Archive pour la catégorie 'Rencontres'

Jean-Claude Dreyfus sur scène: allez le voir!!!

5 avril, 2009

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Jusqu’au 26 avril, le comédien Jean-Claude Dreyfus est sur scène dans  »Rictus soliloquant ».

Jehan Rictus est considéré comme l’un de nos plus grands poètes, malheureusement oublié…

Je vais être honnête: je n’ai pas vu la pièce, même si je meurs d’envie de filer à Paris pour le faire. Mais les articles écrits par les journalistes y ayant assisté sont plus qu’élogieux pour Jean-Claude Dreyfus qui habite les  textes avec cette force et cette sensibilité qui signent sa personnalité. Il donne la réplique, sur scène, à Fabrice Carlier, sur lequel la critique ne tarit pas d’éloges non plus.

Ce comédien si spécial, j’ai la chance d’avoir pu l’interviewer (voir dans la rubrique « rencontres »). Nous avons gardé contact, peu fréquent, mais toujours chaleureux. Force de la nature, homme d’esprit, un peu rebelle, et de coeur, il est fascinant. Alors, si vous êtes à Paris ou si vous avez l’occasion de vous y rendre, n’hésitez pas: allez le voir sur scène!

Martine Bernier 

Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, Paris XXe. Tel. 01 43 66 01 13, les mercredis, jeudis et vendredis à 21h30. De 12 à 22 euros.

Turuvani, le peintre des montagnes

13 mars, 2009

Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de rencontrer et de consacrer un article au peintre Bernard Turuvani, qui exposait alors aux Diablerets, dans les Alpes vaudoises.
J’ai eu un coup de foudre pour ses oeuvres. Ce Neuchâtelois d’origine peint la montagne. Mais pas dans ce qu’elle a de verdoyant et bucolique.
Son univers est un monde de roc, de glace et de neige.
Il reproduit les parois telles que les voient les alpinistes de haute montagne.
Dures et belles.
Sa technique est étonnante. Il peint à l’huile sur du papier de Chine extrêmement fin, qu’il froisse et repeint encore, pour reproduire le relief.
Ses oeuvres, en trois dimensions, sont très pures, entraînant ceux qui regardent ses toiles dans un univers où beaucoup ne se rendront sans doute jamais.
Un monde vertigineux, sobre et étonnamment vivant.

M.B.

Jusqu’au 28 mars 2009, Bernard Turuvani expose à la Galerie 2016, Maison des Arcades, à Hauterive/Neuchâtel (Suisse)
Mais l’homme habite en France et expose dans le monde entier.
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BD: Dominique Roques et Alexis Dormal – « Pico Bogues »

16 février, 2009

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HUMOUR ET TENDRESSE D’UN COUPLE MERE-FILS

La BD redécouvre la tendresse avec la naissance d’un petit personnage attachant: Pico Bogue. Sa particulatité? Il est né de l’imagination d’une mère, Dominique Roques, 60 ans, et de son fils, Alexis Dormal, 31 ans. L’une écrit, l’autre dessine, racontant leur vie de famille. C’est bourré d’humour, attendrissant, tonique… Chaque parent et chaque enfant peut se retrouver dans cet album réconfortant qui fleure bon, à chaque page, la formidable complicité existant entre ce couple mère-fils. Une BD délicieuse, destinée autant aux enfants qu’aux adultes, qui, une fois lue, laisse derrière elle un sillage de bien-être.
Rencontre avec deux Belges pour lesquels la douceur a encore un sens.

- Les mésaventures de Pico sont-elles autobiographiques?
D.R: Il s’agit de nous dans la mesure où nous avons tous les personnages en chacun de nous. Tous les événements décrits ne nous sont pas arrivés, mais, oui… “nous sommes cela”!

- Et Pico, ce petit bonhomme drôle, à l’esprit de répartie saisissant et à la chevelure en bataille, c’était donc Alexis?
D.R: Oui! Quand il était petit, il était ainsi, mais la société a modifié son caractère. Pour les cheveux, c’est moi qui les lui coupait, ce qui explique le résultat! Et puis, ce petit renflement que vous voyez au-dessus de la bouche de Pico, il l’avait lui aussi…

- Comment est né Pico?
A.D: Maman m’a un jour montré ce qu’elle écrivait. J’ai découvert les personnages et j’ai pris les histoires de plein fouet. Ma mère a toujours eu un style d’écriture qui n’appartient qu’à elle. J’ai donc essayé de construire des personnages qui répondaient à l’humanité et à l’humour de ses textes. Pour cela, je me suis éloigné du réalisme, j’ai introduit la folie des cheveux, le petit côté sage du visage, la douceur du geste, mais aussi la vivacité du mouvement. Nous avons mis deux ans pour finaliser l’album.

- Alexis, comment voyez-vous votre mère?
J’ai eu, avec mon frère, une enfance très heureuse. Maman a toujours été très proche de nous, nous parlions beaucoup. J’ai toujours considéré son esprit comme une oasis dans un monde où même les enfants jouent aux adultes. Un monde qui me donne l’impression qu’il faut se déshumaniser le plus possible pour pouvoir exister. Notre mère nous apportait tout le contraire…

- Et vous, Dominique, quel regard portez-vous sur votre fils?
D.R: Il est diplômé d’une école de cinéma, mais a bifurqué. Dans cet univers où l’on brasse beaucoup d’argent, il faut être doté d’un brin de méchanceté pour se faire sa place… et il est incapable de l’avoir. Il a ensuite suivi une école de dessin. A cette époque, je me faisais du souci pour lui: percer dans la bande dessinée n’est pas simple. Mais il a du talent, et une belle sensibilité…

- La famille de Pico se compose également de son papa et de sa petite soeur, “Ana Ana”. Alors que, dans la vie, vous avez un frère. Pourquoi avoir introduit ce personnage?
A.D: Cette petite soeur est née de l’envie qu’en avait Dominique! Elle est le symbole d’un certain féminisme. Elle est plus fonceuse que Pico, plus vive, mais elle a aussi un côté très touchant, très tendre.

- D’ailleurs, la relation entre le frère et la soeur est très belle, à la fois complice mais réaliste! Pico ressent parfois une pointe d’agacement pour cette petite tornade blonde… La relation ressemble à celle que vous aviez avec votre frère?
A-.D: Oui ! Maman a travaillé pour que Jérôme et moi ne nous chamaillions pas. Cela nous a permis de développer une belle relation. Il est d’ailleurs aujourd’hui notre premier critique!

