Archive pour mai, 2011

Vous avez dit Gérard?!

11 mai, 2011

Aujourd’hui était un jour un peu redouté: celui où, pour la première fois, je devais me rendre chez le néphrologue.
Je connais l’enjeu: c’est ce médecin qui va tout mettre en oeuvre pour m’offrir une vie à peu près normale.
Direction l’hôpital, donc, où, au bout de quelques minutes d’attente, un immense bonhomme en blanc est venu me chercher.
Jovial, drôle, plein d’humour: le contact s’est installé immédiatement entre nous.
Au bout de quelques instants d’entretien, alors qu’il me posait des questions sur mon passé médical, la conversation a pris une tournure inattendue:

- Et vous avez donné un prénom à votre rein malade??
- Oui, depuis que j’ai dix ans. J’avais envie de personnaliser nos contacts!
- Comment l’avez-vous appelé?
- Gérard.
- Non?! C’est la meilleure! Je n’y crois pas!!!

Il riait tellement que j’ai eu un doute:
- Ne me dites pas que…
- Si!!!
- Vous vous appelez Gérard???
- Oui!!

Je me suis demandé comment j’allais bien pouvoir me sortir de ce mini pétrin.
Je n’avais pas envie de vexer mon futur sauveur avant même qu’il ne m’ait soignée!

- Heu…. Et bien il semble évident que vous êtes faits pour vous entendre!
- C’est certain! Bon, je vais vous prendre la tension. Vous allez voir: les néphrologues sont des experts en hypertension.
- Je n’ai pas d’hypertension.
- Nous allons voir. Ne bougez pas, c’est moi qui viens à vous et qui relève votre manche.

Il s’assied à côté de moi, installe son matériel et, tandis qu’il procède, il s’appuie sur ma cuisse en m’expliquant:
- Excusez-moi, mais c’est la position la plus confortable. Une de mes patientes m’a un jour dit: « Mais docteur, comment voulez-vous que je ne sois pas hypertendue alors que vous avez votre main sur ma cuisse? ». Donc, excusez-moi!

J’ai coulé un petit regard vers lui et lui ai dédié un sourire un chouillat amusé:
- Pas de souci. J’ai beaucoup vécu.

L’examen s’est déroulé dans une bonne humeur que même l’annonce de la nouvelle batterie d’analyses qui m’attend n’a pas réussi à assombrir.
- Venez, je vous accompagne au labo pour vous donner le matériel.
- Mais… et les autres patients qui vous attendent?
- Nous allons passer devant la salle d’attente, et vous verrez qu’ils ne diront rien!

En effet, il salue chaleureusement les deux hommes qui font semblant de ne pas trouver le temps long, et me précède à l’ascenseur.
- Vous voyez! Bon, notez qu’ils vont me passer un savon quans je vais remonter!
Cette fois, c’est moi qui ai ri:
- Vous êtes un cas…
- Vous trouvez! Si l’on ne pouvait pas passer de bons moments avec les patients, ce serait d’un triste!
- C’est vrai. Les médecins ont bien changé au cours de ces dernières décennies. C’est presque un plaisir d’être malade!

Et je le pense!

Martine Bernier

« Et maintenant, tu as confiance? »

10 mai, 2011

Je parlais hier, avec un ami, de la confiance.
Cette confiance que j’ai aujourd’hui beaucoup de mal à accorder, tout comme lui, m’expliquait-il.
En deux jours, le thème de la confiance a été abordé à trois reprises, avec trois personnes différentes.
Quelques heures plus tôt, j’avais abordé le sujet avec Celui qui m’accompagne.
Comme il m’interrogeait, je lui ai avoué que ce n’était que depuis très peu de temps que je commençais à être en confiance avec Lui.
Il a été très surpris.
- Depuis quand, exactement?
- Depuis que nous sommes dans notre nouvel appartement, je crois.
- Mais????? Pas avant?
- Non, pas vraiment.
- Pourquoi?
- Tu pouvais filer.

Il a ri.
L’expression l’amusait.

Jour après jour, il me prouve par des actes et non par des mots creux qu’il est là et bien là.
Mais la blessure que j’ai en moi ne guérit pas.
Je suis devenue totalement allergique à une certaine catégorie d’hommes au regard fuyant, fiers d’eux, prétentieux à en être ridicules, aimant se faire plaindre, modifier la vérité à leur façon, se faisant passer pour ce qu’ils ne sont pas, capables de briser, de renier sans remords.
Il ne faudrait jamais faire confiance à quelqu’un qui craint de vous regarder dans les yeux.
Je médite toujours cette phrase de La Rochefoucauld:
« La sincérité est une ouverture de coeur.
On la trouve en fort peu de gens, et celle que l’on voit d’ordinaire n’est qu’une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres. »

Intéressant et malheureusement pertinent…

De là à imaginer que tous les êtres humains sont pareils, c’est un pas que, Dieu merci, je n’ai pas franchi.
Mais la confiance, elle, est devenue une denrée rare que je n’accorde qu’à mes proches.
Parmi eux, mon ami de Bretagne, toujours présent quasi au quotidien.
Hier, il m’envoyait des photos de son nouveau « chez Lui », de ses poules, du mur qu’il construit.
Il me donne des nouvelles de son fils, mon petit compagnon de galère.
L’amitié ne s’explique pas.
Elle est là, solide et chaude, simplement.

