Archive pour la catégorie 'Lieux'

Musée Courbet à Ornans: un peintre dans sa ville

29 juillet, 2011

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Lorsque vous sillonnez la région du Doubs, partout, des panneaux de signalisation vous indiquent que vous vous trouvez dans le pays du peintre Courbet.
Cette région était la sienne, il en revendiquait son appartenance, en a peint les cours d’eau, les rochers, les paysages.
Il y était chez lui.
Il était logique de voir le département rendre hommage à son artiste en lui dédiant un musée.

Le nouveau musée Courbet d’Ornans, entièrement repensé et rénové, a été inauguré le 2 juillet 2011.
Autant le dire d’entrée: c’est une réussite.
Comment ne pas aimer cette demeure belle et lumineuse perchée au bord de l’eau?
Gustave Courbet y est né, dans cette maison Borel aujourd’hui transformée en musée.
Le lieu a été respecté, et ses volumes font merveille pour accueillir les oeuvres et les expositions permanentes ou temporaires.
Le concept architectural est remarquable: le musée s’ouvre sur son environnement, avec de larges baies vitrées donnant sur la Loue et sur la ville d’Ornans que Courbet a tant aimé.
La notion de transparence est essentielle sur le site, ce qui rend la visite légère et claire.

Le public a répondu présent: le musée est très fréquenté, et les visiteurs y sont accueillis chaleuresement..
Y compris par les gardiens de salles qui vous saluent lorsque vous entrez, détails suffisamment rare pour être souligné!
Les expositions sont didactiques et modernes, intéressantes.
On y découvre la vie de Courbet, son travail, les causes qu’il a défendues et qui l’ont amené à se réfugier en Suisse où il a passé une grande partie de son existence et où il est décédé.
Actuellement sont présentées jusqu’au 3 octobre, les oeuvres croisées de Courbet et de Clésinger, sculpteur et ami du peintre. Les femmes nues de Clésinger se retrouvent dans la peinture de Courbet pour un mariage voluptueux à ne pas manquer.

A la sortie du musée, profitez du jardin, puis de la cafétéria d’été, au bord de l’eau.
La terrasse donne envie de s’attarder, en regardant les canards se laisser glisser au fil de la Loue, puis de poursuivre la visite de cette ville délicieuse, véritable Venise comtoise.

La statue du « Pêcheurs de chavots » que Courbet a offert à Ornans pour orner la fontaine de la place des Iles-Basses est à découvrir, malheureusement mutilé, dans le musée.
Mais sa réplique contemporaine est toujours sur la place.
A l’époque, l’original, dans sa première version, avait fait scandale car l’enfant représenté était entièrement nu, ce qui avait illico engendré une pétition demandant son retrait, sans résultat.
La participation de Courbet aux événements de la Commune a provoqué la vengeance de ses détracters: la statue a alors été mutilée et retirée par la municipalité locale qui tenait à souligner par ce geste sa désapprobation face à l’engagement politique du peintre.

Pour les amateurs d’art, vous pouvez encore visiter les expositions temporaires à la ferme Courbet de Flagey ou, dans l’avenir, le dernier atelier de l’artiste à Ornans (pas encore ouvert).
Enfin, les marcheurs peuvent suivre les sentiers de Courbet, des itinéraires aménagés qui parcourent les lieux d’inspiration du peintre.

Gustave Courbet a été un peintre majeur.
Aujourd’hui, le projet « Pays de Courbet, pays d’artiste » est une démarche intelligente d’un département qui a su mettre en valeur son patrimoine à travers l’oeuvre et la vie de l’un de ses plus grands peintres.

Martine Bernier

www.musee-courbet.fr

 

Maison de Louis Pasteur: Pasteur intime

28 juillet, 2011

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(Photos: Maison Pasteur)

A chaque fois que nous passons  par Arbois (Franche-Comté),  je regarde le panneau indiquant la Maison de Pasteur, et je me dis que j’aimerais la visiter et lui consacrer quelques lignes.
Hier, mon vœu a été exaucé. 