- Ce premier album est un bijou de fraîcheur, d’humour et de poésie. Quel a été votre objectif en le réalisant?
D.R: Nous ne voulions surtout pas donner de leçons ni tomber dans la mièvrerie. Mais raconter la vie de famille sur un mode à la fois amusant et proche de la réalité.
A.D: On ne se souvient pas exactement comment cela se passait, dans l’enfance… Mais on se rappelle de certaines souvenirs, de l’atmosphère. Je crois que, ce petit garçon, je le suis toujours. Et j’aime savoir que ce livre peut être lu autant par les ados que par leurs parents, et créer une complicité.

Martine Bernier

Pico Bogue: “La Vie et Moi”, Dominique Roques et Alexis Dormal, Ed. Dargaud.
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Maxime Leforestier: ma première grande interview

7 février, 2009

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Le journalisme est un métier de rencontres. Et j’ai la chance de faire partie de ceux et celles qui en ont fait beaucoup, et de très belles. Des personnalités connues ou pas qui, toutes, m’ont laissé un souvenir plus ou moins marquant.

Mais jamais je n’oublierai la première. Parce qu’elle a eu lieu dans des circonstances insolites.
J’avais 25 ans ou 26 ans, n’avais pas encore passé mon diplôme de journaliste et travaillais comme pigiste dans un journal local.
A l’époque, j’habitais Leysin, une station de sports d’hiver des Alpes suisses. Station qui avait, par le passé, accueilli le chapiteau de la BBC où se déroulaient des émissions de variétés prestigieuses réunissant les plus grandes stars de la chanson. Beaucoup terminaient leur séjour par un passage dans un restaurant où j’avais mes entrées: le Vieux Leysin. Comme bien d’autres, j’ai pu assister depuis le bar, à des moments de musique pure où s’éclataient le groupe Abba, Michael Jackson lorsqu’il faisait encore partie des « Jackson Five », Sacha Distel etc…

En 1987, la nouvelle est tombée: un festival rock serait organisé à Leysin, réunissant les plus grandes vedettes en concert à ciel ouvert dans la montagne. A la base de l’aventure: Gérard Héritier. Jusqu’en 1994, le festival fera venir la crème des artistes dans la station. Souvent sous des trombes d’eau… ce qui a précipité sa perte. Je me souviens d’un concert apocalyptique de Bob Dylan, où c’est à peine si l’on pouvait encore distinguer la scène…

J’ai très rapidement convaincu ma rédaction que j’étais la personne idéale pour « m’occuper » de la manifestation pour notre journal. La plupart de mes « chefs » se sont copieusement moqué de moi. A côté des revues internationales, jamais les organisateurs n’inviteraient le « Journal du Chablais » à leurs conférences de presse. Et certainement pas s’il était représenté par une pigiste, qui plus est. « Mais bon, vas-y essaye… »

J’ai commencé par écrire des papiers d’ambiance. Emmenant mes deux fils, hauts comme trois pommes, dans mon sillage, j’ai assisté aux premiers concerts, ai sympathisé avec les organisateurs, les représentants des maisons de disques, les membres de la sécurité…
Jusqu’au jour où j’ai découvert que serait invité Maxime Leforestier.
LE Maxime Leforestier dont je connaissais toutes les chansons, jouées à la guitare pour mes enfants (oui, chez nous, pas de berceuses: du folk!).
Lorsque mes collègues ont réalisé que je voulais absolument décrocher une interview de l’homme en question, ils ont souri. Les paris étaient pris, et j’avoue que je ne partais pas gagnante…

J’ai donc confié mes enfants et mon chien à une amie, ai pris mon carnet, mon stylo, et suis partie naïvement à la chasse à l’interview.
Grâce à un membre de l’organisation, j’avais hérité d’un badge « presse » bien utile pour franchir les premiers barrages. Restait à atteindre le Graal.
Arriver aux « loges » des artistes (casés dans des conteneurs…) tenait du parcours du combattant. Mais les hommes de la sécurité commençaient à me connaître et semblaient avoir pris en sympathie cette petite scribouillarde décidée à faire ses preuves.
Ne me demandez pas comment j’ai fait… toujours est-il que je me suis retrouvée devant la porte du conteneur de Maxime Leforestier, avec une consigne de celui qui m’y avait conduite: « Ecoute. Il chante ce soir. Auparavant, il doit donner une série d’interviews. Tes collègues sont installés en salle de presse. Toi, tu vas attendre ici, dehors. Et dès que tu verras que la liste des rendez-vous est terminée, tu essayeras de passer. Il te donnera peut-être 5 minutes. »

J’ai donc pris mon mal en patience. Il en fallait: j’ai attendu près de 4 heures. Comme si attendre ne suffisait pas, la pluie s’est invitée. Une véritable pluie diluvienne, plus proche de la mousson que de l’averse. J’étais détrempée, grelottante, mais présente. Au bout de quatre heures d’un défilé interminable de journalistes représentants des revues connues (et secs car issus de la salle de presse ou munis de parapluies), le dernier a quitté la loge.

Maxime Leforestier, le raccompagnant à la porte, a passé la tête dehors et m’a vue.
Il m’a dit: « Mais.. vous êtes trempée! »
- Heu… oui… on peut dire cela!
- Vous attendez depuis longtemps?
- Environ 4 heures.
- Sous la pluie?? Mais… pour me voir??
- Oui, si c’est possible… je sais que je n’ai pas rendez-vous et que je travaille pour un misérable journal local, mais si je n’obtiens pas cette interview, à mon avis, je suis virée.

Pieux mensonge: je ne pouvais pas être virée puisque je n’étais pas engagée!
Il a ri et m’a fait entrer, ayant sans doute pitié de cette serpillière vivante aux longs cheveux dégoulinants.
La loge était minuscule. Il m’a fait asseoir à côté de lui dans un petit canapé en angle.
Très civilisé, il m’a offert de partager des chips.
Je n’ai pas osé dire non. Et très émue de me retrouver face à l’objet de toutes mes convoitises (si j’ose dire!)… je me suis étranglée avec la chips en question.
Adorable jusqu’au bout des ongles, il m’a tapoté dans le dos, en riant toujours.
J’ai sorti mon carnet de ma veste en jean. Il était imbibé d’eau, à tel point que l’encre de mon stylo était bue au fur et à mesure que j’écrivais.
Je lui ai avoué que je procédais là à ma première interview d’artiste. Et que, à mon avis, ça commençait plutôt mal.
Il m’a rassurée, m’a mise à l’aise en m’interrogeant sur moi, mes enfants, m’indiquant qu’il avait un fils du même âge que le mien.
J’ai compensé mon manque d’expérience et mon trac, par une connaissance de son répertoire que je connaissais par coeur, et par une sincérité qui devait être désarmante si j’en crois la manière dont il s’est comporté avec moi.