- Et maintenant, tu as confiance?
Celui qui m’accompagne est un homme bien.
- De plus en plus, oui.

Il se contente de ma réponse, est paisible.
Ce n’est pas uniquement un combattant.
C’est un bâtisseur.
Chaque jour qui passe embellit notre relation.
Et il y est pour beaucoup.
Il le sait.

Martine Bernier

Délicat Raphaël

9 mai, 2011

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Comme pour tous ceux qui disent n’avoir jamais écouté de musique classique mais qui, pourtant, reconnaissent des morceaux incontournables entendus jusque dans un parking, même les personnes avouant ne rien connaître à la peinture ont vu certaines d’entre elles.
Parmi ces oeuvres , ces anges de Raphaël, qui sont un détail de la Madone Sixtine.

Tous les écrits retrouvés sur ce peintre (1483-1520) parlent de sa belle apparence, de sa courtoisie et de sa bonne conduite.
Raphaël était ainsi: gracieux, aimable et délicat, comme l’était sa peinture.
Il devint ainsi le peintre préféré du pape Jule II qui l’envoya à Rome pour décorer ses appartements.
Il y a réalisé des oeuvres de génie.
Les commandes pontificales sont, dès ce moment, devenues le coeur de son activité.
Parmi elles, la « Madone Sixtine », commandée pour en faire don au couvent de la ville de Plaisance, qui avait prêté allégeance à la papauté.
Avec son art consommé à maîtriser les lignes du dessin, Raphaël a peint ces angelots aujourd’hui célébrissime.
Ils semblent s’être échappés des nuages…
Leur présence apporte à l’oeuvre une touche de douce légèreté.
Mais cette oeuvre, au fond… l’avez-vous déjà vue au complet?
Les anges sont si célèbres qu’ils ornent aujourd’hui des éléments de décorations, des objets usuels, des cartes postales.
La Madone, elle, est moins connue.
Rendons à Raphaël ce qui lui appartient: voici les anges dans leur contexte…
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Martine Bernier

Les jardins suspendus

8 mai, 2011

Il n’aura pas fallu 15 jours pour que la terrasse de notre nouveau nid soit transformée en mini reproduction des Jardins Suspendus de Babylone.
Celui qui m’accompagne a le même amour que moi pour les plantes et les fleurs.
En un temps record, tomates, herbes aromatiques, et fleurs de toutes sortes se sont retrouvées installées au soleil de ce lumineux coin de Suisse entouré de montagnes.
La journée crémaillère de ce samedi, couplée avec la Fête des Mères helvétique, a encore contribué à augmenter le cheptel fleuri.
Ce matin, alors que Celui qui m’accompagne dormait encore, je suis allée avec Pomme retrouver nos plantations.
D’entrée, j’ai été captée par les senteurs qui flottent désormais sur la terrasse.
Les différents parfums de fleurs, les effluves de citronnelle et de lavande, de thym, de laurier, de basilic, de menthe…
Les multiples couleurs, vagues rouges, roses, violettes, blanches…
Le petit bougainvillier qui fleurit déjà…
Le tout donne un aspect exubérant et doux à cet endroit où nous aimons nous retrouver.

Un week-end parfait, encore…
Un rendez-vous d’amitié et de tendresse, et les phrases des enfants devenus adultes.
Des phrases qui me remuent le coeur.
Jee, notre Fleur d’Asie, est désormais totalement intégrée dans la famille.
Nous avons l’impression qu’elle en a toujours fait partie…
Chacun et chacune a sa place.
Samedi, je les regardais, tous, y compris les amis qui se sont joints à nous.
Et je me disais que le bonheur, si fugitif, est niché dans ces moments privilégiés, ces moments de grâce.

