Archive pour la catégorie 'Vie quotidienne'

La visiteuse

3 décembre, 2011

Elle est arrivée avec mes voisins, lors de leur retour d’un voyage au Tyrol.
Ils m’ont affirmé qu’elle s’était imposée… je pense qu’ils disaient vrai: certains spécimens n’ont aucune éducation.
Très décidée à visiter un maximum de choses dans la région, elle s’est incrustée dans l’appartement voisin de palier avant de faire son apparition chez nous.
Une visiteuse comme elle, je n’en souhaite à personne.
Je n’ai pas l’habitude de parler de cette manière mais… elle était vraiment très pénible.
Alors que nous profitions d’une escale à Evian pour aller prendre un café avec les enfants, mon fils cadet, m’a dit, deux jours après, qu’elle en avait profité pour s’incruster chez eux également.
Lorsque Celui qui m’accompagne a pris la route, lundi, pour passer une semaine en France pour son travail, elle s’est glissée dans sa voiture sans lui demander son avis et ne l’a plus quitté.
Je n’espérais qu’une chose: qu’il la perde en cours de route et qu’elle ne revienne pas sous nos contrées.
Oui, je sais…
Vous allez dire que je n’ai pas le sens de l’hospitalité.
Mais là, vraiment… la grippe est envahissante, cette année.

Martine Bernier

Jean Taillens: l’article est arrivé trop tard…

1 décembre, 2011

On me demande souvent si je reste parfois en contact avec les personnes que j’interviewe, si je m’attache à elle.
Je crois que ce que je vis en ce moment répondra à la question…

En début d’année, l’un de mes amis, Jean, me met un message en me disant qu’il faut que je rencontre quelqu’un.
Il s’agit de son ami le plus proche, qui s’appelle Jean, lui aussi.
Il m’explique qu’il faut faire vite car la santé de ce monsieur décline rapidement.
Mais, me disait-il, il me plairait.

Il m’a fallu plusieurs mois pour arriver à trouver le temps de prendre rendez-vous, mais je l’ai fait.
D’autant que Jean m’avait appris que mon interlocuteur était le fils des créateurs du journal de l’Entraide Familiale vaudoise, dont je suis responsable depuis 1998, et qui fêtera ses 60 ans en 2012.
En plein mois d’août, donc, Eric et moi nous sommes déplacés dans l’une des villes vaudoises du bord du lac Léman pour rencontrer Jean Taillens.

Nous nous étions donné rendez-vous dans un salon de thé non loin de chez lui.
Lorsque nous sommes arrivés, il était là, assis dans le fond de l’établissement, entouré par son épouse et sa fille.
Toutes deux sont parties pour nous laisser mener l’entretien tranquillement.

Ses grands yeux d’enfant et son sourire tendre m’ont immédiatement captée.
On le sentait très fragile, très amaigri.
Cela faisait longtemps que la maladie le malmenait, et qu’il cumulait les traitements lourds.
Pourtant, c’est avec un plaisir manifeste qu’il a plongé dans ses souvenirs, pour nous.
Nous avons parlé de l’époque de la naissance du journal, de ses parents, de la manière dont chacun de leur trois enfants avait dû mettre la main à la pâte pour participer.
J’avais connu sa maman dans les dernières années de sa vie.
Les derniers temps, je lui téléphonais de temps en temps pour prendre de ses nouvelles, pour recevoir ses conseils, le fruit de ses réflexions.
Elle me racontait son expérience, ses avis, son quotidien, sans jamais se plaindre,passionnée et passionnante, jusqu’à son dernier jour.
J’ai retrouvé en son fils son humour, son humilité et son bon-sens.

Jean m’a parlé de la mort, qu’il sentait s’approcher de lui.
Paisiblement, sereinement.
Nous avions la même philosophie: nous pouvions en parler en souriant.
Eric a pris une photo de lui où il était radieux.
Puis son épouse nous a rejoints, nous avons sympathisé.
Une femme merveilleuse d’amour et de courage.

