Archive pour la catégorie 'Poesie – litterature'

Balzac et l’Etrangère

9 juillet, 2011

S’il avait fallu choisir un écrivain doté de suffisamment d’imagination et de ténacité pour écrire la vie incroyable d’Honoré de Balzac (1799 – 1850) c’eut été… Balzac lui-même.
Comme les personnages de ses histoires, et comme son père le fut avant lui, il a été le modèle le plus pur du héros balzacien: assoiffé de considération sociale et obsédé par sa quête matérielle.
Tout dans sa vie est étonnant, y compris la vie de son propre père, onzième enfant d’une famille pauvre de paysan du Tarn.
Ce père n’avait pas de particule.
Il s’appelait simplement Bernard François Balssa.
Parti à pied pour Paris où il voulait faire fortune, il s’est retrouvé à Tours où il devint adjoint au maire et administrateur de l’hospice.
Une notabilité locale qui l’a poussé à transformé son nom en Balzac, un nom auquel il ajoutait de temps en temps le petit « de ».

Plus tard, son fils Honoré adoptera définitivement la particule hasardeuse.
A 53 ans, Bernard François épouse la jeune et jolie Laure Salambier qui a 32 ans de moins que lui, dont il aura quatre enfants.
Le 20 mai, jour de la St Honoré, naquit un fils baptisé du nom de ce saint.
Placé en nourrice dès sa naissance, puis mis en pension au collège du Vendôme, il se sentira abandonné.
D’autant que, dans cette véritable prison dans laquelle il passera huit ans, ses parents ne lui rendront visite que trois fois.
Plus tard, il écrira qu’il n’a jamais eu de mère.
Est-ce un hasard si, à 22 ans, son première amour s’appelle Laure comme sa mère?
Une mère de famille de sept enfants, âgée de 45 ans…

La vie sentimentale d’Honoré sera souvent malheureuse.
Lorsqu’il commence à connaître la gloire, il s’éprend de la Marquise de Castries qui va s’appliquer à humilier publiquement ce « petit parvenu prétentieux ».
Il va ensuite conquérir la Duchesse d’Abrantes (encore une Laure!), veuve déjà âgée du général Junot.
« Délabrée », disent les amis du jeune homme.
Peut-être, oui, mais elle a connu Bonaparte: le jeune écrivain l’écouterait parler durant des heures.

En 1832, Balzac reçoit une lettre anonyme signée « L’Etrangère ».
Cette missive va transformer sa vie.
Il découvre rapidement l’identité de cette admiratrice: c’est une richissime Comtesse polonaise, Eva Hanska, de 24 ans son aînée.
Elle s’ennuie à périr en Ukraine où elle est propriétaire de 22 000 hectares, règne sur 40 000 âmes et mène un bataillon de 2000 domestiques.

Ils se rencontrent pour la première fois en Suisse et tombent amoureux immédiatement.
Durant 43 jours, les amants vont vivre un bonheur absolu.
Mais le mariage est impossible: la belle est déjà mariée.
Ils doivent donc se séparer, mais pas avant que Balzac lui ait fait promettre de l’épouser lorsque mourra son vieux mari.
Il leur faudra attendre dix ans: le vieux mari était solide.
Enfin, le 5 janvier 1842, Eva est veuve, libre, riche et joyeuse!
Balzac, fou de bonheur, prévoit d’épouser son amour… et par la même occasion de régler ses créanciers.

Mais au moment décisif, Eva hésite, tergiverse… et s’enfuit.
Elle refuse de lier son existence à celle d’un petit bourgeois peu raffiné, malade et couvert de dettes.
Histoire terminée?
Non.
Pendant sept ans, ils vont continuer à s’écrire, à se voir dans toute l’Europe.
La santé d’Honoré décline.
A tel point qu’Eva ne se sent plus la force de se refuser à celui dont la fin est si proche.
Le 14 mars 1850, 18 ans après la première lettre de l’Etrangère, ils se marient en Ukraine.
Le jeune marié revient à Paris, sa Comtesse à son bras.
Il ne lui reste plus que cinq mois à vivre.
Balzac disparaîtra alors qu’il pensait avoir enfin gagné le droit d’être heureux…

Martine Bernier

Les fables express

24 juin, 2011

Les fables et les fabulistes ont droit aux honneurs des manuels de littérature.
Mais personne n’a jamais pris la peine de définir les règles de la fable-express.
On ne sait même pas qui est celui qui, le premier, a réduit la fable classique à sa plus simple expression et en lui ajoutant une moralité pas du tout morale, sous forme, de préférence, de calembour.