Il a été … plus que gentil.
Parce que je lui ai dit que c’était une chanson que j’aimais beaucoup, il a pris sa guitare et m’a chanté « Fontenay-aux-roses ».
Nous avons passé une grosse demi-heure à parler avant que je prenne congé, confortablement perchée sur mon nuage.

Je suis rentrée chez moi et j’ai écrit dans la foulée, un texte enthousiaste et plutôt amusant.
J’avais même réussi à obtenir une photo… que la rédaction ne m’a jamais rendue, trop contente de pouvoir la garder.

Je ne sais pas ce qui a le plus marqué: le fait d’avoir envoyé cet article ou d’avoir décroché ce premier rendez-vous.
Toujours est-il que j’avais réussi là où certains collègues locaux avaient renoncé.
Cet article m’a ouvert de nombreuses portes, notamment au Festival où, par la suite, j’ai obtenu des interviews de stars plus connues les unes que les autres.
Peu de temps après, d’autres journaux, plus importants, me faisaient des avances.

Moi, je n’ai jamais oublié la gentillesse avec laquelle m’a reçue Maxime, en toute simplicité, alors qu’il devait avoir une indigestion totale de journalistes, ce jour-là…

Martine Bernier

Alan Stivell : Nous vivons sur une seule terre

5 février, 2009

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Je l’ai rencontré il y a dix ans, alors qu’il allait donner un concert non loin de la frontière Suisse.
Il m’a accordé un entretien peu avant le concert auquel j’ai ensuite assisté. Une salle surchauffée, des drapeaux bretons, un enthousiasme délirant de la part d’un public heureux de retrouver son barde.
Breton, Alan Stivell l’est dans l’âme. Mais il est aussi et surtout un musicien en perpétuelle évolution, précurseur de la World Music. A l’époque, il sortait son 19e album: « 1 Douar » (En breton: « une seule terre »). Ce disque international, hybride et très mélodique, il l’avait longuement mûri, menant à bien son désir d’aller à l’essentiel en brisant les frontières entre les peuples. Ou du moins entre leurs musiques.
Profondément original dans le paysage musical français, le sage Stivell fait toujours figure de visionnaire. Aujourd’hui, son discours n’a pas changé: chacun de nous possède une richesse qui peut enrichir l’Autre.

- Vous êtes considéré comme l’un des porte-drapeau du peuple breton. C’est un rôle que vous assumez facilement?
Oui et non. C’est une responsabilité double et ambiguë, car je veux conserver ma liberté d’être humain. Je ne suis pas le délégué du peuple breton destiné à le représenter dans le monde. Ils n’ont pas voté pour moi! Mais je suis conscient d’avoir une certaine responsabilité. Même si mon rôle est festif, j’en perçois le sérieux car, à la clef, il y a des racines. Si j’étais superficiel, il existerait un risque de partir dans toutes les directions et de briser le sens de notre démarche.

- Votre album « 1 Douar » semble avoir été, mûrement réfléchi..
C’est exact. Je souhaitais parler d’une seule terre, et en breton. L’Afrique, c’est la terre la plus éloignée du monde celte. Mais il existe des liens entre les peuples. Pour moi, il est important d’aller là où je ne suis pas attendu. Je pense qu’il faut être attaché à ses racines sans le moindre racisme, en ayant une curiosité pour les autres. Entre les extrêmes que sont l’uniformité ou la division, il existe un chemin dans lequel on peut continuer à vivre une richesse culturelle sans frontières.

- Ne pensez-vous pas que votre public a parfois du mal à vous suivre dans votre nouvelle démarche, dans votre nouveau style très éloigné de la musique bretonne traditionnelle?
Mon public suit plus ou moins. A une époque, je me souviens avoir eu moi-même des difficultés à aimer certaines chansons des Beatles.
Il faut se donner le temps de rentrer dans la musique. Au début, on s’étonne, puis on s’habitue. Je suis pris entre l’oeuvre de l’avant-garde et le besoin de communication.
Personnellement, je ne ressens pas le besoin d’individualisme artistique, ni la frustration de communiquer. Je dirais que je fais de l’avant-gardisme modéré.

- Certains vous attribuent la paternité de la World Music…
Sur le plan musical, c’est très exagéré. Sur le concept, je suis plus ou moins d’accord car, dès mon premier album, je partais déjà sur ce principe.

- Dans « 1 Douar », vous chantez notamment la Mémoire de l’Humain. Quels sont les thèmes que vous traitez dans vos chanson… et que l’on ne peut comprendre à moins de parler breton ou d’acheter vos disques sur lesquels figurent les traductions?
Je parle de tout ce qui me touche en tant qu’être humain. La faim dans le monde, la paix, en Irlande, les problèmes politiques, les légendes… Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie entre une symphonie celtique ou une chanson paillarde. Je traite tout sur le même plan. Tout fait partie de la vie.

- L’avenir de la Bretagne, comment le voyez-vous?
Il passe par une fédération des pays celtiques. Je pense que le monde celte sera fédéré par l’Europe. Je crois qu’il existera un bureau interceltique où seront traités tous les problèmes des peuples celtes. Les frontières qui séparent ces peuples ont été crées artificiellement sur la Manche. Maintenant, les celtes vont se réunir davantage.

- Vous avez donné plusieurs concerts en Suisse. Ce pays, comment le ressentez-vous?
Quand je pense à la Suisse, je pense « helvétique ». En breton cela pourrait se traduire par « Elever le monde haut ». C’est le souvenir d’un peuple davantage peuple des montagnes, Peut-être ce dernier a-t-il gardé une certaine philosophie telle que celle que l’on trouve au Tibet?
Toujours est-il que le peuple des montagnes est assez proche de celui des îles ou de la mer. Mais il serait démagogique de vous dire que je me sens mieux en Suisse qu’ailleurs. En fait, je me sens chez moi partout…

Martine Bernier

Eugene Chaplin : Ma vie d’hier et d’aujourd’hui

2 février, 2009

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Fils de Charlot, Eugene Chaplin est l’un des hommes les plus adorables qu’il m’ait été donné de rencontrer, début 2007. Il porte en lui une gentillesse authentique et une humilité qui le rendent profondément attachant. Amoureux du cirque comme le fut son père, Eugène, l’un des enfants du prestigieux Charlot, il vivait à cette époque au rythme des tournées du cirque Nock. Et m’a livré la douce philosophie qui est la sienne avant de reprendre la route pour une nouvelle saison.