Dès l’instant où vous poussez la porte de la maison aux façades garnies de lierre grimpant, vous retournez un bon siècle en arrière. Louis Pasteur (1822 – 1895) a bel et bien vécu ici, dans la maison de son enfance, ancienne tannerie familiale, devenue ensuite la maison de ses vacances, puis de ses  vieux jours.
Tout est resté en l’état, y compris un papier peint d’époque étonnamment préservé, apportant à la demeure un aspect  intime.
A la patère de la chambre, le vieux panama et le feutre sont accrochés, le calot du scientifique trône sous vitrine.
Du linge de maison est toujours prêt à être utilisé dans le boudoir-dressing de Mme Pasteur, la table est dressée comme pour recevoir des invités, les armoires regorgent de vaisselle…
Le rond de serviette gravé à la main  « Zizinette », surnom donné à la petite-fille de Pasteur par son célèbre grand-père est toujours rangé à sa place, ses livres trônent dans la bibliothèque, très éclectique, le jeu de dames patiente en attendant le retour des joueurs.
Au mur du premier étage sont toujours accrochés les dessins et fusains que Pasteur avait réalisé alors qu’il n’était encore qu’un jeune adolescent.
S’
y révèle le talent académique mais déjà très sûr de cet homme qui rêvait de suivre sa vocation artistique avant de se vouer totalement à la science.
Pasteur, en sortant de sa chambre, devait seulement traverser le corridor pour entrer dans le vaste laboratoire qu’il avait fait aménager. Un équipement moderne  et fonctionnel pour l’époque lui permettait de mener à bien ses recherches et ses expériences.  La pièce est équipée d’une chaudière d’incubation, de becs de gaz, d’eau courante. 
Aujourd’hui encore, ses fioles, ses canules et ses ballons n’ont pas bougé.
On peut lire sur les étiquettes « bouillon de poule » ou « jus de raisin ». Leur contenu est intact depuis 1878 pour le raisin et 1883 pour le bouillon, preuve du bien-fondé de ses théories.
C’est ici que le chercheur a repris ses travaux sur les fermentations, la théorie des germes et la stérilisation. 
Sur son bureau, une enveloppe semble avoir été ouverte hier.
Elle porte un cachet postal et, en guise d’adresse, ces deux lignes:

- » A celui qui fait des miracles
Rue d’Uhn, Paris »

Dans cette maison, que Pasteur appelait son « Château de la Cuisance », du nom du cours d’eau au bord duquel il est installé, l’émotion est présente dans chaque pièce.
Ici a vécu un homme reconnu bienfaiteur de l’humanité, qui a sauvé un nombre inestimable de vies, qui est à la base des notions d’hygiène, qui a découvert le vaccin contre la rage et tant de notions fondamentales à notre vie actuelle.
Les visites sont personnalisées, sous la houlette d’un personnel chaleureux et visiblement éprise l’histoire de l’homme, de la maison sur la mémoire desquels il veille aujourd’hui.
L’accueil est chaleureux, la visite passionnante.
Une escale émouvante à ne surtout pas manquer si vous passez dans la région… et bien difficile à quitter.

Martine Bernier 

La Maison de Louis Pasteur, Arbois maisondelouispasteur@wanadoo.fr 
www.academie-sciences.fr/pasteur.htm 

Giverny: au coeur des tableaux… Les jardins (Deuxième partie)

8 octobre, 2010

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(Toutes les photos de cette page sont signées Thierry Leroy)

Des jardins de Monet, ceux qui les visitent connaissent la beauté luxuriante ou discrète selon l’endroit où ils se trouvent.
L’envers du décor est nettement moins connu.
Pour le découvrir, une seule solution: s’adresser à ceux qui y travaillent toute l’année, dans l’ombre.
Parmi eux, le maître d’oeuvre des jardins s’appelle Gilbert Vahé, chef jardinier.
Depuis 35 ans, avec son équipe, il consacre son temps, son énergie et sa créativité à rendre ses lettres de noblesse aux jardins de l’artiste.
Lorsque les fils de ce dernier, Michel Monet, est décédé en 1966, sans descendance, la maison et les biens qu’il tenait de son père ont été légués à L’Académie des Beaux-Arts.
La maison et les jardins étaient à l’abandon, en piteux état.
Il a fallu l’intervention d’un homme, Gérald Van der Kemp, Conservateur en Chef du Château de Versailles et Membre de l’Académie des Beaux-Arts, pour que le site reprenne vie.
Lorsque lui a été confiée la mission de restaurer les lieux, cet homme énergique, fin et cultivé a fait appel à Gilbert Vahé, en 1976.
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« Claude Monet était mort depuis à peine 50 ans lorsque nous avons débuté la restauration du jardin, explique-t-il. Nous avons obtenu des informations par ses enfants et par la famille Hoschedé-Monet sur la composition du jardin, sa structure etc. Et nous avons recherché les plantes qui y poussaient alors. Monet adorait la lumière. Dans son Clos Normand, qui est le nom du jardin en face de la maison, il a voulu un environnement très naturel. Nous avons retrouvé la « Belle Vichisoise », une rose d’autrefois qu’il aimait beaucoup et qui grimpait jusque dans les arbres. Je l’ai retrouvée complètement par hasard, chez un ami. Depuis, elle est replantée et fleurit à nouveau dans le jardin. Nous avons respecté la structure initiale du jardin comme Monet l’avait souhaité, avec une multitude de massifs séparés par de petites allées, et trois pelouses plantées de milliers de bulbes, de vivaces, d’arbres à fleurs. »
annivalexdiverssept2010482.jpgCette véritable palette de peinture qui change de couleurs et d’ambiance au fil des saisons est la première partie du domaine de Monet.
Plus loin, lorsque l’on franchit le passage souterrain, le jardin d’eau réserve une atmosphère toute différente, et a demandé un énorme travail de rénovation.
En 1976, il a fallu relever la glycine, reconstruire l’étang et redessiner les berges que les rat avaient beaucoup abîmées.
Les promeneurs qui découvrent le pont japonais, star de plusieurs tableaux phares du peintre, ignorent souvent qu’il ne s’agit pas de l’original, effondré depuis longtemps, mais bien de la troisième version du pont.
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Les nymphéas qui ont été rendus mythiques à travers les tableaux ont eux aussi une histoire que raconte Gilbert Vahé:

« A l’époque, le nymphéa rustique n’existait qu’en blanc. Et puis un jour, en Suède, est arrivé un spore de nymphéa rouge. Ca a été un événement international.
Un Français de la région a crée un hybride de cette fleur et l’a présenté à l’Exposition Universelle.
Ca a été un scoop repris dans tous les médias. Et Monet se l’est procuré…
Depuis, nous l’avons racheté chez le même fournisseur, chez Latour Marliac, et les nymphéas roses fleurissent à nouveau sur l’étang. »

Le jardinier a eu moins de chance avec l’Etoile de Digoin, qui existait dans le Clos Normand à l’époque de Monet.
Il recherche ce dahlia depuis 35 ans sans succès et craint que cette variété soit éteinte…

La fin de l’automne signe la fermeture de Giverny au public.
Celui-ci l’ignore, mais commence alors une période de travail intense au cours de laquelle le Clos Normand est entièrement refait pour l’hiver, puis replanté pour que le printemps le redécouvre dans son exubérante floraison.
Et c’est ainsi, grâce à ces artistes jardiniers, que durant les trois quarts de l’année, Giverny reste un enchantement.
Monet aurait aimé…

Martine Bernier

Giverny: au coeur des tableaux… (Première partie)

4 octobre, 2010

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(Toutes les photos de cette pages sont signées Thierry Leroy, que je remercie au passage.)

Claude Monet est mort en 1926.
Même en remuant ciel et terre, je ne pourrai donc jamais le rencontrer.
En revanche, je caressais depuis longtemps l’envie de visiter sa demeure, ces jardins qui lui ont inspiré certains de ses plus beaux tableaux.
Envie de consacrer un ou plusieurs articles à ce lieu totalement magique à mes yeux.
C’est aujourd’hui chose faite…

Vu l’ampleur de mon attente, je risquais d’être déçue.
Je ne l’ai pas été, pour de multiples raisons.

A mes yeux, la visite de Giverny commence avant même de pénétrer dans le sanctuaire.
Juste en face, le restaurant « Les Nymphéas », installé dans une ferme qui existait déjà du temps de Monet, est un passage obligé.
La délicieuse décoration de campagne normande de la terrasse, le cadre fleuri, la gentillesse de Jean-Pierre, qui y travaille depuis 25 ans, et, paraît-il, des gérants que je n’ai pas croisés ce jour-là, font le charme de l’endroit.

On ne dira jamais assez que pour visiter le repaire de Monet, mieux vaut se présenter dès l’ouverture à l’entrée, pour éviter les cars de touristes.
Le blanc-seing que représente ma carte de presse nous a permis d’aborder les lieux de manière totalement privilégiée.
Et d’apprécier la disponibilité d’un personnel qui garde le sourire alors qu’il voit défiler plus de 400’000 visiteurs par année…