J’avais demandé si cela le dérangeait de recevoir de temps en temps un petit mot de ma part.
Il en était heureux.
Il fonctionnait aux sms.
Il m’en a envoyé de magnifiques, presque joyeux, toujours affectueux.
J’ai écrit l’article, qui est sorti aujourd’hui dans le journal.

Ce matin, un message de notre ami commun, l’autre Jean, m’apprenait que Jean Taillens était au plus mal.
Le jour où sortait  l’article qui lui était consacré, dans le journal créé 60 ans plus tôt par ses parents.
Il nous a quitté aujourd’hui.
Juste trop tard…. je ne sais même pas s’il a pu voir l’article qu’il avait envie de découvrir.

Le Jean qui reste est profondément triste.
Il perd son ami d’enfance…

Est-ce que je m’attache aux personnes que je rencontre?
Oui.
Pas à toutes, mais on ne passe pas à côté d’un bel humain sans être interpellée.
Je pense à sa famille, à ses amis, ses proches, et je ressens aujourd’hui la tristesse que l’on éprouve lorsque l’on voit partir quelqu’un qui nous est cher pour un long voyage.
J’ai été très heureuse et honorée de pouvoir faire sa connaissance avant son départ.
Pour lui, pour sa famille et pour tous ceux qui désireraient en savoir plus sur cet homme lumineux, qui me disait, hors plume, qu’il était convaincu que la vie ne s’arrêtait pas avec la mort et qu’une autre dimension l’attendait, voici l’article que je lui ai consacré.

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JEAN TAILLENS, LE TENDRE REJETON DE L’ENTRAIDE.

Certaines interviews sont plus marquantes que d’autres. Celle de Jean Taillens, à Nyon, fait partie de celles-là. Fils du couple fondateur de l’Entraide Familiale, il a été partie prenante, par la force des choses dans l’engagement de ses parents. Mais par sa personnalité, son chemin de vie et la façon dont il réagit aujourd’hui face à la maladie, il est aussi et surtout un homme profondément attachant.

- Vos parents, Paul et Violette Taillens, ont créé l’Entraide Familiale, à Lausanne. Comment l’histoire a-t-elle commencé?
Avec mes trois sœurs, nous avons été nourris de l’APEF! C’était l’une des raisons de vivre de nos parents. Ils avaient constaté à l’époque que lorsqu’une mère de famille tombait malade, il n’y avait rien de prévu pour l’aider. Ils ont donc créé le service des aides familiales, en proposant tout d’abord les services de deux dames. Ils ont aussi acquis avec le temps quatre machines à laver qui voyageaient d’une famille à l’autre. Mon père est allé voir le banquier pour qu’il l’aide à acheter le chalet des Pives, mis ensuite à disposition des familles. Il n’a pas hésité à mettre notre mobilier en gage pour cela. Le couple fonctionnait ainsi: mon père montait au front, prenait des coups, tandis que ma mère était dans la négociation, la réflexion. Entre eux, l’ambiance était parfois explosive lorsqu’il était question de l’Entraide!

- Comment avez-vous vécu cet épisode, alors que vous étiez enfant?
Nous étions dans le mouvement. Nous montions en colo aux Pives, et nous aidions nos parents à retaper ce chalet d’alpage peu à peu transformé en cure d’air. Lorsqu’il a fallu y installer l’eau, scier du bois, refaire l’intérieur, nous nous y sommes tous mis. Nous montions en vélo depuis Lausanne. Mon père a été le premier rédacteur du journal de l’Entraide. À l’époque, il tirait les clichés, préparait la maquette à la main. Je le revois avec ses grands ciseaux, découper les articles que nous collions en famille, tous, à genoux au fond du couloir. Puis il fallait faire le paquet et l’envoyer à l’imprimerie. Nous allions porter la maquette au tram qui allait à Renens, et l’imprimeur le récupérait à la sortie. Nous avons été de bons enfants, c’était une formidable école de la vie.