Eugène Chaplin a un sourire rayonnant qui n’est pas sans rappeler celui de son père, l’inoubliable Charlot. Cette référence perpétuelle ne l’agace pas. Fidèle à la mémoire et au talent de son géniteur, cet homme discret a lui aussi fait son chemin, sous d’autres projecteurs.
« J’ai suivi une école de théâtre, en Angleterre, mais j’ai vite compris que l’homme de la situation, ce n’est pas l’acteur , mais celui qui conceptualise le spectacle: le metteur en scène. C’était ma voie. Au cirque, la mise en scène est plus facile. Il n’y a pas de paroles. On joue avec les émotions… »

À Lausanne où le cirque Nock, dont il est régisseur, replantera son chapiteau pour quelques jours ce printemps, l’artiste se confie sans fausse pudeur, tout en délicatesse. Le cirque lui permet d’allier son amour du spectacle avec le goût des autres, son attachement aux animaux et à la nature.

Les animaux, Eugene Chaplin les aime depuis sa plus tendre enfance. Au Manoir de Ban, à Corsier-sur-Vevey, ses parents, Charlie et Oona Chaplin, ont eu à cœur d’entourer leurs enfants de compagnons à quatre pattes. « Nous avions des poneys, des chiens, des chats… Pour les enfants, la présence d’un cochon d’Inde ou d’un hamster, qui sont des animaux qui ne vivent pas très longtemps, les confronte à la mort. La première fois qu’un animal meurt, c’est un drame. La deuxième fois, on pleure, puis, tout en étant toujours triste, on s’habitue. On l’accepte, même si cela fait mal au cœur, et on intègre peu à peu l’idée de la mort. »

Aujourd’hui, C’est Lili, une chienne bouledogue, qui l’accompagne au quotidien. Celle-ci a tout pour plaire, comme son maître l’explique en riant, tout en s’excusant de ne pas pouvoir nous la présenter  » Je suis désolé, Lili n’est pas avec moi. J’ai préféré la laisser à la maison jusqu’ici. Elle est un peu fragile. Elle a déjà 8 ans. Comme les bouledogues ont une vie plus courte que les autres chiens, je préfère la ménager. En dehors de cela, c’est le chien idéal: il dort tout le temps, est très calme et joue deux heures par jour! Le bouledogue a une sale tête, mais il est très affectueux. Lili est très maladroite. Elle passe à travers les baies vitrées, ronfle la nuit, dort avec la langue qui pend. Elle adore s’asseoir devant la cage des tigres et les regarder comme si elle se demandait « je joue avec eux ou je les attaque? ». Elle est drôle et charmante. Et j’avoue que, quand elle n’est pas là, elle me manque. »

Dans le cadre du cirque Nock qu’il accompagne dans sa tournée le metteur en scène côtoie bien d’autres animaux. Ceux de la ménagerie. En la faisant visiter, il s’attarde devant chaque cage, chaque enclos: « Enfant, nous avions deux chevaux miniatures, plus petits encore que ceux que vous voyez ici. Plus tard, nous avons aussi récupéré des cochons vietnamiens, que nous avions appelés Charles et Diana! Ce sont des animaux qui s’éduquent comme les chiens. »
Au passage, Eugène flatte de la main un bœuf de la ménagerie: « Il est spécialement gentil… ». Chez les lamas, il sourit: « Oui, c’est vrai qu’ils crachent, mais rarement. Il ne faut pas les énerver… » Devant la cage aux tigres, il désigne un tigron, croisement entre un tigre et un lion: « C’est Trischa, la plus douce de toutes. Regardez-la… Elle est très attachée à sa compagne de cage. Les tigres sont comme les hommes. Certains s’entendent, d’autres pas… »

L’ADIEU AU MANOIR

A la fin du mois d’avril 2006, Eugène, qui est le cinquième des huit enfants de la famille Chaplin, a quitté le Manoir de Ban. Celui-ci deviendra un musée dédié à son père et au cinéma muet, et pourrait ouvrir ses portes en 2007. Quitter la maison de son enfance et les arbres centenaires du parc représente une page qui se tourne pour le metteur en scène: « J’ai fait le deuil de la maison car je la quitte pour une bonne raison. Avec 24 chambres, l’entretien était trop lourd à supporter. Je l’ai occupée pendant près de dix ans avec mon frère. Mais je ne ressens pas trop de nostalgie. Je vois la vie comme un chapitre, et je me réjouis de découvrir la suite du livre… »

« LA SUISSE EST SI BELLE… »

Depuis qu’il a intégré l’équipe du Cirque Nock comme régisseur, Eugène Chaplin avoue avoir découvert des lieux, en Suisse, où il ne se serait jamais rendu sans cette opportunité. « La Suisse est vraiment très belle… Je connaissais bien l’arc lémanique, mais j’ai complété ma connaissance. Neuchâtel est une belle ville, Fribourg a ses attraits, Bâle est formidable, le Tessin est d’une grande beauté, et les Grisons sont magnifiques… C’est là, en voyant ces sommets de 4000 mètres où la neige commence à fondre, que j’ai vraiment réalisé ce qu’était le réchauffement de la planète. Je ne suis pas spécialement Vert, mais il y a matière à réfléchir. Selon moi, la nature va prendre les choses en main, comme toujours. Il va y avoir des bouleversements climatiques qui feront malheureusement des victimes. Puis une nouvelle vie recommencera. Je sais que, à la fin, la nature sera la plus forte… »

Martine Bernier

+ D’INFOS

- Toutes les dates de la tournée du cirque Nock se retrouve sur le site: www.nock.ch
- Pour en savoir davantage sur le musée Chaplin, aujourd’hui ouvert: http://www.chaplinmuseum.com/

Pierre Arditi: Je suis un enfant du bitume

2 février, 2009

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Je l’ai rencontré à Grenoble, voici trois ans, alors qu’il était en tournée. Accessible et aimable, Pierre Arditi a accepté de se prêter au jeu des questions pour un hebdomadaire romand axé sur les loisirs et l’environnement. Né à Paris, l’acteur a, avec la nature, un rapport occasionnel mais respectueux. À quelques jours de son arrivée en Suisse, il révèle un côté méconnu de sa personnalité.