Pour les visiteurs, le périple commence par la maison.
Une chaleureuse maison rose aux volets vert, « Le Pressoir », que Monet a louée le 3 mai 1883.
Vous y entrez dans l’intimité du couple Monet.
En tendant l’oreille, vous entendriez presque les galopades des huit enfants de la famille dévalant l’escalier.
La première émotion intervient dans le salon-atelier.
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Jusqu’en 1899, c’est là que Monet a travaillé avant d’aménager son deuxième atelier, plus grand, dans un bâtiment extérieur.
La pièce est alors devenue un salon aujourd’hui décoré de copies des toiles du Maître et de photos.
A l’étage, dans les appartements privés, les murs des chambres étaient à l’époque couverts de tableaux.
Cézanne, Manet, Degas, Corot, Renoir et tant d’autres…
Et partout, au rez-de-chaussée comme à l’étage, de magnifiques estampes japonaises dont Monet était collectionneur averti, comme le fut son ami Clémenceau.
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L’artiste était un peintre de génie, ce n’est un secret pour personne.
Son apport à la peinture a été révolutionnaire.
L’autre oeuvre de cet homme fascinant était… son jardin.
Au fil des années, il en a aménagé deux dans le prolongement de sa maison.
Le premier, « Le Clos Normand », est un jardin « naturel », où une abondance de fleurs de toutes les couleurs et de toutes espèces foisonnent.
Il est exubérant, changeant de visage et de teintes en fonction des saisons.
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Au fond du Clos, il faut suivre un petit parcours fléchés et emprunter un passage souterrain pour arriver dans un autre monde: le jardin d’eau.
Le paradis…
Ici sont nés les tableaux consacrés aux nymphéas, au pont japonais qui trône par-dessus la rivière.
Ce jardin, Monet l’a rêvé, l’a voulu dès son arrivée.
Il lui a fallu dix ans pour le réaliser.
Monet était attiré, obsédé par la présence de l’eau.
A l’époque, certains habitants du village ont refusé le projet d’extension du jardin, le bloquant aussi longtemps qu’ils l’ont pu.
Mais Monet a fini par venir à bout des tracasseries administratives.
Aujourd’hui, le site est féerique.
Le bassin et ses barques, la forêt de bambou, la glycine, la végétation abondante, les trois ponts, les nymphéas posés sur des miroirs d’eau…
Et l’ombre de Monet qui plane sur chaque chemin…

L’émotion prise en plein coeur lors de cette visite s’est prolongée par une rencontre très particulière.
Avant que les portes de la demeure de l’artiste ne se referment sur nous, nous ont été livrés certains des secrets des jardins, détenus par un homme: Gilbert Vahé, jardinier responsable des jardins de la maison de Giverny, où il travaille depuis 35 ans.
Cet entretien fera l’objet d’un deuxième article.
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Martine Bernier

Cathédrale de Chartres, de ses étranges tours au Clou de St Jean

10 juillet, 2010

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La cathédrale de Chartres est l’une des plus belles au monde.
De nombreux livres ont été consacrés à son histoire, son architectures, ses vitraux, ses symboles…

La première fois que je l’ai vue, dès le premier regard, une question m’est venue aux lèvres.
Pourquoi a-t-elle deux tours différentes, l’une en style roman, l’autre en style gothique?!
C’est dans les livres que j’ai trouvé ma réponse, peu après.

La tour de droite, en style roman, donc, est évidemment la plus ancienne.
Ce que l’on appelle le clocher « Vieux » date de 1134 et mesure 105 mètres.
Et comme toutes les constructions romanes, il est massif, doté de peu d’ouvertures.

En 1506, catastrophe: un incendie ravage l’église.
Elle est alors reconstruite dans le style de l’époque, le gothique, reconnaissable par ses forme élancées.
Le clocher « Neuf » mesure 115 mètres, est piqueté de gargouilles et orné de baies en arcs brisés.
Très différent de l’autre…

Inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, la cathédrale fascine.
Avec son labyrinthe, le fameux « Chemin de Jérusalem », inscrit dans la dalle, ses vitraux somptueux, son architecture pure, elle est l’un des plus magistraux héritage de l’art et de l’architecture médiévaux arrivés jusqu’à nous.

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Elle comporte mille secrets, mille particularités…
Parmi eux, le « Clou de saint Jean ».
Si vous voulez le voir au cours d’une visite, repérez le très célèbre vitrail d’Apollinaire, dans le transept sud.
Dans la bordure bleu roi de ce vitrail, du verre a été remplacé par une plaque de métal dans laquelle a été percé un trou rond recouvert d’un verre transparent.
Si vous regardez ensuite au sol, vous pourrez découvrir qu’un clou a été planté dans les dalles.
Chaque année, le 24 juin, un cercle lumineux vient se poser sur lui lorsque le soleil est au zénith, passant par le trou du vitrail.
C’est ce que l’on appelle l’instant du « midi vrai » local.
L’expérience de ce trou permettant au soleil de venir se poser sur le clou date de 1701.
Aujourd’hui, les scientifiques estiment que des corrections sont nécessaires pour connaître l’heure réelle.
Et en concluent que le midi vrai du 24 juin à la cathédrale, a deux minutes de retard par rapport au temps donné par nos horloges actuelles.