- Le fait d’avoir consacré en grande partie votre enfance aux activités bénévoles de vos parents vous a-t-il donné envie de continuer, ou vous a-t-il donné une indigestion du volontariat?
Pour ma part, j’ai continué longtemps. Mes parents nous ont donné des outils, un mode de fonctionnement qui m’a semblé valable mais qu’il faut savoir doser, car le bénévolat n’est pas sans danger. Il faut pouvoir donner du temps sans s’oublier soi-même, s’interroger sur ce que l’on cherche et ce que l’on trouve dans le bénévolat. Pour ma part, par la suite, il y a eu les ventes de l’APEF, la première halte-garderie… Adolescent et jeune adulte, j’ai continué à soutenir mes parents, jusqu’à mon mariage. Par la suite, de temps en temps, on m’appelait comme pour réparer la cheminée des Pives la nuit du 24 décembre! Violette Taillens, ma mère, avait l’art de nous jouer des tours. Comme par exemple de manquer le train pour l’inauguration des Pives, et, d’arriver sur une draisine de manœuvre alors que plus personne ne l’espérait! Elle était étonnante. Nous l’asticotions un peu, mais elle était de taille à se défendre! Elle tenait volontiers le devant de la scène. Pensez qu’à 93 ans, il lui arrivait toujours de donner des conférences sur la condition de la femme à la sortie de la guerre!

- Que vous a appris cette éducation axée sur l’aide à la communauté?
Notamment que la seule façon de changer le monde, c’est de se changer soi-même. Pendant les 40 ou 50 premières années de notre vie, on s’énerve… puis on comprend. Mon père disait: « Accroche ton clou à une étoile. » Et ma mère: « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien plus si tu savais où je vais te mener! » Avec cela, nous étions armés!
*
Jardinier de formation, Jean Taillens a eu une carrière très riche, puisqu’il a travaillé durant 42 ans à la station fédérale de recherche de Changins où il s’est concentré, entre autres tâches, sur les légumes en voie de disparition. Aujourd’hui à la retraite, il a à affronter l’épreuve de la maladie, dont il parle sans tabous. Il porte sur ce nouvel épisode de sa vie un regard lucide et clair, expliquant qu’il existe « le courage, le découragement, l’encouragement… c’est comme une ondulation. Je crois profondément qu’il y a sur notre route des veilleurs, des gens qui nous aident, nous permettent d’avancer, de franchir des étapes. Cela fait plusieurs fois que je vois la mort en face, j’en ai conscience. Mais je suis serein… »
Avec ses grands yeux d’enfants, son humour et son sourire d’une infinie tendresse, Jean Taillens est un homme que l’on n’oublie pas.
Tels père et mère, tel fils!

Martine Bernier

Bichon havanais: Pomme et le cauchemar

29 novembre, 2011

La grippe aidant, mon sommeil entrecoupé a été parasité par un cauchemar épouvantable.
Très tôt ce matin, alors que je venais d’allumer, Pomme s’est appuyée contre le lit comme pour m’interroger.
La mèche ébouriffée, elle m’a clairement fait comprendre qu’elle n’avait que modérément apprécié la dernière partie de la nuit.
En lui caressant les oreilles, je me suis laissée aller à lui faire des confidences:
- Tu sais, j’ai fait un cauchemar affreux. J’ai rêvé que nous étions dans un village surpeuplé, que tout le monde semblait être dehors, et que… tu disparaissais. Quelqu’un t’avait kidnappée! Tu n’imagines pas comme j’étais mal… Je t’ai cherchée partout… Et tout ça dans une ambiance glauque à souhait, tu n’imagines pas! Je me suis retrouvée dans des situations rocambolesques, complètement paniquée à l’idée de ne pas te retrouver!