Salon d’un hôtel de Grenoble. Pierre Arditi apparaît. Courtois, disponible, doté d’une intelligence percutante, il parle sans se faire prier de la tournée qui le mènera dans le canton de Vaud au mois de mai. « Lunes de Miel », où il partage l’affiche avec son épouse Evelyne Bouix, propose un scénario vaudevillesque. Un homme et une femme, autrefois mariés et passionnément amoureux, découvrent qu’ils séjournent dans le même hôtel alors qu’ils sont chacun en lune de miel avec leurs nouveaux conjoints. Une comédie qu’accueillera, en mai, le Théâtre du Jorat.

CAMPAGNE MAL-AIMEE
Lorsqu’il est en tournée, le comédien reste plusieurs jours dans la même ville. Une bonne occasion, pour ce pur Parisien, de renouer avec la province française. « Je suis né à Paris où j’ai vécu dans un quartier proche du jardin du Luxembourg. Je suis un véritable enfant du bitume. Pendant très longtemps, j’ai même détesté la campagne. Quand j’étais enfant, mes parents m’y avaient placé pour un séjour. Dans mon esprit, la campagne est devenue synonyme de séparation, de mort. Il a fallu que j’attende d’avoir 40 ans pour me mettre à l’aimer réellement. Mais la ville n’est pas dénuée de nature. Le cycle des saisons s’observe aux arbres, un peu trop rares, c’est vrai, que l’on y rencontre. Juste après avoir terminé mes cours de théâtre, j’ai travaillé en province, plutôt que d’attendre des propositions à Paris. À Marseille, j’ai apprécié la mer. Et à Lyon, il ne fallait pas faire beaucoup de chemin pour sortir de la ville. Ce qui me changeait de Paris où, pour la quitter, il faut passer par la périphérie, puis par la périphérie de la périphérie! »

BATAILLON DE CHATS
Si la nature est réellement rentrée dans la vie de l’acteur lorsqu’il a atteint l’âge adulte, les animaux, eux, ont trouvé plus tôt leur place dans sa vie. « A l’époque, quelqu’un a offert un chat à la personne avec qui je vivais. Un siamois colour point, très mignon. De fil en aiguille, nous avons fini par en avoir treize, dont beaucoup étaient des chats de gouttière. À part quelques petites anicroches de temps en temps, tout ce petit monde s’entendait très bien. Nous en avons placés, peu à peu, chez des personnes qui les adoraient. L’un d’eux s’est ainsi retrouvé à l’Hôtel des Invalides. Il griffait les fauteuils, se pendait aux rideaux et faisait toutes les bêtises possibles. Mais son nouveau propriétaire le laissait tout faire, et le chat a régné en souverain sur son nouveau domaine. »

SISSI IMPERATRICE
Plus tard, avec son épouse, Evelyne Bouix, qui a toujours eu des chiens, Pierre Arditi adopte Sissi, une chienne labrador. Celle-ci vit dans la maison que le couple possédait alors dans le Midi de la France. « Nous nous y rendions très souvent. À chaque fois, c’était la fête! Elle dormait dans notre chambre, nous suivait partout… C’était une chienne merveilleuse. De temps en temps, quand elle nous manquait trop, nous la ramenions à Paris. Elle était heureuse, mais nous sentions qu’elle manquait d’espace pour courir. Elle est morte à l’âge de onze ans. Ça nous a beaucoup affectés, ma femme et moi. Nous nous étions attaché à elle comme à un enfant. Nous n’avons pas repris de chien ensuite. Parce que nous ne sommes pas prêts à revivre un tel chagrin. »

ANIMAUX HUMANISES
Si l’acteur estime qu’il se ressource en pratiquant son métier, il aime également se rendre avec sa femme dans leur maison de Ramatuelle. Il décrit la vue sur la Méditerranée, le panorama presque vierge de fils électriques, le paysage qui rappelle celui de la Toscane, avec la mer en toile de fond… « Malheureusement, je pense que nous allons vendre la maison. J’ai trop de travail. Nous avons moins de temps pour y aller. »
Dès 1993, Pierre Arditi prête sa voix grave aux « Chroniques de la Terre Sauvage », une série de documentaires dont chaque épisode, scénarisé, se déroule sur un continent différent.  » Pour la première fois, on prêtait des émotions aux animaux. Cela les humanisait et les rendait très attachants. Ces documentaires ont remporté un succès fou, dont on me parle encore aujourd’hui. »

« OGM: PRUDENCE! »
En 2003, soucieux de son environnement, le comédien a accepté de se joindre à un collectif regroupant des artistes, des scientifiques, des élus et d’autres citoyens. Ceux-ci, par le biais d’une pétition, dénonçaient notamment les disséminations d’OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) dans l’environnement. « Je ne suis pas contre les recherches en la matière. J’estime qu’il faut soutenir le progrès, et je dénonce ceux qui s’attaquent aux laboratoires. Ces recherches contribueront peut-être un jour à améliorer le problème de la faim dans le monde. Mais je suis contre la culture des OGM dans des champs, parce que nous ne savons pas vraiment quels risques peuvent en découler. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec les moyens utilisés par les militants anti-OGM, j’estime que leur action est nécessaire. »

Aujourd’hui, le comédien s’apprête à retrouver le public Suisse avec plaisir:  » J’aime travailler dans votre pays. Beaucoup de Suisses viennent me voir lorsque je joue à Paris, également. Ça a toujours été un public épatant: délicieux, bienveillant, intelligent et vif! »

Martine Bernier

Hugues Aufray: Chantre de la nature

28 janvier, 2009

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J’ai toujours adoré Hugues Aufray, d’aussi loin que je m’en souvienne. La première interview que j’ai faite de lui, je l’ai réalisée par téléphone. Elle a été magnifique, le contact est passé. Il m’a dit: je serai en Suisse dans deux semaines pour un concert, venez me voir, que nous fassions connaissance! J’y suis allée. Un concert superbe au cours duquel les gens, toutes générations confondues, chantaient à tue-tête. Je l’ai vu après le spectacle. Un très beau moment.
Puis je suis allée le voir chez lui, près de Paris. Dans son salon, il m’a parlé de sa vie, de lui… Depuis, chaque fois que nous nous croisons, (ce qui n’est pas tous les jours, avouons-le!!!) nous nous faisons la bise, et la gamine que j’étais, connaissant tout son répertoire par coeur et le chantant près du feu de camp, est heureuse.
Hugues Aufray est un homme bon. Cette beauté qui est la sienne vient de l’intérieur.
Voici un extrait du texte de l’article écrit après notre rencontre chez lui, à Marne-la-Coquette. Un texte axé nature en rapport avec l’hebdomadaire auquel il était destiné.