N’empêche… imaginer le chanoine Claude Etienne, en 1701, s’adonner à de savants calculs, puis l’attroupement attentif qui a dû se former dans l’église lorsque pour la première fois, un 24 juin, le soleil a touché le clou en passant par l’orifice du vitrail donne le frisson…

Martine Bernier

Fontevraud et la chapelle des courants d’air

11 mars, 2010

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Il existe en France, dans la Vallée de la Loire, un lieu qui me fascine.
Ou plutôt… un double lieu qui me fascine.
Le premier est l’Abbaye Royale de Fontevraud, à une heure d’Angers.
Etroitement liée à l’histoire des Plantagenets, elle a vu défiler les siècles puisque l’abbatiale a été construite de 1105 à 1160.
Cinquante-cinq ans pour la bâtir.
La durée d’une vie d’homme, longue pour l’époque.

Son architecture est un chef-d’oeuvre, oscillant entre gothique et Renaissance.
Les maîtres d’oeuvre qui ont travaillé là-bas ont mis au service du lieu leur savoir et leur diversité.
Le résultat est d’une beauté sereine.
Tout a été pensé pour créer un lieu de recueillement.
Le cloître, avec le calme et la douceur de ses jardins, les galeries de déambulation, la salle capitulaire et sa magnifique voûte, l’escalier Renaissance, tout est à la fois parfait et original.
Mais la perle des lieux reste la cuisine romane aux toits de pierre dure en « écailles de poisson ».
La seule, dit-on, arrivée jusqu’à nous dans cet état de conservation.

Dans l’église reposent notamment les gisants polychromes d’Aliénor d’Aquitaine, de son époux Henri II, roi d’Angleterre, et de leur fils Richard Coeur de Lion.

A chaque fois que je m’y suis rendue, j’ai vécu la même émotion, le même trouble.
La puissance de ce lieu est impressionnante.

Il y a quelques années, à notre première visite, alors que nous reprenions la route, j’ai eu l’attention attirée par une petite construction ancienne, au milieu des champs.
J’ai demandé à Eric de s’arrêter et nous sommes allés voir de plus près.
C’était une minuscule chapelle.
La porte était fermée et l’endroit était à l’abandon.
Mais, à travers la petite fenêtre sans vitre, il était possible de voir l’intérieur.
Au-milieu de nulle part, refuge du vent, la chapelle n’intéressait plus grand monde.
Renfermée sur son mystère, sur ce qui a été son destin, sur ce que ses pierres ont vu et vécu, elle se fondait dans un paysage silencieux.

Après la force paisible de Fontevraud, très fréquentée par les touristes, la solitude de cet endroit venait compléter une journée parfaite…

Martine Bernier

La Compagnie des Indes

13 juillet, 2009

Parce qu’ils se mettraient en quatre pour me changer les idées, mes parents de coeur m’ont convaincue aujourd’hui de visiter le Musée de la Compagnie des Indes, à Port-Louis (Bretagne).

Ils savaient que je suis passionnée d’Histoire, que j’aurais certainement matière à un article. Mieux encore, j’ai trouvé sur place une source de documentation passionnante en prévision d’un livre sur lequel je travaille depuis quelques années.

Le musée, situé dans la citadelle,  est très bien conçu. Avec leur magnifiques maquettes de bateaux, les personnages, les estampes, cartes, porcelaines de Chine, cotonnades et autre mobilier indo-européen, les salles nous embarquent pour un voyage à travers l’histoire des grandes compagnies de commerce des XVIIe et XVIIIe siècles.

Le sujet est rendu fascinant pour chaque visiteur, quel que soit son âge. Des scènes de la vie quotidienne à bord de ces vaisseaux majestueux sont reproduites à l’aide de grands santons, dans des vitrines. Tout est pensé pour instruire, mais aussi distraire les hôtes des lieux.

L’histoire commence, en ce qui concerne la France, en  1664. Le Roi Louis XIV, sur le conseil de son ministre Colbert, crée la première Compagnie française des Indes. L’enjeu est de taille: établir des relations commerciales pour importer les fabuleuses richesses d’Asie, allant des soieries aux épices en passant par les cotonnades, les porcelaines, les pierres et le bois précieux. Les voyages sont longs et dangereux. Ils durent de 18 à 20 mois, au cours desquels équipage et passagers vivent dans un espace restreint. Dans cet espace confiné, les relations se tendent rapidement, la cohabitation est difficile.