Martine Bernier

Un repas au Pays des Merveilles

7 mai, 2011

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A Tokyo, le conte de Lewis Carroll, « Alice au Pays des Merveilles », a des adeptes.
Un restaurant de la ville lui a dédié sa décoration, et fait un tabac.
Et pour cause: c’est phénoménal.
Il a été créé par le studio « Fantastic Design Works Co », et joue sur les différences d’échelle entre les éléments tout en respectant les décors de l’histoire illustrée par John Tenniel

Vous vous retrouvez ainsi dans une bibliothèque aux livres géants, ou dans le fameux labyrinthe.
Rien que pour les livres géants, j’irais bien passer une soirée à Tokyo, tiens…

Martine Bernier

Bichon havanais: Pomme et le soupir

6 mai, 2011

J’étais plongée dans un travail non pas difficile mais ardu.
Et, comme à mon habitude, quand je suis sur un sujet prenant, je soupire à chaque complication.
Certains vont prendre un café, d’autres grognent, d’autres abandonnent…
Pour ma part, je m’accroche, mais je m’autorise ces soupirs dont je n’ai d’ailleurs pas conscience, la plupart du temps.

Je soupirais donc discrètement lorsque quelqu’un m’a répondu.
Venu de dessous mon bureau, un long et énorme soupir a répondu au mien.
Je me suis baissée, pour tomber nez à truffe avec Pomme, mon Mogwaï, que j’empêchais visiblement de dormir.
J’ai souri et je me suis remise au travail.
Dix minutes plus tard, stressée par ce travail compliqué pour lequel j’avais un délai court, j’ai re soupiré.
Aussi ré imitée par Pomme.

- Mais… tu te moques de moi où tu étudies de b.a-BA de l’empathie?

Ravie de pouvoir entamer la conversation, elle émerge des profondeurs se dresse sur ses pattes arrières, pose les pattes de devant sur moi et s’étire en m’adressant un large sourire.

-J’ai compris. Tu veux sortir? Viens, nous allons chercher le courrier. Tu pourras courir sur la pelouse, cela te dégourdira les pattes.

Trois minutes plus tard, je relève le courrier lorsque je vois Pomme filer comme une bombe à travers le jardin, traverser la place de parking et filer après un chat de l’autre côté de la route où heureusement, il ne passait aucune voiture.
Un premier rappel de ma part reste sans résultat.
A la troisième tentative, elle revient, penaude, et me suit dans la maison.
Je la tance d’importance en essayant de ne pas rire.
Son air piteux ferait fondre une banquise.

De retour dans l’appartement, je me remets au travail.
Quelques instants plus tard, un immense soupir m’arrive, de dessous mon bureau…

Martine Bernier

Rajeunissement garanti

5 mai, 2011

Il fallait y penser.
Le site Exploratium se propose de calculer l’âge que vous auriez si vous viviez sur une autre planète, comme Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune ou Pluton.

Etant donné la vitesse de rotation de chaque planète, plus ou moins rapide, cet âge peut subir d’importantes modifications.
Si, si.
La preuve: 30 ans sur Terre correspondent à 0,18 années sur Pluton
Comme fontaine de Jouvence , il est difficile de faire mieux.
Notez que, sur Mercure, 30 ans terrestres correspondent à 124,8 ans.
C’est beaucoup moins bien.

Une « année » correspond à la durée que met la planète à faire le tour du soleil sur son axe de révolution. Plus la planète est éloignée du soleil, plus la durée de sa révolution autour de l’astre est longue, et plus la durée de l’année qui lui correspond est étendue.
Bref.
Jeunes futurs Plutoniens, donc, vous n’avez plus qu’à attendre la création d’un autre site proposant des charters de déménagement vers la planète de votre choix!

Martine Bernier

L’énigmatique « Ménines » de Velazquez

4 mai, 2011

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Ne passez pas devant un tableau sans le regarder vraiment.
Il arrive que certains d’entre eux soient de véritables énigmes.
Comme « Les Ménines », que Diego Velazquez (1599-1660) a peint quelques années avant sa mort, et que vous pouvez voir au musée du Prado, à Madrid.
Il est considéré comme le plus complexe et le plus mystérieux de ses portraits.
Lui qui fut le peintre officiel de la cour de Philippe IV d’Espagne a représenté la fille du roi, l’infante Marguerite, âgée de cinq ans.
Elle se trouve au milieu de la scène, entourée de ses demoiselles d’honneur appelées les ménines.
Simple?
Non.
Le peintre s’est livré à un jeu trompeur avec la perception que nous pouvons avoir de son tableau et des relations entre les personnages.
Lui même s’est représenté à gauche, peignant une grande toile.
Mas il n’y peint pas l’infante puisqu’il se trouve derrière elle.
Qui peint-il, dans ce cas?
La réponse se trouve dans le miroir placé au fond de la pièce: il reflète le roi et la reine, posant pour lui… et occupant la place des spectateurs que nous sommes.
Leur fille n’est entrée dans la pièce que pour les regarder.
Ce tableau est d’une intelligence et d’une complexité sidérantes.
Et est pour moi l’une des démonstrations de la richesse des toiles de ce siècle…