Elle fixait sur moi son regard compatissant, une patte en l’air:
- Qu’est-ce que je ferais, sans toi, mmm? C’était terrible! Je suis bien contente que ce n’était qu’un mauvais rêve…

Comme elle continuait à me regarder, j’ai poursuivi:
- Oui, je sais, nous avons un autre sujet de préoccupation plus important. Tu as vu qu’Il est parti cette nuit, n’est-ce pas? Il ne revient pas aujourd’hui, mais samedi matin. Mais c’est la dernière fois! Il fallait qu’il assume une promesse. Tu es triste quand Bruno n’est pas là, je sais…

En entendant le prénom de Celui qui m’accompagne, mon mogwaï a penché la tête de gauche à droite, regardant la porte, courant de l’autre côté du lit pour vérifier l’absence du Capitaine.
Mon cauchemar ne la troublait visiblement pas.
Mais entendre parler de ce grand homme, ce complice auquel elle voue un véritable culte, et ne pas le trouver dans la chambre… c’était nettement plus traumatisant!
Elle est revenue vers moi, m’a gratté la main, comme pour m’interroger.

-Il va revenir, Pomme…

Je me suis déguisée en esquimau pour aller la sortir.
Son premier geste a été de filer à l’endroit où Il gare la voiture lorsqu’Il rentre.
Revenant tout tristement en constatant qu’elle n’était pas là…

Qui a dit que les animaux ne ressentent pas le manque?

Martine Bernier

Cyril et les triplés

27 novembre, 2011

Celui qui m’accompagne et moi arpentions les allées de Noël d’un grand magasin lorsqu’un jeune homme m’a interpellée:

- Excusez-moi, vous ne seriez pas Martine? Martine Bernier?

Cela m’arrive régulièrement d’être reconnue par des personnes que j’ai interviewées dans le passé.
Là, c’était différent.
Je l’ai regardé.
Souriant, son visage me disait quelque chose, mais je n’arrivais pas à lui donner un nom.

- Oui, c’est moi.
- J’en étais sûr! Je suis Cyril!

Cyril! Evidemment!
En quelques secondes, les images  me sont revenues en farandole.
Cyril, petit garçon blond qui devait avoir 4 ans lorsque je suis rentrée dans sa famille, par alliance.
Il était calme, presque placide, discret, à l’inverse de son frère, très vif, qui ne cessait de le bousculer et de lui chercher querelle.
Petit, il s’exprimait avec hésitation.
Cyril, qui prenait son temps pour chaque chose, qui n’aimait pas trop l’école, et qui posait sur ceux et celles qui l’entouraient, un regard bienveillant.
Mon instinct me poussait à m’intéresser à lui, à le protéger quand on le malmenait.
Je l’aimais beaucoup.
Puis la vie, une fois encore, nous a éloignés.
Je ne l’avais revu qu’une fois, comme il me l’a rappelé, ce samedi, un jour où je faisais un reportage dans un endroit où il se trouvait.
Entre les guirlandes et les décorations de Noël, je le regardais.
Il avait peu changé: toujours ce regard et ce sourire doux.
Je découvrais avec émerveillement que, désormais, il s’exprimait sans heurt, de manière posée et limpide.
Il avait l’air visiblement heureux de me voir.
Je lui ai présenté Celui qui m’accompagne, et, en quelques mots, il lui a expliqué l’importance que j’avais eue dans sa vie.
En l’écoutant, j’ai été émue.
Donner de l’attention et de l’amour à un enfant n’est jamais inutile.
Je n’avais pas réalisé, sur le moment, combien le peu que je faisais avait de l’importance pour lui à l’époque.

- Cyril… que deviens-tu? Sébastien m’a dit que tu étais heureux?
J’avais appris, en effet, qu’il était marié, nouvelle qui m’avait réjouie.
-Et bien… oui, c’est vrai. Et là, ma femme et moi allons avoir des bébés en janvier. Des triplés.
- Des triplés????