Le régime alimentaire du bord est déséquilibré, les accidents fréquents, et 14% des hommes embarqués décèdent en cours de route. Mais le voyage vaut la peine pour ceux qui désirent faire fortune…

Jusqu’au 14 décembre, le musée accueille une exposition superbe: « Féerie indienne », présentant « les toiles peintes, des rivages de l’Inde au royaume de France ». Une merveille, fourmillant d’indications sidérantes. Ainsi, pendant 3/4 de siècle, pour protéger les tisserands français, l’Etat a prohibé les vêtements venus d’Asie, trop à la mode. Ceux qui avaient le malheur d’en porter, risquaient les galères. On ne plaisantait pas avec les fanfreluches!

Pour les amoureux d’histoire, de découvertes, de voyages, de maquettes, le musée mérite réellement le détour. De plus, il est  admirablement situé, sur la mer… évidemment!

Martine Bernier 

Musée de la Compagnie des Indes, La Citadelle, Port-Louis.

http://muséee.lorient.fr

 

 

La maison de Prévert (version Alain)

20 février, 2009

Il se mérite cet endroit. Au bout du Cotentin, un peu isolé, encore sauvage et calme.
On y arrive en se garant près de l’église. Un petit tour au cimetière, Prévert est là avec sa femme et sa fille, trois tombes identiques avec les lettres peintes en vert comme écrites avec un pinceau géant. Juste derrière, la tombe d’Alexandre Trauner, célèbre décorateur de cinéma, ami fidèle jusque là, au point de ne pas se séparer dans la mort. Une dernière magnifique preuve de fidélité et d’amitié.

Pour aller à la maison, il faut monter une petite route à pied. Nous avons pris notre temps, profitant du bruit de l’eau, des plantes bizarres, en nous demandant ce qui nous attend.
Enfin, un bruit de basse-cour, et à côté, au fond d’un jardin simple, cette petite bicoque.
M. Prévert est-il là ? Avec son éternel mégot au coin des lèvres, son imper et son chapeau mou ?
Non, bien sûr…Quel dommage.
Une jeune guide arrive, nous regarde avec un petit sourire. Voir un couple de jeunes amoureux qui l’attendent, elle a l’air surprise et amusée.
Elle ouvre les volets, puis les portes de la maison. Comme d’habitude nous laissons passer le « troupeau » des touristes pressés, vous savez ceux qui veulent tenir un planning, tout voir, vite.

Ils filent tous à droite, comme indiqué par la jeune guide, dans une salle où un film est projeté. Nous sommes des rebelles ! Donc nous allons à gauche où nous attend une exposition de dessins sur l’œuvre de Prévert. Un peu décevante cette maison, pour l’instant. J’ouvre la porte de l’arrière-cuisine, et nous tombons sur la statue du nain à cheval sur la tortue, un détail qui amuse Martine…
Vient l’étage, la seule pièce meublée, une grande table où Prévert faisait ces collages. Un fauteuil, un téléphone avec accroché au mur les numéros des proches, des gens à rappeler.
C’est la seule pièce où on peut sentir un peu le poète…bien maigre.

Nous sortons de la maison et prenons un sentier pour éviter la route. Nous longeons un ruisseau, nous sommes bien, un peu isolés du monde, un vrai couple de sauvages !

En retournant au parking je ne peux m’empêcher d’aller lui dire au-revoir au poète, à cet orfèvre des mots. Lui qui me mettait des musiques en têtes, le bruit de l’œuf sur le comptoir de zinc, Barbara, l’amiral…

La prochaine fois, si je reviens dans la région, je viendrai vous dire un petit bonjour Monsieur Prévert, j’ai compris que l’endroit que j’aime est auprès de vous et pas votre maison.

Alain

La maison de Prévert

20 février, 2009

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C’était en août 2008.
Il m’avait emmenée dans le Cotentin.
Un matin, nous sommes partis vers un lieu qu’il avait cherché pour nous, et qui a été l’un des très beaux moments de notre séjour: la Maison de Prévert, à Omonville-La-Petite.
Elle se trouve à quelques kilomètres de la côte. La mer est belle de ce côté-là de la Normandie…
En garant la voiture vers l’église où commence la promenade vers la maison, nous avons été voir la tombe du poète.
Elle est comme il fut: originale et joyeuse… Une tombe presque souriante…

Sous un soleil estampillée « été en Normandie », nous avons entamé la balade vers la demeure.
Une promenade bucolique à souhait, avec lui… tendre et léger…
Autour de nous, les plantes étaient énormes, exotiques, ou plus classiques.
Il n’y avait personne lorsque nous sommes arrivés, à l’exception de deux coqs, qui s’époumonaient.