Martine Bernier

Les célèbres recalés de l’édition

3 mai, 2011

La maison Gallimard fête cette année ses cent ans.
Cent ans de livres… avec quelques belles erreurs, rattrapées d’extrême justesse.
Deux exemples:

- En 1912, Marcel Proust, alors jeune écrivain, propose le manuscrit « Du côté de chez Swann » à NRF, la maison d’édition fondée l’année précédente par Gaston Gallimard et un groupe d’amis.
Manque de chance: André Gide ouvre l’ouvrage… et tombe sur le pire.
A la page 62 il est assommé par une description d’une longueur interminable concernant une infusion de camomille.
Deux pages plus loin, il découvre la tante Léonie « qui semble avoir des vertèbres sur le front ».
L’expérience lui suffit: le manuscrit est renvoyé à son auteur qui le fait paraître à compte d’auteur chez Grasset, en 1913.
Et là, ô horreur, l’équipe Gallimard réalise qu’il a commis une belle erreur, « la pire de la NRF », reconnaît Gide dans une lettre qu’il adresse à Proust..
Pour récupérer l’auteur, Gallimard lui propose de le mensualiser, grande première dans le milieu de l’édition, au tarif de 2500 francs (soit 3500 euros actuels).
Proust range son orgueil et accepte la proposition.

- Le 28 août 1966, un autre romand est proposé à la maison d’édition, par k’agene Bradley.
Son nom? « Gone with the Wind », qui deviendra, en français, « Autant en emporte le vent », de Margaret Mitchell.
sur la fiche de lecture, on peut lire que Ramon Fernandez avait écrit: « Il ne me paraît pas opportun de publier un roman historique sur la guerre civile américaine. D’autant que le livre est très gros. »
Le roman est donc refusé en octobre, et c’est achète qui en rachète les droits.
Par chance, Gallimard a un contact avec une baronne amie de l’auteure, qui a lu l’ouvrage.
Il arrive à la dernière minute à récupérer les droits et à faire paraître cet ouvrage… qui sera vendu à 385 000 exemplaires et assurera la fortune de sa maison.

Parmi les autres ouvrages refusés et récupérés, il y a notamment « Ulysse », de James Joyce (considéré comme « un vain bavardage » par Jacques Rivière, et pulvérisé par Paul Claudel qui dira du livre de « l’immonde Joyce » qu’il est « affligé d’une absence de talent vraiment diabolique ».

Martine Bernier

A lire:
- L’article du numéro 3120 de l’Express consacré au sujet.
- Le catalogue Gallimard 1911-2011 (jusqu’au 3 juillet 2011)
- « Cher Monsieur Queneau. Dans l’Antichambre des recalés de l’écriture », Dominique Charnay, Denoël

Dans la nuit

2 mai, 2011

Le réveil sonne en pleine nuit.
Je l’avais presque oublié…
Celui qui m’accompagne se lève.
Je le suis de peu.
Dix minutes plus tard, Il partait.
Après ces quinze jours parfaits, ce départ a été plus difficile encore que les précédents.
Mais nous avons franchi une nouvelle étape.
Dans notre nouveau nid, je mets en place le quotidien qui aboutira bientôt à son installation définitive.

Impossible de me rendormir.
Je lis, je vois les nouvelles sur Internet.
Le président Obama annonce la mort de Ben Laden.
Et une partie du monde se réjouit.
Cette liesse me laisse une impression de malaise.
Le terrorisme a plusieurs têtes… comment réagiront les autres?
Ces manifestations de joie à l’annonce de cette mort ne peut que décupler la haine de ceux qui détestent déjà l’Occident.

Pomme est triste.
Ces deux semaines ont été trépidantes.
Elle a vu beaucoup de monde, a vécu avec plusieurs personnes et un chien.
Aujourd’hui, elle voit partir cet homme auquel elle s’est attachée, avec lequel elle vit des moments étonnants, et se retrouve seule avec moi.
Mon Mogwaï déprime…

Le jour se lève.
La lumière envahit l’appartement.
Sur la terrasse, les fleurs qu’Il a plantées s’ouvrent.
Les parfums de fleurs et d’herbes aromatiques se mélangent.
Il a travaillé comme un fou ces derniers jours, pour faire de l’appartement un nid douillet où je me sentirais bien à chacun de ses départs.
Il a soigné tous les détails, n’a rien laissé d’inachevé.
A fait en sorte que je vive dans un appartement parfaitement fini.
Impossible d’imaginer que nous venons à peine d’y poser nos valises.

J’emmène Pomme en promenade dans des senteurs de muguet.
Les iris et les pivoines sont en fleurs ou en boutons.
Il me manque.
Dans quelques mois, Il ne partira plus.

Martine Bernier

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