La nature est omniprésente dans la vie d’Hugues Aufray, jusqu’à venir frapper à sa porte. Le jardin de sa discrète maison de Marne-la-Coquette (France) est grignoté par la forêt de « Fausse Repose ». Régulièrement, les animaux des bois s’aventurent sous ses fenêtres. Silhouette juvénile et regard bleu le chanteur a un emploi du temps bien rempli, qui l’entraîne bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Il ouvre pourtant ses portes avec cette chaleur humaine et cette disponibilité indissociables de sa personnalité. Seuls ses cheveux de neige et quelques rides insinuent que le temps a passé depuis ses premiers succès. Cela ne l’affecte d’ailleurs pas vraiment, lui qui applique chaque jour une philosophie pétrie de bon sens: « La vie est un échange. Les cellules mortes sont remplacées par des cellules vivantes. C’est un mouvement perpétuel, que l’on peut observer dans la nature. Quand on coupe une branche, elle se développe. Quand un être humain s’en va, un autre naît… »

L’amour de la nature, qui se retrouve à chaque détour de ses chansons, Hugues Aufray l’a reçu en cadeau, dès son enfance, « sans pression, juste par l’apprentissage ». C’est son frère, Francesco, aujourd’hui décédé, qui lui a ouvert les yeux sur son environnement, et sur les animaux que lui-même adorait. L’exemple a porté. Pour le créateur de « Stewball », la nature est partout. Il avoue d’ailleurs en souriant qu’il est autant rat des villes que rat des champs.
« Je suis très sensible aux odeurs, relève-t-il. Le plus triste pour moi serait de perdre l’odorat. Quand je me plonge dans le parfum de la forêt, j’ai l’impression d’être vivant. J’aime la moto, qui est une façon de bouger plus rapide que la marche et moins fatigante que le vélo. Elle me permet d’apprécier la nature et le monde qui m’entoure. Quand je me promène, je sens le parfum des lilas, l’odeur du pain qui sort de chez le boulanger, les arômes du barbecue d’un voisin… Mais j’aime aussi les parfums des villes, avec le goudron chaud, les châtaignes grillées. Je regrette beaucoup celui, plus ancien, des brûleries de café… »

Amoureux des chevaux, Hugues Aufray l’est aussi des chiens. D’origine basque et béarnaise, le chanteur est fier d’avouer qu’il compte, parmi ses ancêtres, le célèbre Comte de Foix, Gaston Phoebus. Il porte d’ailleurs au doigt, en chevalière, les armoiries de sa famille. « Phoebus était chasseur, explique-t-il. A l’époque, les paysans possédaient des chevaux et des chiens. Les seigneurs marchaient dans le fumier. Phoebus se passionnait pour les animaux et pour les croisements à effectuer pour obtenir de bons chiens de travail.  »
Fort de telles racines, profondément terriennes, il était tout naturel pour le chanteur de souhaiter acquérir une ferme. « C’était mon rêve, se souvient-il, mais je n’avais pas l’argent nécessaire pour le réaliser, à l’époque. Un jour, en passant devant une librairie spécialisée dans le domaine agricole, je suis tombé sur un livre qui parlait d’un chien, le berger des Pyrénées. J’ai eu un coup de foudre total en découvrant sa photo. J’ai acheté l’ouvrage. Puis, je me suis dit que, puisque je comptais avoir un jour des chèvres, je pourrais déjà acheter le chien! ». Après quelques recherches, Quip fait son entrée dans la vie d’Hugues Aufray et de sa famille. En 1966, la ferme est acquise, et le chien y joue son rôle de berger. Il devient une véritable vedette. Posant sur deux couvertures de disques avec son maître, il le suit en tournée. « Il connaissait très bien la chanson avec laquelle je terminais les tours de chant. Dès qu’elle était finie, il se ruait sur scène, venait vers moi, et aboyait pour m’obliger à rentrer à la maison! » Le chanteur consacrera un titre à son compagnon. « Je n’suis plus maître chez moi » amuse le public. Et l’engouement est tel que la race est réintroduite en France…. bien des années après que Gaston Phoebus lui-même l’ait créée.
Un jour, l’histoire prend fin. « En 1972, je venais d’acheter ma maison, près de Paris, raconte Hugues Aufray. J’ai décidé d’amener Quip ici. Comme c’était un gaillard qui aimait les filles, il en a suivi une, un jour. Et il n’est jamais revenu… Il est mort libre, comme il a vécu. » Aucune des annonces passées à la télévision, la radio et dans les journaux ne ramènera Quip. Hugues Aufray aura encore un doberman sentimental et tendre, avant de reprendre un berger des Pyrénées. Ce dernier, « d’Arrayou » est mort au début du mois de décembre, laissant un grand vide dans le cœur de son maître. « Peut-être en reprendrais-je un, confie-t-il, car je l’ai vraiment beaucoup aimé. Le berger des Pyrénées est un chien plein d’humour, parfois un peu fantasque. Par exemple, il joue à saute-mouton, quand il veut traverser un troupeau. C’est un vrai chien de caractère. »

Martine Bernier

QUESTIONNAIRE DE PROUST

• Votre parfum préféré? Le jasmin m’enivre et se retrouve dans le monde entier, mais j’adore aussi celui de la rose.
• Votre animal? Le cheval et le chien, car j’ai avec eux un rapport privilégié, un véritable dialogue. Mon épouse, de son côté est une Dame Chat!
• Votre arbre? L’olivier, et le cyprès car il ressemble à une flamme verte. Un côté mystique s’en dégage.
• Votre fleur? Le coquelicot ou le pavot, indissociable du bleuet…
• Votre légume? La pomme de terre est pour moi le légume roi. Mais que serait la vie sans les navets que j’adore, et tous les autres légumes?
• Votre saison? L’automne me bouleverse. Il réunit les quatre saisons.

Philippe Plisson: Le marin pêcheur d’images

27 janvier, 2009

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Les photos de Philip Plisson comptent parmi les plus vendues à travers le monde. Il est LE photographe de la mer, marin aguerri et ami des navigateurs. Avec son œil d’artiste et son âme d’aventurier, il a aussi des racines plantées en pleine terre de Sologne.

