Tintinophiles à Cheverny
1 février, 2009Moulinsart, le château du capitaine Haddock, existe. Il se trouve dans le Val de Loire, où l’occasion est donnée aux visiteurs d’entrer dans la bande dessinée d’Hergé.
La légende dit que, alors qu’il se promenait dans la région, en quête d’un toit pour le capitaine Haddock, treize ans après avoir créé Tintin, Hergé aurait eu le coup de foudre pour le château de Cheverny, dans le Val de Loire. Vrai ou faux?
« À peu près vrai, sourit le Marquis Charles-Antoine de Vibraye, propriétaire actuel du château. Hergé s’est en effet mis à la recherche d’une demeure pour le capitaine. C’était un dessinateur aussi documenté qu’inspiré. Il semblerait qu’il a découvert Cheverny dans un livre, et qu’il a été séduit par sa ligne claire. Mon grand-oncle, qui était propriétaire du château à l’époque est décédé en 1976, sans jamais avoir vraiment parlé de cet épisode à quiconque. Nous n’avons donc pas de preuve de la visite d’Hergé. Mais nous savons qu’un dépliant de Cheverny a été retrouvé chez lui et se trouve aujourd’hui à la Fondation Tintin. »
LA CRYPTE DE RACKHAM
Moulinsart ressemble à s’y méprendre à Cheverny. À ceci près qu’Hergé a supprimé les deux ailes du château pour sa bande dessinée. Le grand escalier central est authentique lui aussi. Mais, au risque de décevoir les adeptes du « Trésor de Rackham le Rouge », la crypte du château est, elle, pure invention. Au fil du temps, les propriétaires de Cheverny comprennent l’intérêt que représente pour eux le filon Tintin. En 2001, les tintinophiles comblés découvrent pour la première fois l’exposition permanente, installée dans une dépendance du château et intitulée « Les secrets de Moulinsart ».
« La majorité des 300 à 350’000 visiteurs que nous recevons chaque année viennent parce qu’il s’agit d’un château du Val de Loire, confie le Marquis. Mais ils sont de plus en plus nombreux à se déplacer pour Tintin. Pour ma part, il a bercé mon enfance. J’ai donc toujours trouvé tout naturel de retrouver le château familial dans la BD. »
IMMERSION EN BD
Cette impression de vivre dans la bande dessinée, l’actuel maître des lieux a décidé de la faire partager au public. En pénétrant dans le pavillon abritant l’exposition, le visiteur est immédiatement saisi par l’ambiance sonore et très ludique de l’exposition. Chaque pièce met en scène un passage de certains albums, avec un sidérant respect du détail. La première pièce est la reconstitution fidèle l’endroit où Tintin est retenu prisonnier, dans « Le Secret de la Licorne ». Avec une poutre accrochée sur un balancier composé de draps, il perce le mur de la cave du château de Moulinsart, qui n’appartient pas encore à Haddock, et découvre la crypte. Un peu plus loin, dans le salon du château, la nuit est tombée et l’orage éclate. Un bruit de verre brisé: le professeur Tournesol vient d’être enlevé. Le passant est plongé au cœur de l’énigme de « L’Affaire Tournesol ». Un crochet par son laboratoire permet de découvrir le sous-marin à corps de requin et les étranges appareils sur lequel travaille le savant. Un détour par la chambre occupée par Tintin à Moulinsart, révèle pour la première fois une facette jusqu’ici inconnue du personnage. Très conservateur, celui-ci a conservé une infinité de souvenirs de ses aventures, tous rangés dans sa chambre.
Chaque pièce, chaque couloir est peuplé de voix, de bruits, d’ambiance. Partout, des trappes attendent d’être ouvertes, révélant des objets cultes de la BD. Comme les ustensiles utilisés par l’infernal petit prince Abdallah pour empoissonner la vie d’Haddock dans « Tintin au Pays de l’Or Noir ». À l’étage, la Castafiore s’égosille, interprétant inlassablement l’air des Bijoux, devant une fresque mettant en scène tous les personnages de l’ensemble des albums du célèbre reporter.
ALLO, BOUCHERIE SANZOT?
Plusieurs portraits ornent les murs de l’exposition. Les plus drôles tracent un parallèle entre la fiction et la réalité. Sous les tableaux représentant les personnages secondaires de la BD, ont été disposées les photos de ceux qui remplissent leurs fonctions dans la réalité: le gendarme, le maire, le boucher, le garagiste ou le majordome.
« Nestor, le majordome, existe bel et bien, explique Charles Antoine de Vibraye. Dans la réalité, il s’appelle Jean-Claude et est aussi attaché au château que peut l’être Nestor. Il y a une similitude troublante entre la réalité et la bande dessinée. Ainsi, la boucherie Sanzot s’appelle en fait la Boucherie Château. Et nous avons eu très souvent des coups de téléphone de personnes qui voulaient nous commander des steaks, exactement comme dans les livres. Nous devions leur expliquer que nous étions le château, et non pas la Boucherie « le Château ». »
Martine Bernier
+ D’INFOS
Domaine de Cheverny. Visite à la carte comprenant, à choix, la visite du château, l’exposition Tintin, le parc et le canal. Le château est ouvert tous les jours de l’année. Pour tous renseignements: 0033 2 54 79 96 29. Site internet: www.chateau-cheverny.fr