Les gens sont arrivés peu à peu, tous, sans doute, amoureux du jongleur de mots, désireux d’en connaître davantage sur sa vie, sur cette maison où il a vécu.
En entrant, après avoir pris les billets, tous sont docilement partis à droite, dans la pièce où un film était diffusé sur la vie de Prévert.
Sauf nous: nous sommes allés à gauche pour pouvoir faire la visite seuls, en paix.
La maison est jolie, bien que son contenu soit minimaliste.
Mais il y a eu un moment que j’ai adoré.
Dans l’une des pièces, une porte donnait sur le jardin, avec une annotation piquante priant le quidam d’aller y jeter un oeil pour y découvrir le nain de jardin.
Il a ouvert la porte.
Et derrière, au lieu d’un classique Simplet Blanche-Neigien, il y avait la statue d’un personnage délicieux, nu, nain et dodu, assis sur une tortue.
Le tout dans une cour minuscule.
C’était inattendu et amusant.

Quand la visite a été terminée, nous sommes retournés à la voiture en suivant le chemin sous les arbres.
C’était un moment délicieux… un bonheur pur, main dans la main, sur un sentier qui sentait bon et qui nous a ramenés devant le cimetière.
Prévert y dort, dans une tombe colorée, que nous avons vue fleurie et éclaboussée de soleil…

Martine Bernier

Arc et Senans : La Saline de l’Utopie

4 février, 2009

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La Saline royale d’Arc-et-Senans possède une destinée qu’aucune autre de ses congénères ne peut revendiquer. Modèle architectural unique, elle est aujourd’hui un lieu paisible, bijou architectural très visité.

Si la Saline royale d’Arc et Senans, en Franche-Comté, à une heure de Vallorbe, reçoit chaque année des milliers de visiteurs, ce n’est pas présenter l’extraction du sel, puisqu’elle est n’est plus en activité depuis 1895. Dès le premier regard, l’intérêt du site saute aux yeux. Classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1982, la Saline est le chef-d’oeuvre de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux .
Grâce aux bâtiments qu’il a imaginés, il doit être possible, estimait-il, de produire annuellement dans l’enceinte de la manufacture soixante mille quintaux de sel. Tout a été prévu à cet effet: les bernes, les étuves, les réservoirs d’eau, les magasins, les canaux, les machines hydrauliques, les bâtiments de graduation, le saumoduc, et les logements des ouvriers. Reste, en cette seconde moitié du XVIIIe siècle, à trouver un site pour implanter les bâtiments.
Celui-ci est choisi entre les hameaux d’Arc et de Senans, dans le Doubs. La mission de cette manufacture sera de transformer les saumures, ces eaux faiblement salées amenées par pipe-line des sources souterraines de Salins, à vingt kilomètres de là, afin d’en extraire du sel. Le bois de la forêt royale de Chaux (22’000 ha) servira à cuire et évaporer la saumure. Quant aux grands axes de circulation, ils permettront de commercer avec la Suisse voisine et la Bourgogne. La manufacture est construite entre 1775 et 1779, dix ans avant la Révolution française. Et l’or blanc obtenu est vendu, en tonneaux ou en pains de sel.
À la Révolution , la Saline devient bien de l’Etat, confié à des régisseurs. Mais les tentatives de développement ne lui assurent pas son avenir. Dépassée par la concurrence des salines de l’Est et par celle des marais salants, elle cesse définitivement son activité en 1895.

