Depuis mon bureau où j’écris en ce moment après une semaine d’absence, j’ai vue sur le lac Léman.
Je suis en Suisse, juste à la frontière entre ces deux pays que j’aime et dont je porte la double nationalité.
Le départ de St Molf a été déchirant.
Une soirée d’adieu au cours de laquelle ni mon Triangle d’Or ni moi n’arrivions vraiment à réaliser que nous allions être séparés.
La remise d’un galet rond ramassé sur une plage de là-bas par Fred, et recouvert de messages d’amour…
Un petit bateau remis à neuf exemplaires à chacun des neuf membres du Triangle par Stéphane. Avec, sur chacun, un prénom et un message que nous sommes seuls à connaître…
Et puis la nuit. La dernière.
A 3h30, je repars dans la maison.
Ma maison… notre maison…
J’ai versé des torrents de larmes dans ma maison vide.
Larmes à l’idée de quitter ceux que j’aime.
J’ai eu l’impression d’avoir le coeur arraché lorsque j’ai dû quitter mon nid…
Pour la première fois de ma vie, j’avais un début de racines.
A 4h30, dans la nuit noire, ils sont tous venus m’embrasser, me serrer dans leurs bras.
Béa, Véro, Clément, Théo, et mon bon géant, si triste, qui cherchait à me réconforter alors qu’il en menait aussi peu large que moi.
Seul mon petit Yoyo n’avait pas pu venir, lui qui m’avait cédé sa chambre et était parti dormir chez sa grand-mère pour la nuit.
Yoyo dont les larmes m’avaient bouleversée la veille au soir au moment de me dire au-revoir…
Trop de douleur, trop de chagrin accumulés depuis ce 19 mai où Alain est devenu un autre, où il m’a brisée.
Mon coeur est tout cassé…
Et puis la route avec, à mes côtés, Aurore, ma pauvre petite fillotte coincée entre quatre guitares, un ordinateur énorme, et des sacs. Et Fred, toujours si solide auprès de moi, si fiable, si contraire à ce qu’est devenu Alain.
Douze heures de route pour arriver, éreintés, devant un appartement visiblement encore habité, mais où personne ne répond à la sonnette.
Coup d’angoisse… je frappe aux portes, le mari de la concierge file à la recherche du propriétaire qui n’a pas encore vraiment déménagé. Et ce dernier arrive, dans un état second, véhiculant un parfum d’alcool plutôt inquiétant. En entrant dans l’appartement, nous avons le choc de notre vie. Il n’a pas été nettoyé, est même franchement sale, et si les meubles sont bel et bien partis, toutes les affaires du propriétaire sont encore en place. Coup d’assommoir, cette fois… Les déménageurs sont arrivés, et souhaitent quitter la Suisse avant la fermeture de la douane, à 22 heures.
Nous sortons, je respire un grand coup, je réfléchis très vite et je sonne le rassemblement de mes fidèles disponibles… Eric, mes fils, ma belle-fille Magaly, Sonia, mes proches. Tous ceux qui le peuvent arrivent et nous vidons les affaires du monsieur dans la cave. Il a l’air perdu. Je devrais lui en vouloir mais je ne peux pas. Je sais qu’il a perdu sa femme depuis peu. Il est en perdition…
Le soir, Fred, Aurore, Scotty et moi passons la nuit chez Yann, après un repas sur le pouce de re bienvenue en Suisse.
Le lendemain, tout le monde revient sur les lieux du crime et nous travaillons comme des fous. Mais c’est décourageant: plus de 4000 livres en cartons remplissent complètement le bureau et la plupart des pièces, et l’appartement doit être désinfecté. Les lieux ressemblent à une ruche bourdonnante…
Aurore filme… pour ceux qui sont restés là-bas, elle filme… Et moi je pense à Stéphane qui n’aimera pas ce qu’il verra.
Le vendredi soir, chez Yann, nous sommes trois à prendre nos guitares pour offrir à mes anges de St Molf un concert improvisé.
Le samedi matin, lorsque Fred et Aurore reprennent la route, j’éprouve une douleur indescriptible. Nous nous sommes vus chaque jour pendant six mois, avons traversé les pires moments ensemble. Jamais ni eux ni mes anges gardiens de là-bas ne m’ont lâché la main. Ils ont été présents à mes côtés, forts et tendres, toujours… Et là, ils partent… c’est une souffrance.. une grande souffrance… même si je sais que je retournerai à St Molf en octobre déjà.
Eric, les enfants (dont Magaly!) et Sonia font bloc autour de moi. Nous travaillons beaucoup. Le soir, chez Sonia, je retrouve l’un de mes amis, Dominique. Un bon nounours qui est resté en filigrane de mon existence durant tout ce temps, par MSN. Il m’a fait un gâteau glacé de bienvenue, en bon boulanger-pâtissier qu’il est…
Le soir, je décide de passer ma première nuit seule dans l’appartement. Enfin… avec Scotty. Rien n’est en place, c’est angoissant, triste, mais je sais qu’il le faut. J’ai besoin de me retrouver, de mettre de l’ordre dans mes idées, dans mes sentiments, dans mes émotions.
Durant tous ces jours, fidèle lui aussi, mon visiteur des étoiles me retrouve chaque soir, et parfois dans la journée. Il m’empêche de vaciller trop, m’aide à supporter mes nuits, à apprendre un nouvel équilibre.
Quelques jours plus tard, il va me forcer à voir Alain tel qu’il est, en produisant sur moi un véritable électrochoc. Ses arguments sont du type massue, mais il trouve les mots justes. Je sais qu’il a raison… tout le monde me le dit. Je n’ai qu’une réserve. L’homme que j’aime ne ressemble pas à l’homme que je vois depuis trois mois.
Je reste en contact quasi permanent avec mon Triangle d’Or. Mais hier soir, c’était la première fois que je reparlais à mon bon géant depuis longtemps. C’est à lui que je dis aujourd’hui que si le Triangle est un peu « sonné » en ce moment, il est toujours là. Ne glisse pas. Je suis là. Et n’oublie pas que tes véritables amis s’appellent Véro, Fred, Béa, Thierry… et pas Mister B. B.!
Il me reste des milliers de choses à faire. Certaines plus importantes que d’autres.
Mais Ecriplume reprend vie. Il faudra cependant attendre samedi pour le prochain texte, si tout va bien.
Encore un mot pour tous ceux qui ont mis des messages à propos de l’interview de Julos Beaucarne: merci, du fond du coeur… Il mérite largement vos réactions, et bien plus encore…
Martine Bernier