Partir, c’est mourir un peu
22 février, 2009Hier, quelqu’un m’a dit, en soupirant, pensant à mon départ imminent de la Suisse:
« Tu as un courage que j’aurais tellement voulu avoir… Mais tu comprends.. partir, c’est mourir un peu… Je n’y arrive pas. »
C’était bien le jour pour me dire une phrase pareille, tiens.
Dans le genre: je te remonte le moral à grands coups de massue sur la tête, c’était tout à fait parfait.
On me demande beaucoup ce que je ressens en ce moment.
Au moment où j’ai commencé à ranger mes livres dans des cartons, à partager nos souvenirs avec l’homme avec lequel j’ai vécu pendant 16 ans et que je connais depuis bien plus longtemps encore, j’ai de gros moments bien difficiles.
Je ne pars pas sur un conflit.
Nous nous aimons différemment, mais nous tenons encore infiniment l’un à l’autre.
Alors oui.. c’est dur.
Même si je sais que le contact ne se coupera pas, si les liens seront préservés.
Même si nous allons entrer dans une relation différente où l’amitié et la tendresse prendront la place de l’amour endormi.
Il est essentiel à ma vie.
Je réfléchis depuis des mois à ce que je vais faire.
Je dois avoir une tare congénitale: je sais depuis un matin d’octobre, alors que j’avais 9 ans, que la vie est très courte et très fragile.
Je sais aussi que je ne voudrais pas d’une vie d’habitudes, d’une vie un peu fade.
Et, surtout, je crois profondément qu’il ne faut pas s’enliser dans une situation, ne pas mélanger les sentiments.
Ne pas rester par peur, par habitude, par crainte de partir.
Je m’explique.
Lorsque l’amour vous tombe dessus comme un météore, c’est un cadeau d’autant plus beau et intense qu’il est inattendu.
Tout change… c’est un peu comme si quelqu’un avait rallumé la lumière sur votre vie.
Vous vous remettez à exister, à vibrer, à être profondément heureux, tout simplement.
Lorsque, auprès de la personne que vous aimez, vous connaissez ces moments magiques où chaque geste du quotidien devient précieux, où vous n’arrivez pas à vous passer de lui ou d’elle, je crois qu’il y a un moment où il faut assumer.
Quoi qu’il en coûte.
Par honnêteté vis-à-vis de chacun.
Parce qu’il ne suffit pas de « dire »… il faut « faire » pour que cela ait du sens,.
Mentir est une chose horrible, pour tout le monde.
Pour soi-même d’abord. Devoir le faire m’a physiquement brisée.
Pour l’Autre, qui subit une trahison et qui aurait mille fois mieux compris que les choses soient expliquées, dites, dès le début.
Pour l’entourage, qui découvre un jour que celle ou celui que l’on croyait limpide, est capable de dissimuler un lourd secret pendant des années.
Pour l’Elu, enfin, qui est en droit de se demander si les mots qu’il reçoit reposent réellement sur un sentiment fort.. puisque je le cache aux yeux du monde.
« Partir, c’est mourir un peu… »
Je ne sais pas…
Partir fait très mal, oui, surtout lorsque l’on quitte absolument tout: son conjoint, ses enfants (adultes!), ses amis, son travail, son pays, ses habitudes…
Mais, en y réfléchissant.. non, partir, ce n’est pas mourir un peu.
Parce que lorsque l’on part, c’est pour une bonne raison.
Peut-être vais-je « mourir un peu » dans quelques jours, mon coeur me fera très mal, mais je renaîtrai aussi à une autre vie.
Je vais le rejoindre.
Son rire, sa gravité, sa douceur, son regard, sa culture, notre complicité tendre et joyeuse, ces mille et un petits riens qui le rendent unique à mes yeux..
En partant ainsi, je lui dis, à ma manière: « Tu vois, tu vaux la peine… cette fois, j’ai choisi. »
J’aurai mal, oui. Mais je me sentirai en harmonie avec moi-même.
Je lui donne la place qui lui revient.
Enfin.
Martine Bernier