Il m’a raconté leur parcours, l’annonce de la future naissance, la réaction joyeuse et rassurante de son père, celle nettement plus mitigée de sa mère.
Il m’a dit qu’ils prendraient chaque jour l’un après l’autre, qu’il était certain que tout se passerait bien.
Nous avons parlé une vingtaine de minutes, je lui ai laissé nos coordonnées et, tout content, il m’a dit qu’il reprendrait contact.

J’ai beaucoup pensé à lui ensuite.
Petit blondinet dont sa mère disait  qu’elle ne savait pas ce qu’elle ferait de lui, Cyril est devenu un jeune homme de 35 ans posé et plein de bon-sens.
Il travaille, est heureux en ménage et s’apprête, avec réalisme mais sans angoisse, à assumer son rôle de père puissance 3.
Et je suis sûre qu’il y arrivera, car, comme pour chaque étape de sa vie, il prend les choses en faisant à chaque fois de son mieux.
Un bel exemple pour tous ceux qui ont un enfant dont ils se demandent s’il trouvera sa voie…

Martine Bernier  

 

 

 

Le calendrier

26 novembre, 2011

Depuis près de deux semaines qu’il est là « pour de bon », Celui qui m’accompagne me permet de découvrir, jour après jour, un homme encore plus agréable à vivre que lorsque nous passions ensemble des semaines ou des mois communs afin de vérifier si nous étions bien compatibles.
Délivré des soucis de déménagement, Il m’offre un quotidien joyeux et attentionné.
Nous avons tous deux des emplois du temps chargés et irréguliers.
Je me demandais si nous allions arriver à les coordonner.
Les calendriers habituels ne disposaient pas de cases assez grandes pour y noter nos plannings respectifs, il fallait quelque chose de plus adapté.
J’ai donc cherché… et trouvé!

Lorsque je lui ai montré fièrement ma nouvelle trouvaille d’un genre un peu particulier, mon tendre géant m’a fait remarquer avec toute la délicatesse voulue que, avec ses autocollants, ce fabuleux instrument était visiblement destiné à… des enfants.
Peuh!
Ce n’est pas parce que mon sublimisse calendrier est du genre ludique que j’allais me démonter pour autant.
Après un exposé des plus convaincants sur l’art et la manière d’utiliser l’engin en question, le calendrier a fait son entrée dans nos vies.
Horaires de travail et déplacements, concerts, voyages, événements, soirées entre amis, rendez-vous divers: tout prend place dans ses colonnes que j’ai pris l’habitude de consulter plusieurs fois par jour.

Nos emplois du temps s’entrecroisent, nous travaillons tous deux dans des univers différents.
Mais lorsque nous nous retrouvons, nous vivons sur la même planète, sous l’oeil complice de mon irremplaçable calendrier!

Martine Bernier

Photo: le don discret et les « maldons prétentieux »

25 novembre, 2011

J’ai la chance d’avoir dans ma vie plusieurs personnes extrêmement douées pour la photo.
Contrairement à moi qui ne prend que des clichés tout ce qu’il y a de plus banal.
Eric, en tête de liste, a à ce point développé son don qu’il est devenu professionnel.
Il est pour moi l’un des meilleurs photographes avec lesquels j’ai travaillé, même si je sais qu’il me tordrait le cou s’il apprenait que je le clame ici, pour la première fois.
L’excellence de son travail accompagne mes articles et apporte à nos sujets une dimension essentielle.

Thierry, mon ami de Bretagne, continue à prendre des clichés saisissants.
Tous sont remplis de poésie.
Mon ami Dominique, dessinateur de talent, prend lui aussi des photos dans lesquelles il rend des atmosphères superbes où la vie semble retenir son souffle.

Et, depuis quelques années, Yann, mon fiston cadet s’épanouit à son tour dans cet art complexe.
Je vous livre la dernière photo qu’il m’a envoyée et qui m’a beaucoup amusée…
Celle d’un alpaga affichant un sourire béat, en pleine méditation transcendantale.