J’en ai retrouvé quelques-unes qui me fait regretter de ne pas en lire plus souvent:

« Un mari quelque peu volage
Le lendemain de son mariage
Tua sa femme a son réveil
Moralité:
La nuit souvent porte conseil »

« Pépin le Bref est mort depuis bientôt mille ans.
Moralité:
Quand on est mort, c’est pour longtemps. »

Celle-ci, dédiée à Giuseppe Verdi, écrite par un certain Willy:

« Que nul n’entre chez moi! dit l’auteur du « Trouvère »
Et pour faire observer la consigne sévère
Il avertit sa bonne, un monstre au traits hideux.
Moralité:
La bonne à Verdi en vaut deux. »

Du même auteur, que j’aime décidément beaucoup:

« Prêtre chinois au teint de bronze
La conteuse dont il s’éprit
Entassait récit sur récit.
Moralité:
Les bons contes font le bonze ami. »

Tristan Bernard a fait court et efficace:
« Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre.
Moralité:
L’un d’eux s’ennuyait au logis. »

Et le plus affûté, au style serré et à la fin… piquante, de Boris Vian:

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Moralité:
Concentrique. »

Outch!

Martine Bernier

Etre jeune

24 février, 2009

ecriplume m’a permis de rentrer en contact avec Richard, avec lequel nous échangeons depuis nos expériences, nos idées.
Ce matin, il m’a fait cadeau de ce texte.
Certains l’attribuent à Samuel Ullman, d’autres au général Mac Arthur.
Toujours est-il qu’en le lisant, je me dis que j’aurais pu m’entendre avec son auteur, tiens!
Général ou poète!

ETRE JEUNE

La jeunesse n’est pas une période de la vie,
elle est un état d’esprit, un effet de la volonté,
une qualité de l’imagination, une intensité émotive,
une victoire du courage sur la timidité,
du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir
vécu un certain nombre d’années ;
on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal.
Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme.
Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs
sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre
et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande,
comme l’enfant insatiable. Et après ?
Il défie les évènements et trouve la joie au jeu de la vie.

Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute.
Aussi jeune que votre confiance en vous-même
aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.

Vous resterez jeune tant que vous serez réceptif.
Réceptif à ce qui est beau, bon et grand.
Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

Si un jour votre coeur allait être mordu
par le pessimisme et rongé par le cynisme,
puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.

La maison de Prévert (version Alain)

20 février, 2009

Il se mérite cet endroit. Au bout du Cotentin, un peu isolé, encore sauvage et calme.
On y arrive en se garant près de l’église. Un petit tour au cimetière, Prévert est là avec sa femme et sa fille, trois tombes identiques avec les lettres peintes en vert comme écrites avec un pinceau géant. Juste derrière, la tombe d’Alexandre Trauner, célèbre décorateur de cinéma, ami fidèle jusque là, au point de ne pas se séparer dans la mort. Une dernière magnifique preuve de fidélité et d’amitié.

Pour aller à la maison, il faut monter une petite route à pied. Nous avons pris notre temps, profitant du bruit de l’eau, des plantes bizarres, en nous demandant ce qui nous attend.
Enfin, un bruit de basse-cour, et à côté, au fond d’un jardin simple, cette petite bicoque.
M. Prévert est-il là ? Avec son éternel mégot au coin des lèvres, son imper et son chapeau mou ?
Non, bien sûr…Quel dommage.
Une jeune guide arrive, nous regarde avec un petit sourire. Voir un couple de jeunes amoureux qui l’attendent, elle a l’air surprise et amusée.
Elle ouvre les volets, puis les portes de la maison. Comme d’habitude nous laissons passer le « troupeau » des touristes pressés, vous savez ceux qui veulent tenir un planning, tout voir, vite.

Ils filent tous à droite, comme indiqué par la jeune guide, dans une salle où un film est projeté. Nous sommes des rebelles ! Donc nous allons à gauche où nous attend une exposition de dessins sur l’œuvre de Prévert. Un peu décevante cette maison, pour l’instant. J’ouvre la porte de l’arrière-cuisine, et nous tombons sur la statue du nain à cheval sur la tortue, un détail qui amuse Martine…
Vient l’étage, la seule pièce meublée, une grande table où Prévert faisait ces collages. Un fauteuil, un téléphone avec accroché au mur les numéros des proches, des gens à rappeler.
C’est la seule pièce où on peut sentir un peu le poète…bien maigre.

Nous sortons de la maison et prenons un sentier pour éviter la route. Nous longeons un ruisseau, nous sommes bien, un peu isolés du monde, un vrai couple de sauvages !

En retournant au parking je ne peux m’empêcher d’aller lui dire au-revoir au poète, à cet orfèvre des mots. Lui qui me mettait des musiques en têtes, le bruit de l’œuf sur le comptoir de zinc, Barbara, l’amiral…

La prochaine fois, si je reviens dans la région, je viendrai vous dire un petit bonjour Monsieur Prévert, j’ai compris que l’endroit que j’aime est auprès de vous et pas votre maison.

Alain

Pablo Neruda: Il meurt lentement, celui qui…

1 février, 2009

Pablo Neruda

Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à porter une nouvelle couleur
Ou qui ne parle jamais à un inconnu

Il meurt lentement celui qui fait de la télévision son guide

Il meurt lentement
celui qui évite la passion
celui qui préfère le noir au blanc, les points sur les « i » à un tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les cœurs blessés.

Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement celui qui passe ses jours
à se plaindre de sa mauvaise fortune ou de la pluie incessante.

Il évite la mort celui qui se rappelle qu’être vivant requiert un effort bien plus important que le simple fait de respirer.

Discours de Pablo Neruda – Prix Nobel de littérature 1971