Cet arrêt des activités du site construit en demi-lune aurait pu signer son arrêt de mort. Cela n’a pas été le cas. Au contraire. Au fil des siècles, la Saline royale s’est trouvé une nouvelle vocation. Les choses avaient pourtant plutôt mal commencé. Délaissé à la fin du XIXe siècle, le site a subi de nombreux dommages. Le bâtiment central où loge le directeur, point fort de la composition, a supporté des dégradations et n’a pas été reconstruit à l’identique.
En 1918, la foudre détruit entièrement l’intérieur des lieux et, en 1926, un vandale fait sauter les colonnes du portique. Mais la Saline est rachetée en 1926 par le département du Doubs. Aussitôt classée au patrimoine des Monuments Historiques, elle va bénéficier d’importantes restaurations entre 1930 et 1990. Aujourd’hui, le lieu est un bijou architectural.
En 1972 est créée la Fondation Claude-Nicolas Ledoux, devenue depuis un institut. Sur l’initiative de son actuel président, Serge Antoine, une quinzaine d’entreprises publiques et privées s’unissent pour transformer l’ancienne saline en Centre International de réflexion sur le Futur, dont la gestion a été confiée à l’Institut. Ledoux serait heureux. Le lieu est aujourd’hui un Centre Culturel de Rencontre Européen, dont la réflexion principale est axée sur « L’architecture et la cité ». Colloques, séminaires, expositions itinérantes, création: le Centre est un lieu fréquenté par les chercheurs, et propose chaque année un nouveau thème de réflexion. Celui de 2004 sera consacré à « La Lumière/La Couleur », 2005 se penchera sur « La Mobilité et le Nomadisme », tandis que 2006 célébrera le Bicentenaire de la mort de Ledoux ».

Paradis factice (intertitre)

Ledoux avait rêvé d’incorporer la nature à l’architecture de la Saline. Grâce à son génie inventif, il a allié son sens de la géométrie à une nature à la fois sauvage et domestiquée, pour former un tout harmonieux. Chacun des onze bâtiments a été conçu pour être esthétique, admirablement proportionné. Créé pour devenir l’élément d’un « paradis social » placé sous la domination constante du directeur qui, de sa propre habitation, peut tout observer, tout contrôler.
Chacun des employés sera soigné, entouré, rêve Ledoux. L’usine, le potager, les bâtiments, les logements: tout est installé selon les plans de l’architecte, fantasmant sur une ville miniature idéale. Mais le projet est utopique.
À l’époque de l’utilisation de la saline, jusqu’à 250 personnes y ont vécu. Et les explications reçues lors de la visite du site font bien comprendre que la vie sur place n’avait rien d’idéale. Les ouvriers travaillaient dans une fumée épaisse aux vapeurs acides. Une atmosphère corrosive qui apportait son lot de brûlures et de problèmes respiratoires. De plus, une discipline quasi militaire régnait dans l’enceinte de la manufacture, y compris dans les logements attribués aux employés. Ceux-ci ne disposaient d’aucune liberté. De la prière du matin jusqu’à l’extinction des feux, tous obéissaient à des règles sévères, sous le regard omniprésent du directeur. L’architecte idéaliste avait oublié un détail en construisant son œuvre: la place de la liberté individuelle.

Martine Bernier

Horaires
Horaires des visites:
- Janvier, Février, Mars, Novembre, Décembre: 10-12H / 14-17H
- Avril, Mai, Octobre: 9-12H / 14-18H
- Juin, Septembre: 9-18H
- Juillet, Août: 9-19H
Internet: www.salineroyale.com
Tél. 0033 (0)3 81 54 45 45
Fax: +33 (0)3 81 54 45 46
La Saline se trouve entre Besançon et Pontarlier, à une heure de la frontière suisse.
Audioguides ou visites guidées à heure fixe, offertes avec le billet d’entrée au monument
Visites libres des expositions temporaires
Cafétéria ouverte de juin à septembre

L’ARCHITECTE DU ROI

Enfant du siècle des Lumières, Claude-Nicolas Ledoux (1736 – 1806), architecte visionnaire du roi Louis XV, a 37 ans et une solide réputation lorsqu’il dessine les plans de la manufacture. Le travail qu’il accomplit ici est raffiné, d’une symétrie parfaite. Très épris de l’Antiquité, il fera abondamment usage de colonnades et d’arc de triomphe dans les bâtiments qu’il construit. Les Salines royales d’Arc-et-Senans constituent les premiers essais d’urbanisme industriel complet comprendant ateliers, logements, écoles et espace de loisirs. Ledoux a également signé les plans du pavillon de madame du Barry à Louveciennes , des écuries de madame du Barry à Versailles, du château de Bénouville en Normandie , du théâtre de Besançon et de la prison d’Aix-en-Provence.
À la Saline, la Tonnellerie, l’un des pavillons à gauche du bâtiment d’entrée, est entièrement dédiée au musée Ledoux. Y est présentée l’une des plus importantes collections de maquettes d’architecture d’Europe, largement hantée par l’esprit du constructeur des lieux. Soixante maquettes retracent les projets, rêvés ou aboutis, de celui qui fut l’un des architectes les plus prolifiques de son temps.

M.B.

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