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Comme pour tous les arts majeurs ou mineurs, les bons photographes travaillent énormément, s’exercent, apprennent, étudient.
Et sont généralement humbles, poussés par une rigueur et un perfectionnisme qui les incitent à ne pas se vanter.
Ces quatre-là ont en commun un regard, une passion, et la remise en question constante qui, bien souvent, est le signe des artistes.

Je pensais à cela en regardant les dernières photos de chacun d’eux, reçues ou vues ces derniers jours, lorsqu’un nouveau message des Ombres est venu me parler de leur « ami » prétentieux « bassinant tout le monde avec ses photos ratées de Maroc où, en grand voyageur qu’il croit être, il se rend une ou deux fois par an désormais pour se donner l’illusion d’avoir une vie intéressante ».

Et bien… je vois qu’il fait toujours l’unanimité.
Si le message ne m’a fait ni chaud ni froid, il m’a fait réfléchir.
Comme tout le monde, j’ai eu parfois à rencontrer ce que j’appelle un Maldon prétentieux.
De ceux qui vous montrent leurs photos de vacances d’un air faussement modeste, horripilant… alors qu’elles sont parfaitement inintéressantes ou mal cadrées.
Et c’est là que le véritable talent fait toute la différence.
Il ne suffit pas de se trouver dans un lieu ou face à un sujet magnifiques pour réussir une photo.
Il faut savoir saisir LE moment, avoir un regard, une humanité, un sens de l’image que tout le monde ne possède pas.

Martine Bernier

Soeur Lucie-Agnès et l’air béat

23 novembre, 2011

A chaque fois que je regarde un reportage concernant une jeune femme décidant de prendre le voile et de rentrer dans les ordres, je suis à la fois frappée et plongée dans un abîme de perplexité en découvrant l’air et le ton qu’elle adopte.
Et cela me ramène près de 30 ans en arrière, lorsque j’étais à l’école dans une école tenue par des religieuses…

Je les aimais bien, ces êtres asexués en raison de leur tenue, et les classais en catégorie.
Les plus anciennes portaient la robe noire, le voile et une espèce de cornette amidonnée.
Entre 3 et 13 ans, je les ai regardées comme des curiosités.
A l’école enfantine, l’une d’elles, Soeur Marie, nous enseignait des comptines et nous apprenait à lever le doigt avant de parler tout en restant vissées sur nos chaises.
A l’école primaire, Soeur Augustine était notre directrice.
Nous devions la saluer en esquissant une petite révérence, ce qui ne me plaisait pas du tout.
Lorsque je suis passée en « humanité », j’ai eu devant moi un large échantillon de religieuses, que j’ai appris à connaître différemment.
Soeur Alphonse tenait l’économat où nous allions chercher nos fournitures scolaires et nos uniformes.
Soeur Ignace (ça ne s’invente pas!) était la plus âgée, je pense.
Elle avait le rôle de « pion », ne souriait jamais.
On ne peut pas dire que sa vie la rendait euphorique…
Soeur Antoine, une vieille soeur moustachue absolument adorable, nous donnait des cours de théâtre en option.
Ce qui équivaut à dire qu’elle nous faisait interpréter des pièces parfaitement gnangnantes.
Nous nous exécutions pour lui faire plaisir.
Il a fallu attendre son départ à la maison de retraite de la communauté pour voir arriver une jeune prof qui m’a fait découvrir les merveilleuses tirades de Cyrano.

