de celles de la Sorbonne.
Je sais qu’il m’aime… mais je crains que son amour ait des limites. Géographiques!

M.B.

Les différences entre les hommes et les femmes. Chapitre 1. Le réveil.

6 février, 2009

Avez-vous remarqué à quel point l’homme et la femme sont différents l’un de l’autre?
Pas seulement au niveau physique, non.
La différence est tout aussi frappante dans nos fonctionnements respectifs.
Jusqu’ici, je l’avais réalisé sans m’y attarder vraiment.
Mais depuis que ce grand homme au regard si particulier a surgi dans ma vie un matin d’automne, le phénomène a pris pour moi une toute autre dimension.
Je dirais même qu’il me passionne.
Je n’y réagis plus de façon tripale: j’observe le spécimen aux réactions étranges qui évolue à mes côtés.
Et qui fait tellement d’efforts pour s’adapter à cette drôle de créature qui semble parfois le rendre parfaitement perplexe.
On pourrait écrire un livre sur le sujet.
D’autres n’ont d’ailleurs pas attendu mon idée pour le faire.

Mon premier exemple relève de la pathologie masculine et aborde un moment de la journée tout à fait délicat: le réveil.
Je fais partie de cette catégorie de personnes qui, le matin, récupèrent toutes leurs facultés et leur énergie à la seconde où elles ouvrent les yeux.
Dès que j’ouvre les miens et que je le vois dormir à mes côtés, j’ai le coeur au bord de l’implosion de bonheur.
Je n’ai qu’une envie: lui dire à quel point je suis heureuse qu’il soit là, le dévorer de baisers.
Cela va passer, me direz-vous?
Que nenni: cela fait bientôt trois ans que cela dure ainsi!
Pour éviter d’interrompre son sommeil réparateur, je résiste à l’envie de hurler un joyeux « Gooooog morniiiiiing Vietnaaaaaam! » et je pars silencieusement, à pas de loup, en direction de la salle de bain pour renouer avec les plaisirs de la douche hyper matinale.
Je pense que, même s’il ne me le dit pas, mes efforts de discrétion doivent être très limités, et que, bien souvent, le bruit de l’eau doit l’arracher à ses rêves.
Une fois sortie de la salle de bain, en pleine forme, j’ai froid.
Donc, en bonne logique, je vais me blottir contre lui qui, sans grogner, m’ouvre les bras.
Dans un premier temps, il ouvre un oeil, le referme, sourit vaguement et murmure: « Bonjour, mon coeur… »
Il faut ensuite une bonne heure pour qu’il revienne doucement à la vie, à grands renforts de cajoleries.
Femmes, mes soeurs, n’espérez pas un mot tendre de votre amour avant le troisième café de la journée, et encore.
Ce serait une grave erreur stratégique.
Le mien est un homme très tendre, très à l’écoute de mes attentes.
Dans les bons, que dis-je: les excellents jours, il consent, les yeux fermés, à articuler dans un murmure presque imperceptible, un « je t’aime » endormi… tandis qu’il semble vaguement ahuri de recevoir des discours enflammés et rieurs sur la place qu’il tient dans ma vie, alors que le soleil n’est même pas encore levé.

Oui, nous sommes très différents.
Mais, de plus en plus souvent, de son monde bien masculin, surgissent des phrases émouvantes, des déclarations qui me chavirent.
Il m’en a offerte une, un soir où nous étions couchés, provoquant en moi des larmes de bonheur.
Un peu gênée d’être prise en flagrant délit de défaillance lacrymale, j’ai fait allusion à mon maquillage, qui, à chaque fois que je pleure ainsi, risque d’être ruiné.
Et lui, magnanime et réconfortant, m’a regardée en souriant: « Mais là, ça va, ne t’inquiète pas. »
Deux secondes de silence, et ma réponse: « Mais mon coeur, là … je l’ai retiré! Tu n’as rien remarqué? »
Non, évidemment, question idiote!

Martine Bernier

Carnac et ses secrets

4 février, 2009

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Allez savoir pourquoi, je suis, comme beaucoup, fascinée par Carnac où je retourne à la moindre occasion.
Irrésistiblement attirée sans doute par le mystère que cachent ces gigantesques alignements de mégalithes.
J’ai lu une foule de livres sur le sujet, tous essayant de percer le secret de ces pierres qui ont demandé tellement d’efforts à ceux qui les ont levées.
J’aime le lieu, son atmosphère à la fois apaisante et inquiétante.
J’aime les questions restées sans réponse, malgré tout le savoir scientifique déployé pour comprendre.
J’aime savoir que cette terre et les hommes qui l’ont peuplée gardent toujours leur part de ténèbres.

J’aime surtout le Géant du Manio, perdu dans la forêt, dressé solitaire près de son antichambre de pierres.

Le mystère de Carnac était remarquablement expliqué à l’Archéoscope, où un spectacle son et lumière racontait des siècles d’histoire.
J’y suis allé plusieurs fois, toujours aussi intéressée.

Et puis un jour, Carnac a pris une dimension nouvelle dans ma vie.
Dans nos vies.
Jusque-là, lui et moi ne nous étions jamais vus réellement.
Un jour de mars 2007, en vacances en Bretagne, je suis retournée au Pays des mégalithes.
Et c’est là que nous nous sommes vus pour la première fois, sans pouvoir nous parler.
La première rencontre, furtive et un peu loufoque, s’est déroulée dans la librairie de l’Archéoscope dont nous ignorions tous les deux qu’il avait fermé ses portes.
Le premier coup de coeur, fulgurant pour moi.
Et dont il m’a dit, il y a peu, lorsque je lui ai demandé ce qu’il avait ressenti, ce qu’il avait pensé à ce premier instant: « J’ai pensé: c’est elle… »

Carnac…
Dans quelques jours, nous y retournerons.
Et le rendez-vous manqué que nous n’avons pu tenir la première fois auprès du Géant du Manio sera honoré, à notre manière…

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