Dans les bureaux de son entreprise, à Crac’h, en Bretagne, à deux pas de la Trinité-sur-Mer, les murs sont couverts de photos de personnalités et de lieux qu’il aime. Partout, des visages connus, des bateaux, des vagues… Sa vie.
Les yeux de Philip Plisson ont la couleur des fonds marins. Une prédisposition pour cet homme amoureux de la mer et de la navigation depuis son plus jeune âge. C’est pourtant en Sologne qu’il a vécu ses premières émotions, dans une famille hors du commun.
« Je suis très titi parisien par mon côté maternel. Quand elle avait 15 ans, ma mère écoutait chanter Edith Piaf dans une station de métro, à Ménilmontant. Côté paternel, ma grand-mère était une femme exceptionnelle, chef d’entreprise, capable de faire des folies. Avec mon grand-père, architecte, ils se sont lancés dans le bâtiment puis, après la guerre, dans une entreprise de cimetières qui s’est développée. Mon grand-père a cependant gardé la ferme qu’il possédait: 400 hectares d’exploitation et de chasse en Sologne. »

Entre terre et eau…

Très marqué par l’influence de cet aïeul dont il est proche, le jeune Philip se rend sur l’exploitation tous les jeudis. Il participe aux travaux de la ferme, aux soins des animaux, aux labours, au battage… « C’était un terrain de jeu fabuleux. J’y ai appris mille choses. Comme, par exemple, que le cochon est le plus tendre et le plus accueillant des animaux de la ferme! Mon grand-père m’a appris à voir, à goûter, à boire le bon Sancerre, à accommoder le gibier. J’accompagnais les chasseurs, même si je n’ai jamais chassé moi-même… Je les respecte. Ils ont une approche de la nature souvent très intelligente. Mon grand-père avait également un étang de 200 hectares. Mon père, passionné de voile, a acheté le premier bateau de la famille en 1955. En 1970, il a créé le premier club de voile de France en navigation intérieure. Nous naviguions sur la Loire, le plus beau de nos fleuves, avec ses caprices, ses folies… Le seul à avoir des marées. J’adore les marées basses… »

« Je veux vivre de la photo! »

Dans cette famille bourgeoise aisée, le goût de la nature, de la navigation, mais aussi de la photographie se transmet de père en fils. Avec l’appareil photo qu’il reçoit pour sa communion, à 9 ans, l’enfant apprend à regarder et à transmettre les images qui le touchent. Il se poste dans le chenal de la Trinité-sur-mer où sa famille loue une maison, et prend des clichés des bateaux. Rapidement, il est autorisé à y monter, fait la connaissance de « Babar », le père d’Eric Tabarly, et devient lui-même un homme de mer en faisant son service militaire dans la marine, à 18 ans. Si sa carrière professionnelle, débutée par un diplôme d’électricien et poursuivie dans la vente de sous-vêtements féminins, l’entraîne loin de ses passions, il n’en continue pas moins de naviguer et de s’adonner à la photo. « J’avais décidé qu’avant 30 ans, je vivrais de la photo. C’est ce que j’ai fait. J’ai ouvert mon agence dans laquelle je réalisais notamment des prises de vue publicitaires en studio. »

Peintre de la Marine

Barreur en haute mer, Philip Plisson s’illustre en participant notamment avec brio à la course transatlantique La Rochelle / La Nouvelle Orléans avec Guy Delage. Sa façon de naviguer lui vaut le respect et l’amitié des skippers les plus aguerris. De fil en aiguille, des mandats professionnels de plus en plus importants lui sont confiés. En 1991, il est nommé Peintre de la Marine. Composé de peintres, graveurs, photographes, ce corps unique au monde a été constitué par l’Etat français en 1830. Il permet à ses membres d’embarquer sur n’importe quel vaisseau ou d’être envoyé dans les ports en guerre avec pour mission de témoigner. Cette charge de titulaire est assortie du grade de Capitaine de Corvette. Pour ce marin bourlingueur, ami d’Eric Tabarly, de Jean-François Deniau et de tant d’autres, l’honneur est de taille…

Pêcheur de rêve

Aujourd’hui, ses photos de vagues déchaînées s’écrasant sur les flancs des phares imperturbables s’arrachent. De par le monde, les amateurs en mal d’iode et d’air marin trouvent dans ces clichés un peu de la magie qui leur manque au quotidien. Ainsi, en dix ans, la célèbre photo du Phare de la Pointe des Poulains, cernée par la mer en furie, s’est vendue à plus de deux millions d’exemplaires. Sa réussite, Philip Plisson la constate avec une bonhomie à la fois amusée et surprise. Il l’explique en relevant qu’il a la culture de ses sujets. S’il possède plusieurs bateaux, il n’a plus guère le temps d’aller au-delà du chenal de la Trinité, pour son plaisir. Dès qu’il a un peu de temps libre, il le consacre à sa famille. À son épouse, Marie, à ses trois enfants qui, tous, travaillent avec lui et à ses petits-enfants. En 30 ans, il a pris 450’000 photos vendues dans trente-deux pays. S’il avoue préférer le côté artistique de son métier à la partie plus administrative, il n’a aucun regret, mais un souhait « un peu fou », estime-t-il. Acheter un bateau de 24 mètres doté d’une hélistation, lui permettant de naviguer sur et au-dessus de toutes les mers du monde pour expliquer à travers ses photos, leur importance économique. Et pour continuer à nous entraîner dans la magie des océans…

Martine Bernier

Présentations nouvelles
Le photographe continue à passer sa vie en reportage, sillonnant toutes les régions du monde en quête d’images de rêve. A son retour, il reprend son poste de chef d’entreprise, à la tête d’une équipe de 41 personnes… dont 35 femmes. Toujours à la recherche de nouveautés, sa société « Pêcheur d’Images » a récemment créé un nouveau concept de reproductions laminées sur bois. L’image, finement plastifiée, est ainsi lavable et accrochable partout. Parallèlement, la nouvelle collection de « digigraphies » propose des reproductions d’originaux de Philipp et de son fils Guillaume Plisson, en édition limitée, numérotée et signée.

+ D’INFOS

Site Internet: http://www.plisson.com/

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Jean-Pierre Coffe: « C’est en Suisse que j’ai formé mes goûts »

26 janvier, 2009

Comme Alain a raconté les coulisses de l’interview, dont je comptais « sortir » deux articles distincts, voici le deuxième texte, en rapport avec son récit… Souvenirs, souvenirs!