Soeur Marie-Véronique, la directrice, terrifiait tout le monde par son attitude glaciale… ce qui ne nous a pas empêchées de nous lier d’amitié.
Elle a été jusqu’à me rendre visite en Suisse bien des années plus tard, avec « ma » Soeur préférée.
Elle ne portait pas la robe longue ni le voile.
Tout comme Soeur Lucie-Agnès, surnommée « Lulu », qui fut le professeur qui a le plus compté dans ma vie d’adolescente.
Vive, dynamique, cultivée, joyeuse, elle était de toutes les aventures, conduisant sa camionnette, la « Tartinette », et m’ouvrant sa porte dès que je ne supportais plus mon quotidien.
Je l’aimais beaucoup, vraiment beaucoup.
Nous avions des conversations qui, souvent, devaient la déranger, mais elle n’esquivait jamais mes questions.
Pendant mes années d’ado révoltée, c’est elle qui m’a accompagnée ponctuellement.
Un jour est arrivée dans leur communauté une nouvelle recrue: Soeur Marie-Dominique.
Elle chantait divinement, était jeune, et… affichait cet air bizarroïde dont je parlais plus haut.
Un jour que j’étais avec « Lulu », elle m’a demandé:
- Tu n’aimes pas beaucoup Soeur Marie-Dominique, visiblement?
- Si, si. Elle est gentille. C’est sa façon d’être qui m’exaspère parfois.
- Sa façon d’être??
- Ne me dites pas que vous ne vous en rendez pas compte!
- Explique-moi…
J’ai entamé une tirade dans laquelle je lui demandais pourquoi il était nécessaire de prendre un air béat, un sourire qui fait trois fois le tour des oreilles, d’adopter un ton chantant, un discours décalé et un regard illuminé, pour choisir cette vocation.
Une Soeur n’est-elle pas une femme comme une autre, qui ne doit pas forcément entrer dans un moule, forcer sur la note « tout le monde il et beau, tout le monde il est gentil » et placer le nom de Dieu ou de Jésus à tout bout de champ au détour de chaque phrase?
Je respectais ses croyances, mais supportais mal qu’elle cherche à nous les imposer à la manière d’un rouleau compresseur souriant.

- Même moi, quand j’ai un coup de coeur, j’évite de placer le prénom de l’élu dans la conversation. Un peu de tenue, mince!
Elle a ri.
- Tu exagères!
- Non, regardez-là. Tenez, demain, venez assister à la répétition de la chorale, et vous verrez. Je vous parie ce que vous voulez qu’elle va nous servir plusieurs fois une phrase toute faite à propos de votre Patron commun.
- On ne dit pas « le Patron »! File! Je serai là, demain.

Le lendemain, en effet, elle était là.
J’avais ma guitare, je suivais les indications de notre cheffe de chorale qui, comme prévu, nous a servi à moult reprises des phrases ahurissantes, attirant notre attention sur les bienfaits du Seigneur, poussant presque des cris de joie en nous montrant la « délicieuse petite fleur » qui trônait sur la table et que nous devions à « Celui qui nous a tous créés » etc.
Un discours insupportable, indécent, pour une ado qui vivait ce que je traversais au quotidien au niveau familial.
En quittant la salle, je suis allée rejoindre Soeur Lucie-Agnès.

- Alors? J’exagère?
Elle a pris un air faussement sévère:
- Tout ce qu’elle a dit est exact!
Puis, plus bas, avec un clin d’oeil:
- Bon, d’accord, elle y va un peu fort. Je vais lui en toucher un mot. Et toi, sois patiente. L’air béat ne dure qu’un temps. En principe…

Martine Bernier

Le premier jour

16 novembre, 2011

Il est arrivé lundi, plusieurs heures après que la nuit soit tombée.
La voiture a été vidée pour la dernière fois, et Il m’a dit: « Le déménagement est enfin terminé. Entre le tien et le mien, il aura duré d’avril à novembre… Je suis heureux d’être là… »
Comment expliquer ce sentiment étrange…
Il me faudra plusieurs jours, je crois, pour arriver à m’habituer à l’idée qu’Il ne partira plus, que sa vie est ici, désormais, qu’il n’y aura plus de départ dans la nuit, de semaines de solitude, de conversations sur Skype, entrecoupées de problèmes de son ou d’image figée.
Nous avons vécu plusieurs mois ensemble durant l’été.
La vie commune ne nous est pas étrangère.
Mais il y avait toujours cette ombre grossissant au fur et à mesure que le temps passait.
Il allait repartir et je le savais.
Cette fois, nous sommes débarrassés de ces spectres de séparations constantes.
Il est là… et bien là!

Le lendemain matin suivant son arrivée, j’étais à la Fondation Gianadda avec mon fils aîné.
Monet s’en va dimanche… j’allais lui dire au-revoir.
Ma cinquième visite…
Lorsque je suis rentrée, Il partait.
Son nouveau travail l’attendait.
Un quotidien différent nous attend.
Avec le bonheur, chaque soir, de se retrouver.

Et l’émerveillement, pour moi, de réaliser que cet homme qui me disait ce dont il rêvait pour nous…. cet homme-là ne mentait pas.

Martine Bernier

La leçon du moine

16 novembre, 2011

En lisant un petit ouvrage que je vais présente prochainement, j’ai retrouvé cette histoire que je connaissais déjà, mais qui me plaît toujours autant.
Je ne résiste pas à l’envie que j’ai de la partager.

Il était une fois un disciple.
Il était très attaché à son Maître et essayait de respecter le mieux possible ses instructions.
Il se trouve que notre moine avait beaucoup de colère et maîtrisait difficilement cette émotion.
Désespéré, il alla trouver son Maître et lui dit:
- Que puis-je faire, Maître, pour ne plus avoir de colère?
- Il faut que tu sois attentif et, surtout, à chaque fois que tu te laisseras aller à la colère contre quelqu’un, tu vois cet arbre là-bas? Tu iras y planter un clou.

Le moine fit comme son Maître lui avait dit.
Plus le temps passait et plus le tronc de l’arbre se couvrait de clous.
Quelque temps plus tard, il retourna voir son Maître et lui montra avec désespoir le tronc où il n’y avait plus la place d’enfoncer le moindre clou.
Son Maître lui répondit de ne pas désespérer puisqu’il avait été attentif et conscient de sa colère.
Il devait poursuivre ses efforts et, à partir de ce jour, enlever un clou à chaque fois qu’il ne se mettrait pas en colère.

Le temps passa encore, le moine continua à pratiquer avec assiduité.
Peu à peu, ses efforts portèrent ses fruits et, à chaque fois qu’il lui arrivait de ne pas être en colère, très consciencieusement, il se dirigeait vers l’arbre et enlevait un clou.

Un jour, tout joyeux, il alla trouver son Maître:
- Maître, venez voir l’arbre!
- Que se passe-t-il?
- Il n’y a plus de clous!

Ils se dirigèrent tous deux vers l’arbre.
Effectivement, il n’y avait plus un seul clou.
Notre moine était plein de joie.
Son Maître resta silencieux un moment et lui dit:
- C’est bien, mais vois-tu tous ces trous?
- Oui, Maître…
- Tu as enlevé les clous, mais les trous demeurent là où tu les avais plantés. Ainsi en va-t-il des blessures que tu as infligées aux autres dans tes moments de colère. Toutes tes paroles, tous tes actes demeurent.

M.B.

« Karma, mode d’emploi », Marie France Garaude-Pasty, Editions Jouvence.

Jour double J

14 novembre, 2011

Ce lundi, Pomme a deux ans.
Déjà…
Pour fêter cela, comme je l’expliquais ce matin, je lui ai offert… un bain.
Oui, bon, je sais.
Ce n’est sans doute pas le cadeau qu’elle préfère.
Mais, après tout, Pomme est une demoiselle.
Et les demoiselles aiment les soins de beauté.
Je n’ai pas dit les SPA: le jeu de mots est un peu limite.

Donc, la journée a commencé par la toilette de mon Mogwaï qui s’est ensuite empressé de se venger en multipliant les bêtises.
Elle sent que ce jour est spécial.
Et, cette fois, je ne parle plus de son anniversaire.

Ce soir, Celui qui m’accompagne va arriver… pour ne plus repartir.
Ce lundi est un beau jour.

Martine Bernier

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