Ardent pourfendeur de la « malbouffe », Jean-Pierre Coffe se bat depuis toujours afin de rendre leurs lettres de noblesse aux bons produits du terroir. Rencontre, à Paris, avec un homme de cœur.

À la sortie des studios de RTL où il vient de terminer l’enregistrement de l’émission « Les Grosses Têtes », Jean-Pierre Coffe est là, ponctuel au rendez-vous fixé. Une élégance sans artifices, et des lunettes dotées d’énormes montures bleues, signent le personnage. C’est dans un petit restaurant chaleureux que ce chantre de la nourriture saine et néanmoins goûteuse confie: « Mes premiers souvenirs me viennent de Suisse. Je suis né à Lunéville, en 1938. Mon père a été tué à la guerre. Ma petite enfance a été très difficile. Après la guerre, la Croix-Rouge Suisse a invité des orphelins dans votre pays. J’y suis allé, dans la famille Fleury, à St-Ursanne. Là, je vivais dans une ferme, où il y avait tous les animaux que l’on trouve dans une vraie ferme: des vaches, des cochons, des chevaux, des poules, des lapins etc. Je m’y suis senti tellement bien que j’ai fait semblant d’être malade pour pouvoir revenir. J’ai passé presque deux ans chez eux. C’est là que mon goût pour les bonnes choses s’est formé. Aujourd’hui encore, je défends les bons vins suisses. Certains sont délicieux. En règle générale, je préfère le vin blanc. La Suisse a un rôle prépondérant dans l’évolution du vignoble savoyard. Il s’était un peu laissé aller et, lorsque les Suisses se sont mis à produire du bon vin, les Savoyards ont pris peur et se sont repris en main. »

Homme de cœur et de combats

Tout en parlant, l’homme jette un regard dans l’assiette de son voisin. Celui-ci a laissé de côté le gras de son jambon cru. Réaction immédiate et navrée: « Mais… vous avez laissé le meilleur! C’est de la bonne graisse… de la graisse animale! Tenez, goûtez cette tranche de saucisson… »
De Jean-Pierre Coffe, on connaît les combats contre l’agriculture intensive et la malbouffe, ses engagements pour l’enseignement du civisme et du goût à l’école, ou la réhabilitation des marchés et des petits commerces, son indignation face aux aberrations culinaires et autres de notre société. Le réduire à ses coups de gueule serait pourtant lui faire injure. Pudique, l’homme est un homme de cœur. Un vrai. Le public l’ignore souvent, mais c’est lui qui, à la fin des années 60, a créé l’association « Grands-mères au pair » destinée à placer des personnes âgées dans des familles pendant les vacances. Allant jusqu’à investir ses propres deniers dans l’aventure, pour prendre le relais du Ministère des affaires sociales. Sept mille personnes ont ainsi pu partir grâce à lui.
Le complice de Michel Drucker est ainsi: une personnalité forte et bouillante, mais une véritable tendresse et un respect des autres, un sens de l’écoute, une générosité discrète. Alerté par un prisonnier sur la mauvaise qualité de la nourriture dans les prisons, il s’est déplacé pour vérifier l’information sur place et consacrer une émission au sujet. L’écouter parler, avec son langage direct, de l’univers sordide de ces détenus dont l’espoir s’arrête aux murs de leur prison, est édifiant…

« Faites simple! »

Cet homme kaléidoscope est un écrivain prolifique. Il a écrit 37 livres, essentiellement consacrés à la cuisine et au jardin. Son dernier ouvrage « La véritable histoire des jardins de Versailles » montre de lui une passionnante facette d’érudition.
Entre deux ouvrages et deux émissions de radio ou de télévision, lorsqu’il se retrouve chez lui, en dehors de Paris, Jean-Pierre Coffe aime toujours s’occuper de son jardin. Il s’agit d’un potager d’un hectare qu’il a confié aux bons soins d’un jardinier, mais dont il assume la taille. Il cuisine également, des plats conviviaux, pour sa famille et ses amis. « J’adore les plats qui mijotent, comme la blanquette. Il faut conseiller aux maîtresses de maison de ne jamais servir un menu qu’elles n’ont pas eu l’occasion d’essayer auparavant. Il faut toujours proposer des plats avec lesquels on se sent parfaitement à l’aise, pour être sûr de les réussir. »

Martine Bernier

Et pour Noël, M. Coffe?

Cette année, à Noël, comme le voyage à Madagascar qu’il espérait entreprendre a dû être déplacé, Jean-Pierre Coffe recevra chez lui « les chiens perdus sans colliers ». « Je préparerai le plat le plus simple, de la blanquette de veau ou du bœuf bourguignon. Ils m’évitent de devoir passer mon temps en cuisine, je peux rester avec mes invités. Et, en dessert, je servirai, comme chaque année, une charlotte aux pommes. Des tranches fines de pommes, que vous disposez dans un moule à charlotte, bien tassées. Toutes les quatre ou cinq couches, vous mettez du caramel blond et de la cannelle. Vous remplissez jusqu’en haut. Puis vous la mettez à cuire 1h30 au bain marie et, ensuite, 1h30 au four avant de démouler. C’est un régal ».
À écouter ce fin gourmet détailler sa recette, on le croit sur parole…. À en avoir envie de faire partie, pour Noël, des chiens perdus sans collier.

DEGUSTATION IMPROVISEE

Impossible de rendre visite à Jean-Pierre Coffe en arrivant les mains vides. Dans les miennes: trois fromages typiquement suisses et deux vins, qu’il a dégustés dans une atmosphère de quasi recueillement, humant chaque produit avant de le goûter.
Son verdict:
- Vacherin fribourgeois: « C’est un fromage magnifique, très riche, très onctueux, avec un très beau gras. Il est parfumé, avec une réelle richesse aromatique, un goût herbacé très frais. »
- Etivaz: « Celui-ci est vraiment très bon! Le grain de sel commence à remonter. Il n’est pas salé, mais son goût est incroyablement riche. C’est là que l’on peut constater l’importance de la nourriture consommée par les vaches. Le fromage, comme le lait qui sont produits ensuite sont d’une qualité incomparable. »
- Gruyère mi-salé: (soupir d’aise…)  » Il a un petit goût d’étable très particulier… Délicieux… Sa texture est beaucoup plus fine. L’apparition du sel est plus marquée. »
- Dezaley Médinette 2006, Domaine Louis Bovard: « J’adore les vins blancs. Celui-ci a une belle concentration. Il se marie parfaitement avec le fromage. C’est un vin de convivialité. J’aime beaucoup… »

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